Jean Nougaret le Languedocien (1939-2013) Hommages a sa mémoire
Jean Nougaret le Languedocien
(1939-2013) Hommages a sa mémoire
Danielle BERTRAND-FABRE *, Henri MICHEL **, Sylvain OLIVIER ***
* Chercheur associé EA 4424 CRISES, Université Montpellier III, membre de l’Académie de Nîmes
** Professeur émérite d’histoire moderne EA 4424 CRISES, Université Montpellier III
***Maître de conférences en histoire moderne EA 7352 CHROME, Université de Nîmes.
Hommage à Jean Nougaret
[ Texte intégral ]
Présentation
Il y aura bientôt trois ans que Jean Nougaret nous a quittés. Parmi ses nombreux amis, l’émotion et la tristesse de sa disparition demeurent profondes. Plusieurs associations lui ont rendu hommage dans l’année qui a suivi son décès, comme la Société archéologique a pu le faire à Montpellier à l’initiative de son président, ainsi que la revue Études héraultaises dans ses colonnes. Les membres du comité de rédaction de la revue ont unanimement accepté la proposition de leur directeur, Christian Guiraud, de consacrer un numéro de cette revue à la mémoire de notre ami. En effet, ils n’ignorent pas qu’il a été l’un des pères fondateurs des Études sur Pézenas et sa région qui préfiguraient la revue actuelle. Ils savent qu’il en était devenu le directeur en 1988 et qu’il l’est resté, sans ménager sa peine, jusqu’à sa démission en 2013, pour raison de santé. Tous sont convaincus que si la publication de la revue a pu se poursuivre jusqu’à aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à lui. Certes, cet hommage n’échappe pas totalement aux défauts inhérents à ce genre d’ouvrages. Il a été difficile d’éviter des répétitions dans la mesure où les auteurs ont souvent tenu à exprimer personnellement leur estime et leur reconnaissance. De même, il n’a pas été possible de faire écho, par des contributions particulières, à tous les domaines sur lesquels l’auteur de Montpellier monumental a mis sa marque. Malgré ces limites, les pages qui suivent entendent exprimer avec force ce qu’a représenté Jean Nougaret pour tous ceux et celles qui l’ont connu et offrir aux autres la possibilité de prendre la mesure de sa profonde humanité et de sa très riche œuvre, centrée sur la région qu’il aimait parcourir, le Languedoc.
L’ouvrage rassemble près d’une trentaine de textes d’une grande diversité apparente. Sans prétendre à l’exhaustivité, la bibliographie de près de deux cents titres qui le clôt montre, par sa longueur, l’activité soutenue de notre ami. Certains articles sont dus à la première génération de ses amis, ceux dont il avait fait la connaissance dès le début de la décennie 1960-1969, tels André Burgos, disparu brutalement l’été dernier, Michel Christol, Jean-Claude Richard Ralite et Louis Secondy. Il était alors étudiant à la faculté des Lettres de Montpellier (fig. 1). D’autres articles sont signés par une deuxième génération, dont ses étudiants à l’Université Paul-Valéry Montpellier III. D’autres encore le sont par ses collègues – comme Francine Arnal, Thierry Lochard et Jean-Louis Vayssettes – de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, service qu’il a personnalisé en tant que Secrétaire pendant douze années de 1970 à 1982. S’ajoutent de nouveaux collègues de l’Inventaire et, plus largement, de diverses institutions liées à l’étude et à la défense du patrimoine régional, comme Agnès Bergeret, Laurent Hugues et Hélène Palouzié, ainsi que des collaborateurs plus récents des Études comme Danielle Bertrand-Fabre et Sylvain Olivier. Enfin, parmi ceux qui ont répondu favorablement à l’invitation des Études héraultaises à participer à cet hommage, figurent les représentants d’associations et sociétés savantes dont il était proche, Monique Bourin, Jean Hilaire, Jérôme et Paul Ivorra, Claude Lamboley et André Nos.
À cette diversité des collaborateurs répond celle des sujets traités dans les pages qui suivent. Certaines contributions se fondent sur des souvenirs personnels. Les unes se rapportent aux années d’études communes en faculté, auxquelles fait allusion Marie-Claude Dupin-Valaison, ou aux chantiers de fouilles archéologiques auxquels Jean était particulièrement attaché, comme celui de Notre-Dame de Grâce à Sérignan. On en trouve l’écho dans les trois lettres adressées à André Burgos, que ce dernier avait choisies, peu avant son décès, pour témoigner de leur vieille amitié. Certaines répondent à la volonté de leurs auteurs d’exprimer d’abord leur reconnaissance. Ainsi, Danielle Bertrand-Fabre rappelle que c’est Jean Nougaret qui lui a ouvert la porte de l’Entente bibliophile à Montpellier, installée alors à la tour de la Babote, pour qu’elle puisse y étudier, en vue de la préparation de sa thèse, le portrait de l’abbé Fabre par Jean Coustou (1765). Quelques autres entendent souligner la place importante qu’a occupée notre ami dans le cadre du ministère de la Culture et au sein d’associations culturelles de la région.
Toutefois, les textes les plus nombreux relèvent, sous des formes diverses, des domaines sur lesquels Jean Nougaret a travaillé et publié et auxquels il n’a cessé de porter une grande attention. Tantôt, il s’agit de la publication de sources manuscrites comme celle, établie par Julien Duvaux, des trois autographes de Molière conservés aux Archives départementales de l’Hérault. Tantôt, il est question d’un commentaire original de textes déjà publiés en rapport avec la vie et l’œuvre de Jean, telle l’étude par Sylvain Olivier des mémoires de Jean de Plantavit de La Pause, un noble languedocien, qui renseignent sur l’histoire de la région de Pézenas. Henri Barthés nous montre pour sa part que le cartulaire de Valmagne ne documente que peu le passé de cette dernière ville.
Parfois, c’est la présentation des résultats d’une enquête érudite renouvelant un sujet qui n’aurait pas laissé indifférent Jean. Telle est celle de Jean-Pierre Suau sur « Les peintures murales de l’oratoire de Pierre de Montbrun dans la chapelle du Palais-Vieux des archevêques de Narbonne (vers 1280) ». D’autres, enfin, préfèrent analyser des documents iconographiques parfois inédits. Julien Coppier présente ainsi une vue de Montpellier datée de 1832 reproduite sur une faïence locale du début du XXe siècle, tandis que Jean-Claude Richard Ralite commente une gravure de cette ville, découverte dans un numéro du Journal de Zittau (Saxe) paru en 1821. Quant à Pierre-Joan Bernard et Denis Nepipvoda, ils ont recours à une photographie prise en 1852 par Henri Bouschet, pour décrire le Quay de Pézenas au milieu du XIXe siècle.
Bien que les auteurs et les sujets traités soient variés, il est possible de regrouper ces différents textes en trois ensembles. Le premier réunit ceux où s’expriment l’amitié et l’estime qui ont personnellement lié leurs auteurs à Jean Nougaret. Dans la seconde partie, se trouvent rassemblés les écrits qui rappellent directement ou indirectement son attachement privilégié et porté de longue date à Pézenas, ainsi qu’à sa région (fig. 2), mais aussi à Montpellier. Dans la dernière sont recueillis les articles consacrés à quelques-uns des thèmes de recherche sur lesquels notre ami a aussi beaucoup travaillé et publié, l’archéologie, l’histoire des arts et le patrimoine. Certaines affectations peuvent paraître néanmoins arbitraires. Malgré leur choix d’un sujet strictement défini, beaucoup d’auteurs ont tenu, en guise de liminaire, à rappeler personnellement les qualités humaines et intellectuelles de notre ami disparu et à reconnaître simplement ce qu’ils lui devaient. Comment, par exemple, parler du patrimoine piscénois sans être allé à sa découverte en sa compagnie ? Comment présenter les principaux plafonds peints languedociens, sans souligner la part qui lui revient dans les débuts de leur étude ? Aussi, page après page et peu à peu, le lecteur découvre qui était Jean, et il comprend pourquoi son souvenir demeure aussi vivant.
Certaines contributions qui composent ces Hommages aident en effet les uns à entretenir les souvenirs qu’ils ont partagés avec Jean Nougaret et les autres à le découvrir « naturel et amical », bref, comme il était. Suivons un instant Louis Secondy qui le décrit « se montrant dans toute sa simplicité » et « en quête de plaisanteries et de bons mots ». C’est incontestablement cette simplicité naturelle qui, toute sa vie, a facilité chez lui l’établissement de liens d’amitié avec autrui, qui s’accompagnaient de signes d’une véritable générosité. Il aimait en effet soutenir les chercheurs qui le consultaient, quel que soit leur âge ou leur rang d’hermine, et il « ne ménageait pas ses conseils dans des correspondances régulières, quitte à se déplacer au cas où un élément nouveau se faisait jour » (Jérôme et Paul Ivorra). Qu’il s’agisse d’une conférence à prononcer, d’une visite à organiser ou un article à rédiger, il répondait favorablement à de telles sollicitations. Les Amis de Pézenas comme ceux du Musée Languedocien à Montpellier, par exemple, lui en gardent reconnaissance, de même les rédactions de revues comme Les Vieilles Maisons françaises à laquelle il donna plusieurs articles. Comment ne pas faire sien le jugement de Claude Lamboley, au nom des Amis du Musée Languedocien, qui souligne que sa disponibilité naturelle a fait de lui en Languedoc un des meilleurs vulgarisateurs scientifiques dans son sens le plus noble.
Il était un excellent pédagogue parce qu’il était un « savant conférencier, précis, sérieux, compétent, ne laissant pas vraiment apparaître celui qu’il était au quotidien » (Louis Secondy). De fait, tous ceux qui l’ont écouté ou l’ont lu soulignent son sens de la rigueur, particulièrement attentif à « l’exactitude des faits » qu’il avançait (J. et P. Ivorra). Il luttait contre l’approximation à laquelle il préférait une sûre et précise information, comme le lui avaient enseigné ses maîtres en histoire de l’art, domaine pour lequel il a eu toute sa vie une véritable passion.
Il aimait en effet cette discipline, sous tous ses aspects. Ce n’est pas un hasard si Guilhem Beugnon et Hans Steinhaus ont consacré de belles pages à « Jean-François L’épine et François Bedos de Celles. Parcours croisés de deux facteurs d’orgues languedociens ». De même, aucune époque ne le laissait indifférent, bien qu’il ait pu donner au début de ses recherches l’impression que l’architecture religieuse romane, comme l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert, (fig. 3) et l’art académique du XIXe siècle avaient ses faveurs. Mais, au fil du temps, est apparu un large intérêt qui allait du Maître de Cabestany à Paul Dardé. Dans l’exercice des nombreuses fonctions qu’il a occupées, il a consacré beaucoup de temps à trois d’entre elles malgré leur nature différente. Il s’agit tout d’abord de l’Inventaire, où il a effectué toute sa carrière. Il la commence en 1968 comme agent contractuel et il l’achève en 2003 comme conservateur en chef du patrimoine. Au cours de ces trente-quatre ans, il occupe des postes importants comme, de 1970 à 1982, celui de Secrétaire de la commission régionale d’Inventaire du Languedoc-Roussillon. On lui doit la réussite du développement dans la région de ce service qui a contribué rapidement à une meilleure connaissance du patrimoine du Languedoc-Roussillon et apporté une aide précieuse à plus d’un chercheur. Par la suite, il reste attaché à l’Inventaire jusqu’à sa retraite. Il est alors depuis 1990 conservateur en chef du patrimoine. Francine Arnal, qui lui a succédé comme Secrétaire de la commission, a participé à l’hommage organisé le 14 décembre 2014 à la Société archéologique de Montpellier. Son émouvante allocution est reproduite dans la première partie de cet ouvrage.
Par ailleurs, Jean Nougaret assume les fonctions de secrétaire général de la Société archéologique de Montpellier dont il est élu membre résident dès 1973. Presque sans discontinuer, il exerce cette responsabilité sous différents présidents, dont son maître Jean Claparède, puis Jean Combes, Guy Romestan et Laurent Deguara. Il lui fallait organiser des réunions, soit hebdomadaires comme celles du bureau, soit plus irrégulières, comme celles des assemblées plénières des membres. Il devait aussi établir le calendrier des conférences publiques, surveiller l’entretien de l’hôtel des Trésoriers de France et assurer la conservation des précieuses collections.
Il acceptait de faire des exposés pour diverses institutions et s’est impliqué dans plusieurs publications périodiques, pendant presque un demi-siècle, depuis la parution des premiers numéros des Études sur Pézenas et sa région – créées en 1970 avec l’appui des Amis de Pézenas – jusqu’aux Études héraultaises, soutenues par le Conseil général de l’Hérault. Cette activité éditoriale a commencé aux côtés de Michel Christol et de Claude Alberge, lui aussi disparu à la fin de l’année 2013. Il a suivi toutes les étapes de l’évolution du périodique, d’abord en tant que membre du comité de rédaction, ensuite, à partir de 1988, en tant que directeur, succédant à Michel Christol qui avait réussi à étendre l’audience de la revue. Sa tâche tendait à s’alourdir et il a pu compter sur le concours d’amis comme Jean-Claude Richard Ralite et Alain Riols, parmi beaucoup d’autres qui l’entouraient au comité de rédaction de la revue. Il devait veiller à trouver des auteurs d’articles de qualité, se soucier de l’élargissement thématique des rubriques et surveiller constamment la situation financière. Seul un homme de son énergie et de sa ténacité pouvait faire face à ces lourdes fonctions et occupations d’autant qu’il était membre de plusieurs autres institutions et associations. En 1969, il est nommé conservateur bénévole du musée Vulliod Saint-Germain à Pézenas et il le demeure jusqu’en 1976. Peu après et pour plusieurs décennies, il devient membre de la commission diocésaine d’Art sacré, où il œuvre avec le Père Michel Bertès, et de l’Entente bibliophile de Montpellier, dont il assume le secrétariat à partir de 1982. De 1984 à 1988, il est chargé de cours d’initiation à l’iconographie médiévale à l’Université Paul-Valéry Montpellier III ; et en 1991, il collabore à la Maîtrise des sciences et techniques du patrimoine dela même université. À ces divers engagements, s’ajoute la responsabilité de conservateur des antiquités et objets d’art de l’Hérault dont il est chargé de 1993 à 2002. Enfin, plusieurs sociétés font appel à lui en raison de ses compétences. C’est ainsi qu’en 2005, l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier l’élit au fauteuil du préfet Robert Poujol dont il prononce l’éloge en 2007. Au nom de cette société, Jean Hilaire rappelle combien l’influence de Jean Claparède a marqué Jean Nougaret, mais il souligne encore les qualités humaines de celui-ci : « un confrère très présent, toujours discret et affable qui attirait la sympathie et l’amitié ». Ces qualités ont aussi joué dans son élection, en 2008, comme membre correspondant de la Société nationale des Antiquaires de France.
S’efforcer de saisir qui a été Jean Nougaret ne peut se réduire à rappeler qu’il était, pour nous tous, un homme et un chercheur aux nombreuses qualités, et à reconstituer son parcours intellectuel. La biobibliographie permet, malgré sa sécheresse chronologique, d’en scander les principales étapes et inflexions. Madame Simone Nougaret et ses proches ont accepté avec bienveillance d’apporter des réponses à nos questions et ont fait connaître d’autres pans de ses activités, permettant ainsi de compléter l’éloge prononcé en mars 2016 par Jean-Marie Rouvier, son successeur à l’Académie.
Bien avant de devenir un maillon essentiel de l’Inventaire et plus largement de la Direction régionale des Affaires culturelles du Languedoc-Roussillon, Jean n’était pas à vingt ans seulement un excellent étudiant qui suivait le cours d’Hubert Gallet de Santerre, professeur lumineux d’histoire de l’art antique et d’archéologie, et de Jean Claparède, fin connaisseur des XVIIIe et XIXe siècles. Il était aussi un jeune homme cultivé et curieux de toutes les formes de l’art. Rien ne le montre mieux que les articles qu’il a donnés entre 1960 et 1963 dans Vision sur les Arts, seule grande revue culturelle régionale au début de la seconde moitié du siècle dernier. Laurent Félix les a relus et montre que pour son âge, il faisait preuve de sensibilité et d’originalité de goût, révélant sa familiarité avec les œuvres majeures du répertoire théâtral et des grands courants artistiques, anciens et contemporains. Jean Nougaret pouvait rendre compte avec précision, et parfois avec humeur, d’une exposition parisienne sur la peinture de la fin du XVIIIe siècle comme d’un festival de théâtre en 1960 à Carcassonne. Il se montrait à l’aise pour regretter que les représentations occitanes ne laissaient pas assez de place « à la poésie, à la musique, aux légendes et aux contes, voire au passé ». Mais il s’empressait de reconnaître les talents de deux jeunes comédiens, « figures majeures du Théâtre national populaire de Jean Vilar », Jean Deschamps et Daniel Sorano. Il remarquait chez le premier « le sens du grand théâtre » et, pour le second, « son jeu débridé et la légèreté étudiée de sa mise en scène ». Très vite, cependant, il cessait de se poser en témoin sans complexe de l’activité théâtrale et artistique pour se consacrer de plus en plus à l’archéologie et à l’histoire de l’art médiéval, avant de participer à la vie de plusieurs structures dont l’histoire est ici rappelée dans plusieurs contributions.
Ce volume d’hommages donne en effet l’occasion à certains de ses anciens collègues de préciser les conditions dans lesquelles se sont mises en place quelques-unes des institutions qu’il a servies. C’est le cas d’Hélène Palouzié, Laurent Hugues et Olivier Poisson qui rappellent la création, à la suite de la séparation des églises et de l’état, de la fonction de conservateur des antiquités et objets d’art que Jean Nougaret a remplie de 1993 à 2003, après le décès de Robert Saint-Jean.
Ils soulignent le rôle de Paul-Franz Marcou, l’un des principaux inventeurs de la protection des œuvres d’art au titre des Monuments historiques. Ils montrent comment les prédécesseurs de Jean Nougaret ont rempli leur mission dans le département de l’Hérault, notamment en 1909 à l’occasion de la remise des meubles de l’évêché à l’université, ou de celle de neuf tableaux du Grand Séminaire aux Archives départementales, après le refus du musée de Montpellier de les recevoir. Quant à Marie-Claude Dupin-Valaison, elle fait connaître l’intérêt de Jean Nougaret pour la création du Pays d’Art et d’Histoire Transfrontalier les Vallées Catalanes du Tech et du Ter.
Enfin quelques études témoignent que des domaines auxquels il avait consacré une partie de sa vie font toujours l’objet de recherches. L’une se rapporte à des fouilles qui montrent la vitalité de l’archéologie médiévale. Agnès Bergeret et ses coéquipiers expliquent en effet comment ils sont parvenus à suivre la formation du quartier canonial de Lodève, à la faveur de fouilles rigoureuses et de recherches en archives. Quant à Danièle Iancu-Agou, elle rappelle les principaux moments des fouilles réalisées à Montpellier autour du mikvé depuis sa restauration en 1985 et surtout depuis l’acquisition par la ville en 1995 de tout l’immeuble où il se trouve au n° 1 de la rue de la Barralerie. Elle présente leurs résultats et exprime l’espoir de leur poursuite. Jean Nougaret s’intéressait aussi aux archives notariées. Raluca Boangiu prolonge cette piste en étudiant l’intérieur d’une famille d’apothicaires montpelliérains du XVIIe siècle, les Anchies. Thierry Lochard et Jean-Louis Vayssettes ne négligent pas l’archéologie, mais ils sont plus attentifs à l’examen des façades médiévales aujourd’hui encore conservées et, eux aussi, à l’exploitation des actes des notaires, avec la volonté de réintégrer des exemples particuliers dans une vision plus générale de l’urbanisme montpelliérain. Ils se situent dans la tradition illustrée par Jean Nougaret qui s’était intéressé très tôt aux questions urbaines (fig. 4). Pensons aussi au début du titre de sa thèse, Pézenas. Évolution urbaine et architecturale…
Un autre domaine qu’a aimé fréquenter notre ami, les arts picturaux médiévaux dans le Midi, n’est pas en déshérence, grâce au commentaire de Jean-Pierre Suau pour Narbonne, fondé sur la connaissance des livres liturgiques du siècle de Saint Louis. Il éclaire les relations entre l’architecture de l’oratoire de Pierre de Montbrun et les illustrations du canon de la messe. Il renouvelle notre connaissance de ce sujet auquel Jean Nougaret avait en 1994 consacré, avec le concours de Myriam Sirventon, un colloque à Narbonne. Monique Bourin signale quant à elle des trouvailles régulières de nouveaux spécimens de plafonds peints médiévaux. Ces œuvres d’art longtemps délaissées sont mises depuis peu sous les projecteurs de la recherche par une équipe de spécialistes, au sein de laquelle Jean s’était investi. De même, le catalogue des œuvres d’Alexandre Cabanel, dont il avait établi dès 1962 le premier état dans son diplôme d’études supérieures (DES), ne cesse de s’enrichir. Michel Hilaire le montre en présentant deux tableaux récemment acquis par le musée Fabre dont il est le directeur, Michel-Ange dans son atelier visité par Jules II et Portrait d’un jeune artiste.
Par différents chemins, ce volume rend compte de la vie de notre ami. Il évoque certains traits de son caractère, il rappelle ses principales fonctions et il signale des indices de l’émergence des principaux thèmes qui nourrissent ses nombreuses publications. À sa lecture, se fait jour une espérance. Les auteurs de ces Hommages sont en effet animés par la volonté de maintenir entre eux et autour d’eux cet esprit de cordialité et de disponibilité qu’a incarné Jean Nougaret. Ils souhaitent que se poursuivent les chantiers dans lesquels notre ami a œuvré. Cet ouvrage, on l’aura compris, a été conçu à la fois comme un témoignage et une promesse, afin de mieux assurer la pérennité de son souvenir.