Hérault, de paysages en paysages…

* Professeur Émérite de Géographie urbaine et Aménagement du territoire,
Université Paul Valéry, Montpellier 3, Laboratoire ART-DEV.
** M.C. de géographie, E.A. 4424 CRISES, Université Paul Valéry, co-responsable du master Tourisme.

« …Une grande partie de ce que nous qualifions de naturel ne l’est pas ; il serait plus juste de dire artificiel : ainsi les champs cultivés, les arbres et toutes les plantes disciplinées, les fleuves resserrés et conduits selon un cours déterminé ne se présentent-ils pas comme ils le feraient par nature. Si bien que toute région habitée par n’importe quelle génération d’êtres humains […] offre un aspect artificiel en ce sens qu’il diffère beaucoup de celui qu’elle aurait naturellement. »

Giacomo Léopardi,
Éloge des oiseaux,
Éditions La Brèche, 2015.

«… Les développements de l’humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. Là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort. »

Élisée Reclus,
« Du sentiment de la nature
dans les sociétés modernes »,
La Revue des deux Mondes, n° 63, mai 1866.

«… À la différence du territoire, le paysage ne fait pas ombre. Parce qu’il n’est pas matériel, mais plutôt le fruit du monde, des sensations et du logos. »

Claude Raffestin,
De la nostalgie de territoire au désir de paysage.
Éléments pour une théorie du paysage
, 2005.

Lac du Salagou, complexité et harmonie des unités de paysage
Fig. 1 Lac du Salagou, complexité et harmonie des unités de paysage (CAUE 34).

Inventer 1 le(s) paysage(s) de l’Hérault ?

L’épaisseur historique et l’engouement des touristes à la suite des peintres et écrivains ont consacré depuis longtemps un paysage provençal, un paysage toscan, mais point de paysage languedocien, pas plus d’occitan, et encore moins d’héraultais ou de l’Hérault. Et pourtant, ce sont les paysages de l’Hérault qui sont l’objet de la seconde excursion interuniversitaire de Juin 1906 (« De la Méditerranée aux Cévennes et aux Causses ») prélude à l’institutionnalisation de cette pratique 2 au sein de la géographie universitaire en France.

Comment saisir ce qui s’apparente à une injustice produite par un jugement peu éclairé ? À moins qu’il ne faille voir là le résultat d’une impossibilité à agir pour que soit célébré un « paysage de l’Hérault ». Il est nécessaire pour tenter de répondre à la question, sans sombrer dans les illusions de l’image et de la communication, d’éclairer ce que recèle ce terme si commun et pourtant si peu défini que celui de paysage 3. Recouvrant deux versants de l’action humaine, celle de la capacité à œuvrer avec plaisir, et celle de la délectation à contempler et à représenter ses œuvres, le paysage est matérialité et exercice d’une subjectivité par le regard. Le troisième tiers du paysage est sa capacité à relier les subjectivités par des positions à l’intérieur de controverses dans l’espace public. Espace public qui a engendré l’ordre politique qui est le nôtre depuis la Révolution française. Et cet ordre politique, qui se résume en une devise « Liberté, Égalité, Fraternité », a une traduction spatiale : le Département. C’est précisément ce qui est remis en cause par la nouvelle triarchie, Europe, Régions, Métropoles/Pays. Le Département serait-il sans visage, s’effaçant derrière les normes standardisantes de l’État, les héritages « régionaux » et la banalisation engendrée par le commerce de l’espace ? Serait-il impuissant à inciter les communes à « faire paysage » pour que soit traduit en forme une volonté de préserver la biosphère, la lithosphère, l’atmosphère, c’est-à-dire les conditions matérielles de l’existence humaine 4 ? Ajoutons que cette intersection entre la nature et la culture se rencontre depuis la « Villa » romaine jusqu’à la Ville, qui sont deux opposés, et non deux contraires.

Port Marianne à Montpellier, bassin Jacques Cœur
Fig. 2 Port Marianne à Montpellier, bassin Jacques Cœur, la ville paysage (JPV)

L’interrogation doit donc porter non seulement sur le statut intellectuel, épistémologique du paysage, mais sur les moyens mobilisables par l’échelon départemental, central dans l’architecture institutionnelle, entre État et Commune. Enfin, vers quel et sur quel versant du paysage ces moyens doivent-ils s’appuyer ? La matérialité bien sûr, mais cette matérialité ne devient paysagère que si elle est saisie comme paysage par nos contemporains. Comment donc faire naître du « paysage » pour nos contemporains, préoccupation pratique de l’école territorialiste italienne popularisée par les travaux d’Alberto Magnaghi, d’Ilaria Agostini et de Daniele Vannetiello 5. Travaux de recherche menés de l’échelle communale à l’échelle régionale, ayant débouché sur le Plan paysager de Toscane, le Plan de coordination territorial de la province de Florence ou encore la réhabilitation des paysages dans le Chianti.

Du paysage en général à ceux du département de l’Hérault en particulier,
de paysages en unités de paysage

Plus la banalisation et la standardisation de nos cadres de vie – traduction en formes de la marchandisation croissante de tous les aspects de nos existences – progressent vers le « réalisme mondialiste » 6, plus il est question de paysage. Sans jamais que le sens commun ne semble s’accorder sur la signification et les contenus du terme. La situation ne s’éclaircit pas si l’on fait un tour du côté de la littérature. Le mot fait partie des vocabulaires artistique, technique et scientifique (en peinture, photographie et urbanisme, par exemple) en offrant d’appréciables nuances de significations. La géographie redécouvre ce mot qui était devenu désuet, voire proscrit le temps, bref, d’une saison des illusions quantitatives, car le terme ne permettait pas « la saisie des rapports sociaux ». Le retour en grâce du paysage en géographie peut sembler légitime, pour peu que l’on veuille se souvenir qu’après tout, faire de la géographie c’est écrire, décrire, dessiner la terre. Mais aussi et surtout parce que ce flou conceptuel permet à cet objet jeté au milieu de nous et entre les disciplines d’être à interpréter, lieu de la dispute tant sociale que scientifique. Le paysage devient le pivot de l’espace public dans les projets de territoire. Comme l’énonce Laurent Mathey 7, à propos des « controverses » paysagères : « Ainsi, le paysage est tout autant une méthode d’analyse qu’une médiation et une modalité d’argumentation. « Faire du paysage » et « faire le paysage », c’est aussi enrôler des ressources (de l’eau, du temps, de la culture, des identités…) pour fonder l’évidence d’une réponse spatiale. De sorte que ce flou fonde le paysage comme un analogue de l’espace public, un espace qui organise la rencontre de ce qui est distant (dans le temps, dans l’espace) pour faire société ». C’est ainsi que le paysage peut, entre objet et sujet, trouver un statut de « Projet » comme en Toscane, et ce à plusieurs échelles, de la commune à la région, en passant par les communautés de communes et les provinces (échelle du département en France).

Larzac, Paysage du Causse avec lavogne en eau
Fig. 3 Larzac, Paysage du Causse avec lavogne en eau (JPV)

D’un point de vue déterminé…

La géographie ne prétend pas offrir une vue de la planète dans son ensemble, comme le ferait une vue depuis l’espace, mais des vues permettant de saisir les caractéristiques de telles ou telles tesselles formant la mosaïque « Visage de la terre ». Un examen approfondi de la question ne semble pas nécessaire ni opportun ici, mais il est indispensable de fournir quelques éclaircissements.

Le point de départ du paysage est en effet la surface de la terre, saisie non pas dans son ensemble, mais dans ses caractéristiques singulières. La phase élémentaire du paysage est une « vue » panoramique, c’est-à-dire l’image que nous percevons d’une étendue de la surface terrestre, qui peut être embrassée par le regard à partir d’un point de vue déterminé. Cette image peut être figée ? mais elle perd déjà certains de ses attributs – dans une photographie couleur, tandis que dans un tableau elle revit, transformée par le travail artistique, par l’inspiration du peintre. Et du reste, face à une vision panoramique, notre sentiment ne reste jamais absent : dans nos voyages nous faisons halte à des points particuliers, d’où se dévoile un panorama plus ou moins large, non pas pour l’analyser froidement, mais parce que cela nous procure une émotion.

Au sein du territoire héraultais, Hérault Tourisme a identifié « le Top 10 des plus beaux paysages » avec comme propos de présentation des « incontournables paysages » : « Mer, rivières, garrigues, montagnes, villages historiques et typiques dessinent notre histoire ».

  1. Du Petit au Grand Travers, une longue plage de sable fin, La Grande-Motte tel un mirage,
  2. La Cathédrale de Maguelone, le phare sur sa presqu’île, ses étangs, ses salines, Palavas,
  3. Le Lac du Salagou, la ruffe terre rouge, chaude, accueillante, un espace sauvage,
  4. Les Gorges de l’Hérault, rocheuses, escarpées, sinueuses où l’eau serpente,
  5. Les Gorges d’Héric au cœur de la montagne du Caroux en forme de femme allongée, le mouflon Roi d’Héric,
  6. Le Cirque de Navacelles, « l’huître du Larzac » émerge des méandres de la Vis qui dessine un vaste canyon dans les calcaires du Causse,
  7. Le vignoble de Saint-Chinian vu depuis le col de Fonjun, au pied du Caroux, un vin de terroir, calcaire et tannique,
  8. Le bassin de Thau, calme, serein, habité d’un joli bleu, Sète en point de mire, les parcs à coquillages,
  9. Les falaises volcaniques du Cap d’Agde, la Grande Conque, les Rochers des deux Frères en pointe de falaise,
  10. Roquebrun, notre petit Nice, ses mimosas, un village ouvert qui épouse sa montagne et donne envie de sourire 8.
Terres rouges du Lodévois (la ruffe)
Fig. 4 Terres rouges du Lodévois (la ruffe) (CAUE 34)
Les rapides de Réals sur l’Orb
Fig. 5 Les rapides de Réals sur l’Orb (HT, E. Brendle)

Ajoutons le Pic Saint-Loup, en garrigue, la « montagne de l’arrière-pays montpelliérain », visible de toute part, des Cévennes au littoral, « relief unique au pied duquel la vigne s’est invitée… Un monolithe sur l’Hérault, de 658 mètres de beauté » 9.

Ainsi les clichés et images qui donnent à voir ou à imaginer le territoire départemental sont constitués en collection d’objets, points de vue successifs imposés. Ils se veulent emblématiques (c’est-à-dire au sens vrai, écriture et portraiture) mais l’absence de liaisons ne permet pas de faire naître un paysage Héraultais, ce qui semble impossible, au moins des catégories de paysages de l’Hérault qui rendent le département singulier. La multiplication des métaphores usées et impropres n’améliore pas la qualité des portraits proposés.

Cherchons à cerner cependant ce qui fonde certains paysages de l’Hérault comme des « hauts-lieux » qui, à l’instar de la Sainte-Victoire de Cézanne, colonisent progressivement les imaginaires et autorisent de nouvelles pratiques. Sans oublier que le Département de l’Hérault a été le laboratoire d’expérimentation de Philippe Lamour 10 sous la houlette de Jean Monnet, dès les années 1950, avec un objectif : ne pas reconstruire la France, mais la transformer. Un premier dessein, faire du Massif du Caroux le premier Parc National français. Et pour cela, sauver les gorges d’Héric des ambitions d’E.D.F. avec l’aide du grand forestier que fût Jean Prioton. Sans oublier l’aide de Paul Marre 11, qui livre de nombreux rapports sur le Caroux et les Cévennes gardoises, terres concurrentes du Caroux pour la création du Parc National.

Le Pic St Loup et le vignoble en conquête
Fig. 6 Le Pic St Loup et le vignoble en conquête (CAUE 34)
Le lido, la dune, la plage
Fig. 7 Le lido, la dune, la plage (HT, S. Lucchese)
Jean Prioton et Philippe Lamour visitent le terrain, technique d’écobuage
Fig. 8 Jean Prioton et Philippe Lamour visitent le terrain, technique d’écobuage, (AD34)

Dans cette perspective le 4 mai 1950 est inaugurée, par Philippe Lamour et Jean Prioton, la maison forestière du bois de Montmaur 12 à Montpellier. La parcelle offerte par la municipalité à l’État est complantée de belles essences. La maison forestière est un outil de propagande, au service du rôle social que doit jouer la forêt comme toile de fond des paysages. La jeunesse montpelliéraine est visée, ne sera-t-elle pas la première clientèle du Parc National ? En juillet 1952 est remise à l’État la forêt des anciens combattants, dont les allées et chemins portent les noms des 560 écrivains morts pour la France, les arbres dressés contre les inondations à l’instar des combattants. Les disciples de Mistral ne sont pas en reste et sous le signe de l’étoile aux sept rayons est complantée à Saint-Saturnin la forêt des félibres. Ainsi trois intentions différentes convergent en une même matérialité paysagère. L’association des Écrivains combattants, le Touring Club de France et les communes de Combes, Rosis et Lamalou, témoignent de la piété républicaine ; l’engagement régionaliste et la stratégie de constitution d’une région, élément de base d’une Europe à construire, convergent dans le travail élaborant une matérialité paysagère dont les messages sont bien différents. Le commissariat au Plan et l’État, à travers les personnes de Philippe Lamour et Jean Prioton s’efforcent de faire d’une terre d’exode rural, le Caroux, un haut-lieu paysager national.

Gustave Courbet « Bord de mer à Palavas »
Fig. 9 Gustave Courbet « Bord de mer à Palavas » (Musée Fabre Montpellier).

Plus d’un demi-siècle ensuite, cette histoire est bien oubliée, le Parc National a été réalisé en Cévennes gardoises, et la plus part des essences du bois de Montmaur ont été abattues. Les raisons de la construction de la matérialité paysagère sont oubliées car la réception des paysages est fille de son temps plus que de ses pères. Le même trajet de la réception du paysage n’est-il pas aussi à l’œuvre pour la Grande-Motte ?

La Grande-Motte vue du ciel
Fig. 10 La Grande-Motte vue du ciel (OT GM, e-com-photos.eu).

La mer et les lagunes

Des paysages élitistes devenus « pour tous », produits par l’exemplarité sociale et la cascade des usages

Comment évoquer les paysages de l’Hérault sans plonger, au départ, dans les clichés et images qui donnent à voir ou à imaginer le territoire. Au Sud, la Grande-Motte et le Cap d’Agde déroulent leur modernité en nouvelles sentinelles maritimes de l’amphithéâtre héraultais alors que le littoral dunaire, troué de graus, s’arrimait au Mont Saint-Clair, proéminence au devant de la ligne des étangs. On sait combien les paysages du littoral languedocien, héraultais, montpelliérain surtout, furent pour Gustave Courbet 13 « une révélation », la naturalité en fondant la puissance et l’attrait avant que ne s’impose l’invention de la plage 14. Cela d’ailleurs sans qu’aucune des œuvres exécutées dans l’Hérault par le peintre – qui a offert l’objet 15 sur lequel se fonde la Loi Paysage de 1906 – ne soit utilisée pour légitimer une action paysagère, de conservation ou de maintien. Une route Courbet a vu le jour lors de l’exposition Courbet au Musée Fabre, mais la dissonance entre les œuvres de l’artiste et la matérialité présente de ce qui s’offre à l’œil aujourd’hui est telle que cette « Route » n’a plus de raisons d’être. Plus pertinent pour notre département serait de mettre en avant le « triptyque » que forment les trois œuvres de Courbet léguées par François Sabatier au Musée Fabre. Ainsi que l’a montré Hélène Guérin 16, Courbet a su comprendre ce qui préoccupe alors la bourgeoisie de l’Hérault rassemblée dans la Société centrale d’agriculture.

Cabaniers de bord d’étang
Fig. 11 Cabaniers de bord d’étang (CAUE 34)

Le dessin de Courbet représente François Sabatier en train de lire. La bibliothèque de ce dernier témoigne de la variété des intérêts et de l’étendue des savoirs du propriétaire terrien dont un manuscrit révèle son goût pour le paysage. Paysages aimés que Courbet croque en deux tableaux, celui représentant La Tour de Farge, et celui qui figure le pont d’Ambrussum. Courbet connaît bien Sabatier. Ce propriétaire héraultais sait lire et apprécier les paysages du passé, et sait composer les paysages du présent et du futur. Mais il est certain que « Le bord de mer à Palavas » est une des sources de « L’invention du rivage » 17. Et il n’est pas moins certain que la trame verte qui sert d’écrin au chef-d’œuvre de Jean Balladur, trame qui a été depuis dix ans étendue au lido vers Carnon, soit inspirée du plan paysager du crêt de plage dessiné par Pascal Régy en 1856. Là aussi, les raisons de la matérialité paysagère, assèchement des étangs pour Régy, au service de la Préfecture de l’Hérault, faire naître en même temps un système de parcs, des boulevards et avenues complantés et une forme urbaine composée de figures architecturales inédites, ces raisons sont aujourd’hui oubliées. Les étangs à combler sont devenus des zones humides à protéger depuis la convention de Ramsar (1971, traité international pour la protection, la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides), même si la transformation des tributaires des lagunes en oueds urbains va les combler partiellement ; et les élégances de Jean Balladur n’ont plus cours quand il s’agit de monnayer la « vue sur la mer » en prétextant la « requalification des stations du littoral ». Dans les années 1960 et 1970, tant Philippe Lamour, qui possédait une solide culture littéraire, artistique et architecturale, que la clientèle visée par la Grande-Motte se souciaient d’esthétique, comme ceux qui aujourd’hui ont investi la garrigue au nom des valeurs que diffusent ses paysages.

Les garrigues et les villages

L’inversion paysagère…

Raymond Dugrand, dans sa thèse secondaire sur la garrigue montpelliéraine avait prévu « l’inversion paysagère » qui allait se produire dans notre département, les valeurs du foncier se séparant des productions agricoles pour enregistrer la valorisation des « points de vue » et de la garrigue comme milieu « naturel ».

La rente foncière trouvait un nouveau chemin, des plaines vers les garrigues.

Saint-Guilhem-le-Désert, Saint-Martin-de-Londres sont des villages frappés par la « grâce divine et architecturale », selon les mots de Robert Cattan, mais l’exceptionnelle qualité des monuments n’est parfois pas nécessaire pour que le haut-lieu se dessine. Roquebrun, Minerve, et tant de villages sont de merveilleux témoignages de la compétence d’édifier dont parle Françoise Choay 18.

L’abbaye de Gellone, Saint-Guilhem-le-Désert, au bout du monde
Fig. 12 L’abbaye de Gellone, Saint-Guilhem-le-Désert, au bout du monde
« une parenthèse inédite » (HT E. Brendle)
Saint-Martin-de-Londres, l’église romane Saint-Martin du XIIe siècle au cœur du village
Fig. 13 Saint-Martin-de-Londres, l’église romane Saint-Martin du XIIe siècle
au cœur du village (HT G. Delerue)

Et si des dispositions sont prises pour protéger le bâti, par exemple une procédure de S.P.R. (Sites patrimoniaux remarquables) à Roquebrun, rien n’est actuellement prévu pour l’« écrin ». Le danger guette, de voir transformer des villages entiers en « villages cartes postales » dans lesquels les volets ne s’ouvrent qu’aux congés, et parfois pour des clients d’AirBNB. Or sans habitants, sans paysans, le paysage se dégrade et se ferme.

Ainsi donc, les raisons de la qualité paysagère dans les trois « compartiments » morphologiques de l’Hérault sont à rappeler, car des ambitions politiques, parfois des appétits immobiliers se servent du résultat mais ne se soucient point du processus d’élaboration et de conservation. Nous avons souligné qu’aujourd’hui sur le littoral, il semblerait que la « requalification » passe par la recherche d’une clientèle exigeant pour seul bonheur la « vue sur la mer ». Peut être est-ce un cliché involontairement méprisant envers la dite « clientèle », et il n’est pas certain que celle qui réponde à l’appel participe à une quelconque « requalification ». Ceci résume bien la difficulté pour le Département, faire levier pour agir vers la satisfaction des attentes de l’époque et du lendemain, en ayant conscience et connaissance des héritages. Passé, présent, futur, le paysage comme palimpseste, à l’image du « territoire palimpseste » d’André Corboz 19 ou de « la ville palimpseste » d’Olivier Mongin 20. Ces deux auteurs nous renvoient à Saint-Augustin : « Le présent est le présent des choses passées, le présent des choses futures et le présent des choses présentes. » Cette définition du présent dans les Confessions semble effectivement éclairer une tournure de l’action publique en matière de territoire, dessiner un territoire futur au nom d’un territoire patrimoine afin de légitimer le territoire présent de l’action 21.

Mais, comme le rappelle Daniela Poli 22, ce palimpseste complexe se laisse décomposer : « Le territoire, rappelons-le, est un palimpseste complexe qu’il faut comprendre et déchiffrer. En effet, la plupart des paysages européens contiennent beaucoup d’informations superposées (géologie, pédologie, histoire, culture, installations, etc.) dont certaines appartiennent à des époques différentes. Les cartes historiques étaient également conçues comme un palimpseste : elles contenaient une narration pluritemporelle qui traversait l’histoire. C’est le cas de la Tabula Peutingeriana, la Table de Peutinger (IVe siècle) qui décrit tout le monde alors connu par les Romains. Elle était constamment mise à jour par des rajouts et des suppressions, mais il arrivait que des éléments détruits ne soient pas effacés : le temps restait là. On veillait, sur la carte, à maintenir la trace de la fabrication historique du territoire. Le concept du palimpseste nous aide à trouver un mode opérationnel de lecture et d’interprétation de l’organisation du territoire.

Olargues, Le Jaur, le Caroux, le village médiéval
Fig. 14 Olargues, Le Jaur, le Caroux, le village médiéval (HT G. Delerue)
Mourèze le village commande son cirque dolomitique
Fig. 15 Mourèze le village commande son cirque dolomitique (HT E. Brendle)

Schématiquement et figurativement, le territoire peut-être subdivisé en deux parties : une armature « rigide », urbaine, et un territoire « flexible », rural. »

De ce fait, on peut se référer à la structure de l’arbre et l’utiliser comme métaphore pour visualiser le rapport entre armature urbaine et territoire rural :

  1. L’armature urbaine est à l’image du tronc avec les branches ;
  2. Le territoire rural se compose du feuillage et des feuilles ;
  3. Les racines traduisent le rapport à la densité matérielle et à histoire ;
  4. Le ciel représente l’espoir du futur.

Ce qui est exprimé par cette figure :

La métaphore de l’arbre. Élaboration : Élisa Butelli. In Daniela Poli 2018, fig. 47, p. 77
Fig. 15b La métaphore de l’arbre. Élaboration : Élisa Butelli.
In Daniela Poli 2018, fig. 47, p. 77
Camping sur les berges du Salagou en 1993
Fig. 16 Camping sur les berges du Salagou en 1993 (CAUE 34). Raymond Depardon
Les mêmes berges en 2020
Fig. 17 Les mêmes berges en 2020 (CAUE 34)

D’un point de vue synthétique

Deux sources pour appréhender les paysages du département, le CAUE et l’Atlas des paysages

Dans un deuxième temps, le concept de paysage peut se libérer de celui d’une vue déterminée et devient une synthèse des vues réelles ou possibles. Personne ne peut nier l’existence de « paysages alpins », d’un « paysage lagunaire » ou encore des « paysages de garrigue ». C’est le sens du travail réalisé par le CAUE et traduit par l’Atlas des paysages.

Créé en 1979, le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) de l’Hérault dispose depuis plus de 25 ans d’un observatoire photographique des paysages (OPP) dont « les séries sont les témoins de la transformation de nos paysages » (CAUE, site Internet). Tout comme l’outil national mis en œuvre en 1989 (OPNP), l’OPP 34 informe et sensibilise tout en permettant l’évaluation conséquente des politiques publiques approchées à partir de la réalité du territoire et des changements que l’image illustre. La représentation photographique serait-elle comme le souligne Marie-Claire Robic « le mode par excellence d’enregistrement objectif du réel » 23. Raymond Depardon a été choisi en 1992 pour définir avec rigueur un itinéraire pertinent illustré par une cinquantaine de points de vue. Ces derniers ont fait l’objet d’un suivi annuel régulier permettant la mesure précise de l’évolution des paysages alors représentés 24. La philosophie de l’OPP s’applique particulièrement « au paysage que l’on ne voit plus à force de trop le voir… qu’il soit grand ou ordinaire… qui échappe à notre attention ». Le paysage est défini comme le reflet de toute action humaine, de « toute décision d’aménagement, y compris celle de ne rien faire, (qui) a une incidence sur le paysage ». Et leur « accumulation conduit à un basculement progressif du paysage 25 ».

En effet, n’y a-t-il pas basculement de sens lorsque, lors de la présentation de la mission Depardon au Lycée Joffre en 2012, un cliché de vignes soigneusement désherbées à l’aide de la chimie, taillées en Guyot double, « paillées » par du plastique noir laissait à voir un sol battant, compact, dans lequel aucune vie ne subsistait. Cette matérialité paysagère est toute entière issu du schéma directeur de 1976, et l’œil averti qui se pose dessus n’a aucune envie d’en goûter le vin, convaincu que la forme et le fond (de cuve) se rejoignent. Ainsi « le paysage n’est pas le scénario arrêté, acquis, apparemment immuable dans lequel le quotidien se déroule, mais il est aussi et surtout le paysage qui vit et se transforme dans le temps, avec la transformation des modes de vie, des modes de production et des rapports entre la société avec son propre territoire26. »

L’Atlas des paysages du Languedoc-Roussillon élaboré en 2003 27 définit pour l’Hérault six grands paysages et 37 unités de paysage à partir de leurs composantes géographiques, historiques et culturelles. Les unités sont autant de lieux et de milieux fortement déterminés par leur caractère identitaire, au cœur d’enjeux « d’aménagement qualitatif » et de représentation sociale. Un chapitre spécifique traite des paysages de l’eau dans les différents milieux géographiques et paysagers.

Six grands paysages :

  • Le littoral et ses étangs, riche de quatre unités entre le Vidourle et Valras-Plage,
  • Les plaines en six unités tout au long d’un étroit couloir, du Lunellois à la basse plaine de l’Aude. Riches de nuances, elles sont traversées par les grands axes de communication et fortement marquées par les processus d’urbanisation,
  • Les collines du Biterrois et de l’Hérault. On y distingue trois unités de paysages en piémont des garrigues (Aumelas et La Moure), en collines viticoles du Piscénois et du Biterrois tout au long de la vallée de l’Orb,
  • Les garrigues (9 unités de paysages) en prolongement de celles du Gard, un monde compartimenté de hauts plateaux, de bassins et de coteaux. « La dent du Pic Saint-Loup émerge de façon spectaculaire et constitue le paysage emblématique des garrigues Héraultaises »,
  • Les grands causses et les gorges : deux unités de paysages, celle des paysages « contrastés et diversifiés » du Larzac et celle des « gorges étroites de la Vis au paysage spectaculaire »,
  • La montagne et ses contreforts. 13 paysages particuliers en vallées, en plateaux et en monts s’agrippent aux contreforts des montagnes héraultaises, Caroux, Espinouse et Escandorgue.

Sept grands enjeux sont énoncés :

  • L’amélioration des relations ville/nature du littoral,
  • La valorisation paysagère des grandes plaines,
  • La maîtrise qualitative de l’urbanisation,
  • L’organisation paysagère des vallées du Jaur et de l’Orb,
  • La gestion des espaces boisés et de nature,
  • La préservation des paysages des coteaux et des piémonts,
  • L’organisation paysagère et urbaine des agglomérations de Montpellier et Béziers.

Sur ces 7 grands enjeux, le Département peut agir, en concertation avec les communautés de communes, les communes et la métropole afin de promouvoir les moyens de protéger et valoriser. Un seul exemple, l’amélioration des relations ville/nature du littoral reste finalement un lieu commun malgré les nombreuses études et plans d’action conduits depuis une trentaine d’années tant l’urbanisation s’ajoutant aux modifications des milieux naturels liées aux effets du changement climatique amplifie les dysfonctionnements d’un écosystème fragile entre terre et mer. Dans son roman « L’étang de l’Or » paru en 1946, Gaston Baissette 28 trace la trajectoire infrangible de l’étang, « L’étang poursuit son destin. Que va-t-il devenir ? Sera-t-il coupé en deux par une route, ou bien revivifié par un grau ?… entre Carnon et le Petit-Travers : c’est un lotissement insalubre qui a changé le village de pêcheurs en ville d’eaux. Tant d’erreurs n’enlèvent rien à cet étang qui transforme le vil métal en or… ». Au niveau des paysages, nature et urbanité s’entrecroisent, au point que l’immuable qui a longtemps imprimé la marque du littoral, cède devant l’éphémère produit de l’eutrophisation et du comblement des zones humides.

Cirque de Navacelles, le vide immense
Fig. 18 Cirque de Navacelles, le vide immense (CAUE 34)

Qui n’épuisent pas le contenu énigmatique du paysage considéré comme œuvre collective et anonyme

Pour Alberto Magnaghi, comme pour Claude Raffestin, le paysage n’existe pas comme forme matérielle, mais comme vision, une perception, une sensation qui est inspirée par le territoire vécu. Cette relation sensible, intimiste, fait que le paysage occupe une place essentielle dans la vie quotidienne du citoyen au point de devenir son référent identitaire tant il imprime les lieux de sa charge émotionnelle. Mais à côté, et de manière concomitante, le paysage ne peut s’extraire du fait qu’il demeure interprétation sociale, objet indépendant de l’observateur, soumis au système de production économique et culturel qui en définit ses valeurs, délimite les interprétations sociales que l’on se doit de connaître, en fixe les modes de lecture. De part ce double rattachement, il est à la charnière des sciences de la nature et des sciences de la société, ne peut se réduire à une interprétation singulière tant il est finalement sujet et objet, ou plus exactement passage incessant de l’un à l’autre ainsi que Georges Bertrand 29 professeur à l’université de Toulouse-le Mirail l’a qualifié. Il y a plus de quarante ans, il a parfaitement dévoilé la version géo-systémique du paysage – « un système socio-écologique » – déterminé dans ses structures et ses configurations par l’environnement naturel et les conditions sociales qui président à ses représentations. Il en déduit que le paysage est dans le même temps « réalité écologique et produit social », système de fonctionnement complexe du rapport Homme/Nature et processus historique qui caractérise sa dimension culturelle. Il est donc à la fois produit individuel lié au regard et produit social, collectif dont l’anonymat s’impose et justifie les valeurs qui lui sont attribuées.

Le Paysage, héritages et complexité

Mot quotidien, banal, faible finalement, le paysage est devenu un concept polymorphe, chargé de sens divers, culturels, environnementaux, économiques, que le tourisme, l’histoire, la géographie, le politique se sont appropriés et véhiculent dans leurs discours. Il est lieu de mémoire et cadre vécu ; il prend valeur subjective et vision d’avenir d’autant plus que la dimension écologique du rapport Homme/Nature au crible de l’approche scientifique du changement climatique joue un rôle déterminant dans les représentations des paysages. Fondée sur cette relation Homme/Nature qui se doit d’être harmonieuse et durable pour en établir l’utilité et en définir les caractères, notamment ceux « d’un beau paysage », l’interprétation du paysage s’inscrit dans un cheminement esthétique certes, mais de plus en plus balisé par les valeurs de la biodiversité et les critères environnementalistes. On sort alors de la dimension « romantique » du sublime, de l’exceptionnel, du grandiose ou du spectaculaire pour aborder celle de la fragilité et de l’éphémère, lorsque nature et société sont progressivement dissociées et que l’artificialisation des milieux rompt l’équilibre harmonieux que l’on prête au paysage.

Étang de Montady, la technique au service du paysage
Fig. 19 Étang de Montady, la technique au service du paysage (HT E. Brendle)

Le paysage est souvent associé à la notion de patrimoine, tant lorsque l’on évoque ses attaches historiques et culturelles que lors de sa détermination du cadre de vie courant (les paysages ordinaires du quotidien, patrimoine vécu). Les approches scientifiques des écosystèmes et de la biodiversité, mais aussi l’insertion du paysage dans la conduite des opérations d’urbanisme et d’aménagement ont largement élargi son écho. Au-delà de sa valeur identitaire associée au sentiment d’appartenance au pays dont il serait une des composantes fondamentales 30, la Convention européenne du paysage signée à Florence 31 en 2000 souligne que « le paysage est l’affaire de tous les citoyens et doit être traité de manière démocratique, notamment aux niveaux local et régional » en termes de protection, gestion, aménagement.

Le paysage et le regard32

En peinture, on dit souvent que le regard est plus important que la chose regardée et que c’est le regard qui fait le tableau. En serait-il de même à propos du paysage, la façon de le voir déterminant la représentation que l’on s’en fait. À quoi pourrait-il servir si on ne le regarde pas ? Le « savoir-voir » serait-il la clé de nos approches des paysages, de leur perception et, donc de notre connaissance de leurs compositions et des valeurs symboliques que nous leur attribuons ou qui lui sont attribuées. Au-delà du regard et de la façon de décrypter les paysages au gré de leurs lignes de force et de leurs unités qui en structurent la grammaire 33 pour reprendre une expression que Marcel Roncayolo a appliqué à la genèse de la ville, le paysage n’est-il pas une construction sociale résultat de nos modes d’agir sur nos espaces de vie ? Il est l’expression des relations entre l’homme et les milieux, de nature et de culture, un carrefour que l’histoire et la géographie tissent sur le territoire. On le voit de plus en plus – les lois et les pratiques d’aménagement accordent sens à cette trajectoire – comme un facteur déterminant du développement durable. Pour reprendre une approche d’Augustin Berque « la réalité de tout milieu est une affaire de prises ambivalentes entre nature et société » 34. Le paysage s’affirme alors comme dimension sensible de notre relation à l’espace et à la nature. Il prend sens à partir de la façon dont nous habitons les milieux géographiques et construisons notre temporalité historique. Voir et penser le paysage s’imposent donc pour agir collectivement sur notre environnement et nos héritages, pour projeter l’aménagement du territoire.

« Le paysage est une construction du regard »

Ainsi le définit Jean-Pierre Le Dantec professeur émérite des Écoles Nationales Supérieures d’Architecture et de Paysage, soulignant combien la complexité de la notion se double d’une perception soumise à l’appréciation de l’observateur qui construit en fait « l’objet paysage » selon des critères personnels, culturels. Le paysage serait-il alors une « invention », le décor prenant sens par le regard contemplatif qu’il suscite ? Le « cirque de Navacelles » – Grand site de France – observé depuis le promontoire du belvédère de la Baume Auriol, prend force par ses dimensions, son « immensité, le vide, les falaises, la hauteur, le canyon », autant de composantes d’un paysage qui exige de saisir par le regard l’ensemble au détriment du détail, d’oublier qu’il est décor tant le message du ressenti s’impose au regard. La nature a façonné ici « une curiosité unique, des panoramas à couper le souffle » le cirque étant ainsi abordé par le message touristique. À l’opposé en quelque sorte, la cuvette naturelle de l’étang asséché de Montady, au pied de l’oppidum d’Ensérune, rayonne par ses quelque 60 fossés drainant et son redondel, le drain circulaire au centre, le tout composant un paysage exceptionnel transmettant au regard qui le saisit les capacités du savoir-faire technique, une dimension culturelle par excellence. Dans les deux cas, la contemplation depuis un promontoire signe un « désir de paysage » validé par le regard avec convocation d’une « voie cognitive » explicative, celle de la connaissance donc, mais plus encore une « voie hédonique » qui mobilise l’ensemble des capacités sensorielles 35. On comprend mieux alors le souci de préservation, de protection, de classement que la dimension esthétique 36 suscite, le point de vue et l’étendue en définissant le substrat.

Le paysage est entré dans le domaine juridique et institutionnel

La valeur identitaire forte des paysages, accrochée au sentiment d’appartenance d’une part et, d’autre part, les approches scientifiques qui en soulignent les compositions, structures et évolution, mais aussi leur intégration dans des représentations sociales font du paysage un objet d’aménagement à part entière justifiant alors sa place dans le champ institutionnel. Au point certainement qu’il puisse apparaître comme un indicateur pertinent du développement durable du territoire avec validation sociale des facteurs et modes des changements dont il est porteur.

Le patrimoine et le pittoresque, le cadre de vie et la biodiversité ont progressivement qualifié le cadre législatif tout au long du XXe siècle. La loi du 31 décembre 1913 complète des dispositions antérieures certes, mais elle « constitue le socle fondamental de protection des monuments historiques » 37 sans pour autant privilégier la dimension paysagère qui pouvait leur être associée. Celle de 1930, centrée sur des critères esthétiques, concerne l’établissement d’une zone de protection des monuments naturels et des sites classés (inscription et classement plus contraignant), insiste sur le « caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque », autant d’attributs qui permettent de définir un paysage. Celle de 1943 complète ces deux lois. Elle instaure un « champ de visibilité » de 500 mètres maximum pour tout monument historique, ce qui prédéfinit en quelque sorte un paysage par le regard et l’esthétique. Enfin la loi Malraux du 4 Août 1962 portant création des « secteurs sauvegardés » souligne l’importance de « la mise en valeur d’ensembles urbains cohérents » qui sont autant de « paysages » patrimoniaux offerts à la reconnaissance de la société. Mais c’est le lien entre urbanisme et patrimoine culturel qui est affirmé prioritairement, la notion de paysage ayant encore à être confirmée au-delà de celle comprise dans l’idée de réhabilitation des quartiers historiques.

La loi du 10 juillet 1976 fondatrice pour la protection de la nature accorde place aux espèces animales et végétales, aux équilibres biologiques, mais aussi à la protection « des espaces naturels et des paysages » face aux « causes de leur dégradation qui les menacent ». Elle modernise aussi le statut des réserves naturelles vues comme « patrimoine naturel et paysager », modèle des valeurs paysagères à protéger face à ce qui sera plus tard identifié sous les vocables de perte de la biodiversité et d’artificialisation des milieux.

Les lois montagne (1985) et littoral (1986) peuvent être considérées comme cadre législatif relevant de l’aménagement et de la mise en valeur des milieux ainsi définis avec un regard spécifique sur les sites qui sont aux sources des paysages donnant vie à ces espaces géographiques (paysages-sites). Si l’on ajoute la politique des réserves et des parcs nationaux, la loi de 1960 protégeant les « grands sanctuaires de la nature », c’est bien une vision « patrimoniale et élitiste » qui encadre la dimension du paysage et « un renouvellement de la notion de paysage par le droit » 38. La loi « paysages » de 1993, loi de « protection et de mise en valeur », ajoute une configuration différente à l’arsenal juridique, son objectif principal se rapportant à l’intégration du paysage – et mieux des paysages – dans toute opération d’aménagement et d’urbanisme. Le paysage y trouve statut officiel à toutes les échelles de décision, de l’État à la commune. L’inventaire régional des paysages ouvre la voie à toutes les politiques de protection et de reconquête, politiques qui déboucheront sur des « contrats et des plans de paysage ». Tout espace devient ainsi « paysage » qui devient l’affaire de tous. Le qualificatif « paysager » est ajouté au libellé ZPPAU, transformant les Zones de Protection du Patrimoine Architectural et Urbain en ZPPAUP. Deux lois, en 2014 la loi ALUR (Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) qui définit l’approche paysagère au sein des documents d’urbanisme et celle de 2016 sur la Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, très centrée sur la biodiversité, complètent l’édifice législatif en élargissant le champ des attributs des paysages. La question des compétences sera vite émergente entre l’État garant de la protection des paysages et les diverses collectivités territoriales au cœur des procédures d’aménagement, de mise en valeur et de gestion.

Si la référence à la protection de la nature a largement conditionné l’évolution du cadre législatif, l’élargissement de la notion de paysage résulte certainement du besoin de « renaturer » le rapport social à l’environnement que les contraintes liées aux effets du changement climatique ne font qu’amplifier. Le paysage n’est-il pas finalement le révélateur d’un équilibre à construire et consolider entre les trois pôles du développement durable du territoire : économie, société, environnement.

Le paysage sujet et objet

Paysage et aménagement du territoire

Max Sorre définit le paysage comme médiation, réalité synthétique du rapport de l’homme à son environnement. « Bien commun » partagé, inscrit dans les attributs « de la qualité de vie, du bien-être individuel et social » (Conseil de l’Europe, 2000), le paysage facilite l’appréhension des enjeux de société liés aux relations du cadre bâti avec les milieux naturels. Connaître les paysages permet de mieux concevoir les réponses aux divers questionnements de l’aménagement du territoire et d’en élaborer les schémas et visions prospectives. Le sentiment d’appartenance étroitement rattaché aux paysages vécus donne sens à la place et au rôle de ces derniers comme interface, ferment possible de la participation citoyenne. Les approches cognitives et sensibles du paysage facilitent l’accès à une « intelligence collective » du territoire 39. Riche d’interconnections ces approches font du paysage, cet « objet cardinal de la géographie, un de ses principaux horizons cognitifs 40 », un référentiel essentiel de la planification territoriale et de l’aménagement du territoire dans le contexte actuel de la transition économique, écologique et sociale 41. Ce qui sous-entend ainsi que le démontrent Gaelle Aggeri et Didier Labat 42 un renforcement des compétences transverses de la maîtrise d’ouvrage publique, un changement de l’action publique et, au-delà des mesures législatives, de meilleures réponses aux attentes de la société en termes de cadre de vie et de bien-être par la prise en compte du paysage. Le paysage s’est progressivement imposé comme « outil intégrateur d’une somme de préoccupations sectorielles », la dimension sensible s’affirmant dans « une perspective performative et cognitive ». Nature/Culture, individu/société, ces quatre pôles structurent les approches paysagères autour de négociations et de débats entre acteurs aux différentes échelles de gestion des projets de territoire.

Patrimoine naturel protégé. Classement, inscription, délimitation. La stratégie de protection/conservation.
Fig. 19b Patrimoine naturel protégé. Classement, inscription, délimitation. La stratégie de protection/conservation. (Production : DDTM 34)

Le Département, acteur majeur…

Le département de l’Hérault s’est affirmé comme « acteur majeur du devenir de son cadre de vie » et a élaboré en conséquence une politique départementale des paysages vus comme « un atout majeur de son attractivité ». Mais en soulignant la menace que fait peser sur les paysages « la présence humaine qui les grignote petit à petit, les banalise et les dénature », au point d’évoquer une « décapitalisation paysagère » (Schéma départemental du tourisme et des loisirs, 2018-2021). Le défi majeur du département est ainsi ciblé dans le rapport entre « la préservation et la valorisation des paysages » et la préservation « de la qualité de vie par un développement équilibré et réfléchi », la conséquence directe étant la « préservation des paysages qui se décline dans ses différents schémas et programmes », à savoir :

  • le Schéma départemental du tourisme et des loisirs, 2018-2021,
  • le schéma des espaces naturels sensibles (ENS),
  • la stratégie Hérault Littoral,
  • le programme routes durables,
  • l’accompagnement des collectivités territoriales dans l’élaboration de Plans de paysages et les démarches Grands sites de France.
Jardins à Roquebrun, l’art du décor
Fig. 20 Jardins à Roquebrun, l’art du décor
(HT S. Lucchese)

Soit pour un département de quelque 6 200 km² près de 10 000 ha d’espaces naturels en propriété départementale ou communale, 110 sites classés et environ 5 000 ha couverts par des plans de gestion collective. Trois entités s’imposent comme structures spatiales paysagères et interrogent en termes de gestion, les grands paysages à la rencontre des milieux naturels – ceux du vignoble notamment, du littoral, des parcs naturels… -, les paysages des limites largement représentés dans les espaces du périurbain, ceux enfin des villes, ces deux derniers définis par leur dynamique de construction prédominante, déterminée par la croissance démographique. Une somme de paysages mutants, sous-tendus par des systèmes localisés de représentations mentales, où s’entrecroisent les jeux d’acteurs pour accompagner ou renouveler les motifs paysagers.

CONCLUSION

Le(s) temps du paysage

Tout au long de notre réflexion sur les paysages en Hérault, nous avons mis en évidence les fondements naturels et culturels du paysage, ses dimensions patrimoniales et environnementales, sa charge émotionnelle liée à ses vertus hédonistes et d’images, sa constitution en héritage et bien commun. Trois acceptions principales sont reconnues lorsque l’on situe la notion de paysage : le pittoresque qui renvoie aux émotions et au sensible, à la découverte, mais aussi à la « consommation/surconsommation » touristique des paysages, l’écologique centré sur l’idée de protection/conservation, fortement associé à la fragilité, au risque, à la dégradation, enfin le cadre de vie, structure globale et de synthèse qui situe l’expression de la demande sociale au plus près des pratiques quotidiennes, des sentiments d’appartenance et d’appropriation.

Pic et Hortus, Le face à face de la garrigue
Fig. 21 Pic et Hortus, Le face à face de la garrigue (JPV)

Le paysage s’avère donc comme une ressource fondamentale et une source d’informations qui renseigne l’histoire, la géographie, l’économie, l’environnement et tous les attributs territoriaux qualifiant une société dans ses structures et son évolution. Il est par excellence représentation, invention. Ordinaire et complexe à la fois le paysage offre une entrée permanente pour saisir l’armature et les résonnances de « l’habiter » défini par Augustin Berque 43 comme capital et lien social avec la dimension du poétique et du « soutenable ». En partant de ce qui est révélé, visible et lisible car représenté par le verbe et l’image, de ce qui est inséré dans la revendication sociale, de ce qui distingue, tout au long des usages, pour fonder le paysage bien commun. L’exigence d’un projet commun de paysage en résulte, inscrit dans une reconnaissance de la liberté de création pour situer les origines et dans une dynamique d’invention qui dévoilera ses caractéristiques futures. Le paysage est une marque du temps, d’où les difficultés de penser le renouvellement de ses motifs qui prennent sens au travers des figures les représentant. Ainsi que nous l’avons souligné le paysage offre l’avantage - et l’inconvénient – d’être objet et sujet, ce qui exige d’apprendre à voir et de reconnaître le rôle d’incitateur, de passeur, de relayeur qu’il joue dans toute réflexion sur le territoire et la société. Hérité, créé, de nature ou urbain, le paysage ne peut que s’imposer dans les discours et les procédures d’aménagement du territoire comme enjeu démocratique, offrant également, par une vision prospective, sa capacité à inventer un futur à vivre.

Crédits photos :

CAUE 34 : Observatoire photographique, photos de R. Depardon et de F. Hébraud.

HT : Photothèque d’Hérault Tourisme, Agence de Développement Touristique de l’Hérault (ADT) ; Photos de E. Brendle, G. Delerue, S. Lucchese.

OTGM : Office de Tourisme de La Grande-Motte.

AD34 : Archives départementales de l’Hérault, Fonds Philippe Lamour (1923-1993), côte 92 J 1-190.

Musée Fabre Montpellier.

JPV : Jean-Paul Volle.

Remerciements :

  • À Monsieur le Directeur du Musée Fabre de Montpellier qui nous a accordé l’insertion du tableau de Gustave Courbet « Le bord de mer à Palavas »,
  • À Monsieur le Directeur de l’Office de Tourisme de La Grande-Motte,
  • À Daniel Andersch Chef de la Mission Connaissance Étude Prospective (MCEP), DDTM 34,
  • À Valérie PEREZ chargée du centre de ressources et des outils multimédias du CAUE 34,
  • À Stéphanie Durand-Keller de l’équipe Promotion-Marketing de Hérault Tourisme.

BIBLIOGRAPHIE

AGOSTINI 2016 : AGOSTINI (Ilaria), Le paysage rural de Chianti (Toscane) : de l’analyse architecturale à l’aménagement du territoire, in : Habitat & identité, Paris-Bordeaux, Maisons paysannes de France/Maison de Pays en Aquitaine, pp. 51-62.

AGOSTINI 2021 : AGOSTINI (Ilaria), La casa rurale e il paesaggio. Guida al recupero architettonico nel Chianti, Le Lettere, Firenze, 187 p.

BAISSETTE 1990 : BAISSETTE (Gaston), L’étang de l’Or, Julliard, 1946, Éditions Presses du Languedoc, 1990, 240 p.

BÉRINGUIER, DÉRIOZ, LAQUES 2004 : BÉRINGUIER (Philippe), DÉRIOZ (Pierre), LAQUES (Anne-Élisabeth), Glissements progressifs du regard sur des paysages Mutants, Hal archives ouvertes.

BERQUE 1990 : BERQUE (Augustin), Médiance, de milieux en paysages, Paris, Belin/Reclus, éd. 2000, 161 p.

BERQUE 1995 : BERQUE (Augustin), Les raisons du paysage : de la Chine antique aux environnements de synthèse, Hazan, 192 p.

BERTRAND 2002 : BERTRAND (Claude et Georges), Le paysage et la géographie : un nouveau rendez-vous ? in : Une géographie traversière. L’environnement à travers territoires et temporalités, Éditions Arguments, pp. 274-284.

BOURDIN 1993 : BOURDIN (Alain), Pourquoi la néo-prospective invente-t-elle des utopies ? Espaces et sociétés, Paris, Erès, 1993, N° 74-75, pp. 215-236.

CAUQUELIN 2013 : CAUQUELIN (Anne), L’invention du paysage, Ed. Plon, 1989, 4e édition, 166 p.

CORBIN 2010 : CORBIN (Alain), Le Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage, 1750-1840, Flammarion, « Champs Histoire », 1988, 416 p.

CORBOZ 1983 : CORBOZ (André), Le territoire comme palimpseste, Gallimard, Revue Diogène 121, pp. 14-35.

DDTM Préfecture de l’Hérault, Un nouveau regard sur l’Hérault, 3 volumes, 2020.

DÉRIOZ, LAQUES, (Montpellier, 15-16 janvier 2004) : DÉRIOZ (Pierre), LAQUES (Anne-Élisabeth), Évaluation paysagère et diagnostic de territoire : de l’évaluation du paysage à l’évaluation par le paysage, Actes du colloque « L’évaluation du paysage, une utopie nécessaire ? ».

DREAL 2003 : Atlas des paysages du Languedoc-Roussillon, Éditions Follea-Gauthier.

DUGRAND 1964 : DUGRAND (Raymond), La Garrigue Montpelliéraine. Essai d’explication d’un paysage, PUF, 292 p.

FOLLÉA 2019 : FOLLÉA (Bertrand), L’archipel des métamorphoses. La transition par le paysage, Éditions Parenthèses, 126 p.

LEGENDRE 2002 : LEGENDRE (Pierre), La société comme texte, Paris, Fayard, 260 p.

MAGNAGHI 2014 : MAGNAGHI (Alberto), La biorégion urbaine Petit traité sur le territoire bien commun, Éterotopia, Collection Rhizome, France, Paris, 176 p.

MATTHEY, BONARD, GAILLARD, GALLEZOT 2012 : MATTHEY (Laurent), BONARD (Yves), GAILLARD (David), GALLEZOT (Hélène), Paysage en partage, sensibilité et mobilisations paysagères dans la conduite de projet, Fondation Braillard Architectes, Genève, 179 p.

MONGIN 2007 : MONGIN (Olivier), La condition urbaine, la ville à l’heure de la mondialisation, Le Seuil 2005 ; rééd. coll. « Poche » Points Seuil, 352 p.

POLI 2018 : POLI (Daniela), Formes et figures du projet local. La patrimonialisation contemporaine du territoire. Èterotopia-France, Paris, 144 p.

RAFFESTIN 2005 : RAFFESTIN (Claude), Dalla nostalgia del territorio al desiderio di paesaggio. Elementi per una teoria del paesaggio, p. 56, Diabasis, Reggio Emilia.

SAINT-GIRONS 2001 : SAINT-GIRONS (Baldine), « Y a-t-il un art du paysage ? Pour une théorie de l’acte esthétique » in : Le Paysage, état des lieux, Colloque de Cerisy 1999, Paris, Éditions Ousia, 541 p.

SANTI, BURNET, GAVARD-PERRET, BOUVIER, VADROT, STERN 2012 : SANTI (Sylvain), BURNET (Éliane), GAVARD-PERRET (Jean-Paul), BOUVIER (Pascal), VADROT (Philippe), STERN (Annie), Le Paysage et la question du regard, Éditions Marie Delarbre, Aleph Éditions, collection Théories, 118 p.

VANNETIELLO 2009 : VANETIELLO (Daniele), Verso il progetto di territorio. Luoghi, città, architetture, Aion éditeur, 204 p.

NOTES

1. Inventio, découvrir ce que nous avons sous les pieds, et imaginer ce que nous pouvons construire.

2. Jules Sion, Annales de Géographie, t. 15, n°82, 1906. pp. 376-379.

3. Pour qui veut aborder la « dispute » intellectuelle, John Wylie, Paysage manières de voir, ACTES SUD/ENSP, Arles 2015, offre un panorama synthétique.

4. Amadeo Bordiga, Espèce humaine et croûte terrestre, Petite Bibliothèque Payot, Paris-Lausanne, 1955, 1978 pour la traduction française.

5. Alberto Magnaghi, Le projet local, Mardaga éditeur, 2003. La biorégion urbaine, Petit traité sur le territoire bien commun, Eterotopia éditeur, 2014. Daniele Vannetiello, Verso il progetto di territorio. Luoghi, città, architetture, AiOn éditeur, 2009. Ilaria Agostini, La casa rurale e il paesaggio. Guida al recupero architettonico nel Chianti, Le Lettere Firenze, 2021.

6. Annie Lebrun, Ce qui n’a pas de prix, Stock Éditions, Paris, 2018. Annie Lebrun démontre qu’il y a aujourd’hui un « réalisme mondialiste » comme il a existé en URSS un « réalisme soviétique ».

7. Laurent Matthey, Yves Bonard, David Gaillard et Hélène Gallezot, p. 14 in : Paysage en partage, sensibilité et mobilisations paysagères dans la conduite de projet, Fondation Braillard Architectes, Genève, 2012, 179 p.

8. Hérault Tourisme, Site Internet, « Top 10 des plus beaux paysages de l’Hérault ». Les commentaires sont tirés de la présentation des sites.

9. Hérault Tourisme, Site Internet « Noble Pic Saint-Loup ».

10. Philippe Lamour, 1903-1992, Avocat puis membre du Commissariat Général au Plan, Président de 22 structures, dont le Conseil économique et social régional du Languedoc-Roussillon jusqu’à son décès. Le fonds Philippe Lamour a été déposé aux archives départementales de l’Hérault.

11. Paul Marre, auteur d’une thèse sur les grands Causses, Professeur de Géographie à la Faculté des Lettres de Montpellier, résistant, animateur du maquis du Bousquet-d’Orb, ancien assistant de Jules Sion. Paul Marre a participé aux séminaires et aux excursions de Patrick Geddes, cf. sa biographie dans « Midi Rouge », bulletin de l’association Maîtron LR, N° 15, 2010.

12. Jean Prioton, Panorama forestier de l’Hérault, Chambre d’Agriculture de l’Hérault, préface de Jules Milhau, 1953, 64 pages.

13. Gustave Courbet, Le bord de mer à Palavas, 1854, Musée Fabre, Montpellier.

14. Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage, Flammarion, « Champs Histoire », 1988.

15. Charles Beauquier député du Doubs devient Président de La Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF), dont le nom d’usage est Sites & Monuments, plus ancienne association nationale de défense du patrimoine. En 1901, trois projets de loi pour la protection des paysages virent le jour. Ceci s’explique par l’absence de dispositif législatif de protection de la nature. Le premier, déposé à la Chambre par Charles Beauquier proposait de faire établir par une commission un inventaire des beautés naturelles, et prévoyait une servitude et l’expropriation en cas de refus du propriétaire. Adoptée le 21 avril 1906 la loi de protection des sites et monuments naturels est couramment appelée loi Beauquier. Il s’est appuyé sur le paysage de la Loue, tant peint par Courbet pour argumenter. Charles Beauquier fut aussi à l’origine de la loi contre les abus de l’affichage, votée le 20 avril 1910. Son successeur à la tête de la SPPEF n’est autre qu’Honoré Cornudet, auteur de la loi d’expansion et d’embellissement des villes, 1919-1920, rédigée sur la base des travaux de Beauquier.

16. Hélène Guérin, « Sabatier François (Marie Jean Baptiste), Sabatier-Ungher (nom de plume), apparaît comme Franz Sabatier, Francesco Sabatier, cité fautivement comme Sabatier d’Espeyran », Dictionnaire biographique du fouriérisme, notice mise en ligne en décembre 2016, http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article1805.

17. Dans la note 38 p.127 consacrée à la présentation du « Bord de mer à Palavas » dans le catalogue de l’exposition « Gustave Courbet », Hélène Toussaint précise que Whistler pastichera cette marine à Trouville 11 ans plus tard dans son tableau « Harmonie d’azur et d’argent » (1865, Boston, Isabella Stewart Gardner Museum).

18. Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine, collection La couleur des idées, Seuil, Paris 1992, pp.187-198 « La compétence d’édifier ».

19. André Corboz, Le territoire comme palimpseste, Diogène 121, 1983.

20. Olivier Mongin, La condition urbaine, la ville à l’heure de la mondialisation, Le Seuil 2005 ; rééd. collection « Poche » Points Seuil, 2007.

21. Alain Bourdin, « Pourquoi la néo-prospective invente des utopies ? », Espaces et sociétés, 1993, et Pierre Legendre, La société comme texte, Paris, Fayard, 2002.

22. Daniela Poli, Formes et figures du projet local. La patrimonialisation contemporaine du territoire. Eterotopia-France, Paris, 2018, pp. 76-77.

23. Marie-Claire Robic, « Interroger le paysage ? L’enquête de terrain, sa signification dans la géographie humaine moderne (1900-1950) », dans Blanckaert, C. (dir.), Le Terrain des sciences humaines (XVIIIe-XXe siècle), Paris, L’Harmattan, 1996.

24. Frédéric Hébraud photographe officiel du CAUE, « L’Observatoire est là, en témoin et en mémoire de ses métamorphoses ou de son immuabilité ».

25. CAUE de l’Hérault, Exposition « Raymond Depardon et le CAUE 34, Regards sur l’Hérault : 20 ans d’évolution des paysages dans l’Hérault », 2013.

26. Eugenio Turri, Semiologia del paesaggio italiano, Marsilio Padova 2014 [1979 et 1990 Longanesi] Dans cet ouvrage Eugenio Turri décrit les paysages de la « Grande transformation » en Italie, et le parallèle avec la « Grande transformation » en France est d’autant plus légitime que Philippe Lamour Président de la commission tourisme de la Cassa per il Mezzogiorno y a joué un grand rôle en matière de politique touristique.

27. DREAL, Atlas des paysages du Languedoc-Roussillon, Éditions Follea-Gauthier, 2003.

28. Gaston Baissette, L’étang de l’Or, Julliard, 1946.

29. Georges Bertrand, Le paysage entre la nature et la société, Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 49, fascicule 2, 1978.

30. Vidal de la Blache, paysage-pays, le sol en est le pilier (enracinement), la diversité renforce les identités, consolide les appartenances.

31. La Convention européenne de Florence porte sur les espaces naturels, urbains et périurbains, terrestres, aquatiques ou maritimes.

32. Sylvain Santi et al., Le Paysage et la question du regard, Éditions Marie Delarbre, Aleph éditeur, collection Théories, 2012.

33. Marcel Roncayolo, Les grammaires d’une ville. Essais sur la genèse des structures urbaines à Marseille, Éditions de l’EHESS, 1996.

34. Augustin Berque, Médiance, de milieux en paysages, Paris, Belin/Reclus, 2000 (1re éd. 1990) 161 p.

35. Vincent Bouvier, « L’étude du suivi du regard : un nouvel outil au service du projet de paysage ? », « Le paysage est dans les yeux de celui qui le regarde », Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, site internet, Décembre 2008.

36. Baldine Saint-Girons, « Y a-t-il un art du paysage ? Pour une théorie de l’acte esthétique » in Le Paysage, état des lieux, Paris, Ousia, 2001, p. 466.

37. Sénat, site Internet, « En 1913, le Sénat votait la loi sur les monuments historiques ».

38. Anny Rousso, « Le droit du paysage, un nouveau droit pour une nouvelle politique », INRA, Courrier de l’environnement, N° 26, 1995.

39. Christian Gérard, Grégory Muñoz, Marion Rousseau, Du paysage au territoire de l’alternance, une intelligence collective à l’œuvre, l’Harmattan, 2013, 334 p.

40. Dylan Simon, « Le paysage et l’artifice en géographie, De la physionomie terrestre au paysage humain chez Max Sorre, 1913-1958 », Projets de paysages, Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, N° 12, 2015.

41. Bertrand Folléa, L’archipel des métamorphoses. La transition par le paysage, Éditions Parenthèses, 2019, 126 p.

42. Didier Labat, Gaelle Aggeri, « La loi Paysage a-t-elle eu un impact sur la planification territoriale ? », Projets de territoire, Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, N° 9, 2013.

43. Augustin Berque, Un habiter « soutenable », entretien avec Laurence Costes, Socio-anthropologie, N° 3, 2015, « Habiter », p.171-183.

  • Augustin Berque, Alessia de Biase, Philippe Bonnin. « Donner lieu au monde : la poétique de l’habiter », Colloque de Cerisy, 2006.
  • Augustin Berque, Médiance, de milieux en paysages, Paris, Belin/Reclus, 2000 (1re éd. 1990), 161 p.