In memoriam

In memoriam André Soutou, Gérard Alzieu, Ghislaine Fabre,
Robert Lafont, Gilbert de Chambrun, Geneviève Durand

André Soutou (1914-2003) archéologue, linguiste et historien

Né le 6 octobre 1914 à Saint-Benoît-de-Carmaux dans le Tarn, André Soutou a connu une enfance difficile (il était pupille de la nation) qui lui donnera le sens de la rigueur et de l’effort. Brillant élève au Lycée d’Albi puis étudiant méritant (hypokhâgne à Toulouse, khâgne au lycée Henri IV à Paris puis licence de géographie à la Sorbonne), il « décroche » l’agrégation d’allemand au mois de septembre 1941 après avoir participé, en tant que militaire, à la bataille de Saumur où il fut d’ailleurs fait prisonnier. Nommé ensuite pendant la guerre, professeur d’allemand au lycée Henri IV, à Paris, puis au lycée de Reims, il sera, après la Libération, détaché aux affaires culturelles en Allemagne. Il revient en France dès 1951 pour enseigner d’abord au lycée de Mende puis au lycée Bellevue à Toulouse où il fait la connaissance de deux futurs éminents linguistes : Jacques Allières et Jean Séguy. André Soutou s’intéresse comme eux à la langue d’oc, au catalan mais c’est avant tout, à l’archéologie qu’il consacrera de longues années de recherches, assouvissant ainsi une passion qui remonte aux étés de son enfance passés à la Bastide Pradines auprès de son grand-père.

Son inlassable curiosité va désormais pouvoir s’exercer sur les lieux même de sa carrière enseignante la Lozère, le Tarn, la Haute-Garonne et bien sûr, le sud Aveyron, le pays d’origine de sa famille. Très vite, le monde savant apprécie la valeur de ses premières publications qui ont trait à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer dans le Bulletin de la Société Préhistorique Française et beaucoup plus régionalement, dans le Bulletin de la Société des Lettres, sciences et Arts de la Lozère et dans la Revue du Gévaudan. Au fur et à mesure de l’avancée de ses recherches, André Soutou jouera un rôle essentiel dans la connaissance et la diffusion des travaux des protohistoriens allemands concernant l’Age du Fer (Hallstatt et La Tène) sans lesquels le monde celtique serait resté méconnu au profit des civilisations méditerranéennes.

D’autres études parues concomitamment dans la revue Internationale d’Onomastique ou dans les Annales de l’Institut d’Études Occitanes reflètent le souci du croisement des champs d’investigations du chercheur sur la toponymie, le folklore et l’archéologie : Sainte Enimie et le troubadour Bertran de Marseille, « La Vieille Morte », Le Pas de Souci, La Pezade et Saint Fulcran et tant d’autres encore… André Varagnac, conservateur du Musée des Antiquités Nationales le propose à un détachement au CNRS qu’il obtiendra et qu’il occupera de 1959 à 1965, avec un projet de thèse sur la civilisation des Champs d’Urnes dans le sud-ouest de la France, projet qui n’aboutira d’ailleurs pas. Son caractère trop entier lui interdisait toute compromission ou toute allégeance clientéliste si malheureusement répandue de nos jours.

Tenace comme il savait l’être, il entreprend dans le cadre du CNRS une exploration sérieuse et méthodique du site du Cluzel, dans la région toulousaine. Il prouvera grâce aux sondages effectués par ses soins, l’existence d’un habitat et d’une nécropole bien datées entre le 1er du Fer et le 1er siècle de notre ère. Par delà les nombreuses fouilles menées ça et là qui firent de lui un initiateur, un découvreur, le nom d’André Soutou demeurera attaché à de vastes synthèses sous forme d’articles ou de communications rédigées dans les années 1960 et devenues à ce jour incontournables certains types d’objets (silex, épingles à tête enroulée, poignards, scalptoriums, céramiques incisées), la numismatique gauloise, les mines de cuivre, les remparts calcinés, les pierres gravées, les stèles discoïdales, les cases-encoches…. Ses investigations dépassèrent même l’hexagone. André Soutou obtiendra une mission du CNRS sur les statues-menhirs en Autriche, en Allemagne, en Italie. Le monde méditerranéen le passionnera aussi. À Minorque, il mènera des recherches sur l’architecture en pierre sèches dont les résultats peu connus furent publiés dans la Revue du Tourin- Club de France. Une longue liste de tous ces travaux (120 titres environ déjà répertoriés) est à l’heure actuelle, en vue de finition grâce a un dépouillement systématique des grandes revues où tout cela a pu paraître Gallia, Revue Archéologique de la Narbonnaise, Revue des Études Ligures, Cahiers Ligures de Préhistoire et d’Archéologie, Ogam-Tradition Celtique, Pallas, Bulletin du Musée d’Anthropologie de Monaco et de bonnes revues de vulgarisation comme Archéologia. Répertoire bibliographique des travaux d’André Soutou, consultable aux Archives Municipales de Millau. Toutes les grandes thèses d’histoire ancienne des années 1960/1970 citeront André Soutou comme référence. Michel Labrousse dans « Toulouse Antique » (De Boccard, Paris, 1968) fera sienne les principales conclusions sur le site du Cluzel ainsi que sur le puits funéraire de La Lagaste. Monique Clavel-Lévêque, à son tour, dans son ouvrage sur « Béziers et son territoire dans l’Antiquité » (Les Belles Lettres, Paris, 1970) insistera sur l’importance de l’apport d’André Soutou quant à la connaissance du numéraire ordinaire du Languedoc occidental : classement des principales monnaies à la croix attribuées aux Volques Tectosages, datation en fonction de leur poids et de leur frappe, à partir de la fin du IIIe siècle jusqu’au 1er siècle avant notre ère. Les découvertes de Soutou sur les chemins et les drailles, attirent également l’attention de Monique Clavel : voies anciennes au sud de Millau menant au bas-Languedoc et à la Voie Domitienne et surtout bien plus au nord, la grande draille d’Aubrac utilisée dès l’âge du Bronze et le 1er âge du Fer, voie importante de peuplement mais aussi zone d’échange essentielle, celle du commerce de l’étain entre le sud de l’Angleterre et les rivages méditerranéens.

Sur le Larzac même, « son pays » comme il se plaisait à le dire, il découvrira les sanctuaires antiques de Puech Caut et du Pas de la Selle, les oppida de la Granède et du Puech de Mus et beaucoup de nécropoles tumulaires.

Abordons à présent l’autre volet de l’œuvre qui concerne plus spécifiquement le Moyen Age. Près de 320 titres, concernant cette période, à ce jour ont été recensés par nos soins, répartis entre les grandes revues (Annales du Midi, Via Domitia, Nouvelle Revue d’Onomastique, Études Germaniques, Archéologie Médiévale, Bulletin Archéologique du Ministère de l’Éducation Nationale-CTHS) et des publications à caractère plus régional (Folklore, Revue du Rouergue, Revue du Gévaudan, Études sur l’Hérault). Cet éclatement éditorial n’est point synonyme de dispersion, bien au contraire. André Soutou garde le souci de la cohésion des ses recherches en évitant le « localisme » cocardier et en centrant sa problématique autour de son fidèle trinôme : archéologie, histoire et linguistique. Le chercheur travaille sur tout l’éventail possible des sources mises à sa disposition traces matérielles, traces écrites (chartes, manuscrits) formes linguistiques anciennes…. Son activité professionnelle il est vrai, lui permet de croiser la théorie et la pratique de terrain. André Soutou enseigne dans les années 60 l’allemand au lycée Fermat à Toulouse et sa grande expérience de professeur et de chercheur lui « vaudra un poste » de chargé de cours à l’Institut Universitaire de technologie de cette même ville où il aura la satisfaction de dispenser quelques leçons d’occitan. Par ailleurs, il fréquente les archives de la Haute-Garonne et travaille assidûment sur le fonds de Malte. Il se plonge avec délectation dans les plus anciennes chartes en langue provençale publiées par Clovis Brunel. Suivant l’exemple du savant chartiste et muni lui aussi d’un solide bagage en paléographie et en linguistique romane, il va s’attacher à la transcription et à la traduction des pièces originales des XIIe et XIIIe siècles. Les Annales du Midi, la grande revue méridionale accueillera ses beaux travaux d’histoire et de philologie sur les Hospitaliers de la Bastide Pradines, la vicomté de Millau au XIe siècle, les églises romanes du Rouergue méridional. Dans cette même revue, il montrera son souci d’éclectisme géographique en donnant le résultat de ses investigations sur le nom du sculpteur d’Elne, sur l’aire provençale des Templiers de Tiveret ou encore sur l’identification de châteaux dans les Pyrénées-Orientales… Parvenu à l’âge de la retraite en 1976, ce grand travailleur redouble encore d’énergie et de curiosité. Il s’installe avec son épouse à Montpellier et sillonne les routes languedociennes « de la mer au Larzac ». Il collabore, alors très activement avec la Société Archéologique de Montpellier, la Société Historique des hauts Cantons de l’Hérault, le groupe de Recherches et d’Études du Clermontais… Il acquiert une parfaite connaissance toponymique des cartulaires de Gellone, d’Aniane et de Maguelone et parvient à identifier les zones de peuplement antiques et médiévales des garrigues du Pic Saint Loup, des Monts de Saint Guilhem et du Larzac méridional, des coteaux du Lodévois et du massif de l’Escandorgue.

Un accident de santé en 1994 interrompt brutalement le véritable « pèlerinage aux sources » du chercheur. Retiré à Millau et à la belle saison, dans son « castel granieyras » à la Bastide Pradines, diminué physiquement mais point intellectuellement, André Soutou peaufinera des mises au point qu’il livrera en guise de réflexion ultime, à la Revue du Rouergue, aux Cahiers d’Archéologie Aveyronnaise ou encore au Bulletin de la Société Historique des hauts Cantons de l’Hérault.

Au vu et au su de son œuvre, on ne peut que regretter l’absence d’un grand ouvrage qui aurait pu effectivement constituer une synthèse magistrale, ce dont il était capable. Le grand public se contentera de trois fascicules ou plaquettes écrites dans les années 1970 sur le Larzac autour de la Couvertoirade et de Sainte Eulalie, études suggestives certes mais qui ne donnent qu’une idée tronquée de l’ampleur de son œuvre. André Soutou était un véritable « maître » doté d’une grande rigueur intellectuelle et d’un remarquable esprit de synthèse. Une recherche pour lui, ne s’achevait jamais mais elle bénéficiait d’apports sans cesse renouvelés par lui ou par d’autres.

André Soutou est décédé le 17 juillet 2003 à Millau. L’histoire méridionale de l’Antiquité et du Moyen Age largo sensu a perdu un de ses plus fidèles et éminents serviteurs.

Jacques FRAYSSENGE

L'abbé Gérard Alzieu, historien des Hauts Cantons (1927-2009)

L’abbé Gérard Alzieu était notre ami.

Son grand départ auquel il se préparait, comme il nous l’avait écrit il y a quelques mois, est survenu le 16 mai 2009. Ses obsèques en présence d’une foule émue ont été célébrées le 20 mai dans l’abbatiale de Saint-Guilhem-le-Désert qui avait sa prédilection et auprès de laquelle il a choisi d’être inhumé.

Né le 25 septembre 1927 à Paris, c’est à Lamalou qu’il a vécu sa prime jeunesse et appris à aimer ce pays du cœur de l’Hérault, berceau de sa famille paternelle. C’est donc ici, entre Mare et Orb, que très tôt il fut saisi de sa double vocation pour l’Église dont il sera prêtre et pour les églises dont il sera l’historien. Passion conjointe qu’il va illustrer brillamment sa vie durant.

Ordonné prêtre le 29 juin 1952, l’abbé Gérard Alzieu est nommé aussitôt vicaire à Saint-Alexandre de Bédarieux. Le 1er mars 1954, il est aumônier de la chapelle Saint-Vital et responsable de Combes. Le 1er août 1955, il devient curé de Villemagne, Taussac et La Billière. Nommé curé de Beaulieu et de Restinclières en 1960, il est chargé en même temps de Saint-Drézéry dès le 1er novembre 1961 et de Saint-Jean-de-Gorniès.

Gérard Alzieu
Gérard Alzieu

Tout en restant curé de Beaulieu, il est chargé de Sussargues le 16 septembre 1968, et de Restinclières le irseptembre 1968. Le 17 juin 1972, il est curé de la paroisse Saint-Guilhem-le-Désert. Après des années de collaboration aux archives diocésaines, il est nommé Bibliothécaire-Archiviste de l’Évêché de Montpellier le 19 mars 1977. Responsable du secteur gignacois le 22 avril 1977. En gardant toutes ses autres fonctions, le 30 juillet 1988, il se voit confier les paroisses de Causse-de-la-Selle, Saint-Jean-de-Buèges et Saint-André-de-Buèges.

Le 10 juin 1989, il devient aussi responsable des paroisses Saint-Martin-de-Londres, Frouzet, Ferrières-les-Verreries, le Rouet, Mas-de-Londres, Notre-Dame-de-Londres puis en est déchargé pour être aumônier du Carmel de Saint-Joseph de Gignac le 16 juin 1990. Il devient Archiviste diocésain honoraire en 2005, un an avant d’être nommé Expert consultant à la commission d’art sacré. L’abbé Alzieu se retire alors à l’Espace Coural de Montpellier puis chez les Petites Sœurs des Pauvres à Montpellier où tout en continuant ses recherches, il assure une aumônerie.

Que ce soit dans ses fonctions de pasteur, d’archiviste ou d’historien, c’est un même et inlassable dévouement qui le caractérisera jusqu’au bout. Or dans chacune de ses paroisses, dont l’étendue et la multiplicité sont manifestées dans l’encadré de sa carrière, il prit soin non seulement de ses communautés mais aussi de leur l’histoire dont il a rédigé abondamment les chroniques. Grâce à lui les abbayes de Villemagne et de Gellone, parmi d’autres, ont retrouvé une grande part de leur mémoire.

Historien passionné par son champ d’études, l’abbé Alzieu s’est singularisé par sa rigueur et la sobriété de l’exposé du fruit de ses recherches. Archiviste authentique, il s’effaçait devant les documents auxquels il cédait la parole. Son ultime article que nous publions dans le présent bulletin est un remarquable exemple de cette qualité.

Sa bibliographie montre à quel point son œuvre qui serre de près les sources archivistiques constitue un instrument incontournable de documentation sur l’histoire ecclésiastique des Hauts Cantons. L’un de ses ouvrages majeurs est son Histoire des cinq diocèses de l’Ancien régime dans l’Hérault. Il avait hâte de le parachever. En février 2009 paraissait le IVe tome consacré à l’évêché de Béziers. Mais pour terminer son travail, restait encore en attente un dernier volume traitant du diocèse d’Agde. Or nous avons appris que peu avant sa mort notre historien, qui tenait à accomplir le programme entrepris, avait mis un point final à son manuscrit qui, une fois saisi, sera prochainement publié par son éditeur Pierre Clerc.

Archiviste et bibliothécaire titulaire du diocèse de Montpellier pendant 28 ans, membre de la commission préfectorale des objets mobiliers, expert consultant de la commission d’art sacré, l’abbé Alzieu faisait autorité dans le monde culturel. Dans les églises qui lui furent confiées, il eut toujours le souci de restaurer et de sauvegarder. Ainsi Villemagne lui doit de nombreux aménagements et notamment l’installation dans la chapelle Saint-Majan d’un très bel autel paléochrétien, originaire – estimait-il – de l’antique sanctuaire Saint-Martin. Rares sont ceux qui savent que ces dernières années, il fut l’un des principaux artisans de la sauvegarde du fonds ancien de la bibliothèque diocésaine de Montpellier dont 21 000 ouvrages ont été déposés en 2009 à la médiathèque Émile-Zola. Simultanément, en prévision de l’abandon du palais épiscopal de Montpellier, aménagé désormais en Musée d’Art sacré, il s’est appliqué à faire classer au titre des monuments historiques un grand nombre d’objets qui en constitueront à l’avenir la précieuse collection.

Ne pas laisser se perdre l’âme d’un monument fut enfin le souci majeur de ce sauveteur du patrimoine intégral. C’est ainsi que, pendant 17 ans curé de Saint-Guilhem-le-Désert, il œuvra pour la sauvegarde de son joyau abbatial. Mais non content d’agir pour la seule restauration des murailles millénaires, il réussit l’exploit de leur rendre leur âme en installant dès le 8 décembre 1978 les Carmélites de Saint-Joseph dans cette abbaye, privée de religieux depuis la Révolution.

Notre ami Gérard Alzieu va nous manquer mais nous savons que son œuvre, à laquelle nos chercheurs se réfèrent sans cesse, n’a pas fini de leur venir en aide.

André FAVARD

* La sincère gratitude de notre rédaction ira à M. André Favard, Secrétaire général de la Société Archéologique et Historique des Hauts Cantons de l’Hérault, qui nous a très aimablement autorisés à reproduire de très larges extraits de cet In memoriam publié sous sa plume dans le n° 32, 2009 du Bulletin de la S.A.H.H.C.H., p. 3-5. Nous renvoyons le lecteur à l’abondante bibliographie qui accompagnait cet hommage.

Ghislaine Fabre

En 2009, à Perpignan, disparaissait brutalement Ghislaine Fabre. Beaucoup de ceux qui l’ont connue au cours de sa trop brève carrière au Service de l’Inventaire Général ont perdu ce jour là une collègue passionnée par son travail, discrète et efficace, un chercheur d’une grande qualité, et une amie véritable. Nous étions de ceux là qu’elle honorait de son amitié.

G. Fabre était née le 28 décembre 1952 à Saint-Affrique, dans l’Aveyron. Son père, employé dans les caves de Roquefort après un passage au séminaire et sa mère, institutrice au Viala-du-Pas de Jaux, petit village du Rouergue, lui ont laissé un sens profondément marqué du service public et de la laïcité, dont elle a toujours, très simplement, témoigné. Tous deux sont tragiquement décédés vers 1970, en Espagne, dans un accident de voiture. Ghislaine, blessée avec sa grand-mère, en restera à jamais traumatisée.

Après des études de lettres au Lycée Joffre de Montpellier, dans les classes préparatoires à l’École Normale Supérieure, G. Fabre entre à l’Université Paul Valéry. Elle y obtient la licence d’Histoire (1973) et la licence d’Histoire de l’Art et Archéologie, cursus que viendra couronner en 1976 un D.E.A. d’Histoire de l’Art et Archéologie de la France méridionale et de la Méditerranée, prélude à une thèse de Doctorat de IIIe cycle qui, hélas !, ne sera qu’amorcée.

1976 : G. Fabre rejoint le Service Régional de l’Inventaire Général des Monuments à la D.R.A.C. de Languedoc-Roussillon, puis obtient par concours, en avril 1979, le grade de Conservateur du Patrimoine. Dès lors, toute sa carrière se déroulera à Montpellier dans les locaux historiques de la D.R.A.C. Elle devait, dans un premier temps, y rassembler la documentation nécessaire à la poursuite du vaste programme d’études entrepris sur la la ville de Montpellier dans son contenu urbain et architectural. Elle entreprendra ensuite la rédaction d’un certain nombre de dossiers d’inventaire du patrimoine public de la capitale régionale.

Mais c’est surtout dans le domaine de l’évolution urbaine du Moyen Age aux époques moderne et contemporaine que l’apport de Ghislaine Fabre a été le plus important et le plus novateur. Ecrits le plus souvent en collaboration avec Thierry Lochard, architecte, ingénieur de recherche attaché à la Conservation régionale de l’Inventaire, qui partageait les mêmes préoccupations et une même amitié, ses travaux ont renouvelé profondément la perception que l’on avait jusqu’alors de la naissance et de la transformation de nos villages languedociens et de la ville de Montpellier dans ses composantes urbaines et ses représentations par la gravure.

G. Fabre a également participé à diverses activités de formation d’étudiants, en particulier dans le cadre de la Maîtrise des Sciences et Techniques du Patrimoine, à l’Université Paul Valéry, et à de nombreux colloques.

L’œuvre prometteuse de Ghislaine Fabre est restée inachevée. Le beau volume intitulé Montpellier. La ville médiévale, écrit en collaboration avec Thierry Lochard et publié en 1992 par le Ministère de la Culture, aurait du être suivi d’un Montpellier. La ville moderne et contemporaine, pour lequel Ghislaine et Thierry avaient rassemblé la documentation. Cette synthèse tant attendue n’a pu voir le jour mais certains titres de la bibliographie qui suit le contiennent en germe. Nous y renvoyons le lecteur.

Jean NOUGARET

Bibliographie des travaux de Ghislaine Fabre

— « Le verdet en Languedoc à l’époque moderne ». (Avec le concours d’André Signoles). Métiers en Languedoc à l’époque moderne. N° spécial d’Études sur Pézenas et l’Hérault, XII – 1981-4, p. 3140.

Montpellier 985-1985. Paysages d’architecture, Montpellier, Inventaire Général des Monuments et des Richesses Artistiques de la France (Languedoc-Roussillon/Ville de Montpellier – Comité du Millénaire, 1985.

— « Des magistrats maîtres d’œuvre », Ces messieurs de la Cour. La Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier sous l’Ancien Régime, Catalogue de l’exposition, Montpellier, Musée Fabre, 1987.

— « La seigneurie impact topographique. Enceintes urbaines et châteaux-forts de Montpellier (1140-1206) », Actes du 117e Congrès national des Sociétés savantes (Clermont-Ferrand, 1992), Paris, C.T.H.S., 1993, p. 399-435.

— « L’image et l’idée de Montpellier à la renaissance d’après une estampe inédite », Bulletin Historique de la Ville de Montpellier, n° 19, 1994, p. 4-37.

— « Identification d’une vue gravée de Montpellier au XVIe siècle ». Arts et culture, une vision méridionale. Actes du IVe Congrès de l’A.P.A.H.A.U. (Montpellier, novembre 1996). Paris, Presse de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001, p. 67-79.

Lattes, 1204-2004. Textes de Ghislaine Fabre, Eric Lafosse, Christian Landes, Gérard Zapata. Photographies de Jean-Michel Périn. Montpellier, Association pour la Connaissance du patrimoine en Languedoc-Roussillon, coll. Itinéraires du Patrimoine, n° 302, 2004.

— [En collab. avec Jean-Louis Vayssettes], « Montpellier topographie d’une ville marchande ». Les ports et la navigation en Méditerranée au Moyen Age. Actes du colloque de Lattes (Hérault). (12, 13, 14 novembre 2004, Musée archéologique Henri Prades). S.l., Éditions Le Manuscrit, 2009, p. 87-101.

En collaboration avec Thierry LOCHARD

— « L’héritage d’une forme urbaine : « L’écusson de Montpellier (L’enceinte du XIIIe siècle, ceinture des boulevards contemporains) ». Archéologie et projets urbains. Catalogue de l’exposition. Montpellier, Musée fabre / Université Paul Valéry (Institut de Recherche sur les Images et les Signes), 1986.

— « Projets urbains à Montpellier (1768-1810) : le renouvellement d’un héritage », Urbanisme, n° 215, septembre 1986, p. 89-91.

— « Topographie de Montpellier aux XIe et XIIe siècles : essai de lecture d’une ville neuve », Études sur l’Hérault, 1NS 4, 1988, p. 67-76.

— « L’impact urbain de la contre-réforme à Montpellier (1600-1706) », La vie religieuse dans la France méridionale à l’époque moderne. Actes du colloque (Montpellier, Centre d’Histoire Moderne de l’Université Paul Valéry – Montpellier III, 30-31 mars 1990), Montpellier, Université Paul Valéry, 1992, p. 55-77.

— « Montpellier, des villae à la ville (milieu XIe – milieu XIIe siècle) », Actes du 63e congrès de la Fédération Historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon (La terre et les pouvoirs en Languedoc et en Roussillon du Moyen Age à nos jours), Montpellier, F.H.L.M.R., 1992, p. 52-68.

Montpellier. La ville médiévale, Paris, Ministère de la Culture, coll. « Études du Patrimoine », n° 2, 1992.

— « Montpellier, une création urbaine », Monuments Historiques, n° 187, (Le Languedoc-Roussillon), mai-juin 1993, p. 23-28.

— éL’extension urbaine à Montpellier de 1840 à 1940 : initiative privée et gestion municipale », Études sur l’Hérault, n° 9, 1993, p. 49-58.

— « L’haussmanisme montpelliérain », Revue de l’Art, n° 106, 1994, p. 23-38.

Robert Lafont (1923-2009)

Linguiste, poète et écrivain occitan, Robert Lafont est mort à Florence, dans sa résidence toscane, le 24 juin, à l’âge de 86 ans.

Depuis les disparitions presque simultanées de Bernard Manciet et de Max Rouquette en juin 2005, il restait, avec Bernard Lesfargues, magnifique poète et précieux traducteur du catalan, le dernier phare de la renaissance poétique occitane.

Mais, si puissante que soit son œuvre de fiction, où Lafont s’essaya avec un bonheur presqu’égal à tous les genres, c’est son œuvre d’essayiste, initialement et essentiellement composée en français, qui l’imposa au grand public, l’engagement politique de ce régionaliste passionné l’amenant jusqu’au seuil de l’Élysée, puisque pour défendre sa conception d’une citoyenneté occitane ouverte, résolument européenne par delà la vision étroitement jacobine au pouvoir, il tenta de participer à l’élection présidentielle de 1974.

Son parcours personnel lui invitait. Ce Nîmois, qui s’engage, au seuil de l’âge adulte, dans la Résistance, entend, dès la fin des combats contre les fascismes, en mener un autre, aussi crucial, pour sa langue. Alors que les idiomes régionaux semblent frappés du sceau infamant de Vichy, Lafont renonce à la carrière préfectorale qui s’ouvre à lui pour investir l’enseignement. Non seulement celui des lettres, mais aussi de cet occitan taxé alors de complaisance collaborationniste. Si le Félibrige ou la Société d’études occitanes ont, de fait, profité des options vichystes pour pousser leurs revendications, Lafont entend décaper l’image d’une culture folklorisée et joue la revendication politicolinguistique, qui passe par la création d’un Institut d’études occitanes (I. E.O.), que préside Jean Cassou. L’appui de la part de l’intelligentsia qui s’était retrouvée unie durant l’Occupation à ces résistants de tempérament (Eluard, Aragon, Tzara côtoient ainsi Joë Bousquet et Max Rouquette) est déterminant pour dénoncer le « scandale » d’une centralisation hautaine. Et Robert Lafont lie pour 35 ans son parcours à celui du nouvel organisme. Au sein de l’I. E.O., il prend en charge la question de l’enseignement, et, devenu secrétaire général de l’Institut en 1950, où il succède à Rouquette, il épouse la vision de l’écrivain Félix-Marcel Castan, lui-même aux commandes de la toute nouvelle revue Oc : plus qu’un enseignement scolaire, c’est le concept d’une pédagogie occitane qu’il convient d’imposer. D’où le credo que Lafont entonne lors de l’AG de l’I. E.O. le 18 mars 1951 : « L’action occitane, ce n’est pas d’appeler le monde à nous, mais de transformer avec la pensée occitane le monde qui nous entoure. » En v.o. bien sûr.

L’action de Castan et Lafont, qu’illustre bientôt le Bulletin pédagogique de l’I. E.O., se mesure au net succès de l’édition scolaire mais surtout de ces stages pédagogiques qui séduisent, au-delà du vivier occitan, Catalans, Basques ou Bretons.

Penseur, théoricien autant qu’encyclopédiste, Robert Lafont milite sans cesse pour faire reconnaître l’occitan jusqu’à l’université de Montpellier où ce professeur de langue et littératures occitanes, qui passe avec brio de la linguistique à la poésie, de la sociologie à l’histoire littéraire, conjuguant la science du grammairien et celle du médiéviste, enseignera jusqu’à sa retraite. Une ouverture du spectre qui annonce un œcuménisme généreux mais exigeant. Avec le Breton Armand Keravel, Lafont lance en 1958 le Mouvement laïque des cultures régionales (MLCR). Les fruits de ce mouvement neuf semblent d’abord minces ; toutefois l’élan permet un front uni des langues minorées dont la reconnaissance, tardive mais spectaculaire dans les années 1980, doit beaucoup à l’activisme de Lafont.

L’homme est toujours plus politique, citoyen idéaliste qui prône La Révolution régionaliste (1967), s’interroge Sur la France (1968) et rêve de Décoloniser la France (1971). Ce combat le conduit à tenter de bousculer la campagne présidentielle à la mort de Georges Pompidou au printemps 1974, et si le Conseil Constitutionnel invalide sa candidature, les comités de soutien déjà en place rebondissent en mouvement politique, « Volem viure al païs », destiné plus tard à devenir le Parti Occitan, membre de Régions et peuples solidaires et ainsi à intégrer la dynamique Europe Ecologie.

Les crises à répétitions et une sape anti-universitaire persistante conduisent bientôt Lafont à quitter l’I. E.O. en 1981 et à participer aussitôt à la naissance de l’Association internationale d’études occitanes (AIEO), recentrée sur les sciences sociales et humaines. S’il en assure la vice-présidence entre 1984 et 1990, Robert Lafont n’étouffe pas sa fibre politique et publie encore Nous, Peuple européen (1991), La Nation, l’État, les régions (1993) et tout récemment L’État et la langue (2008).

C’est cependant son œuvre de fiction, menée dès 1946 en parallèle à son activisme civique mais moins en lumière jusque là, qui occupe l’essentiel des trois dernières décennies de celui que les medias appellent parfois le « pape de l’Occitanie ».

Au total, le legs littéraire est considérable : une dizaine de recueils de poésies, de Paraulas au vièih silènci (I. E.O., 1946) à Cosmographia monspessulanensis (Jorn, 2000), autant de pièces de théâtre, de Lo Pescar de la Sépia (I. E.O., 1958) à La Croisade (1983), et une quinzaine de romans et recueils de contes, de la Vida de Joan Larsinhac (I. E.O., 1951) à L’Eroi talhat (Ed. Trabucaïre, 2001, éditeur catalan qui vient de faire paraître en 2008 la traduction française du savoureux Decameronet, en v.o. chez Vent Terral dès 1983). Soit plus de la moitié de la centaine de titres signés par Robert Lafont.

Il ne faudra pas l’oublier à l’heure où l’hommage qui devait lui être rendu à l’automne prend un tour funèbre.

Si le colloque consacré aux écrits politiques et historiques de l’universitaire annoncé pour les 26 et 27 septembre à Nîmes s’intitule : « Robert Lafont, la haute conscience d’une histoire », il est émouvant de constater que sa disparition coïncide exactement avec le huitième centenaire de l’invasion par les seigneurs du Nord, croisés avides de rapines, de ces terres occitanes spectaculairement plus civilisées que les leurs.

Rendez-vous est pris donc pour le service et la célébration d’une langue, fondement de l’engagement d’un écrivain polymorphe qui, sur plus d’un demi-siècle, a animé l’espace occitan avec une énergie et une flamme qui ne cesseront pas d’alimenter ses lecteurs, fous de littérature ou militants politiques.

Philippe-Jean CATINCHI

— 1923 16 mars Naissance à Nîmes

— 1945-1981 Membre de l’Institut d’études occitanes

— 1967 La Révolution régionaliste

— 1974 Candidat empêché à l’élection présidentielle

— 2009 24 juin Mort à Florence

Robert Lafont lors d'un rassemblement contre le camp du Larzac
Robert Lafont lors d'un rassemblement contre le camp du Larzac.
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Gilbert de Chambrun (1909-2009)

Gilbert (Pierre-Charles-Emmanuel) Pineton de Chambrun, Pierre, naquit le 2 novembre 1909 à Paris (7e) Chef régional des FFI du Languedoc, député progressiste de la Lozère de 1945 à 1956, il fut ministre plénipotentiaire, directeur des Conventions administratives et des Affaires consulaires.

Son père, le marquis Pierre de Chambrun, était parlementaire depuis 1898. Gilbert de Chambrun fit ses études au lycée Janson de Sailly, à l’École libre des Sciences politiques et à la faculté de Droit. En 1934 une brillante troisième place au concours des Affaires étrangères lui valut pour premier poste celui d’attaché d’ambassade près le Saint-Siège et la découverte du régime fasciste.

En octobre 1939, il fut affecté avec le grade de lieutenant dans la 6e compagnie du 13e Régiment d’Infanterie. Il combattit en Belgique jusqu’au 17 mai 1940, réussit à embarquer à Dunkerque pour l’Angleterre mais revint en France. Son comportement au combat lui valut trois citations. Renvoyé à la vie civile, il travailla à Vichy au ministère des Affaires étrangères, de juillet 1940 à Juillet 1941. Il avait en charge les Affaires d’Angleterre. Mais il revint en Lozère et choisit de résister dans sa région. Son père, sénateur de la Lozère avait été l’un des « quatre-vingts », en juillet 1940. Gilbert prit contact avec Combat au printemps de 1942. Il se vit confier le commandement de l’Armée secrète en Lozère puis l’organisation, en février 1943, des premiers maquis de l’Armée Secrète. Il vivait dans la clandestinité sous le pseudo de Carrel. Henri Cordesse le remplaça quand il fut chargé de l’organisation régionale du NAP et devint chef régional des MUR en juillet 1943. La préparation des comités de Libération qui commençait en octobre mit en contact de Chambrun et le Front National lors de la constitution du premier Comité Régional de la Libération. Après le débarquement en Normandie, de Chambrun fut appelé à abandonner la direction du CRL pour les fonctions de chef régional des FFI. Roubaud (dit Astier), le remplaça comme chef de région du MLN. Un conflit politique commença avec Missa et Noguères : les socialistes qui redoutaient la montée de l’influence communiste critiquaient la fourniture d’armes aux maquis FTP. Astier et De Chambrun étaient favorables à une fusion avec le Front national. La tension était telle dans le directoire que les représentants de Franc-Tireur et de Libération, tous deux socialistes, démissionnèrent. Le rassemblement des forces résistantes dans le MLN s’avéra impossible. Deux jours après le débarquement du 15 août en Provence, les maquis engagèrent le combat contre les colonnes allemandes. Roubaud pressait Gilbert de Chambrun de rejoindre Bounin à Montpellier. Il y entra à la tête des FFI le 27 août 1944 avec un projet révolutionnaire : « Nous ferons la révolution avec les communistes […] Ce sera une révolution totale ». Le général Chevance-Bertin le surnommait « le marquis rouge ». Le ministre de l’Intérieur d’Astier de la Vigerie, officialisa le CRL. Les socialistes n’y avaient qu’un représentant, Missa. Il fallut rééquilibrer ce Comité. Ce fut fait en septembre avec neuf nouveaux membres dont Gilbert de Chambrun et son père. Jusqu’en décembre, le pouvoir de fait dans la région appartint aux FFI. Malgré cela, les relations personnelles entre de Chambrun et Bounin restaient courtoises.

Le Capitaine Charles-Henri Tricou avec le drapeau du maquis Valmy sur la place de la Comédie
Le Capitaine Charles-Henri Tricou avec le drapeau du maquis Valmy sur la place de la Comédie © Droits réservés

Il choisit d’aller combattre, après avoir travaillé à constituer le 80e R.I. avec les FFI de la première brigade du Languedoc, puis le 81e R.I. avec un deuxième régiment du Languedoc : ils furent incorporés en décembre à la Première armée. Le colonel de Chambrun partit vers l’Alsace à la tête du 81e le 25 décembre 1944. Malgré le général de Gaulle désireux de le renvoyer à la diplomatie, Gilbert de Chambrun resta sur le front en renonçant à son grade de colonel. Jusqu’en avril 1945, il participa à la campagne d’Allemagne à la tête du 81e Régiment d’Infanterie. C’est pendant cette campagne qu’il épousa Jacqueline Retourné, médecin lieutenant dans le 81e R.I. A Rastadt, le 19 avril, il fut mis aux arrêts de forteresse sur ordre de De Lattre. Il resta aux arrêts à Strasbourg puis à St Denis jusqu’au 30 mai et fut alors démobilisé avec le grade de commandant de réserve. Le cas de Gilbert de Chambrun illustre parfaitement les problèmes de l’amalgame entre FFI et armée régulière.

En 1993, quand parut l’ouvrage de Jean-Augustin Bailly sur la Libération, Gilbert de Chambrun réagit au texte sur « le règne du désordre » dont les FFI auraient été responsables dans l’Hérault en 1944. Son témoignage parut dans Études sur l’Hérault. Il justifiait la création et le rôle des Cours martiales et des Milices patriotiques. Il affirmait que « ces mesures avaient pour but de rétablir l’ordre républicain dans le respect de la primauté du pouvoir civil ». Il répondait aussi à une assertion de l’auteur qui voyait en lui un compagnon du parti communiste : « Je n’ai été communiste ni à cette époque, ni depuis. Si je l’avais été, je ne me renierais pas ».

Le 21 octobre 1945, il fut élu député de la Lozère à l’Assemblée nationale constituante sur la liste Républicaine. Gilbert de Chambrun était inscrit dans le groupe parlementaire des Républicains et Résistants, apparenté au groupe communiste. Réélu à la seconde Assemblée constituante et aux Législatives en 1946, il resta député jusqu’en 1956. Ses interventions ont témoigné de la continuité de ses convictions autant que de son intérêt naturel pour les questions de politique étrangère. Fidèle à la mémoire de la Résistance, il déposa le 17 mars 1953 une proposition de loi visant à attribuer la croix de guerre aux prisonniers de guerre titulaires de la Médaille des évadés et de la carte de Combattant volontaire de la Résistance.

Il resta à la tête de la mairie de Marvejols de 1953 à 1983.

Sa carrière diplomatique se poursuivit à la Direction des Conventions administratives et des Affaires consulaires. (Sources et bibliographie dans le Maitron, Dictionnaire biographique. Mouvement ouvrier. Mouvement social de 1940 à mai 1968. CHAMBRUN Gilbert, biographie, Tome 3, p. 210-212.)

Hélène CHAUBIN

Gilbert de Chambrun et Jean-Claude Richard à Saint-Jean-de-Buèges le 3 septembre 1994
Gilbert de Chambrun et Jean-Claude Richard à Saint-Jean-de-Buèges le 3 septembre 1994
pour l'inauguration d'une plaque en l'honneur du maquis Valmy ©Droits réservés.

Geneviève Durand (1952-2009)

Née à Saint-Affrique, dans l’Aveyron, Geneviève Durand avait obtenu à l’Université de Toulouse-Le-Mirail une licence d’Histoire (1976) et une licence de Géographie (1978). Mais c’est l’enseignement de Marcel Durliat qui allait être décisif dans sa formation. C’est sous sa direction que Geneviève devait soutenir en 1978 une Maîtrise spécialisée en Histoire de l’Art sur l’abbaye cistercienne de Sylvanès (Aveyron) et, le 15 novembre 1985, une thèse de 3e cycle intitulée Les églises pré-romanes et le premier art roman dans le Rouergue méridional. Auparavant, en 1981, un Diplôme d’Études Approfondies sur les destructions et les restaurations modernes (XVIe – XIXe siècles) de l’abbaye Saint-Pierre de Nant avait confirmé l’attirance que l’art roman exerçait sur l’étudiante, fidèle disciple du maître reconnu qu’était Marcel Durliat, spécialiste incontesté de l’art roman du Midi de la France, dont elle avait fait sienne la méthode et conservé un sens prononcé pour la rigueur scientifique.

« Chercheur indépendant ». C’est ainsi que se définissait elle-même Geneviève Durand. En dehors de ses nombreux articles sur l’art roman rouergat ou plus largement languedocien (une trentaine), d’autres recherches et interventions sur le terrain ont été conduites à la demande de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Languedoc-Roussillon participation, en qualité d’historienne et d’historienne de l’Art, à des chantiers de fouilles (Beaucaire, Aniane, Narbonne, chantier TGV de la Vallée du Rhône…), recensement du patrimoine des Pyrénées-Orientales, contribution, par l’élaboration de dossiers scientifiques aux études préalables à la restauration commandées aux architectes en chef des Monuments Historiques

D’autres recherches lui ont été confiées par les collectivités territoriales. Geneviève Durand a également participé aux travaux d’équipes pluridisciplinaires dans le domaine de l’archéologie médiévale en Languedoc; elle a été notamment le rapporteur du comité scientifique chargé en 1992 de définir l’identité du Languedoc roman.

Geneviève Durand (1952-2009)
Geneviève Durand (1952-2009).
Photo Michel Descossy, v. 1990.

Directrice de la publication et responsable de 1984 à 1989 de la bibliographie annuelle interrégionale de la revue Archéologie du Midi Médiéval, éditée par le Centre d’Archéologie Médiévale du Languedoc, elle avait assumé la présidence du CAML de 1989 à 1994. A ce titre, on lui doit, en coédition avec notre association la publication en 1992 de L’Ordre de Grandmont. Art Histoire (Actes des Journées d’études tenues à Montpellier en 1989). Toujours dans le cadre des éditions du CAML, elle a suscité la publication de nombreux « Guides du visiteur » sur les monuments romans majeurs du Midi languedocien.

Les travaux de Geneviève Durand, on l’aura compris, ont surtout été consacrés à l’architecture pré-romane et romane en Rouergue ou dans le Sud-Ouest (abbayes cisterciennes, monastères grandmontains, ou simples églises paroissiales). Les anciennes abbayes bénédictines réformées par la Congrégation de Saint-Maur à partir du premier tiers du XVIIe siècle (Aniane – publiée en 1994 – et Saint-Thibéry dans l’Hérault, Montolieu et Caunes-Minervois dans l’Aude) ont également fait l’objet de ses recherches dans le cadre des études documentaires préalables commandées par la Conservation Régionale des Monuments Historiques ou sous forme d’articles. Pour l’Hérault encore, citons sa publication sur une « résidence rurale » de la moyenne vallée de l’Hérault (Archéologie du Midi Médiéval, n° 10, 1992, p. 242-245) son article sur la sculpture médiévale d’Aniane (Ibidem, n°14, 1997, p. 180-185, n° 15-16, 1998, p. 318-322), et sa communication, en 1993, au congrès de la Fédération Historique du Languedoc Méditerranéen et du Roussillon sur les fêtes religieuses autour de la translation des reliques au XVIIe siècle, à Aniane, Saint-Guilhem-le-Désert et Puéchabon, publiée en 1995.

Entourée au cours de sa longue maladie par son mari et sa famille, soutenue par l’amitié de tous, Geneviève nous a quitté le 25 mai 2009, à l’age de 57 ans. Elle préparait à ce moment un travail sur les églises romanes de la vallée du Tarn et attendait la parution de quelques articles. Nous avons pu personnellement, depuis ses premiers travaux au titre de chargée d’études auprès de la DRAC, au début des années 1980, apprécier ses indéniables qualités d’historienne et d’historienne de l’Art, la rigueur scrupuleuse de sa méthode de recherche en archives et sur le terrain, et la richesse de ses connaissances en archéologie médiévale. Nous garderons aussi le souvenir de la collègue toujours généreuse et mue par le sens de l’œuvre collective dans l’intérêt de ce patrimoine qu’elle a tant contribué à faire connaître. Un premier hommage vient de lui être rendu, sous la plume de Nelly Pousthomis-Dalle, dans son dernier numéro, par la revue à laquelle Geneviève Durand avait consacré beaucoup d’elle-même, Archéologie du Midi Médiéval (T. 27, 2009). Nous renvoyons le lecteur à ces pages et à l’abondante bibliographie qui les accompagne.

Jean NOUGARET