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Description

Ganges (1788-1790)

Quelle représentation peut-on se faire de Ganges et de ses habitants à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution ? Les cartes de Cassini, celles des diocèses de Montpellier, de Lodève et d’Alais, de Bourgoin et Aldring, gravées en 1781, celle du Languedoc dressée par l’ingénieur Ducros, gravée par Berthault, sur l’ordre de l’archevêque de Narbonne Dillon, président des Etats de Languedoc, permettent de situer la ville et ses environs : sa position est stratégique, aussi bien pour le contrôle d’une partie des Cévennes que pour les échanges commerciaux entre la montagne et la plaine ; la route de Saint-Hippolyte-du-Fort mène vers Alès, mais aussi vers Nîmes et Sommières ; celle qui longe en amont l’Hérault conduit vers Valleraugue et Florac, et par l’Arre au Vigan puis, en aval, après Ganges, descend vers La Roque-Aynier et, de là, vers Montpellier ; celle de Sumène, qui suit en partie le ruisseau du Rieutort, conduit vers une partie des Terres blanches, isolat catholique dans une montagne protestante ; enfin, suivre la Vis permet de joindre le Lodévois puis le Rouergue au pied de la Seranne, la vallée de la Buèges se trouvant de l’autre côté. L’alimentation en eau de la ville, si nécessaire aux tanneurs et teinturiers, est encore plus favorable aux habitants quand l’élévation des eaux de la Vis, entreprise en 1781, autorise à partir de 1788 la création d’une dizaine de fontaines et l’irrigation de la plaine de Cazilhac grâce aux « meuses », sorte de norias verticales qui font l’admiration d’Arthur Young à la veille de la Révolution française : « la plus grande entreprise d’irrigation que j’ai jamais vue en France… on précipite l’eau d’un torrent de montagne dans un canal, d’où d’énormes roues l’élèvent dans des aqueducs… jusqu’à trente pieds de haut », ce procédé pouvant être envisagé dans les régions montagneuses de l’Angleterre et du Pays de Galles.

On peut découvrir Ganges à travers les écrits des contemporains : le Dictionnaire d’Expilly est incomplet puisqu’il ne mentionne pas la soie, si importante depuis le début du XVIIIe siècle, mais certaines phrases peuvent être retenues : « cette ville est située dans une vallée fertile et agréable, où coule la rivière de l’Hérault… c’est une baronnie qui donne entrée aux États de Languedoc. Il y a beaucoup de tanneurs, qui font un commerce très considérable en Espagne et en Italie. Les moutons qui se nourrissent dans les pâturages de cette ville sont d’un goût extrêmement délicat… ».

L’Histoire naturelle de la Province de Languedoc de M. de Genssane est plus complète : « On peut regarder la petite plaine qui entoure la Ville de Ganges qui forme dans son terroir comme un véritable jardin couvert de mûriers et d’oliviers : il y a peu de terres en labour ; tout y est semé de légumes pour la consommation de cette ville, qui ne vit d’ailleurs que de son commerce et surtout de ses excellentes fabriques de bas de soie. Les montagnes qui environnent ce territoire sont toutes composées de roches calcaires incultes, qui forment de très vastes, mais de très maigres pâturages. ». Le rapport du subdélégué de Montpellier Favier est remis au baron de Ballainvilliers, à peine arrivé dans la province en 1786, qui le reprendra presque mot à mot dans ses Mémoires :

«… Elle a 4 500 âmes. Et si la fabrique de bas de soie continue à être protégée, elle deviendra beaucoup plus considérable. Elle est baronnie des Etats pour le diocèse de Montpellier et députe à cette assemblée de sept en sept années. Elle n’a pas d’autres privilèges. Elle n’a point d’hôpital, elle a un bureau de charité… le revenu de ce bureau est de 700 £… M. Saunier, doyen des doyens de MM. les maîtres des Requêtes a donné à ce bureau 100 000 £, dont il ne doit jouir qu’après la mort des deux dames de Ganges, mère et belle-fille. Le commerce… consiste dans la fabrication des bas de soie. On y compte 35 fabricants, 400 métiers et 400 ouvriers. Indépendamment de ce nombre, les fabricants de Ganges font travailler à 4 ou 5 lieues à la ronde. Le nombre des métiers et ouvriers qu’ils emploient dans ses environs est inconnu. Sans ce secours, les fabricants ne trouveraient pas dans Ganges les bras nécessaires pour la consommation des soies. Ils emploient encore 100 femmes ou filles pour coudre ou broder les bas, sans compter celles qui sont employées à 4 ou 5 lieues à la ronde. Il y a à Ganges 4 teinturiers en soie qui occupent ordinairement 8 ouvriers. 12 serruriers faiseurs de métiers de bas, qui en occupent une trentaine. Le commerce de la tannerie est encore en vigueur dans cette ville, on y compte 7 tanneurs qui emploient 20 ou 30 ouvriers. Enfin il y a une fabrique de chandelles où l’on emploie 3 ouvriers. » […]

Informations complémentaires

Année de publication

2008

Nombre de pages

32

Auteur(s)

Jean-Pierre DONNADIEU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf