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Description

In memoriam Le professeur Émile Appolis (1903-1980)

Au début de l’été 1980 disparaissait le professeur Emile Appolis, tandis qu’il s’apprêtait à passer comme chaque année ses vacances dans le Lodévois dont il était originaire. Il y était né, en effet, onze ans avant la Grande Guerre et il ne cessa de lui être fidèle malgré les pérégrinations imposées par sa carrière professionnelle. Après avoir réussi à l’agrégation en 1929, il enseigna d’abord au Lycée de Foix et à celui d’Albi, ensuite à celui de Montpellier. En 1960, il fut nommé professeur à la Faculté des Lettres de Madagascar et quatre ans plus tard à celle de Pau (rattachée à celle de Bordeaux). La bibliographie de ses travaux, qui dépasse largement la centaine de références, porte témoignage non seulement de l’ampleur des recherches qu’il a menées sur son pays et sa province natals, mais encore de son intérêt croissant pour l’histoire religieuse et tout spécialement pour le destin des groupes situés à la périphérie du catholicisme romain, que nous connaissions très mal.

L’histoire du Languedoc et tout particulièrement celle du Lodévois de l’Ancien Régime et des débuts de l’époque contemporaine occupent en effet une place essentielle dans son œuvre. Son premier article, paru, en 1931, dans les Cahiers d’Histoire et d’Archéologie, ne porte-t-il pas sur « les Fédérés lodévois en 1792 » ? Sa dernière publication ne traite-t-elle pas, dans la Revue d’Histoire des Sciences médicales de 1974, du « terrible hiver de 1709 en Bas-Languedoc, d’après le livre de raison du professeur J. H. Haguenot » ? Entre ces deux dates, une bonne quarantaine d’années scandées par la rédaction de près de 50 articles d’histoire languedocienne et d’une trentaine d’histoires lodévoises, sans oublier les huit livres consacrés à l’une ou l’autre.

De cette production massive, il ressort tout d’abord une attention scrupuleuse aux cadres et à l’institution administrative. Sa thèse principale sur le diocèse civil de Lodève au milieu du XVIIIe siècle, soutenue en Sorbonne dès 1949, a été, en effet, précédée et suivie par des articles sur les limites de plusieurs anciens diocèse languedociens. Dans ces travaux érudits, il souligne l’influence relative de la nature et de l’histoire sur la définition de leur tracé successif. Pour E. Appolis, il n’était pas permis d’entreprendre des travaux historiques sans une connaissance préalable, la plus sûre possible, de la géographie administrative de l’aire étudiée. Pensons, un instant, à la manière dont il a corrigé Miss Hyslop qui, dans son Rétoire des Cahiers de Doléances, avait oublié de mentionner la sénéchaussée de Béziers parmi les Baillages ou Sénéchaussées compris en totalité ou en partie dans les limites du nouveau département de l’Hérault. Dans le même esprit, il a étudié les institutions particulières de la Province, non seulement les États dont la puissance et l’efficacité étaient depuis longtemps reconnues, mais encore les « Assiettes diocésaines » dont le rôle n’avait pas été, jusqu’à lui, bien mis en lumière. Intermédiaires entre les États généraux de la Province et les communautés d’habitants, ces assemblées, qui correspondent aux assemblées des diocèses civils, avaient pour principales fonctions d’« assoir sur les différentes municipalités du diocèse la quote-part des impositions votées par les États ». Ce furent, elles aussi, qui, surtout à partir du milieu du XVIIIe s., surveillèrent et facilitèrent la réalisation du programme routier des États du Languedoc. Elles devaient, en effet, pourvoir à l’entretien des chemins des diocèses et soutenir, par des prêts, les communautés qui envisageaient d’en construire.

Cette connaissance sûre des institutions se retrouve dans sa thèse principale où il décrit le diocèse civil de Lodève au milieu du XVIIIe siècle, plus particulièrement au temps de l’épiscopat de J.G. Souillac (1732-1750), dont il avait reconnu, dés le début de ses recherches, les qualités d’administrateur et l’attitude dans le conflit entre les Jansénistes et les Ultramontains. Se limitant volontairement à ce cadre géographique réduit, (« trois à quatre de nos cantons actuels »), mais très variés (« depuis le pauvre Causse du Larzac jusqu’aux alluvions fertiles de la rive droite de l’Hérault »), il voulut contribuer à la connaissance des deux dernières décennies de la première moitié du XVIIIe siècle en Languedoc, qui avaient, jusqu’à lui, peu attiré les chercheurs, malgré leur réelle importance. C’est le moment, en effet, où l’Assiette diocésaine se met à construire « deux grandes routes carrossables, destinées à unir Lodève aux villes voisines de Montpellier et de Béziers » et où Lodève et Clermont-l’Hérault affirment leur spécialisation, l’une dans la fabrication des draps pour l’armée et l’autre dans la production des étoffes fines destinées au Levant. Ces diverses transformations ne se sont pas réalisées sans mal. Les Communautés, par exemple, se sont opposées le plus souvent à l’amélioration des chemins de traverse, dont les frais leur paraissaient trop élevés. Dans les villes manufacturières, d’autre part, les tensions entre les fabricants et leur main d’œuvre se sont multipliées tandis que les conditions de vie des ouvriers devenaient de plus en plus critiques. L’ouvrage, certes, date par son indifférence à l’exploitation systématique et statistique des grandes séries fiscales, et en premier lieu des compoix, dont souffre, en particulier, l’analyse de la répartition de la propriété et de l’exploitation. Mais cette attitude n’a pas empêché Émile Appolis de décrire en termes excellents certains aspects de la lutte paysanne pour la terre. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1982

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Henri MICHEL

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf