Jean Nougaret et la Commission Diocésaine d’art sacré
Jean Nougaret et la Commission Diocésaine d’art sacré
* Chanoine, recteur de la basilique Notre-Dame-des-Tables, Montpellier ;
expert consultant de la commission diocésaine d’Art sacré
Hommage à Jean Nougaret
[ Texte intégral ]
Le diocèse de Montpellier et la commission diocésaine d’Art sacré sont heureux d’être associés à l’hommage qui est rendu à Jean Nougaret. Les commissions diocésaines d’Art sacré sont nées au concile Vatican II : « On établira dans chaque diocèse, autant que possible, des commissions […] d’art sacré » (Liturgie n° 46). Elles sont le fruit du renouveau biblique, liturgique et artistique qui a vu le jour en Europe surtout, entre les deux guerres du siècle passé.
L’art est œuvre humaine, expression de talents divers, mais aussi des sentiments de l’auteur et donne à voir bien au-delà, comme on peut le dire d’un symbole… La foi et la prière des chrétiens se sont toujours exprimées en relation avec la culture du pays et du temps, à travers des œuvres d’art, peintures-mosaïques-sculptures et même édifices de culte. On peut alors parler d’Art sacré. Le moine Odon de Cluny n’écrivait-il pas : « La beauté est un pressentiment du ciel » ? On pourrait même dire à l’auteur d’une œuvre d’art ou à la communauté qui l’a commandée, en s’inspirant du texte de l’auteur de la lettre de saint Jacques : « Montre-moi ton œuvre et je te dirai quelle est ta foi ! » Les chrétiens, tout au long des siècles, ont été les principaux demandeurs d’œuvres d’art pour le culte et la prière privée, la décoration d’églises ou de chapelles. Malheureusement, après la Révolution française, soit par nécessité afin de remplacer les œuvres détruites ou spoliées, soit par manque d’argent ou de sens artistique, le lien Église-artistes contemporains s’était distendu. Pour la prière des fidèles ou la décoration des églises, on avait fait appel à ce que l’on a appelé le style Saint-Sulpice. De plus, par nécessité ou par incompétence, les curés de paroisse ou les responsables de communauté religieuse ont vendu des statues, des crucifix ou objets de culte de valeur.
Notre diocèse, comme bien d’autres, a eu ses pionniers, prêtres soucieux du renouveau de la liturgie mais également artistes ou archéologues, comme chez nous le chanoine Joseph Giry, conservateur du musée national d’Ensérune, de 1945 à 1980, et curé du village de Nissan, à qui l’on doit aussi un inventaire des objets d’art et de culte présents dans les églises et chapelles du diocèse, dans les années 1945-1950. Mais, dès la fin du concile de Vatican II, et lui donnant suite, Monseigneur Cyprien Tourel, notre évêque, a institué la commission diocésaine d’Art sacré et en a confié la responsabilité à l’abbé Jean Meinier, curé de Vendargues, musicien et liturge, auquel j’ai succédé à partir de 1970.
Dès cette époque, Jean Nougaret, alors Secrétaire de l’Inventaire régional des richesses artistiques du Languedoc-Roussillon à la DRAC, avait été sollicité et avait accepté d’apporter son concours et ses compétences au travail de cette commission. Les réunions mensuelles se tenaient à l’évêché, parfois sous la présidence de l’évêque, qui lui accordait toute sa confiance et son autorité. En témoigne cette fois où, la commission ayant émis un jugement négatif et s’opposant à la réalisation de vitraux commandés par un curé, pour son église paroissiale – vitraux de mauvais goût qui défiguraient l’édifice du XIVe siècle –, l’évêque refusa d’aller bénir et inaugurer la réalisation, le curé ayant passé outre !
Le secrétaire et des membres de la commission, par des visites et des rencontres sur le terrain avec les curés, maires, architectes ou entrepreneurs, préparaient le travail. Ainsi, avec d’autres membres de la commission, principalement l’abbé Gérard Alzieu, historien et archiviste du diocèse, et le professeur Robert Saint-Jean, son ami, membre à la fois de la Société archéologique, des Amis du Musée Languedocien et de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, nous avons pendant plus de trente ans parcouru le diocèse. Nous avons travaillé à la rénovation des églises, les disposant pour la liturgie nouvelle, protégeant les œuvres d’art, conseillant, formant les prêtres à la connaissance et au respect du riche patrimoine religieux de nos paroisses, par des journées annuelles de visite et de formation, auxquelles participait l’évêque.
Je garde un vif souvenir de nos discussions au sujet de travaux envisagés puis réalisés, notamment pour quatre églises du diocèse, au cours du dernier quart du XXe siècle. Deux correspondent à la restauration et à la mise en valeur de monuments anciens et les deux autres, à la construction d’églises nouvelles. La commission a eu à examiner le projet de l’Américain Robert Morris pour la mise en place de vitraux à la cathédrale de Maguelone, dont la simplicité, pour reprendre la formule de Bernard Rousseaux, exprime parfaitement « ses relations avec le ciel, la mer et la lumière changeante » du lieu. Elle a aussi participé à la préparation de la restauration de l’église Saint-Jean-Baptiste à Castelnau-le-Lez (fig. 1). Elle a soutenu les propositions du peintre François Rouan, d’origine montpelliéraine, de neuf nouveaux vitraux, réalisés en verres plaqués, gravés et peints à la grisaille par l’atelier de Jacques Simon à Reims, ainsi que celles de l’architecte parisien Jean-Michel Wilmotte, pour la plus grande partie du mobilier liturgique, en bois naturel et acier rouillé ciré.
Pour le chantier de nouvelles églises, nos débats ont été également animés. Je pense au choix des vitraux lumineux et chauds, pour l’église Don Bosco à Montpellier, dus à Renée Rauzy et Carlo Roccella (fig. 2). Et encore, bien plus tôt, à la construction de l’église Saint-Augustin dans la nouvelle station balnéaire de La Grande-Motte. C’est à l’architecte Jean Balladur que nous devons cette œuvre originale, pour ne pas dire atypique. Selon ses propres termes, « l’église s’affirme par le signe de la parabole qui ouvre ses branches jusqu’à l’infini pour mieux accueillir dans son foyer tous les destins parallèles des hommes qu’elle embrasse ».
Le travail, cependant, était le plus souvent modeste, demandait beaucoup d’humilité et de patience, afin d’obtenir un accord des responsables et des paroissiens. Jean Nougaret était toujours disponible et dévoué pour des explications et des conférences, dans lesquelles, avec discrétion et délicatesse, il a toujours témoigné de sa foi et de son esprit de service.