Gérard CALVET : la féminité, une parole bleue

* Docteur en sociologie

Cet article est le fruit de la rencontre avec un peintre « méditerranéen » prestigieux dont l’expérience de la pratique professionnelle est tout à fait remarquable. Il éclaire d’un jour original la trajectoire d’un agent du champ de l’art.

L’un des aspects majeurs de cette étude est le regard porté sur une œuvre artistique continue de plus de 70 ans. L’évolution du contexte socio-artistique des années 1945 à 2015 et les luttes autour des enjeux de l’art pictural figuratif et coloré dessinent les contours de cette recherche. Une focalisation sur le rapport à la lumière propre aux pays méditerranéens met en valeur des tableaux particulièrement colorés, « vivants », voire, pour l’expert, réalistes, ou proches parfois d’une facture impressionniste. Mais Gérard Calvet préfère modestement affirmer que « sa peinture est figurative, construite, rythmée et très colorée (…) mes œuvres ne portent aucun message et n’ont nul besoin d’être commentées (…) Je fais passer la préoccupation de l’expression technique avant le thème » 1.

Gérard Calvet est né en 1926 à Conilhac-Corbières, village situé au cœur du pays viticole audois. Fils d’un viticulteur et d’une institutrice, il doit à sa détermination et sa capacité de travail d’être reconnu comme le maître d’une peinture figurative enrichie de la palette du coloriste. Le parcours de Gérard Calvet témoigne du savoir-faire, du coup d’œil, du sens pratique d’un artiste confronté à un environnement d’experts souvent guidés, selon lui, par « le langage du concept ou de la théorie ».

Ce sens pratique, inscrit dans l’évolution de l’environnement artistique régional, est-il à la base de nouvelles manières de voir et de percevoir son art ? Plus concrètement, considéré comme « le peintre de la femme », apporte-t-il un éclairage sur les changements d’apparence et d’attitude de la féminité, et sur le regard de l’artiste-peintre ?

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de saisir, au préalable, les racines de son parcours artistique. (Fig. 1)

Le peintre dans son atelier en 2012 (cliché Christian Guiraud)
Fig. 1 - Le peintre dans son atelier en 2012 (cliché Christian Guiraud)

« Être un peintre » ou les raisons d’une généalogie sociale

Rappeler l’expérience de vie de Gérard Calvet, c’est décrire sa fréquentation quotidienne d’un milieu de vie valorisant les études. Il habitait au sein même de l’école où sa mère enseignait. Il a été formé par ses parents à la stricte discipline du travail scolaire, aidé en cela par un instituteur particulièrement bienveillant et attentionné (les classes n’étaient pas mixtes et sa mère ne s’occupait que des filles).

Son énergie au travail semble émerger de l’ambiance « cadrée » d’une école républicaine attachée au fait que l’on n’a rien sans effort. C’est en même temps par l’écoute d’un père formé aux valeurs du temps et de la nature (la vigne, le raisin et le vin), qu’il apprend à anticiper ses projets et à construire, en représentation symbolique, son avenir d’artiste. C’est aussi dans la confrontation physique au dur travail de la vigne et des vendanges, mode de vie qu’il refuse, qu’il construit cette perception étrange pour ses parents : « devenir un peintre ! »

Gérard Calvet est un bon élève, quelquefois indiscipliné. Il étale ainsi sa propension à ne pas s’enfermer dans des règles incomprises dont on sait qu’elles ne favorisent pas toujours l’expression individuelle et la création. Mais on ne peut nier que l’art naît de la contrainte et plus particulièrement de la maîtrise, pour ce qui le concerne, de la technique du dessin académique. A l’exemple des meilleurs artistes de ce style, il construit avec une grande rigueur les savoir-faire de son art. Son expérience s’enrichit progressivement d’une meilleure connaissance des enjeux matériels et symboliques accessibles à une vie d’artiste. C’est, par exemple, dans ses activités extrascolaires, la rencontre de peintres de renommée locale, voire régionale, qui lui ouvre les yeux sur le monde artistique. Ce sont aussi les souvenirs marquants de la période de l’enseignement secondaire, au lycée de Carcassonne, dans un milieu perçu comme hostile et facteur de frustrations ressenties dans le rapport à certaines disciplines scolaires. D‘autres matières font alors office de refuge. Ainsi, si Gérard Calvet est prédisposé à l’étude des langues étrangères ou anciennes, c’est avec réticence qu’il joue au rugby, soulignant ainsi un habitus corporel fait d’un rejet du contact brutal des corps et de leur promiscuité. C’est en toute logique qu’il s’exprime dans une activité physique individuelle : le grimper de corde et la gymnastique. Ce choix est facilité par l’aménagement sportif de la cour d’école qu’il peut utiliser à son gré. On ne peut ignorer que sa timidité excessive a aussi joué un rôle important dans son comportement.

Mais c’est également par l’activité physique 2 qu’il construit la nécessaire « capacité de concentration sur l’œuvre en construction ». Il le rappelle volontiers lorsqu’on le questionne sur les différentes contraintes du métier.

Enfin, l’impact psychologique d’un professeur de dessin, Jean Laforgue, dont le talent pédagogique et la technique lui ont ouvert la voie de la peinture à l’huile, constitue un point de départ important de sa carrière. Cet homme a mis à sa disposition, en dehors des heures de cours, l’atelier scolaire de peinture et l’a sensibilisé à la lumière du travail en plein air. Cette liberté pédagogique novatrice a favorisé son engagement artistique.

Une empreinte artistique...

Ce premier regard sur le champ de la peinture et ses acteurs, s’est développé par la fréquentation d’artistes locaux, tels Jean Camberoque et André Blondel 3. Ces deux peintres sont, à leur manière, des figuratifs coloristes. Ils suscitent l’intérêt de Gérard Calvet pour cette technique en l’accueillant dans leur salon. Ces contacts enrichissent la culture artistique du jeune apprenti.

Cette période est aussi celle de la reconnaissance de ses capacités par ses pairs. Il devient, de fait, « le peintre » du lycée. Son habileté à réaliser le portrait de ses camarades est unanimement reconnue.

Profondément motivé par cette réussite, il utilise les périodes de vacances pour peindre, inlassablement, l’environnement naturel de son village natal, et met en valeur l’originalité du bâti dont il se plaît à croquer les effets du déplacement du soleil. Cette manière de faire crée un parallélisme avec Claude Monet dans sa série de toiles sur la cathédrale de Rouen qu’il représente à des moments différents de la journée. Cette approche permet de mettre en valeur les variations de la lumière sur le monument.

Cet engagement dans la peinture n’occulte point sa réussite scolaire, même s’il reconnaît quelques lacunes en mathématiques. Ayant obtenu le baccalauréat 4, il décide de « monter à Paris » pour s’engager, malgré la réticence de ses parents, sur la voie du métier d’artiste. Et c’est muni d’une recommandation de son professeur de dessin qu’il rejoint l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, au sein de laquelle il est accepté au cours d’Eugène Narbonne 5 en 1945.

Soucieux de se doter d’une solide culture, Gérard Calvet occupe la quasi-totalité de son temps libre à consulter les ouvrages d’art en bibliothèques et à visiter les galeries ou les musées parisiens. Il parle peu du contenu de son travail avec Eugène Narbonne, mais il garde en mémoire la trace d’une pédagogie qui l’obligeait à travailler sur des moulages en plâtre et à dessiner des modèles vivants. Cet enseignant était un bon peintre… Il parlait peu, mais après avoir montré du doigt ce qu’il fallait améliorer sur la toile, il laissait l’élève rechercher la bonne réponse. Cette démarche a été précieuse car elle l’a incité à beaucoup travailler par la suite. En exemple de cette méthode « active », il se souvient qu’au retour de vacances dans son midi natal, il rapporte de nombreux tableaux par le train. Après avoir examiné le travail, Eugène Narbonne rassemble les élèves du cours, leur montre les toiles et dit : « Venez tous et prenez de la graine ! ». Puis le maître écarte Gérard Calvet du groupe et lui dit : « Vous, prenez tout cela et mettez-le en l’air ! ». Le jeune peintre est surpris car il pensait être félicité pour la qualité de son travail. Le maître ajoute alors : « C’est un travail d’élève, d’apprenti (…). J’attends de vous autre chose (…), promenez-vous, reposez-vous, car vous avez travaillé tout l’été (…). Revenez dans un mois avec une ou deux toiles importantes qui soient de vous ! ». Au bout d’un mois, Gérard Calvet revient avec deux toiles dont celle de la chambre avec poêle rouge, réalisée en 1949, qui signe l’originalité du peintre et la satisfaction du professeur.

De sa confrontation avec les corps nus des modèles, il retient l’aspect du rapport psychologique à l’autre, qui est d’autant plus fort que la barrière du vêtement et de l’apparence « codée » n’existe plus. C’est aussi l’occasion de se confronter à la difficulté du trait induit par la dynamique de reconstruction du corps, dont la vision académique nécessite une maîtrise des formes, des proportions et de l’équilibre.

Ses relations d’atelier à Paris, dans un environnement ouvert aux différentes tendances de la peinture du moment, lui permettent de côtoyer des artistes au devenir brillant, à l’image d’un Bernard Buffet 6 ou d’un César 7. Mais c’est surtout dans un partage d’amitié avec Jean Ségalat 8, Jean-Jacques Hamon 9, Pierre Bichet 10, Walter Spitzer 11 et Georges Oudot 12 qu’il trouve le soutien nécessaire à un équilibre et au développement de sa personnalité d’artiste. Le dernier nommé est l’ami fidèle de toute une vie et l’accompagne dans de multiples expositions communes (Paris, Besançon, etc.), et, au-delà, dans un partage de la vie familiale 13. C’est Jean Ségalat qui le conduit à exposer ses dessins pour la première fois à la Maison des Beaux-Arts. Le succès recueilli l’amène à réaliser, l’année suivante, en 1949, une exposition complète à la galerie des Beaux-Arts, située dans la rue du même nom. C’est une première confrontation aux critiques d’Art. Pierre Descargues 14 et Jean Bouret 15 font l’éloge de son travail. Une étude de ses premières toiles est publiée par la revue Arts en des termes particulièrement flatteurs : « Gérard Calvet débute où certains se sont arrêtés (…), (il) entend exprimer plastiquement, par la couleur, la poésie dont il déborde (…). Les toiles de Calvet révèlent un réel talent (…), la plupart de ses toiles servies par un dessin sensible (…) sont traitées avec un grand sens de l’unité ».

Quelques œuvres de cette époque, choisies par le peintre, attirent notre attention. Elles forment un point de départ. Nous retenons le portrait du garde champêtre de Saint-Martin-de-Bréthencourt dont on peut dire qu’il représente un modèle de virilité d’après-guerre, la cigarette entre les lèvres, le visage émacié, le regard lointain et des traits rudes. Il y a dans ce portrait quelques éléments empruntés aux héros du cinéma américain de ces années. C’est aussi, en forme de contrepoint, le portrait de sa grand-mère. Ce dernier témoigne d’un monde qui disparaît sous l’effet des changements sociaux de cette période, mais aussi d’une vie quotidienne difficile pour les femmes. (Fig. 2)

Portrait de la grand-mère dite « mamète » - 1948
Fig. 2 - Portrait de la grand-mère dite « mamète » - 1948 - Huile sur toile 73x54 - Coll. Caillol

Un autre tableau singularise le changement profond des mentalités de la jeunesse sous l’effet des nouvelles valeurs d’Outre-Atlantique. Il s’agit du musicien de jazz et de sa compagne blonde, verre à la main et chevelure libérée, rouge à lèvres prononcé 16. On saisit, dans ce tableau, le caractère émancipé des corps par la danse et la musique américaines. La toile est intitulée La blonde à Saint-Germain-des-Prés 17. L’ambiance « bleue » de la scène, dont l’attrait principal est la lumière constituée du regard bleu du modèle et du chemisier de la même couleur, représente une des expressions initiales du goût du peintre pour la déclinaison des valeurs du bleu. (Fig. 3)

La blonde à Saint-Germain-des-Prés »- 1948
Fig. 3 - « La blonde à Saint-Germain-des-Prés »- 1948 - Collection privée de l’artiste-peintre, huile sur toile 92x73

Ce tableau a une histoire qu’il convient de rappeler. Il a été peint « de mémoire » à la suite d’une soirée dans une boite de nuit dont l’entrée a été facilitée par un de ses amis, car il n’avait pas d’argent à consacrer à ce type de loisir. C’est un de ses premiers tableaux de grand format. A cette époque Gérard Calvet cherchait à peindre « une jeune femme dans l’esprit du temps » et à retenir l’image du jazz américain. Il témoigne ainsi de son intérêt pour l’observation concrète, réaliste, des évènements qui se déroulent sous ses yeux.

Mais revenons aux effets symboliques de cette première exposition. Gérard Calvet vient de franchir une nouvelle étape dans son accès au champ de l’art. Il en a payé, ce que le sociologue Pierre Bourdieu nomme « un droit d’entrée ». C’est-à-dire que son travail est désormais légitime, reconnu, par l’ensemble du milieu artistique. C’est une reconnaissance très importante car il va désormais user d’une voix et d’un style dignes d’une écoute attentive. C’est la porte ouverte aux galeries qui recherchent de nouveaux talents 18. C’est aussi un appel aux collectionneurs avertis. La demande des musées n’est pas très éloignée ! Le passage obligé par les galeries est si bien intégré que, dès 1951, Gérard Calvet et Georges Oudot animent une exposition à la galerie Saint-Simon 19, près de Saint-Germain. Le succès est mitigé, comme le souligne André Soulier 20, mais c’est le début d’une investigation des galeries les plus réputées pour asseoir une solide démarche de construction de la valeur des œuvres 21. Il se rattache, dans cette période, à l’école de Paris figurative dont les acteurs dominants sont Bernard Lorjou (1908-1986), André Minaux (1923-1986) et Paul Rebeyrolle (1926-2005).

L’enracinement clapasien et ses attaches parisiennes

Malgré la coupure du service militaire effectué en 1952 à Toulouse, Gérard Calvet poursuit son activité de peintre tout en « bénéficiant » d’un régime alimentaire propice à compenser les carences de la période précédente. En effet, il était fortement « affaibli par des années de privations » dont on comprend mieux la réalité lorsqu’il achetait « de vieilles toiles au marché aux puces pour les restaurer ». En effet, l’aide familiale était insuffisante pour couvrir tous ses frais de vie. Les permissions vont lui permettre, par relations interposées, de découvrir l’attrait de la vie universitaire à Montpellier où l’ambiance festive et « la beauté des créatures » constituent un antidote à l’ennui. C’est au cours d’un de ces déplacements qu’il rencontre sa future femme Yvonne dont les yeux bleus sont une invitation à la prendre pour modèle. Ils se marient en 1952. André Soulier retient qu’Yvonne, dont la générosité est exceptionnelle, « a vraisemblablement beaucoup pesé dans la peinture sereine et équilibrée de son mari ». Nous pourrions nous poser la question de savoir si elle n’a pas aussi contribué à élargir son réseau relationnel par l’organisation de réceptions ou par le truchement d’organismes de bienfaisance dont elle fait partie ? A l’issue du Service Militaire, le couple s’installe à Montpellier. Quelque temps auparavant, à la suite de péripéties, Gérard Calvet avait pu effectuer une première présentation de ses œuvres dans la salle Frédéric Bazille, jouxtant le théâtre municipal, avec l’appui de Camille Descossy, directeur de l’École des Beaux-Arts de cette ville. Le succès de cette exposition lui ouvre les portes de la galerie montpelliéraine Art et Décoration 22 sur une période de 32 ans !

Cette implantation à Montpellier lui permet de côtoyer les grands noms de la peinture régionale et de partager leur passion commune, celle « d’organiser des expositions de leurs œuvres et de présenter aux amateurs d’art les productions de ceux qui honorent le plus l’art vivant ». En 1953, il participe à la mise en place du groupe Montpellier-Sète qui anime la vie artistique de cette région jusqu’aux années 1980 en organisant diverses expositions dans l’espace méridional, avec une ouverture vers plusieurs pays européens 23. Cette même année le journal L’Espoir, le journal des hommes libres affirme, sous la plume de Jean Daniel Maublanc, que les couleurs osées du peintre touchent à la perfection avec « un grand sens de la composition, une exactitude indéniable du dessin, tout cela encore très rare aujourd’hui ». Cette compétence est officiellement récompensée par le prix Seyssaud qu’il obtient au mois de juin 1953 24 à l’École des Beaux-Arts de Marseille, après un échec au prix de Rome. La toile primée représente « un coin du Canal du Midi avec un cargo à quai, dans un cadre verdoyant bien dans la luminosité méridionale ». Les organisateurs du prix, les amis de Seyssaud, ont voulu démontrer, par cette confrontation d’artistes, que le niveau artistique de la Provence et des autres régions du sud n’était pas « tellement éloigné de celui de la capitale ». Cette revendication est dans l’air du temps des milieux artistiques.

Les liens d’amitiés entre les membres du groupe Montpellier-Sète sont indéniables et leur solidarité permet à Gérard Calvet de mieux s’inscrire dans des conditions de travail plus confortables. C’est ainsi que le peintre Georges Dezeuze met à sa disposition, en 1956, un atelier dans la rue de l’Aiguillerie à Montpellier. C’est la « bouffée d’oxygène » qui lui permet de sortir d’une pratique confinée dans un logement familial inadapté. Cette période est également celle où Gérard Calvet devient enseignant de dessin dans un établissement scolaire afin de subvenir aux besoins de sa famille. Sur les conseils de François Desnoyer, il obtient un emploi de maître auxiliaire à mi-temps dans divers établissements du département de l’Hérault et du Gard, pour déboucher, après sa réussite au concours de recrutement, sur un emploi de professeur à Montpellier. Ce succès le conduit à effectuer, en 1955, le stage de titularisation obligatoire à Paris. Cette contrainte lui permet d’élargir son réseau professionnel. C’est l’occasion de mieux connaître le monde des galeristes et des experts en art pictural, mais aussi, de la décoration et de la sculpture 25. Sa première exposition en 1954 à la galerie De Groote avait été un succès et lui avait déjà ouvert l’écoute des amateurs d’art. André Soulier identifie cette date comme le point de départ de « sorties et d’expositions plus nombreuses ». Toutefois, un changement dans la direction de cette galerie fait transférer la présentation des toiles à la galerie d’Argenson. Gérard Calvet rappelle que ce transfert est symboliquement marqué par un tableau très important pour lui (« nu de dos », 1957) qui avait été remarqué au salon des Indépendants. Son achat par la ville de Paris 26 a été un encouragement « considérable » ! (Fig. 4)

Nu de dos – 1957 – 195x130
Fig. 4 - Nu de dos – 1957 – 195x130

Un contrat instaurant un monopole de présentation de ses œuvres sur Paris est conclu et se poursuit jusqu’au décès de ce galeriste. Il part alors à la recherche d’une autre galerie… Ce qu’il fera plusieurs fois au cours de sa carrière, avec succès, lorsque la galerie d’accueil est contrainte de fermer.

Un poète de la couleur

Afin de mieux saisir la nature et l’importance de la critique officielle à propos des toiles de Gérard Calvet, il est utile de comprendre sa manière de penser la peinture :

« Je me sens profondément paysan (…), j’ai vraiment l’impression que des générations de paysans se sont accumulées en moi (…), je suis orgueilleux, j’ai voulu être un peintre, pas simplement peintre, mais « un peintre » (…), j’ai besoin du monde, de contacts pour ensuite exprimer mes sensations (…). Je ne peux peindre sans soleil, sans cette luminosité si particulière au bassin méditerranéen (…). Le peintre doit effectuer ses recherches avec continuité, cohérence (…) dans une progression constante et non par paliers discontinus (…). La femme ! Mais je trouve que c’est ce qu’il y a de plus extraordinaire au monde, cela me ravit, c’est l’extase ! (…) Toute femme est belle, il suffit d’arriver à trouver l’angle pour la peindre, c’est cela le plus difficile (…) je cherche la nature pour les nus, le soleil c’est merveilleux (…). J’aime dessiner, alors que très peu de peintres dessinent, dans le dessin je trouve la structure, la discipline (…) mais avec la peinture c’est autre chose (…), je veux faire une peinture habitée (…), je veux que mes toiles soient vivantes (…), on me reproche de travailler même le visage dans un nu, mais pour moi c’est très important, cela forme un tout… 27 ».

Cette représentation de son métier, à une période de plénitude professionnelle, se confronte à la période antérieure de recherche du « soi-artiste ». Les amateurs éclairés et les experts l’ont souvent comparé à des modèles prestigieux tout en soulignant la précocité de la maîtrise technique et la sensibilité « d’une jeunesse » à la découverte du monde 28.

Si, comme le souligne Pierre Bourdieu 29, le jeu des formes, des couleurs, des taches juxtaposées produit des effets plastiques et n’ont pas vocation à communiquer du sens, qu’en est-il de la réception de l’œuvre ? La poésie dont il est question, point développé plus bas dans l’article, a un caractère métaphorique et s’exprime au niveau de celui qui regarde l’œuvre. Dès 1954, cette sensibilité poétique s’allie à l’usage de la couleur bleue qui caractérise désormais le peintre. Gérard Calvet établit un lien symbolique entre cette couleur et sa « méridionalité ». En effet, c’est avec émotion qu’elle lui rappelle les moments passés, lorsqu’il était plus jeune, au bord de la mer méditerranée.

Au hasard de ses archives, nous relevons cet article de presse où l’observateur commence sa description par l’effet dominant du bleu et l’inscrit dans une ambiance propice à la sensualité du corps féminin :

« Toiles où l’eau, le sable, et les nuages se partagent avec bonheur une palette où le bleu domine (…). Ce peintre a pris conscience du message poétique qu’il porte et qu’il a su exprimer (…). La composition de ce tableau est toute intérieure. Elle exprime un tempérament à la fois sensuel et très sensible de notre peintre. Une jeune fille nue, la hanche en avant, est debout face à nous près d’un vase, dont les lignes molles s’harmonisent aux siennes et qui élève de sinueux chardons (…). Au fond de la mer (…), cette néréide encadre son visage entre deux piquets porte filets. Ajoutez une matière très chaude pour le corps et une expression de rêve sur un visage légèrement idéalisé et vous aurez une toile heureuse. C’est d’ailleurs par le visage que Calvet donne à ses nus l’esprit et la vie. Le nu debout d’une belle hardiesse de la pensée est réellement présent sur la toile » 30.

Le discours ci-dessus complète celui du peintre. C’est la représentation du féminin par l’homme ! Ainsi la hanche en avant stigmatise bien une attitude féminine. « Les lignes molles du vase » rappellent la perception anthropologique d’un corps féminin « mou » par opposition au corps masculin « dur ». La prise de distance au sujet en parlant de « néréide » instaure un écart de sens qui neutralise, esthétise le regard. Il devient désexualisé. Il faut aussi retenir que le milieu naturel légitime la présentation de corps nus. Comme le souligne Jean-Claude Kaufmann, la nature devient un lieu marginal propice à l’observation de comportements nouveaux 31. C’est ce que Gérard Calvet confirme au fil de ses toiles.

Au cours des années 80, une exposition à la galerie Art et décoration est décrite par le journaliste de Midi Libre qui analyse autrement les nus du peintre. En effet, le discours a changé et devient plus direct en abandonnant le style métaphorique :

« Venons-en aux nus, assez nombreux. C’est un lieu commun de dire que Gérard Calvet est le peintre de la femme. Ses qualités dans ce domaine apparaissent plus que jamais réalistes. Trop peut être aux yeux de certains, mais à une époque où l’on va bientôt demander l’éducation sexuelle à la maternelle, on n’est plus au temps où il était interdit aux peintres de représenter le système pileux. Ces nus n’ont quand même rien de choquant. Car on y sent une pureté d’intention, un amour pour la beauté du corps féminin que tout homme normalement constitué admettra fort bien. Les femmes peintes par GC sont belles, pleines de jeunesse, de vigueur et de charme. Dans ces nus, GC démontre une technique particulièrement poussée. Aussi bien les visages – il s’agit de véritables portraits – que les corps sont façonnés à la manière d’un sculpteur, avec un modelé extraordinaire qui traduit parfaitement les moindres rondeurs, les moindres ombres 32 ».

L’exposition de 1998 au Conseil Régional du Languedoc-Roussillon met un terme provisoire à notre exploration des articles de presse consacrés à son œuvre. Ce qui suit, en conclusion de ce paragraphe, témoigne de l’évolution du regard social, jusqu’alors très traditionnaliste, de la religion catholique sur l’Art et plus particulièrement sur le corps dénudé de la femme. Il s’agit d’un texte de Marc Hervé, aumônier des artistes :

« Les personnages, spécialement ses nus, ont cette présence charnelle, comme disait Péguy, qui en font bien plus que des compositions : des composés humains, fruits de l’alliance féconde de la science du dessin, des règles de la surface plane, de l’observation inlassable de l’anatomie et de la contemplation émerveillée du corps humain ».

Cette analyse constitue le lien idéal avec le paragraphe suivant, consacré à une connaissance plus approfondie du travail du peintre et de ses œuvres les plus récentes. Toutefois, nous remarquons que la critique d’art de la presse régionale est devenue, au fil du temps, plus discrète.

Gérard CALVET, un peintre de la femme ou des femmes ?

En s’extrayant du milieu des Beaux-Arts parisiens, il a fait éclore ses tendances profondes. Son activité picturale témoigne de sa sensibilité aux paysages, aux natures mortes, aux scènes de la vie quotidienne, et, surtout, ce qu’en retient son biographe André Soulier, de son approche de la féminité. Si l’on insiste sur ce dernier aspect, c’est d’un point de vue qualitatif et non pas quantitatif. En effet, comme le souligne l’artiste, les portraits et le nu féminin sont parmi les exercices les plus difficiles à réaliser. Ce n’est pas seulement un aspect lié à la beauté du modèle ou à la lumière de la composition, mais la recherche d’un équilibre général qui fait, pour un portrait, que « le corps et le visage (font) partie d’un tout » 33 et que le peintre doit s’en sentir proche afin de « s’exprimer comme il le veut » 34. Ceci exige une maîtrise tout à la fois du dessin et de la couleur, en y ajoutant l’empathie nécessaire avec le modèle, forme de fusion émotionnelle indispensable à l’œuvre artistique… Ces conditions ne sont pas toujours remplies et obligent à différer le travail ou à le remplacer par un thème plus réaliste, à l’image de natures mortes plus concrètement abordables dans la composition et la réalisation. Il en est de même pour le paysage. Pour ce dernier, nous sommes éclairés par l’expression imagée de Michel Walch (Magazine n° 109, du club Kiwanis 35, 1985) : « Ses paysages sont pleins de charme, de douceur, de tendresse, mais aussi d’imprévu ». Cette description sensuelle n’est-elle pas celle de la féminité dans les représentations dominantes ?

Ce lien entre le paysage et le corps féminin n’a pas échappé à Christian Dedet dont il nous plait de rappeler le texte, d’autant qu’il se situe après les évènements sociaux de mai 1968 :

« Vénus est née d’une coquille. De la mer à la femme nous ne changeons pas d‘amour. Gérard Calvet (…) est surtout, un peintre de la femme. Il l’est d’abord parce que son exigence et sa maîtrise du dessin devaient le conduire très tôt à la figure humaine. Il l’est surtout parce qu’en homme fort, l’univers des sens est pour lui un univers innocent ; parce que cerner ou pétrir des corps nus de baigneuses sur la plage, livrées au soleil comme de lascives méduses ou comme de lourdes déités fécondes, était le moyen le plus sûr de célébrer un accord profond, natif, avec la terre 36 ».

Visiblement cet auteur prend de la distance avec le sujet en usant de la métaphore de la naissance de Vénus. Il construit son article en désexualisant le regard. Cet appel à la mythologie lui permet de ne retenir que l’esthétique des formes féminines. Il en offre la vision sublimée d’un rapport du corps humain à la nature, dont on sent bien que l’artiste est l’ordonnateur ! Ce traitement du regard autorise toutes les expressions de la nudité en lui retirant tout aspect à caractère érotique choquant !

Mais, ne faut-il pas saisir le langage de l’anthropologue qui souhaite « parvenir progressivement à brosser les contours d’une zone d’intersection, là où se tient précisément la beauté, entre ce qui plait à l’œil, c’est à dire le regard, le trouble, l’équivoque, la sensation et ce qui plaît à l’esprit, c’est à dire la parole, l’objectivation, l’échange (le symbole), la loi, le tiers » 37. Cette dernière citation a le mérite de nous replacer dans le champ social de la production artistique, au carrefour du discours dominant des experts auto-désignés et de celui, souvent rebelle, du créateur. Cette rencontre est formalisée, en 1962, par le critique d’art Jean Daniel Maublanc dans un fascicule des Cahiers de la Pipe en Écume intitulé « Gérard Calvet, peintre ». A propos des nus, nous y relevons que « la femme y est reine, les nus y sont majestueux, gonflés de sève, étalant leurs formes charnues et leurs membres pareils à des colonnes. Femmes musclées, reins puissants, jambes et bras massifs, hanches fortes, seins mûrs, femmes toujours prêtes à être fécondées ». Par projection, l’auteur parle « des gestes gourmands et volontaires répondant volontiers à la contemplation de ces formes rondes et convexes qui peuvent s’élever au-dessus du plaisir immédiat » et cite le choix de toiles rudes, à gros grain, qui accentue encore « le charnu de la facture ». Il est également question de la pâte abondante, onctueuse, saisissant parfaitement la lumière. Cet érotisme de l’œuvre de Gérard Calvet est décrit comme « sain, aux appétits affirmés, à la gourmandise vorace, éclatante de se savoir impunie ». Il s’agit d’un discours qui, replacé dans son contexte, respecte une « morale sociale ». C’est-à-dire une image forte du rôle social de la femme comme « reproductrice », future mère de famille. Il y a une perception « extérieure » du corps féminin qui porte sur sa capacité à engendrer, tout en exaltant le sentiment de beauté. C’est d’ailleurs ce que relève G. Vérune 38 dans un article de Midi Libre à propos d’une exposition à la galerie « Art et décoration » à Montpellier :

« Plusieurs toiles ont pour thème des personnages féminins. On ne saurait s’en plaindre lorsqu’on sait combien Calvet excelle à rendre le corps de la femme avec d’ailleurs beaucoup de vérité, mais aussi de pureté. En dehors même de ses dessins, il peut se permettre de peindre presque grandeur nature des femmes nues sur la plage, sans pour autant qu’elles soient plus indécentes – malgré une plastique parfaite, ou peut-être à cause de cela – que des baigneuses habillées ».

En 1965, à Cordes, René Coulanges fait une analyse particulièrement intéressante des toiles exposées. C’est une approche psycho-sociale de la féminité. Il entre ainsi en symbiose avec le discours du peintre. On remarque qu’il fait référence à l’art grec ou romain pour rendre acceptable, par l’opinion publique de l’époque, la présentation d’une nudité qui pourrait heurter la pudeur :

« Calvet s’attarde longuement sur les détails les plus suggestifs de ces femmes délicieuses, à la sensualité débordante. Le visage lui importe moins. Gérard Calvet est plus un anatomiste qu’un portraitiste. Cette considération n’est pas une critique, dans la mesure où l’artiste désire fixer notre attention sur les attitudes des corps et sur elles seules. Dans ce cas, il y parvient au-delà même de ses objectifs (…). Ces nus ne sont pas équivoques : la salubrité physique est égale à la salubrité morale. Nous insistons sur ce point délicat et important. En bon méditerranéen GC est l’héritier atavique des civilisations grecque et romaine, où la représentation du corps humain était le sommet de la création artistique : la nudité était reine dans les ateliers des sculpteurs, sur les stades. Maturité et puissance des corps, tel était le canon de beauté, que nous retrouvons, deux mille ans et plus après dans l’œuvre de l’hôte de la galerie Dauphin. Ne nous attendons pas à découvrir, même par hasard, ici, des silhouettes fluettes, maigrelettes, aux hanches étroites et aux cuisses creuses. GC ne rend hommage à la femme que dans son épanouissement et il a raison. »

En 1983, Hélène Cingria 39 porte un regard de femme. Mais c’est aussi un regard d’experte de l’art attentif à la composition des toiles et à l’usage « coordonné » des couleurs. C’est également une vision traditionnelle du corps féminin que la mode des loisirs en plein air, et de la recherche du soleil, coloré de couleurs chaudes. Il va sans dire que les courbes douces du corps valorisent une vision esthétique qui échappe encore à la montée des valeurs androgynes de l’époque.

« Ce que Gérard Calvet peint avec le plus d’amour, donc avec le plus d’art, c’est le nu. Le nu féminin dont il célèbre les chairs ambrées, les courbes douces en les soulignant par des traits d’un noir profond ou en les rehaussant par des touches soutenues, bleues, violettes ou vertes qui en exaltent la blondeur. Le grand nu de femme qui fut primé à la biennale de Menton notamment, nu qui dans la pénombre d’une salle de bains moite d’humidité, apparaît caressé de patine d’or par un pinceau qui s’attarde, insiste, pétrit la tendre matière pour mieux en chanter la volupté ».

En 2011 à Béziers, l’exposition « Aspects de la femme » présente le travail du peintre. Mais on y retrouve ce qui a été dit plus haut dans cet article. Il n’y a pas de rupture apparente dans le discours des experts, car la sensibilité du peintre est encore oubliée ! Il y a toutefois une meilleure description de la technique préparatoire du tableau et de la dynamique induite :

« C’est grâce à sa liberté des lignes que nous pouvons particulièrement découvrir dans ses dessins de nus, l’expression de ses différentes techniques. Ni totalement abstrait, ni réellement figuratif avec une point d’art déco, l’art de Gérard Calvet est de reproduire ce qu’il voit mais avec sa propre interprétation de la réalité. Quant aux corps humains, ici présentés dans notre exposition, ils révèlent la sensualité de ses nus 40 ».

Pourtant une meilleure écoute de l’artiste permettrait d’ouvrir la voie à une autre perception. En effet, lorsque Gérard Calvet peint les corps féminins, nus ou parés de voiles divers, c’est avec le sourire aux lèvres qu’il explique que la féminité est, pour lui, une attitude, une manière de parler et de rire. Il rejoint en ce sens le romancier Édouard Glissant qui considère que la féminité est « moins un dehors qu’un dedans » et qui reprend le concept plus psychologique « d’attitude féminine ».

Traduire la parole par une couleur est le privilège du peintre. L’anthropologue Marcel Jousse nous permet de comprendre le lien entre la sensibilité perçue de la parole féminine et sa transcription par la palette du peintre. En effet, selon cet auteur, la parole est « matérielle » et gestuelle. La parole des femmes est un geste qui se traduit en couleur dans l’imaginaire masculin, car le mot geste s’étend « à toutes les activités intellectuelles du composé humain » 41. Le bleu est une des couleurs caractéristiques de la peinture de Gérard Calvet. C’est elle qui traduit la sensibilité du poète à propos de la femme et il est tout à fait logique de considérer que la parole féminine est portée par cette couleur. Mais s’agit-il réellement d’une parole féminine ?

Une vision traditionnaliste attribue une attitude passive à la femme que l’on retrouve dans la plupart des toiles de Gérard Calvet, sauf dans une période récente ou l’on observe des corps en mouvement sur la plage. Quelques essais antérieurs avaient mis en scène un groupe de femmes jouant d’instruments de musique (violon, piano, contrebasse – Rencontre estivale – 1993) ou bien porteuse d’une corbeille à fruits ou écaillant un poisson. Ces « attributs » sont effectivement du domaine de la féminité dans des activités qui sont conformes aux représentations masculines dominantes.

Nous identifions deux périodes importantes dans la réalisation de nus. La première se situe entre 1962 et 1970 42 et la seconde entre 1987 et 1993 43. Ces dates, confrontées au contexte de la vie du peintre peuvent-elles prêter à interprétation ?

Avant de répondre à cette interrogation, nous retenons que le premier portrait féminin connu 44 de Gérard Calvet est celui de sa grand-mère. On est surpris d’y observer que le noir des vêtements traditionnels des femmes du midi de l’entre-deux-guerres se décline en de multiples effets lumineux, faits d’ombre et de clarté. La personnalité du modèle parle à l’observateur. Comme toutes les femmes du milieu rural, c’est une femme laborieuse, qui se consacre au tricotage (ce qui est central dans le tableau) dans une valorisation de l’habileté manuelle et d’une activité ménagère permanente. Le regard de l’amateur est invité à se porter sur les mains de cette femme dont un des symboles possibles est celui du lien avec sa descendance et son dévouement à sa famille. Les yeux à demi clos et le corps penché sur l’avant donnent une impression faite tout à la fois de douceur et d’acceptation d’un rôle social discret 45. Ce portrait témoigne de la précocité du peintre dans la recherche d’une empathie avec son modèle. Il ne copie pas, il crée, il interprète ! Mais le tableau nous apprend encore davantage sur la situation de la grand-mère sur le pas de porte. Cette symbolique du seuil marque le lieu de rencontre du monde intérieur de la maison avec le monde extérieur. C’est le lieu « carrefour » de la relation sociale (nous sommes en milieu rural méridional à la fin de la seconde guerre mondiale). Ce portrait est un indicateur pertinent, pour l’historien, des modes de vie ruraux de cette époque.

Revenons sur le sens à donner aux périodes décrites ci-dessus. La première période correspond, selon André Soulier, à l’accélération d’une évolution technique ; il parle d’un travail réalisé avec « plus de souplesse » 46. C’est également l’émergence d’une réelle reconnaissance sociale, « la reprise par la galerie Iris (rue St Honoré à Paris) des toiles restées chez le précédent et défunt propriétaire (…) lui assure (par son succès) une pérennité commerciale » 47. C’est également l’avis de Christian Chery, critique d’art aux Lettres Françaises (7 au 13 mars 1963) qui souligne une rupture dans l’expression :

« Il a rejeté les obscurités qui, trop souvent, endeuillaient son dessin et rendaient maladives certaines gammes de couleurs. Aujourd’hui, elles s’ébrouent sur la toile, ces couleurs font flaque, elles sont douées d’un intense désir de vivre, de se prolonger, de séduire (…). Manière de penser, de peindre, manière éminemment jeune (…). Ses nus – il y revient avec une fougue méridionale ! – sont flamboyants, follement heureux de se montrer, dorés, offerts ou attentifs, jamais vulgaires : ils distillent l’Amour, le plaisir dont on rêve ».

Cette période est également celle de la construction de sa villa, au milieu de la nature, réalisée par l’architecte Pierre Chapo 48 et l’élaboration de nouvelles relations avec son environnement professionnel 49. Toutefois, il ne faut pas négliger que cette période correspond également à un développement démographique et économique important 50 de la ville de Montpellier par l’arrivée des rapatriés d’Algérie et d’une élite « parisienne » constituée de cadres d’entreprises ou d’administrations et d’intellectuels. C’est également le développement du pôle universitaire de la ville. Enfin, il ne faut pas oublier que Montpellier est une ville bourgeoise pour laquelle l’art et les biens culturels constituent un domaine ostentatoire. Les conditions d’une demande sociale plus forte de la production artistique sont en place pour favoriser la circulation des œuvres et leur commercialisation. Gérard Calvet peut, enfin, abandonner l’exercice de son métier d’enseignant.

La seconde période semble être celle d’une nouvelle manière de composer et d’organiser la toile. Il innove en choisissant le format « d’un mètre de côté ». Est-ce l’effet d’une recherche du meilleur équilibre possible entre la toile et son cadre ? Toutefois, ce choix n’est pas exclusif et témoigne d’un goût prononcé du peintre pour les grandes toiles.

En plus de 70 ans de peinture, Gérard Calvet a peint plus de 70 modèles féminins différents dont certains de nombreuses fois comme la célèbre Colette 51 qui est présente sur ses meilleures toiles. Sa féminité, au cours du temps, est renouvelée par le paysage ou le simple décor de studio, ce qui démontre l’importance du contexte sur l’évolution de la représentation du corps féminin au sens « d’une attitude ». Colette aime son corps et interprète poétiquement sa féminité : « Une femme est comme le pistil d’une fleur, ce sont des essences à valoriser ». N’est-ce point la confirmation de l’intégration du regard modélisant de l’homme et son emprise sur l’expression de la féminité de ce modèle ?

En 2005, dans une conférence à l’Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier intitulée « Le corps humain dans l’art », Gérard Calvet nous donne quelques éléments de son propre sens critique et de la difficulté de la tâche. Il fait sienne la remarque de Matisse :

« Il ne faut à aucun prix faire coïncider le modèle avec une théorie ou un effet préconçu. Le modèle doit vous marquer, éveiller en vous une émotion qu’à votre tour vous cherchez à exprimer » 52

Gérard Calvet rappelle aussi l’importance de « l’équilibre » :

« Le nu représente le pari de toutes les exigences, de toutes les rigueurs, celui où on ne peut rien concéder à l’injurieux hasard (…) le nu est un impérieux rappel à l’équilibre… »

Quels enseignements concrets peut-on retirer de ses portraits et nus féminins ?

Comparaison de quelques œuvres

Prenons comme point de départ la célèbre toile de Frédéric Bazille, réalisée en 1868, Vue de village. Gérard Calvet en a fait un modèle de référence pour illustrer, en 2003, sa filiation d’artiste – soit la peinture en plein air – et la concrétisation de son réalisme 53. Notre proposition vise à utiliser cette œuvre comme un analyseur de sa peinture.

Max Allier 54 réalise, en 1991, une lecture du tableau de F. Bazille. C’est un discours de chroniqueur moderne et de poète, doté d’un puissant amour de la culture régionale et d’une connaissance des lieux. Il ajoute, à la lumière du midi qui semble éblouir le peintre, la note musicale des cigales que tout méridional associe à la grande chaleur ! Plus que dans l’analyse de l’œuvre finale, il se place au niveau de son élaboration :

« Cette jeune fille assise à l’ombre légère d’un pin et qui, tournant vers nous des yeux vifs, nous lance une muette interrogation (…). C‘est à Méric, propriété de sa famille dont la terrasse domine abruptement le Lez, qu’il exécuta ce tableau (…) la palette à la main, indifférent à la chaleur et au crissement des cigales, il éprouvait, fermant à demi les yeux devant ce paysage inondé de soleil, une joie peu commune… Celle de saisir au bout de ses pinceaux le secret de la lumière et de l’enclore vibrante, sur sa toile (…). Le monde est durement présent chez Bazille. Il interdit au peintre de le tenir pour quantité négligeable. Dans sa vue du village, sa jeune fille se découpe dans une ombre lumineuse sur un fond ébloui de lumière, mais où les maisons blanches s’inscrivent dans leur robe pesante de pierres. L’œil de Bazille (..) saisit la pérennité de la matière ».

Ce même tableau est décrit, en 2007, par Gilles Coÿne 55, en des termes plus explicatifs :

« Une jeune fille, la fille du jardinier des parents du peintre, assise à l’ombre d’un pin, regarde le spectateur. Derrière la pente abrupte et les pins en désordre sinue une rivière – le Lez, près de Montpellier – qui lui inspirera plusieurs tableaux. Au fond s’élève un village, Castelnau (…). Dans ce tableau (…), il cherche à résoudre le problème de peindre des personnages en plein air (…). Il peint la figure à l’ombre pour éviter les taches de lumière, à l’inverse de ses amis impressionnistes qui n’hésitaient pas à les représenter. Il s’est placé un peu au-dessus du modèle pour mieux visualiser le paysage et la petite ville. Ce qui donne un tableau un peu hybride. Portrait ? Paysage ? Les deux. Pour unir les thèmes, il partage la composition par une imaginaire ligne médiane passant par les yeux du modèle. On comparera ainsi la plage sombre du premier plan au fond lumineux des maisons et de l’église noyées de soleil… ».

Ces regards sont le fait d’hommes cultivés, mais différents par leur contenu. Le premier au caractère poétique, vise à rendre le tableau vivant et porteur d’émotions diverses. Le second est plus « technique ». Ce double regard peut ainsi être confronté à celui que nous portons sur la toile de Gérard Calvet : « Hommage à Frédéric Bazille ». En référence à ce que dit ce peintre, quand il place l’importance de la technique avant le thème, nous proposons l’analyse suivante :

La dimension des toiles est différente. Le tableau de F. Bazille est plus large, mais sa dimension verticale est inférieure à celui de Gérard Calvet (130×89 / 160×80). L’effet visuel n’est donc pas le même, puisque le tableau plus large favorise une perception plus en profondeur. Si l’on place les deux tableaux en parallèle (voir ci-dessous), on observe que Gérard Calvet n’a pas pu retrouver un environnement identique en raison de l’évolution de la végétation et de l’emprise des nouvelles constructions du village. Cent quarante et une années séparent ces deux œuvres ! Gérard Calvet a pris l’angle de la modernité. C’est ce que nous observons concrètement dans l’analyse du personnage central. Si les attitudes « féminines » sont comparables, il n’en est pas de même pour le choix des modèles. Chez Bazille, il s’agit d’une jeune fille, dans la fleur de l’adolescence, auréolée d’une symbolique virginale. Le modèle choisi par Gérard Calvet est une femme épanouie dont la position « corrigée » vise à mettre en valeur la poitrine et un port de tête altier. La chevelure rousse est courte. La peau est ambrée et permet de souligner une mode où l’on s’offre au soleil. Le corps, partiellement dénudé, est couvert d’une robe rayée de bleu foncé et bleu clair dont la ligne verticale donne de la « hauteur » au personnage. La facture de l’œuvre donne une plus grande proximité entre le modèle et les maisons du village. Le regard bleu porte au loin, les lèvres sont épaissies par un rouge intense. La pomme verte dans la main gauche développe une vision sensuelle du tableau, d’autant plus perceptible que la lumière irradie l’ensemble de la scène et joue avec de fortes complémentarités de couleurs. Au plan technique, le peintre prend en compte les taches de lumière sur le corps, ce que Bazille avait évité de faire. Mais ce que les deux peintres ont en commun, c’est la préparation de leurs toiles. En 1995, Michel Schulman précise que « Bazille exécuta plusieurs dessins préparatoires pour la Vue de village, le plus significatif étant celui qu’il a mis au carreau… 56 ». Il en est de même pour Gérard Calvet dont l’étude de la position du personnage passe par plusieurs croquis et dessins préparatoires comme nous l’observons ci-dessous. (Fig. 5 et 6, 7 et 8)

Hommage à... - © Musée Fabre - Montpellier Agglomération
Fig. 5 - Hommage à... - © Musée Fabre - Montpellier Agglomération / cliché F. Jaulmes
Vue de village - © Musée Fabre - Montpellier Agglomération
Fig. 6 - Vue de village - © Musée Fabre - Montpellier Agglomération / cliché F. Jaulmes
Études préparatoires Gérard Calvet : 185x60
Fig. 7 - Études préparatoires Gérard Calvet : 185x60, ref. Daulte, 1992, p. 116)
Études préparatoires F. Bazille : 30x20, 7, ref. Daulte, 1992
Fig. 8 - Études préparatoires F. Bazille : 30x20, 7, ref. Daulte, 1992, p. 116)

Ainsi, si le thème des deux tableaux est identique, leur facture est très contrastée et situe bien une perception différente de la féminité. Cette observation est peut-être un peu faussée par la jeunesse du modèle de Bazille et les mœurs de l’époque. Nous devons aussi prendre du recul par rapport à notre propre habitus d’observateur et faire un effort de distanciation comme le souligne le neurologue Jean-Pierre Changeux :

« L’œuvre d’art est beaucoup plus qu’un simple objet de plaisir. Elle possède une multiplicité potentielle de sens, un pouvoir évocateur, auquel on accède par une attention soutenue. La force de ce pouvoir évocateur varie avec ce qu’il est convenu d’appeler la qualité de l’œuvre. Comprendre un tableau, c’est retrouver, dans sa richesse de significations et son harmonie, sa singularité. C’est également le replacer dans le contexte de l’œuvre d’un artiste, d’une école, d’un pays et d’un siècle 57 ».

Un entretien 58 avec Gérard Calvet permet de mieux en saisir la singularité… Pour lui, la réalisation de cette toile est le geste d’une amitié symbolique envers Frédéric Bazille : « il est allé se faire tuer contrairement aux autres hommes de sa classe sociale… ». La mort prématurée du jeune peintre à l’âge de 28 ans au cours de la guerre de 1870 lui rappelle les souffrances de son père au retour de la guerre de 14-18 et ses longues nuits d’éveil dues à des crises de toux interminables. Gérard, jeune enfant de 5 ou 6 ans 59, garde, gravé dans sa mémoire, cet écho du martyr des hommes au combat. Ces stigmates marquent une vie que seule une recherche de la beauté du monde semble pouvoir atténuer, sans pouvoir effacer leur vision cauchemardesque. Son implication dans des associations à caractère humanitaire y trouve probablement sa raison d’être. Au sujet du tableau « Hommage à… », c’est en observateur du monde actuel qu’il se situe et qui justifie les différences que nous avons pu noter ci-dessus. La peinture contemporaine autorise une liberté inconnue du temps de Frédéric Bazille 60, surtout dans l’environnement protestant dont on connaît le puritanisme. C’est aussi la pertinence de son regard qui sait découvrir ce qui change autour de lui, c’est une forme d’accès privilégié à une modernité encore incertaine. Nous relevons également que Gérard Calvet fonctionne à l’émotion, au sens profond que lui inspire la présence d’un modèle porteur lui aussi de sensibilité.

Nous avons considéré ce tableau comme un analyseur de la peinture de Gérard Calvet. C’est donc avec raison que nous observons, ci-après, l’évolution du contexte de ses tableaux pour y trouver les marques du changement social. Changement dont nous chercherons la lisibilité dans ce que les historiens contemporains ont appelé, au cours du temps, le statut de la condition féminine, puis, plus tard, celui de « la libération de la femme ». Notre regard vise à décrypter ce qui est novateur, à un moment donné, dans l’attitude des modèles, dans les toiles sélectionnées, au cours des périodes décrites plus haut dans cet article.

Nous retenons un premier tableau dénommé Les baigneurs de la plage 61, peint en 1954. C’est plus la plage audoise de la Nouvelle que la mer qui attire notre attention, car le bleu de la mer n’occupe qu’un coin très réduit de l’espace. Les regards tournés vers ce miroir d’eau semblent hypnotisés par « un je ne sais » quel mirage. Pas de seins nus et déjà le bikini ! On peut même dire que la pratique de la plage est d’abord un spectacle de vagues, de reflets de lumière et de respiration d’un air sain, vivifiant. Il n’y a pas obligation de se dévêtir, comme l’illustre ce personnage assis sous son parasol, à la limite des vagues, et perdu dans la contemplation de l’horizon. Seul, le marchand de beignets ou de frites foule le sable chaud, son panier sous le bras. Il semble faire le lien entre les micro-espaces privatifs des serviettes de bain posées sur le sol ou les zones d’ombre des parasols. Il y a, dans ce tableau, une impression de calme et de repos des corps. Ces derniers sont bronzés et marquent une habitude de fréquentation des lieux. Seule, une femme assise semble chercher à se protéger des rayons solaires par une tenue et une coiffe blanches. A ses côtés, une guérite de toile verte indique la nécessité de se protéger du vent, fréquent dans cette partie du littoral languedocien, ou de préserver la pudeur d’un déshabillage ! On remarquera que les femmes enveloppent leur chevelure dans une serviette afin d’éviter le désagrément des cheveux mouillés à la sortie du bain. Comportement que l’on n’observe plus sur les plages actuelles, la mode étant aux cheveux plus courts ! (Fig. 9)

« Les baigneurs de la plage » -1954
Fig. 9 - « Les baigneurs de la plage » -1954 - (100 x 81) - Coll. Alric

Cette observation des comportements féminins sur la plage se poursuit dans de nombreuses toiles dont celles que nous présentons ci-dessous :

En 1955, ces Baigneuses et fruits de mer rappellent l’éclosion des loisirs familiaux de plage et la mode du bikini qui s’affirme. De nouveaux vêtements apparaissent comme cette barbotteuse bleue qui protège le corps du second modèle. (Fig. 10)

« Baigneuses et fruits de mer » - 1955
Fig. 10 - « Baigneuses et fruits de mer » - 1955

En 1963 les baigneuses en jaune, ci-dessous, offrent un autre regard sur un moment de la nouvelle société des loisirs. En effet, les années 50, 60 et 70 correspondent « à une explosion (…) des loisirs de masse » 62. Le camping figure parmi les activités qui ont le plus large développement. Il est une porte ouverte sur la pratique du plein air et un nouvel usage du temps libre. Cette toile de Gérard Calvet témoigne du camping sur la plage, alors autorisé le long du littoral méditerranéen. Si la nature morte du premier plan offre une variété de fruits qui interroge sur la saison de cette scène de vacances, il faut focaliser le regard sur les seins nus, pratique novatrice, voire anticipatrice, sur une mode qui se développera rapidement au cours des années 70 pour perdurer jusqu’au début des années 2000. Le soleil recherché à cette époque entrainera quelques dizaines d’années plus tard des problèmes de santé qui seront un frein à cette mise à nu. Les méfaits d’un bronzage intense sont révélés par le corps médical. La population féminine abandonne alors progressivement cette exposition risquée ! Un regard sur une toile de 1958, intitulée les campeuses permet de relever que le peintre a réactualisé ce thème dans les baigneuses en jaune. La pose des modèles est globalement proche, mais il y a, en 1963, abandon des lourds empâtements et des contrastes de brun et ocre au bénéfice de couleurs plus lumineuses. Le cadrage est également un peu différent (plan plus large). Cela confirme l’intérêt de cette pratique sociale de loisir aux yeux du peintre et sa réelle diffusion à cette époque. Cette comparaison est d’autant plus importante qu’elle situe le moment d’une évolution du peintre vers la recherche de plus de lumière par l’adoption d’une palette plus colorée. (Fig. 11)

« Les baigneuses en jaune » - 1963
Fig. 11 - « Les baigneuses en jaune » - 1963 - (146x97) Coll. Serge Pellerin et Monique Mitjaville

La toile intitulée le repos (1967) présente les portraits de trois jeunes femmes dans la pénombre d’une pièce gris-bleu. Deux autres femmes semblent jouer, au loin, sur la plage. Ce moment de sérénité pourrait symboliquement tracer une rupture dans l’attitude des femmes de la plage. Si les personnages du premier plan sont assis ou allongés, à l’abri du soleil, les personnages extérieurs font preuve d’un dynamisme conquérant. C’est cette dernière représentation de femmes en activité physique intense qui retient notre attention. C’est un changement d’attitude des corps féminins. (Fig. 12)

« Le repos » - 1967- (162x130)
Fig. 12 - « Le repos » - 1967- (162x130)

Une autre toile Nu au miroir 63 (1967) mérite également notre attention. C’est un nu intégral de face, hanche droite en avant, main sur la hanche, corps désaxé en appui sur la jambe gauche et la main gauche posée sur la table. Les « traces blanches » du maillot sur le corps, les courbes du corps, accentuées dans le miroir, les cheveux blonds et les rondeurs des vases, situent la féminité de l’époque 64. Le corps est léger et ses extrémités, mains et pieds, prolongent la pose. (Fig. 13, 14)

« Nu au miroir » - 1967 - (162x97)
Fig. 13 - « Nu au miroir » - 1967 - (162x97)
« Sète - Théâtre de la mer » - 1968
Fig. 14 - « Sète - Théâtre de la mer » - 1968

En 1968, la toile Sète – Théâtre de la mer 65 (ci-dessous) marque une évolution du peintre qui reprend le symbole de l’ensoleillement des corps, mais dont la nudité totale ne s’expose point en public. La marque du maillot est apparente et situe une nudité discrète. Les modèles tiennent en main la serviette qui permettra de se voiler en cas de nécessité et de conserver une certaine pudeur. Cette nudité s’expose loin du bord de mer. En effet, la toile ci-dessous, Deux baigneuses sur la plage 66, témoigne d’un comportement plus réservé lorsqu’on est placé sur le lieu de passage des promeneurs, à la limite des vagues. Les maillots se modifient non plus en fonction des nécessités du bain, mais « par les vertus du bronzage et de l’apparence ».

La libération des corps ne se réalise tout d’abord que sur des espaces légitimés comme la plage, mais c’est en même temps le lieu d’une autocontrainte paradoxale qui s’impose. Florence Montreynaud 67 a relevé que s’exposent seulement les corps nouvellement « travaillés ». Les poils superflus aux aisselles ou à l’aine sont rasés ou épilés, tandis que les ongles sont vernis. Cette libération engendre un auto-contrôle de soi qui porte aussi sur le maintien des corps et sur le respect de « limites » bien identifiées sur les toiles de Gérard Calvet. Comme le souligne, Jean-Claude Kaufmann 68 : « La plage est un bon exemple du caractère travaillé de ce qui se donne faussement à voir comme naturel ». C’est aussi le lieu d’une modernité d’usage du corps dont on pense qu’un « retour à la nature » constitue une forme de distinction. « Aux alentours des années 1950-1960, l’attraction solaire devient irrésistible, physique, plus forte que tous les discours 69 ». Il faut bronzer à tout prix ! (Fig. 15)

« Deux baigneuses sur la plage » - 1969
Fig. 15 - « Deux baigneuses sur la plage » - 1969 - (116x81)

En mars 1978, la toile intitulée les bicyclettes, à caractère impressionniste, rappelle des nus éphémères dans les dunes, en des lieux moins fréquentés par les habitués des bains de mer. La dynamique de l’œuvre témoigne de l’usage du vélo par les jeunes femmes (il ne semble pas y avoir d’homme !) pour venir de la ville, toute proche. Un entretien avec l’artiste explique la pose de deux modèles pour l’ensemble des attitudes observées. Si les personnages ont été dessinés dans la pénombre de l’atelier, c’est à la lumière d’un ciel rougeoyant que les couleurs du paysage ont été déposées sur la toile. Il s’agit d’une scène sociale dont le peintre avait le sentiment qu’elle n’allait pas durer longtemps… (Fig. 16)

« Les bicyclettes » - 1978 - (92x60)
Fig. 16 - « Les bicyclettes » - 1978 - (92x60)

Ce qui compte pour Gérard Calvet c’est de saisir les attitudes de ces modèles beaucoup plus que la recherche d’une expression. Mais ce que retient l’observateur de ce tableau, c’est que la plage est encore un espace naturel peu aménagé pour les loisirs. C’est aussi un véritable paysage rythmé par les dunes et leur végétation. La toile présentée ci-dessous est dans l’esprit de la précédente, mais concerne une activité de femmes d’une autre catégorie sociale, dans un usage plus élitiste du « bain de soleil ». (Fig. 17)

« La liberté » - 1978 - (65x81)
Fig. 17 - « La liberté » - 1978 - (65x81)

Cette toile, La liberté, présente une 2CV rouge sur la plage et trois femmes retirant leurs vêtements. Le soleil irradie la scène et symbolise la recherche de nature et de plein air de la jeunesse. La situation de la voiture sur la plage souligne un dépassement de limites tout à fait symbolique. Il y a dans ce tableau une sorte d’hymne à la transgression des espaces pour en retirer un « plein de soi », constructeur d’une autonomie favorable à tout épanouissement. La liberté, c’est fuir les contraintes de la vie citadine par un ressourcement au contact de la nature. La 2 CV apparaît ainsi comme l’emblème de la modernité du moment, d’autant qu’elle s’adapte, par ses couleurs novatrices 70 et sa simplicité d’usage, à l’évolution des mentalités.

Les attitudes des corps de la première toile (fig. 15) sont plus fonctionnelles et plus adaptées aux contraintes du lieu. La pose des serviettes sur le sable, la recherche d’un lieu plus confortable à l’abri des regards et l’abandon de vélos, désormais inutiles dans l’instant, indique des corps affairés et occupés à structurer l’espace. Tandis que la seconde toile présente des attitudes plus distinguées qui valorisent la prestance des corps. De fait, ces comportements semblent plus « aériens » et d’une forme plus élégante. Ces femmes sont-elles d’origine sociale différente ? Le peintre a-t-il voulu présenter cette diversité de situations en toute conscience ? La liberté des corps en pleine nature semble se vivre dans la différence des représentations sociales et dans la perception d’un isolement spatial.

La toile suivante marque une évolution du comportement perçu des modèles. Ces derniers « se donnent à voir ». (Fig. 18)

« Un été sans orage », 1993 (146 x 114)
Fig. 18 - « Un été sans orage », 1993 (146 x 114) - Coll. Tali

En 1993, la toile un été sans orage est un hommage à la beauté de deux modèles qui illustre bien une nouvelle exploration de la féminité dans un paysage de plage. Ces deux modèles n’ont pas posé dans le même temps et il s’agit d’une construction imaginée par le peintre. La finition et le placement des modèles féminins s’effectuent, après croquis, dans l’espace de l’atelier. C’est une féminité sans complexe qui témoigne d’une libération de l’attitude qui s’expose à l’observateur.

En effet, la position corporelle prise par le modèle du premier plan peut être interprétée comme une invitation érotique d’autant que son regard se plonge dans celui qui l’observe ! La position du modèle en arrière plan est plus « distanciée », voire réservée et dominatrice, par la position relevée de la tête, celle de la jambe appuyée sur une chaise et du bras qui repose sur le dossier. Dans le fond du tableau, des barques sont alignées sur le bord de mer, mais la plage semble vide de baigneurs. Le contraste des couleurs donne à ce tableau une forte impression de chaleur estivale. L’encadrement de la scène par des murs bleus crée une atmosphère de sérénité. Ces femmes, dans la plénitude de leur beauté exhalent une note de féminité accentuée par rapport aux tableaux précédents. Celle-ci transparaît dans la présence de chevelures longues qui encadrent naturellement les visages. Ce tableau est également « psychologique », car il présente deux femmes qui ne se parlent pas et ne se regardent pas. Est-ce l’effet d’une rivalité féminine ? Disons plutôt qu’il s’agit de personnalités opposées dont les corps indiquent pour l’une le caractère affirmé, et une attitude plus rigoureuse ; tandis que l’autre joue d’une attitude sans complexe, rêveuse, voire romantique. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’une analyse typologique, mais de l’écoute du travail du peintre et de sa connaissance des modèles. Cette toile, avec ses barques tirées sur le sable de la plage, indique un moment désormais perdu pour le regard. L’évolution économique et technique de la pêche a fait disparaître ces embarcations du paysage littoral. Que reste-t-il de la plage, si ce n’est les éléments naturels ? Après l’eau et le sable, voici le vent ! (Fig. 19, 20)

« Le vent » - 2011 - (100x100)
Fig. 19 - « Le vent » - 2011 - (100x100) - Coll. Serge Caillol
« Nu rue des quatre vents » - 1948
Fig. 20 - « Nu rue des quatre vents » - 1948 - (92x73)

Ces trois femmes « dans le vent », peintes en 2011, illustrent une manière de peindre les femmes dans une dynamique corporelle qui contraste évidemment avec le premier nu, allongé sur un canapé, de dos, dans une position « pudique » 71. Ici c’est une féminité triomphante et actuelle qui est présentée, faite de soleil, d’eau et d’air. Sans être métaphorique, nous pourrions revenir à l’image d’une « Vénus plurielle » 72 sortant des eaux ! En effet, il y a une euphémisation de la sensualité par la jeunesse des modèles, mais aussi une joie de vivre qui n’est pas de l’ordre de la séduction, mais plutôt d’un bien-être corporel qui s’assume hors des regards extérieurs, sans contrainte… En 2011, les femmes expriment leur liberté d’être et de faire dans une nouvelle mise en scène sociale de leur corps. Bernard Troude 73 a su, en quelques lignes, en tracer l’arabesque :

« La féminité est une image transcendante et immédiate mettant en rapport le mental et les gestes (…). Les gestes au féminin s’accompagnent de regard et d’apparente sensibilité. Le geste se poursuit jusqu’au bout de la main et même au-delà conduisant le regard vers des extrémités invoquant ainsi l’évasion du moment ».

Conclusion

L’œuvre de Gérard Calvet est une belle illustration d’un peintre « témoin de son temps ». C’est surtout dans le temps long d’une vie qu’il devient l’interprète des mutations sociales. La « raideur aristocratique » 74 de certains portraits se place en contre-point des actes de libération corporelle d’une jeunesse en quête d’existence. Une micro-lecture des toiles au travers de la malléabilité des corps féminins permet de donner une signification aux changements de valeurs et des modes de vie. Si la plage, la mer et la nature sont omniprésentes dans l’œuvre de Gérard Calvet, c’est qu’elles sont, au-delà de l’amour du plein air, une scène sociale privilégiée d’exposition des nouvelles pratiques et des nouveaux usages du corps.

Gérard Calvet est bien le peintre de la femme dans son expression corporelle, mais il est surtout le peintre des femmes dont il cerne à merveille la complexité des attitudes sur la scène publique, voire privée. Il garde cependant la distance nécessaire à la préservation d’une intimité dont les aspects les plus visibles pourraient heurter la morale sociale du moment. Toutefois, cette « parole bleue » de la féminité n’est-elle pas sous l’emprise du regard des hommes ? Mais c’est aussi une parole évolutive sous l’effet de nouveaux codes sociaux !

Ce peintre est totalement présent sur la scène sociale et n’entre pas dans les corridors de la vie privée. Ce qui s’expose, c’est, pour les corps féminins, ce qu’ils sont dans un quotidien de plénitude de la beauté, de l’apparence du temps présent. Gérard Calvet se place en défenseur d’une perception de l’art qui valorise l’émotion ressentie par l’observateur à partir de ce qui se voit. Il se pose « en critique négatif » d’un art abstrait, qui, à l’image de l’évolution du contexte économique des échanges marchands, « se vend » avec son mode « à penser et à comprendre », développant ainsi une vision très « cognitive », voire élitiste, de l’œuvre, dont la lecture est hors de l’objet !

Nous sommes ainsi dans une opposition, mais peut-être aussi dans une complémentarité, d’un art qui s’adresse aux sens et d’un autre qui interroge sur sa pertinence représentative, sans que cette partition ne conduise à une forme trop structuraliste de l’analyse. Ce ne sont pas des publics identiques qui sont touchés…

Gérard Calvet plaide pour la composition de l’œuvre par le dessin qui en représente la trame essentielle :

« Cette exposition de dessins arrive au moment où de soi-disant experts prennent de la distance avec cette discipline au point que certaines écoles de Beaux-Arts ont carrément décidé de soustraire le dessin de leur programme. Il faut rappeler l’art du Moyen-Âge, puis de la Renaissance, il faut se souvenir de Botticelli, du Greco, de Michel Ange, et beaucoup plus tard de Delacroix, d’Ingres pour qui le dessin est la probité de l’art et de Cézanne, pour qui voir, c’est concevoir et composer, donc dessiner 75 ».

L’art reste une lecture du monde qui met « en interrogation » la sensibilité des hommes face à leurs manières de vivre, de penser et de faire. Pour Gérard Calvet, c’est l’émotion qui est le véritable moteur des Arts. Il reprend ainsi une pensée de Georges Braque qui en est la métaphore : « l’émotion est la graine, l’œuvre en est le fruit ! ».

NOTES

1. Catalogue de l’exposition du 7 au 30 mai 1992 à l’Hôtel de Région à Montpellier.

2. A 89 ans, il pratique toujours le vélo dans la grande banlieue montpelliéraine !

3. Blondel André (1909-1949), Peintre d’origine polonaise, il s’installe à Carcassonne en 1943 – Jean Camberoque (1917-2001) – Peintre plasticien qui a vécu sa vie d’artiste à Carcassonne. Il a été très prolifique : peintures, sculptures, dessins…

4. Bac littéraire en 1945.

5. Narbonne Eugène (1885-1973) dont on retient la qualité pédagogique ! Gérard Calvet est admis, dans un premier temps, comme auditeur libre. Il devient titulaire après avoir été confronté aux épreuves d’un examen difficile, car pluridisciplinaire, dont la sculpture.

6. Buffet Bernard (1928-1999), Peintre expressionniste, aquarelliste. Il est également un peintre de décors de théâtre et illustrateur (ref. Wikipédia).

7. Baldaccini César, dit César (1921-1998), Sculpteur français. Il fait partie des Nouveaux Réalistes, mouvement né en 1960. (ref. Wikipédia).

8. Ségalat Jean (1926-1987), Peintre figuratif reconnu comme un des plus importants de sa génération (ref. https://www.decazeville-tourisme.com/).

9. Hamon Jean-Jacques ( ), Peintre d’origine bretonne. Il quittera l’école des Beaux-Arts au décès de son père. Ami fidèle, il laissera à Gérard Calvet un énorme sac de pommes de terre qui, en cette période de disette, lui permettra de se nourrir pendant plus de 3 mois et, en sus, sera un moyen d’obtenir les ustensiles de peintre dont il avait besoin !

10. Bichet Pierre (1922-2008), Peintre et cinéaste français. Renommé pour ses paysages de neige. Il est le collaborateur du vulcanologue Haroun Tazieff durant près de 40 ans (cf. Wikipédia).

11. Spitzer Walter (1927-2006), d’origine polonaise, enfermé dans un ghetto, puis déporté (Gross-Rosen, Auschwitz II -Monowitz, Buchenwald). Il s’installe à Paris après la guerre et produit une série de dessins sur les camps dès 1945.

12. Oudot Georges (1928-2004), entre en 1946 à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris. Peintre et sculpteur. Il est considéré comme le représentant le plus significatif de la sculpture figurative contemporaine.

13. Nombreux voyages communs familiaux en Espagne, Grèce, Turquie, etc.

14. 1925-2012 – Journaliste, critique d’art, photographe et écrivain français. Il débute en 1944 comme journaliste à la revue ARTS, puis aux Lettres Françaises. André Soulier note que c’est ce critique qui décrit la première fois « le bleu Calvet ».

15. 1914-1979. « Écrivain et critique d’art (…) surtout connu pour avoir défendu un retour au réalisme en peinture ». (ref. Wikipédia).

16. Le rouge à lèvres semble se populariser à partir des modèles féminins du cinéma américain (Pin-Up). La facture des toiles de cette époque est influencée par l’école de Paris figurative.

17. L’esprit des lieux est porteur de valeurs existentialistes et du renouveau culturel de la Libération.

18. Calvet Gérard multiplie les occasions de présenter ses toiles et son travail d’artiste. Le journaliste L. Terral lui consacre, en 1950 (article non référencé, rédigé à Homps – Aude – nouveau domicile de ses parents), un texte remarquable dont nous retenons la phrase suivante : « Voici un nu, aux tons particulièrement chauds, qui évoque au plus haut degré une très forte sensualité (…). Alliant à la sureté du dessin, la poésie et la sensibilité de la couleur, s’adaptant à tous les genres, véritable poète de la couleur, Gérard Calvet (…) est appelé à un brillant avenir ».

19. Saulières, René, Midi-Libre du 14 juin 1949 – « Gérard Calvet montre qu’il a, avant de peindre, appris à dessiner, ce qui est une qualité infiniment rare aujourd’hui (…) Les croquis où il a jeté l’allure de ses toiles sont la structure solide autour de laquelle l’artiste jouera avec richesse de la polychromie intelligente (il n’est pas possible de pénétrer la pensée de chacune de ces filles de Saint-Germain dont GC a tracé le portait frappant. Ce n’est pas celui d’une ou plusieurs individualités, mais d’une époque tout entière faite à la fois de négligence et de retenue, d’indifférence retenue de réflexion (…). Cette série de portraits féminins n’est pas un des moindres attraits de cette exposition (…). Nous avons aimé sa plage remplie d’ombre qui joue sur le nu… ». René Saulières est correspondant de ML à Paris.

20. Soulier André et Gérard Calvet, Couleurs Méditerranée, Sète, NPL, 2007.

21. Il se rattache, dans cette période, à l’école de Paris figurative dont les modèles dominants sont ceux des artistes Bernard Lorjou (1908-1986), André Minaux (1923-1986) et Paul Rebeyrolle (1926-2005).

22. Propriété de Mme de Cabezon.

23. En Allemagne (cf. Heidelberg, ville jumelée à Montpellier), en Angleterre, aux Pays-Bas et en Italie.

24. L’article du journal « La Marseillaise » du 8 juin 1953 précise qu’il prépare son examen d’architecte. Gérard Calvet est présenté comme élève de l’école des Beaux arts de Montpellier. Le directeur de cette école, Camille Descossy, est présent à la remise du prix de 50 000 francs. Gérard Calvet a d’autre part obtenu les prix suivants au cours de sa carrière : 2e prix de la biennale de Bayonne, Primé à la biennale de Menton, au festival d’Avignon et Mario Conté à Florence en 2002.

25. Calvet Gérard a également exposé au sein de structures de jeunesse comme les Maisons des Jeunes et de la culture ou divers lieux ouverts au public.

26. Cette période est également celle d’une ouverture vers la création d’affiches (ex : « Pyrénées » pour la SNCF ou pour les services d’orientation et de documentation de l’Éducation Nationale). C’est également une période où, contrairement à la plupart de ses confrères, il est « traqué » par le fisc pour le paiement d’impôts. Ce qui le met « en rogne » et crée de nombreuses difficultés dans la gestion de sa carrière d’artiste-peintre.

27. Ballarin André, Qui êtes vous Gérard Calvet ? … un méditerranéen, Montpellier, Midi Scope, mensuel d’informations artistiques, culturelles, sportives, n° 2, mai 1972, pp. 16-17.

28. Bourdieu Pierre, Manet, une révolution symbolique, Paris, Seuil, 2013, p. 175. « L’expérience du monde où tout paraît évident suppose l’accord entre les dispositions des agents et les attentes ou les exigences immanentes au monde dans lequel ils sont insérés ».

29. Bourdieu Pierre, op. cit. p. 40.

30. Archives de Gérard Calvet. Coupure de presse sans indication d’origine.

31. Kaufmann Jean-Claude, Corps de femmes, regards d’hommes, sociologie des seins nus, Paris, Nathan, 1995.

32. Archives de Gérard Calvet.

33. Soulier André, op. cit. p. 37.

34. Soulier André, op. cit. p. 27.

35. Le kiwanis est un club-service animé par des hommes et des femmes, une organisation mondiale de bénévoles, responsables et de bonne volonté désirant construire un monde meilleur (ref. Wikipedia)

36. Archives du peintre.

37. Laurent Pierre-Joseph, Beautés imaginaires : anthropologie du corps et de la parenté, Louvain la Neuve, Bruylant-Academia s.a., 2010, p. 42.

38. Archives de Gérard Calvet.

39. https://notrehistoire.ch/ – Elle est la fille (1905-1983) de l’artiste peintre Alexandre Cingria : « Bachelière à 19 ans (…). Elle correspondait avec plusieurs journaux français et suisses de gauche et de droite (des Lettres françaises au journal de Genève) pour diverses manifestations culturelles, en particulier le festival d’Avignon ». Elle était mariée avec Jacques Guenne (1896-1945) fondateur des Nouvelles littéraires et de l’Art Vivant dont elle fut la secrétaire de rédaction. (Site consulté le 30 mars 2014).

40. Plaquette de l’exposition « Aspects de la femme », Espace Riquet, Béziers, 7 octobre au 31 décembre 2011.

41. Jousse Marcel, Anthropologie du geste, Paris, Resma, 1969, p. 282 « la parole est un geste oral ».

42. Au cours de cette période, la production picturale totale – toutes catégories confondues – se situe, en moyenne annuelle, à 60/70 tableaux. C’est une période de travail intense qui correspond à un renouveau de la technique picturale… bien perçu par les critiques d’art.

43. Cette période correspond à une moins grande régularité de création. En effet, si l’année 1990 permet la réalisation totale de 136 toiles, les autres années n’en produisent qu’une moyenne de 40. Ce total peut s’expliquer par l’aboutissement de toiles en « gestation » sur un temps plus ou moins long ! Cette activité très intense semble stimulée par de nombreux voyages à l’étranger et un renouvellement des thèmes abordés.

44. Catalogue « Aspects de la femme », Béziers, 2011. Tableau de 1948 : « Ma grand-mère ».

45. Braconnier Alain, Le sexe des émotions, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 153.

46. Soulier André, op. cit. p. 29.

47. Soulier André, op. cit. p. 28.

48. Est-ce le fait du hasard de constater que, par ironie du sort, c’est l’épouse de cet architecte qui a initié à la sculpture Gérard Calvet en le prenant pour modèle dans son atelier ? Il s’agit de Nicole Lormier qui a épousé Pierre Chapo en 1951.

49. Sa nouvelle résidence lui permet de recevoir, dans des conditions très agréables pour le visiteur, de nombreux galérites. De nouveaux modèles se présentent, enchantés par la beauté des lieux (piscine, parc, etc.).

50. Volle Jean-Paul, Montpellier en Languedoc-Roussillon : la logique de la Capitale, Montpellier, Études sur l’Hérault, 1985.

51. Entretiens des 1er et 16 avril 2014 avec « Colette » : Une écoute du modèle artistique est particulièrement instructive sur le travail de l’artiste. Colette a posé pour de nombreux portraits ou nus du peintre. Elle nous renseigne sur son propre rapport à l’œuvre par une analyse intériorisée de son comportement. Elle explique sa propre adaptation à l‘exigence de l’artiste en l’expliquant par « la métaphore du poisson ». En intégrant les valeurs de l’artiste elle s’adapte et présente différents aspects de la féminité (« Il faut entrer dans le personnage »). Elle effectue donc un véritable travail de (re) construction de sa propre féminité, ce qui lui a permis de vaincre sa timidité, de prendre de l’assurance et de mieux entrer dans la logique de la démarche artistique. Elle est passionnée par les musiques du monde, le chant, le théâtre, la danse et par l’Art en général. Sensible à son apparence, elle « travaille sa féminité » comme un processus d’auto-contrainte allant de soi.

52. Matisse, Henri, Écrits et propos sur l’art. Paris, Hermann, 1972.

53. C’est à la demande d’André Soulier que le peintre réalise cette toile.

54. Allier Max, Les grands jours de Montpellier, Montpellier, Les Presses du Languedoc, 1991, pp. 201-208.

55. https://museefabre.montpellier3m.fr/ (consulté le 15 mars 2014).

56. Schulman Michel, Frédéric Bazille, Éditions de l’Amateur, Éditions des catalogues raisonnés, 1996, p. 304, « Bazille donne ici la preuve qu’il possédait son sujet dès le départ (…). Bazille simplifie (…) pour mieux exprimer la structure d’un trait précis, incisif… (Daulte, 1992) ».

57. Changeux Jean-Pierre, Du vrai, du beau, du bien, une nouvelle approche neuronale, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 177 à 179.

58. 18 mars 2014.

59. Il dormait dans la chambre de ses parents.

60. Nous n’oublions pas que ce peintre est également un innovateur dans son temps (impressionniste) !

61. Soulier André, op. cit. p. 111. Toile de 100X81.

62. Fourastié Jean, Des Loisirs : pour quoi faire ? Paris, Casterman, 1970, p. 126.

63. Nous remercions Françoise Faury et son mari pour nous avoir communiqué un remarquable tableau chronologique des œuvres du peintre. Ce travail nous a permis de retrouver plus facilement certains tableaux, sachant, qu’au fil du temps, les marchands d’art modifient les titres initiaux donnés par l’artiste.

64. Ce tableau a été primé à la biennale de Menton.

65. Dans les faits, il s’agit du même modèle dans deux poses différentes !

66. 1969 – 116×81.

67. Montreynaud Florence, Le XXe siècle des femmes, Paris, Nathan, 1992.

68. Kaufmann Jean-Claude, Corps de femmes, regards d’hommes, sociologie des seins nus, Paris, Nathan, 1995, p. 26.

69. Note 82, p. 30.

70. En 1976, la 2 CV se pare de couleurs. Son constructeur innove sur le marché en proposant des séries à thèmes.

71. Il semble que ce soit le modèle lui-même qui ait demandé à poser de cette manière sous le regard du jeune peintre. Cette pudeur est compréhensible dans une chambre où le modèle est seul avec le peintre, contrairement à une pose légitime devant des étudiants à l’École des Beaux-Arts.

72. Plus logiquement nous pourrions dire qu’il s’agit d’un thème proche du tableau de Raphaël (1504) « les trois grâces », filles de Zeus ! Ces déesses romaines représentent l’Allégresse, l’Abondance et la Splendeur. Mais cette interprétation de l’œuvre de Raphaël est aujourd’hui contestée. Selon des historiens contemporains les trois femmes seraient des représentations de servantes de Vénus… ? (ref. Wikipédia). Toutefois, le regard de Gérard Calvet écarte tout lien métaphorique et s’il doit faire une référence savante et par goût, c’est plutôt à Sandro Botticelli qu’il pense et au tableau « le printemps ».

73. Troude Bernard, La féminité dans le XXe siècle de l’apogée à la répression.

74. Non présentés dans cet article.

75. Intervention de Gérard Calvet à l’occasion du vernissage de son exposition de dessins à Agde en 2011.