Jean Nougaret compagnon de route et de labeur
Jean Nougaret compagnon de route et de labeur
* Docteur en histoire.
Hommage à Jean Nougaret
[ Texte intégral ]
Jean Nougaret avez-vous dit ! Lequel ? Personnellement, j’en ai connu et fréquenté deux, le savant conférencier précis, sérieux, compétent, ne laissant pas vraiment apparaître celui qu’il était au quotidien. Les lecteurs me pardonneront d’en donner une première vision subjective, brève, personnelle, celle de l’homme que j’ai eu l’occasion de fréquenter. Il fut en effet souvent pour moi un compagnon de route au sens strict du mot : ensemble, nous allions côte à côte, tantôt à pied, tantôt en bus ou en tramway en ville, tantôt en voiture dans les lieux où nous appelaient nos rendez-vous communs de travail, vers Sérignan, Mèze, Paulhan ou autres lieux. Le compagnon de route se montrait dans toute sa simplicité. On se racontait des histoires, on évoquait des souvenirs, on égratignait gentiment tel confrère qui ne devait pas s’en douter. Jean aimait ce style partagé qui faisait penser à deux collégiens en quête de plaisanteries et de bons mots. Il aimait en raconter quelques-unes, comme il disait, tout en maniant le volant. À Montpellier, en passant devant telle enseigne où il avait ses habitudes, il entrait dans la boutique pour acheter ses journaux peu classiques et, en me rejoignant, il y allait de quelques commentaires que j’écoutais avec un détachement intérieurement amusé. À la fin de nos rencontres de travail, nous nous retrouvions à la maison et je lui offrais une Suze, un fond de verre qu’il ne prenait jamais qu’avec de l’eau. Ce Jean-là m’est aussi précieux que l’autre, le spécialiste, celui qui me laissa béat d’admiration devant son ouvrage Montpellier monumental.
Le deuxième Jean est celui qui abordait le travail commun ou public lors des cours ou des conférences données souvent de concert. Dans le domaine de la recherche, Jean fut pour moi d’une aide précieuse. Il consentit à écrire la présentation des églises, des abbayes, des écoles dont je rédigeai l’histoire. Je me fiais à sa science qui me rassurait sur l’exactitude des faits rapportés dans un domaine qui n’était pas le mien. Son premier apport à l’un de mes ouvrages fut la présentation de la chapelle Notre-Dame des Sept Douleurs des pénitents de Mèze (1990), dans Le Sac et la Capuche, puis celle de Notre-Dame-des-Vertus de Paulhan dans À visage découvert (1998). On s’attela ensuite à la rédaction d’un opuscule sur l’abbaye de Vignogoul qui permet aujourd’hui encore au public de faire une visite bien informée sur cette église. Pour rendre plus lisible ce texte sans le priver de son vocabulaire propre, il tint à faire figurer dans ce fascicule un glossaire des termes d’architecture.
Sa collaboration dans notre ouvrage rédigé en commun avec Christian Vella sur Montpellier ville de savoir fut exemplaire. Il prit aussi sa part dans l’ouvrage collectif sur la collégiale Notre-Dame de Grâce de Sérignan où nous nous rendîmes souvent, pour travailler en équipe sous la direction de Monique Bourin. Il participa ensuite à la rédaction de l’ouvrage sur l’église Saint-Denis de Montpellier publiée aux éditions de l’Espérou (2008) où il traita des transformations de cette église aux XIXe et XXe siècles. On peut dire que, dans cette célébration du 3e centenaire de l’église de A.Ch. d’Aviler, il fut une des chevilles ouvrières. Lors de la célébration du 400e anniversaire de la naissance des jésuites, Jean fut sollicité pour traiter du sujet suivant : « L’architecture des collèges jésuites en Languedoc-Roussillon ». Le texte de son intervention et les éléments de documentation ont été publiés dans l’ouvrage Les pères et les collèges de la Compagnie de Jésus en Languedoc-Roussillon, Montpellier, Arts et Traditions rurales, 2014.
Les exposés de Jean étaient très précis. En faisant défiler ses diapositives, il ne quittait jamais ses notes des yeux de peur d’oublier quelques points importants ou de dire quelque chose de trop approximatif. Il s’en tenait à une chronologie rigoureuse. Dans ces exercices produits chez les Jésuites à Montpellier, à Notre-Dame des Tables, à Mèze aux Pénitents blancs, à l’église Saint-Denis de Montpellier, à Baillarguet, il faisait preuve d’une parfaite rigueur qui rendait ses exposés un peu sévères, mais parfaitement sûrs. Nos étudiants l’admiraient pour ses exposés.
C’était là l’autre Jean, le professionnel tout à sa tâche. Dans ce domaine, il faisait preuve d’exigences. Il refusait la médiocrité de certains documents et se plaignait parfois de la qualité des reproductions qui selon lui étaient trop ordinaires.
Un homme de grande valeur dans sa science, sans aucun doute, mais aussi un homme plaisant au quotidien. Un exemple d’humanité et d’humanisme, un honnête homme au sens classique du mot, tel fut Jean à mes yeux, à travers nos échanges… Tel il reste.