Quelle représentation peut-on se faire de Ganges et de ses habitants à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution ? Les cartes de Cassini, celles des diocèses de Montpellier, de Lodève et d’Alais, de Bourgoin et Aldring, gravées en 1781, celle du Languedoc dressée par l’ingénieur Ducros, gravée par Berthault, sur l’ordre de l’archevêque de Narbonne Dillon, président des États de Languedoc, permettent de situer la ville et ses environs : sa position est stratégique, aussi bien pour le contrôle d’une partie des Cévennes que pour les échanges commerciaux entre la montagne et la plaine ; la route de Saint-Hippolyte-du-Fort mène vers Alès, mais aussi vers Nîmes et Sommières ; celle qui longe en amont l’Hérault conduit vers Valleraugue et Florac, et par l’Arre au Vigan puis, en aval, après Ganges, descend vers La Roque Aynier et, de là, vers Montpellier ; celle de Sumène, qui suit en partie le ruisseau du Rieutort, conduit vers une partie des Terres blanches, isolat catholique 1 dans une montagne protestante ; enfin, suivre la Vis permet de joindre le Lodévois puis leRouergue au pied de la Seranne, la vallée de la Buèges 2 se trouvant de l’autre côté. L’alimentation en eau de la ville, si nécessaire aux tanneurs et teinturiers, est encore plus favorable aux habitants quand l’élévation des eaux de la Vis, entreprise en 1781, autorise à partir de 1788 la création d’une dizaine de fontaines 3 et l’irrigation de la plaine de Cazilhac grâce aux « meuses » 4, sorte de norias verticales qui font l’admiration d’Arthur Young à la veille de la Révolution française : « la plus grande entreprise d’irrigation que j’ai jamais vue en France… on précipite l’eau d’un torrent de montagne dans un canal, d’où d’énormes roues l’élèvent dans des aqueducs… jusqu’à trente pieds de haut », ce procédé pouvant être envisagé dans les régions montagneuses de l’Angleterre et du Pays de Galles.

On peut découvrir Ganges à travers les écrits des contemporains : le Dictionnaire d’Expilly 5 est incomplet puisqu’il ne mentionne pas la soie, si importante depuis le début du XVIIIe siècle, mais certaines phrases peuvent être retenues : « cette ville est située dans une vallée fertile et agréable, où coule la rivière de l’Hérault… c’est une baronnie qui donne entrée aux États de Languedoc. Il y a beaucoup dépanneurs, qui font un commerce très considérable en Espagne et en Italie. Les moutons qui se nourrissent dans les pâturages de cette ville sont d’un goût extrêmement délicat… ». L’Histoire naturelle de la Province de Languedoc de M. de Genssane 6 est plus complète : « On peut regarder la petite plaine qui entoure la Ville de Ganges & qui forme dans son terroir comme un véritable jardin couvert de mûriers et d’oliviers : il y a peu de terres en labour ; tout y est semé de légumes pour la consommation de cette ville, qui ne vit d’ailleurs que de son commerce et surtout de ses excellentes fabriques de bas de soie. Les montagnes qui environnent ce territoire sont toutes composées de roches calcaires incultes, qui forment de très vastes, mais de très maigres pâturages. ».Le rapport 7 du subdélégué de Montpellier Favier est remis au baron de Ballainvilliers 8, à peine arrivé dans la province en 1786, qui le reprendra presque mot à mot dans ses Mémoires :

« … Elle a 4500 âmes. Et si la fabrique de bas de soie continue à être protégée, elle deviendra beaucoup plus considérable. Elle est baronnie des États pour le diocèse de Montpellier et députe à cette assemblée de sept en sept années 9. Elle n’a pas d’autres privilèges. Elle n’a point d’hôpital, elle a un bureau de charité … le revenu de ce bureau est de 700 £… M. Saunier, doyen des doyens de MM. les maîtres des Requêtes a donné à ce bureau 100 000 £, dont il ne doit jouir qu’après la mort des deux dames de Ganges, mère et belle-fille. Le commerce… consiste dans la fabrication des bas de soie. On y compte 35 fabricants, 400 métiers et 400 ouvriers. Indépendamment de ce nombre, les fabricants de Ganges font travailler à 4 ou 5 lieues à la ronde. Le nombre des métiers et ouvriers qu’ils emploient dans ses environs est inconnu. Sans ce secours, les fabricants ne trouveraient pas dans Ganges les bras nécessaires pour la consommation des soies. Ils emploient encore 100 femmes ou filles pour coudre ou broder les bas, sans compter celles qui sont employées à 4 ou 5 lieues à la ronde. Il y a à Ganges 4 teinturiers en soie qui occupent ordinairement 8 ouvriers. 12 serruriers faiseurs de métiers de bas, qui en occupent une trentaine. Le commerce de la tannerie est encore en vigueur dans cette ville, on y compte 7 tanneurs qui emploient 20 ou 30 ouvriers. Enfin il y a une fabrique de chandelles où l’on emploie 3 ouvriers. »

En 1787, après les traités de commerce entre la France et l’Espagne en 1778 et avec l’Angleterre en 1786, Versailles s’inquiète de leurs conséquences sur les exportations du royaume, c’est pourquoi la Chambre de commerce de Montpellier rédige 10 un Aperçu en 1787, donnant la valeur des productions languedociennes, où sont évoquées la récolte de soie pour environ 8 500 000 livres, la croissance de la bonneterie depuis 80 ans, employant 10 000 métiers à bas, pour un rapport de 5 000 000 de livres, les tanneries, pour 3 000 000 de livres. Les Voyages en France d’Arthur Young 11 en 1788 et 1789, que l’on vient d’évoquer, sont confortés en 1824 par la Statistique du département de l’Hérault, du préfet Hippolyte Creuzé de Lesser 12, qui souligne l’extraordinaire essor de la production de bas de soie à son époque :

« La fabrique de Ganges jouit d’une réputation parfaitement méritée ; placée au pied des Cévennes et dans un pays où l’on récolte une immense quantité de soie, cette ville a dû chercher dans l’emploi de cette matière une ressource contre l’aridité de son sol ; l’industrie de ses habitants y est parvenue… en 1789, ses produits recherchés, et par conséquent nombreux, s’écoulaient en Europe et en Amérique (par l’intermédiaire de l’Espagne) ; les bouleversements politiques anéantirent ces débouchés… »

Ces descriptions et analyses permettent d’appréhender la réalité du temps avec ses composantes économiques et sociales, telles qu’on les voyait alors. Un certain nombre d’ouvrages et d’articles informent avec précision sur la ville et complètent la vision qu’en avaient les contemporains : ainsi l’abbé Rouquette 13 en 1904 rédige une Histoire de la ville de Ganges, dont la lecture est toujours nécessaire, malgré une certaine partialité, notamment à l’égard des protestants et de la période révolutionnaire ; Léon Dutil 14 en 1911 étudie l’économie de la province à la veille de la Révolution, en se fondant principalement sur les documents des archives départementales : naturellement Ganges y apparaît dans plusieurs chapitres, notamment sur la soie ; Raymond Dugrand 15 en 1953 décrit la situation économique et sociale de Ganges au XIXe et au XXe siècles, après en avoir évoqué les conditions naturelles et historiques avant la Révolution ; La Naissance de l’Hérault, livre publié par le département en 1989, explique les désirs et les frustrations de Ganges, qui va jusqu’à désirer son rattachement au Gard en 1790 et1792. J. Philip 16 en 1983 édite des textes relatifs à Ganges, reprenant certains rédigés par ses devanciers mais devenus introuvables, mais en y ajoutant des textes récents, notamment des poésies, en occitan et en français. Enfin, plusieurs publications de l’abbé Marcel Guy 17 depuis 1996, précisent des points importants de cette histoire. Dirigés par des professeurs de l’Université Paul Valéry, à Montpellier, des diplômes d’études supérieures – à l’exception de celui, introuvable, de Maryse Rocher 18 – et des mémoires de maîtrise ont apporté des éclaircissements sur Ganges : Marie-Claude Marquier 19 en 1967, Omar Kane 20 en 1968, Jacqueline Leroy 21 en 1971, Françoise Boissy 22 en 1984, Marie-Paule Labonne 23 et Patricia Dassonville 24 en 1986. Cependant, les documents conservés aux Archives départementales de l’Hérault, qui viennent de rassembler et de classer 25 les archives de Ganges, enrichissent la connaissance de la ville pendant cette période de l’histoire de France, quand on les confronte aux liasses de la série Let aux fond privés, déposés ou non, comme la copie-partielle et souvent résumée-du registre du Club des amis de la constitution (19 juin 1791-3 juin 1792) par Rodolphe Martin 26, les notes prises et les documents conservés par un ancien secrétaire de mairie, Léopold Bastide 27, qui suppléent partiellement la disparition du registre des délibérations municipales de 1788 à 1790, bien qu’il ait été utilisé également par l’abbé Rouquette. En 2006, le Dictionnaire de biographie héraultaise de Pierre Clerc 28, consacre plusieurs pages à Ganges et à ses seigneurs.

Les plans de Ganges reproduits par l’abbé Marcel Guy, ceux que dresse Raymond Dugrand, et celui que trace Marie-Claude Marquier, permettent de se faire une idée assez exacte de la ville à la fin du XVIIIe siècle : autour du château, disparu au début du XXe siècle, se pressent les habitants, répartis en quatre quartiers ou « gaches » dont le nom est lié aux quatre portes de la ville, celle de Laroque, sur le chemin de Montpellier, celle du Four, proche du départ du chemin du Vigan, celle de la Croix de Figou, vers Sumène et celle du Bouquié, d’où part le chemin vers Saint-Hippolyte. Les documents fiscaux de l’ancien régime et de la période révolutionnaire signalent plusieurs lieux bien définis, comme les Barrys – faubourgs hors les murs -, les Calquières – fours à chaux -, où se trouvent les tanneries, si importantes jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, mais dont les possesseurs ont encore des fortunes importantes et un statut social de notable reconnu dans les assemblées municipales de la fin du siècle. Des marchands et des fabricants de soie ou de bas sont installés rue Biron, Grand Rue, rue Triomphale, rue du Four, et aussi autour de la place ou Plan de l’Ormeau, au centre de la ville, qui s’agrandit peu à peu dans cette période aux dépens du couvent des Cordeliers, au Cours Neuf, au Portail du Four, au Jeu de ballon, au Temple, à la Traverse. Mais sont mentionnés aussi les villages, hameaux ou métairies où vivent de nombreuses familles qui vivent de l’agriculture, ménagers ou travailleurs : la Vaquerie, Ardalliers, la Baraque, Randavel, Mastargues, la Rivière de Vis. Le chiffre de plus de 4 000 habitants, constaté par les contemporains, se vérifie quand on multiplie par 25,selon les principes établis par Necker 29 lors de son retour au ministère à l’automne 1788, le nombre de naissances : plus ou moins 200 ; 716 feux – en général 5 personnes pour un feu -,selon le procès-verbal de l’élection aux États généraux pour la sénéchaussée de Montpellier ; les cotes d’imposition des Gangeois recoupent l’information : 800 capitables 30 cette même année, en y comptant 95 dames, demoiselles, femmes, veuves ou filles, qui ne peuvent voter, et lors de l’établissement de la contribution mobiliaire 31 en 1791, 788 articles, comprenant 110 contribuables du sexe féminin et presque 200 habitants, dont 46 femmes, non imposables à cause de la modicité de leur revenu : un état 32 des indigents, dressé par le curé de Ganges à la demande de l’intendant Ballainvilliers, daté du 24 mars 1790, donnait 158 familles pauvres, soit 595 habitants.

Religion

Raymond Dugrand cartographie la répartition religieuse des Gangeois au milieu du XIXe siècle : les protestants sont nombreux à l’est et au nord de la ville, les catholiques plutôt à l’ouest et au sud. Les registres de B.M.S. donnent 33 une bonne appréciation de l’importance des deux religions : en 1788, naissent, se marient et meurent 83, 15 & 69 catholiques, 115, 30 & 98 protestants ; la différence entre ces chiffres est encore amplifiée en 1789 : 64, 10 & 62, et 126, 38 & 120 : il faut probablement y voir une conséquence de l’Édit de novembre 1787, par lequel Louis XVI accordait aux protestants la réhabilitation des mariages contractés devant le pasteur et la liberté de l’état civil sous certaines conditions, les protestants n’ayant plus de raison d’aller chez le curé pour se marier légalement. Même si le Parlement de Toulouse, qui le reçoit pour enregistrement le 27 février 1788, l’encadre de Remontrances, celles-ci sont cassées par une Déclaration royale du 7 mars, enregistrée à Toulouse par un Lit de justice le 17 mars. Henri Chalier 34 en a établi une liste en partant des contrats notariés, et des registres des pasteurs de Ganges (83 mariages depuis le printemps 1788 jusqu’en 1792), des registres du viguier (15 mariages entre 1788 et 1790) qui complètent ceux du sénéchal, sans tenir compte des 12 volumes du juge-mage Jacques de Barthès qui parcourt la sénéchaussée de Montpellier en juin et qui se déplace à Ganges pendant 7 jours, entre le 10 et le 17 de ce mois, dressant 531 actes 35 chez le bourgeois Gervais, chez qui se pressent 462 habitants, mais aussi quelques dizaines de ceux qui viennent de Moulès, Cazilhac, Ginestoux, Brancas, et quelques isolés du Mas de Claux, de la Baraque, de la Seranne et du Mas de Cisterne ; il remplira 59 autres registres à Saint-Hippolyte, Sauve, Durfort, Quissac, Sommières, Marsillargues, Saint-Laurent-d’Aigouze, La Caylar, Mauguio et Lunel, et naturellement à Montpellier. Bonnefous, juge du lieu et le curé Baissié avaient tout de même suivi en janvier 1789 une procédure proposée par L’Édit permettant aux protestants d’aller chez eux. La création d’un cimetière protestant est évoquée avec des points de suspension par l’abbé Rouquette : la municipalitéachète 36 à Béziés pour 2 600 livres, le 24 avril 1788, un terrain aux Olivettes, entre les chemins du Vigan et de Sumène.

On ne peut traiter le protestantisme à Ganges sans évoquer le pasteur Gal-Pomaret 37, qui a fait l’objet d’une importante biographie en 1899 et d’une étude par Rodolphe Martin en 1901, publiée par l’abbé Marcel Guy. C’est un correspondant régulier ou occasionnel de personnalités marquantes du XVIIIe siècle : Rousseau (1763-65), Voltaire (1767-70), Court de Gebelin (1775-78) pour lequel il écrira une notice nécrologique dans le Journal de la Généralité de Montpellier en 1784, l’avocat général au Parlement de Grenoble Servan, d’Aigrefeuille, procureur général de la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, le cévenol Angliviel de La Beaumelle, et naturellement de nombreux pasteurs, comme son frère Gal au Vigan, Soulier à Sauve, Olivier-Desmont, Paul Rabaut, Rabaut Saint-Etienne, surtout dans la période qui précède et suit la promulgation de l’Édit sur les Non-Catholiques ; mieux même, il correspond 38 directement avec le commandant de la province de Languedoc, le comte de Périgord, lorsqu’une dénonciation l’accuse en 1787 d’avoir « loué une grande remise, située dans la ville, qui peut contenir 400 ou 500 personnes, où sous prétexte de l’instruction des enfants, ils font publiquement, tous les soirs, sur les six heures, les exercices de leur religion ». L’affaire avait été portée à Versailles, mais les informations données par le subdélégué de Nîmes Alizon avaient permis à Périgord 39 de ramener l’affaire à de plus justes proportions : « il vaut mieux qu’ils s’assemblent dans un endroit clos et connu qu’en plein champ, où il est difficile de les surveiller », et à Gal-Pomaret de lui écrire : « J’admire, Monseigneur, la sagesse avec laquelle vous nous gouvernez ; et tant qu’on nous gouvernera avec la même douceur, nous aurons des grâces à vous rendre et non des plaintes à former » 40. Vingt-et-une villes et communautés du diocèse de Montpellier apparaissent dans les tableaux 41 de B.M.S. des réformés adressés à Versailles par l’intendant depuis 1773 ; en 1776, Gal-Pomaret dresse 42 un « état de la province des Basses-Cévennes » et indique que le colloque de Ganges était « composé de six églises, qui sont celles de Ganges, de Sumène, de Saint-Laurent (le-Minier), de Valleraugue, du Vigan et d’Aulas » et conclue sur cette région : « depuis que le fanatisme a disparu, et que la tolérance a succédé à la contrainte, elle ressemble à un jardin arrosé ».

Rabaut Saint-Etienne a publié 43 plusieurs ouvrages dans la période qui précède la réunion des États généraux, parmi lesquels les Considérations sur les intérêts du Tiers-État, adressées au peuple des provinces par un propriétaire foncier, qui a certainement inspiré la réflexion du pasteur gangeois ;en effet, le 7 décembre 1788, « bourgeois » et non ministre, il écrivait 44 une longue lettre à Necker, reçue à Versailles le 17décembre, pour demander le doublement du Tiers lors des élections aux États généraux :

« C’est : 1) parce que le Tiers-État se trouve composé des trois quarts de la nation, 2) parce que par son industrie, son commerce, sa population et son patriotisme il est, et sera toujours le grand soutien de la monarchie, 3) parce que dans ce siècle de lumière, il a autant de connaissances que puissent en avoir la Noblesse et le Clergé, soit pour la juste répartition des impôts, soit pour en rendre la levée ou la perception moins coûteuse, soit pour imaginer les moyens les plus propres à remédier aux besoins actuels du Royaume, soit pour indiquer les excellentes lois qu’on a laissé tomber dans l’oubli et qu’il importerait de faire revivre… la demande des habitants des Cévennes, ainsi que celle de tous les Français qui pensent comme eux paraît donc marquée de la plus grande équité… nota : les bonnes lois qu’on a laissé tomber dans l’oubli et qu’il importerait de faire revivre se trouveraient dans les remontrances qui furent adressées aux États Généraux assemblés à Blois en l’année 1576 45. »

On ne saurait mieux passer de la religion à la politique : toute la France en parle à la fin de 1788. Le 14 décembre, la ville de Ganges s’adresse au roi dans le même esprit, avec presque les mêmes mots et les mêmes arguments que le pasteur qui, toujours bourgeois, est douzième sur plus de quatre-vingt dix sept signataires ; il est aussi onzième sur 361 électeurs de la ville le 8 mars 1789 et est député à l’assemblée 46 de la sénéchaussée de Montpellier qui se tient du 16 mars au 15 avril avec quatre autres Gangeois dont l’un, Deshons, bourgeois et foncier, sera un des rédacteurs du cahier de doléances du Tiers. On ne connaît l’adresse de Ganges à l’Assemblée Nationale, du 10 août 1789, que grâce au texte publié par l’abbé Rouquette qui souligne qu’elle a été signée par une vingtaine d’habitants dont le curé Baissié, mais on ne peut savoir si Gal-Pomaret l’avait aussi fait. Sa préoccupation, à ce moment, devait être la préparation du synode des Basses-Cévennes, convoqué pour le 22 septembre ; une Adresse des protestants des hautes et basses Cévennes à l’Assemblée Nationale, datée du 29 septembre, évoque 47 « la consternation qu’a répandue dans tous les esprits l’article X de la Déclaration des droits de l’homme », adoptée le 26 août, qui tolère le protestantisme sans le reconnaître, mais le pasteur ne pouvait pas encore réfléchir sur la nationalisation des biens du Clergé, votée le 2 novembre, dont Rabaut Saint-Etienne l’informait 48 cependant dès le 4 novembre. La biographie d’E. du Cailar et de D. Benoit signale aussi un discours patriotique qu’il fit lors des premières élections municipales de Ganges, au début de 1790, mais il ne tient plus ses registres à partir du 19 avril, se consacrant à un ouvrage de réflexion religieuse et doctrinale qui n’a pas été publié ses dernières forces avant de mourir, pauvre, le17 août1790.

Les catholiques de Ganges ne représentaient environ que le tiers des habitants, cependant l’organisation du pouvoir politique dans les villes et communautés en excluait officiellement les protestants, même si certains participaient au consulat et au conseil politique, parce qu’ils avaient été faire enregistrer par précaution leur état-civil chez le curé, ce qui faisait aussi considérer leurs enfants comme légitimes et ils pouvaient donc hériter, ce qui n’aurait pas été le cas s’ils s’étaient contentés d’un mariage au Désert. Leur intérêt pour la ville les avaient conduits à faire nommer quatre d’entre eux au Conseil politique en 1784, mais la marquise de Ganges, agissant à la place de son fils, avait fait casser l’élection 49. L’élaboration des documents fiscaux était confiée à des catholiques, dont on retrouve les noms sur une lettre du 23 septembre 1791, protestant contre les « excès » qui les frappent alors : les listes des Gangeois soumis à la taille, à la capitation, aux vingtièmes, au compoix cabaliste sont établies par le premier consul Jacques d’Arnal et les notables Lestrade, Doumaisel et Barthélemy Libourel, un seul protestant, Finiel, participant à ce travail. L’abbé Baissié est curé de Ganges à cette époque, reçu chez les Pénitents blancs en 1779, prieur en 1789 et 1790, assisté d’un vicaire, l’abbé Michel Rieusset 50,qui sera prieur des Pénitents en 1805 lors du rétablissement de la confrérie : le premier est absent de l’assemblée du clergé du diocèse de Montpellier, convoquée pour le 8 janvier 1789 pour examiner les propositions du clergé de la ville du 2janvier, et préparer sa participation à l’assemblée des trois ordres du diocèse, qui devait se tenir le 9 janvier, hostiles à la constitution des États de Languedoc ; à cause de la « rigueur du temps » (le Rhône avait gelé à Beaucaire), cette réunion du clergé diocésain avait été repoussée au 14 janvier, à laquelle Baissié n’était pas davantage présent, la session annuelle des États de la Province commençant le 16 janvier. Cependant il est à Montpellier le 16 mars, quand se réunit le clergé de la sénéchaussée dont Monseigneur de Malide serale député aux États généraux. Les deux prêtres participeront le 14 juillet 1790 à la fête de la Fédération, ne prêteront serment à la Constitution en février 1791 que sous forme conditionnelle, mais exerceront leurs fonctions jusqu’en mai 1791, le premier émigrant, le second se cachant chez des fidèles de Ganges et des environs pendant les persécutions, avant d’en devenir curé en 1800 puis archiprêtre en 1805.

Le printemps 1791 voit les électeurs choisir comme curé l’abbé Léger 51, professeur de philosophie à l’Université de Montpellier, qui accepte cette nomination le 8 mars, est proclamé après le 4 avril mais renonce aussitôt après sa nomination comme vicaire épiscopal de l’évêque du département ; la déception des Gangeois est évidente le 30 avril car la municipalité 52 « compte trop sur sa parole pour croire à ce bruit ». Un nouveau curé, Claude Aubac, fils d’un taffetassier de Nîmes, vicaire de Joseph Antoine Costecalde, curé patriote de Marsillargues et jureur dès le 23 janvier 53, est déjà à Ganges en juin, puisque la municipalité enregistre le 20 les injures qui lui sont prodiguées ; le 3 juillet, le procureur de la commune Molines signale 54 à l’administration du District que « l’affectation de l’église des Capucins aux Non-Conformistes a fait sensation sur Aubac, procuré, et tous les bons patriotes » : bien national, elle avait été achetée par le bourgeois Pierre Deshons. C’est peut-être pour cela qu’Aubac s’adresse 55 le 17 juillet au Club des Amis de la Constitution et de l’Égalité de Montpellier – créé en 1790 -, peu après la création du Club gangeois le 19 juin, pour solliciter son affiliation. Les 54 électeurs qui se réunissent le 20 septembre confirment son élection 56 comme curé le 28, mais Molines accuse 57 le 16 octobre Baissié et Rieusset, soutenus par de Boyer, ancien officier, « ennemi irréconciliable de la Constitution » d’exciter la fermentation des catholiques. Il est vrai que, depuis l’obligation faite aux fonctionnaires publics de prêter le serment constitutionnel, des raisons d’agitation règnent dans le royaume : à preuve le bref du pape Pie VI le 6 mars 1791, qui n’accepte pas la Constitution civile du Clergé, la fuite du roi et de sa famille le 20 juin, et leur arrestation à Varennes, ce dont Ganges est informée le 27, mobilisant aussitôt sa Garde nationale, la fusillade du Champ de Mars le 17 juillet, l’acceptation par Louis XVI de la Constitution le 13 septembre, la fin des travaux de l’Assemblée Constituante le 30, et les débuts de l’Assemblée Législative, qui voit arriver à Paris un montpelliérain qui est déjà bien connu, Joseph Cambon. En Languedoc, ce sont les camps de Jalès de décembre 1790 et février 1791 – il y en aura un autre en août 1792 -, les violences montpelliéraines 58,diverses manifestations d’intolérance réciproque entre patriotes et contre-révolutionnaires, succédant aux sanglantes bagarres entre catholiques et protestants à Nîmes et Uzès en 1790, ces événements étant parfaitement décrits 59 et résumés par Robert Laurent et Geneviève Gavignaud.

Il n’y a plus que deux pères, Fraisse – 66 ans – et Saül – 75 ans -, et un frère, Augé – 75 ans -, chez les Cordeliers, présents à Ganges depuis 1639 ; le premier deviendra curé constitutionnel de Saint-Etienne-du-Rauët. Chez les Capucins, se trouvaient des religieux plus jeunes : deux pères, Guillaume Viala – 28 ans – qui prêtera le serment 60 en 1791, le confirmera en 1792, en l’an VI et en l’an VII, Égide Étienne Grès – 30 ans – et un frère, Jean François – 28 ans -, qui recevront une pension de l’État, entre 500 et 1 000 livres. Depuis 1724 existe à Ganges une confrérie de Pénitents blancs : ses registres, étudiés par l’abbé Marcel Guy, décrivent leurs activités pieuses et charitables jusqu’au 26 avril 1791 ; elle renaît le 7 juin 1802, étant reconnue le 28 mai 1811 après une déclaration 61 d’association déposée à la préfecture de l’Hérault : 126 frères en font alors partie, souvent en famille, dont la plupart vivaient dans la dévotion et la charité avant la Révolution. Étudiant la présence des confréries au contact d’une importante, voire majoritaire, population protestante, Guy Lauranssouligne 62 l’hétérogénéité des milieux sociaux auxquels appartiennent les pénitents dans les bourgs et petites villes : « A côté des propriétaires terriens, tout un groupe de fonctionnaires, de commerçants et artisans, de notables bourgeois, compose un microcosme social », et consacre une dizaine de pages à leur proximité avec les consistoires, comme celui de Ganges qui comptait en 1820 2 150 fidèles sur 4 000 habitants, et comprenait Gorniès (375 sur 560), Cazilhac (240 sur 430), Moulès-et-Baucels (50 sur 130), tandis que cette bipartition religieuse ne touchait pas Laroque, Saint-Bauzille-de-Putois, Brissac, Agonès et Saint-André-de-Buèges, entièrement catholiques, qui possédaient aussi des confréries : Cette situation sera à prendre en compte lors des événements qui marqueront la vie de cette région pendant la Révolution, comme cela s’était passé au siècle précédent dans le diocèse de Nîmes, quand elles avaient joué un rôle très actif au service de la religion dominante, selon Robert Sauzet 63.

Gangeois

Il existait à Ganges un « Cercle », si l’on en juge par l’installation du Club des Amis de la Constitution dans ses locaux en 1791, mais sans qu’il subsiste la moindre trace de ses activités et de sa composition. Ganges ne possédait pas de loge maçonnique, les plus proches se trouvant à Saint-Hippolyte, Valleraugue, au Vigan (2), Alès (2) et évidemment Nîmes (11) et Montpellier (16, dont 12 appartenant au Grand Orient). Si l’on considère que les signatures précédées de trois points entre deux traits sont caractéristiques de la maçonnerie au XVIIIe siècle, quelques Gangeois en faisaient partie, tels Cazalet, Méjean aîné, Molines, Etienne Maillé, mais elle ne s’installera vraiment à Ganges que sous l’Empire, où deux loges se créèrent, la première en 1802 (La Parfaite Union), dont 17 membres sur 32 étaient nés avant 1775, la seconde en 1808 (Les Amis Fidèles de Napoléon le Grand), 24 membres étant nés avant 1775, dont 5 hors de Ganges, sur 49. Leur réunion à partir de 1810 ne s’est pas faite sans conflits, mais une chose curieuse apparaît dans la correspondance du 21 janvier 1808 avec le Grand Orient, à Paris : l’existence d’une loge parodique « Une prétendue confraternité connue sous le titre de Pantoustier s’y créa il y a quelques mois, on reçut tous les citoyens qui voulurent en être sans avoir égard aux vertus sociales… dans le nombre des gens très estimables, le nombre est d’environ 150, ses réceptions ont été faites en parodiant les épreuves mystiques que nous faisons, tous les cabinets, les places publiques, ont été des lieux où on a tiré des santés en faisant des signes d’attachement… en assurant au vulgaire que cette prétendue confraternité prévalait… » ; en espérant la dissolution de cette société, les Gangeois accompagnaient leur demande de l’appui de la loge de Saint-Hippolyte 64.

Si la notoriété de Gal-Pomaret s’étendait bien au-delà de Ganges, les Fabre s’étaient illustrés en 1756 avec Jean, « l’honnête criminel », qui avait volontairement pris la place de son père arrêté par la maréchaussée lors d’une assemblée au Désert ; mais un de ses neveux, Antoine, allait avoir une carrière extraordinaire, puisqu’il devait devenir un des pionniers de l’Occitanie littéraire, ce qu’ont reconnu le Félibrige et Frédéric Mistral, et un savant estimé dans les nombreuses langues qu’il connaissait. Furieux d’avoir été confondu avec le carcassonnais Fabre d’Églantine en 1789, il avait alors ajouté à son nom celui de sa mère et était donc devenu Fabre d’Olivet. Les ouvrages 65 qui lui sont consacrés s’intéressent à sa vie, à ses connaissances linguistiques et à ses œuvres : de ses Souvenirs, les Gangeois, comme Rodolphe Martin au début du XXe siècle, et l’abbé André, dont un opuscule est publié en 1986, retiennent l’attachement à la langue maternelle dans le manuscrit (1820) de la dédicace de La langue d’Oc rétablie dans ses principes : « A qui puis-je mieux dédier cet ouvrage qu’à toi, ma Mère ? Toi qui, née dans la patrie des troubadours, ne l’a point abandonnée pour aller habiter d’autres climats, et qui, fidèle à leur langage antique, ne l’a point sacrifiée au langage orgueilleux de leurs successeurs. C’est toi qui m’as rendu ce langage si cher, puisque c’est de ta bouche que mon cœur en a reçu les premiers éléments… ». Son père, Antoine Fulcrand, riche marchand fabricant et négociant de Ganges, ajoutait aux revenus des terres dont il avait constitué son patrimoine celui de son commerce. Pour ces raisons, Antoine, né en 1767, avait été envoyé à Paris dès l’âge de 11 ans pendant cinq ans, y avait découvert le latin, le grec, l’anglais, et reçu une formation qui lui avait permis, à son retour près de ses parents, de participer à la gestion de leurs affaires pendant un an, mais aussi de commencer à pratiquer la musique et à faire du théâtre, choses que son père jugeait sans intérêt : il l’avait alors renvoyé à Paris se perfectionner en anglais et apprendre l’allemand pendant deux ans, mais il y avait continué ses activités poétiques et musicales, logeant chez un chirurgien qui lui avait fait découvrir la science du corps humain. Il avait écrit en 1787 Força d’amour, œuvre publiée et présentée par Christian Anatole 66.

Alors sans intérêt pour la politique, il doit partir pour l’Allemagne en compagnie d’un commis voyageur en septembre 1788, puis retourne à Paris au début de 1789 : il y devient aussitôt « patriote », garde national, membre du club des Jacobins dès sa création, et écrit en août une pièce, parfaitement dans l’esprit du temps : « Le génie de la nation ou les moralités pittoresques, pièce héroï-comique en vaudevilles, dédiée aux électeurs de la ville de Paris », puis « Le Quatorze de juillet 1789, fait historique en un acte et en vers, représenté à Paris au Théâtre des Associés en juillet 1790 ». Revenu à Ganges au printemps 1791 après un voyage d’affaires à Bruxelles et Anvers, il participe à la création du Club des Amis de la Constitution en juin, au moment de Varennes, vivant ainsi une période très active et très politique, qu’il résume dans ses Souvenirs, se glorifiant d’avoir calmé ses concitoyens en les faisant défiler dans les rues de Ganges. Dès son retour à Paris un an plus tard, il assiste aux événements qui se succèdent à un rythme rapide et qu’il évoque dans ses Souvenirs : la chute de la royauté, les massacres de septembre, le procès et la mort du roi et quelques mois plus tard, la Terreur et l’exécution de Robespierre : de 1794 date un vaudeville L’heureuse nouvelle ou la reprise de Toulon, publié sous le titre de « Toulon soumis, fait historique, opéra en un acte, représenté pour la première fois sur le Théâtre national de l’Opéra le quartidi 14 ventôse ».Petit employé au ministère de la guerre sous le Directoire, il vient au secours de son père, ruiné par la chute du commerce des bas de soie, et se voue à la littérature, commençant en 1803, par un faux Le troubadour, poésies occitaniques du XIIIe siècle, à la manière de Mac Pherson qui avait publié en 1760 des adaptations des poésies écossaises d’Ossian, dont les textes authentiques ne sont connus qu’en 1807. Il poursuit ensuite une carrière d’écrivain et de chercheur, touchant à la médecine et tombant dans l’ésotérisme de la « théodoxie universelle », jusqu’à sa mort en 1824.

On peut voir dans le jeune Fabre d’Olivet un exemple de la renaissance d’une langue occitane porteuse de richesse, d’histoire et de culture, qui avait déjà été à la mode à Paris : plusieurs articles 67 du Mercure de France, en 1780, 1781 et1788, s’étaient intéressés à la survie de la langue méridionale et des œuvres des troubadours ; à Toulouse, se publie en1781 l’anonyme Miral moundi – Miroir toulousain -, mais toutes les régions de langue d’oc frémissent dans cette décennie 68. L’abbé Boissier de Sauvages – 1710-1795 -, d’Alès, avait fait paraître 69 à Nîmes chez Gaude en 1756 son Dictionnaire languedocien-françois…, qu’il avait réédité en 1785,modifiant alors de façon plus positive un Préliminaire déjà très riche de réflexions sur l’histoire de la langue et de la civilisation ; le chevalier de Florian, cévenol, incluait dans sa pastorale Estelle, publiée en 1788 avec un éloge de sa province, une poésie en occitan, mise aussitôt en musique par plusieurs compositeurs, et il avait dédié 70 cette œuvre aux États de Languedoc, qui l’avaient reçue le 21 février 1789 lors de ce qui fut leur dernière session. Les personnalités les plus importantes de Languedoc montraient leur intérêt : le comte de Périgord avait lui-même commencé à pratiquer le patois, comme l’écrit Judith de Saussure, le comte de Saint-Priest, intendant de la province, rencontrait souvent l’abbé Fabre, mort en 1783, dont on connaît 71 les œuvres dans cette langue, et d’autres plus familières, parmi lesquelles une épître adressée à Monseigneur de Malide, nouvel évêque de Montpellier, prieur décimateur de Ganges. Le seul texte gangeois occitan que l’on connaisse de cette période est une réflexion du marquis de Ganges, citée par l’abbé Rouquette et reprise par les spécialistes de la ville : devenu partisan des idées nouvelles, il n’en était pas moins ironique à l’égard des citoyens dont il partageait les idées : « Sen égals, sen égals / Manjaras de tuffenos, et iou de perdigals » (Nous sommes égaux, nous sommes égaux / Tu mangeras des pommes de terre et moi des perdreaux). Plus tard, des pamphlets, sous les formes dialectales des lieux d’écriture et de publication, opposeront 72 révolutionnaires et contre-révolutionnaires. On ne doit cependant pas donner à l’usage de l’occitan une place démesurée dans la pratique officielle des Gangeois : depuis l’Édit de Villers-Cotterêts, en 1539, l’administration du royaume ne devait user que du français, qu’il s’agisse des registres de notaires, des B.M.S., de la procédure judiciaire, des rapports avec le pouvoir ; on connaît le poids de la Réforme dans la lecture de la Bible en langue française : Ganges ne pouvait échapper à la francisation. De plus, le développement au XVIIIe siècle des activités manufacturières et commerciales, qu’il s’agisse de la tannerie ou de la soierie, imposait la pratique d’une correspondance lisible par un très grand nombre de correspondants. Sans doute la pratique des langues étrangères, dont le jeune Fabre est un bon exemple, avait dû se développer en même temps, mais le français était largement connu par les Gangeois.

Les deux volumes de l’abbé Marcel Guy sur les seigneurs de Ganges, le mémoire universitaire de Marie-Paule Labonne permettent de connaître l’étrange personnalité du marquis de Ganges, seigneur de Saint-Martial, Soubeyras, Cazilhac et Saint-Laurent-le-Minier. Philippe Charles Maurice de Vissec est né le 28 octobre 1743 de Charles Alexandre de Vissec de Latude et de Marie Françoise de Sarret, de noblesse locale ; après la mort de son père en 1744, il est représenté dès la session de 1744-45 pour sa baronnie des États de Languedoc par un « envoyé », M. de Sarret Saint-Laurent, dont le nom apparaît à nouveau en 1752. En 1754, le procès-verbal des États enregistre 73 son entrée : Philippe de Vissec, marquis de Ganges, âgé de dix ans, y est reçu mais « n’opinera que quand il aura dix-huit ans ; jusque là la baronnie de Ganges sera représentée par un gentilhomme envoyé par sa mère », d’ailleurs reconnue par les États comme sa tutrice en 1756. De très mauvaises études au collège d’Harcourt, à Paris, donnent à « Ganget » la réputation d’un cancre, selon des lettres de 1757 de sa mère ; son mariage en août 1766 avec Bernarde Jeanne Marie de Gontaut Biron devait en principe stabiliser « l’éternel enfant », mais il mène cependant une vie dissipée, son « incohérente éducation » fait que l’on hésite à le laisser paraître en société et il faut le frapper d’interdiction, c’est pourquoi, par un jugement du sénéchal de Montpellier en1775, son cousin le comte de Ganges devient son procureur-fondé, sa femme sa curatrice honoraire et le juge du lieu François Bonnefous son curateur onéraire. Le magistrat Louis Saunier, cousin germain de la grand-mère de Philippe Charles-Maurice – il devait devenir bienfaiteur de l’hôpital de Ganges par un legs de 100 000 livres, bien qu’il ne pût être perçu qu’après le décès de la marquise douairière et de sa belle-fille-conseillait ceux qui avaient en charge le marquis. Son cousin le comte de Ganges de Ginestous l’avait représenté à la session des États de 1773, mais aussi en 1781, le montpelliérain de Ratte en 1782, M. de Tourtoulon, baron de La Salle, en 1784 et 1788, le baron de Montolieu en 1780 et 1789. Lui-même, bien qu’il soit présent en 1778 et 1779, est rarement aux États, même s’il s’y amuse beaucoup. Les dettes s’accumulent et le juge François Bonnefous, dont la correspondance a été étudiée par Françoise Boissy, se lamente de celles qui obligent à vendre une partie du patrimoine, ainsi l’hôtel de Sarret à Montpellier en 1783 pour 55 000 livres : il est vrai que le jeu, la dissipation, les « coquines » invitations, les domestiques, la gourmandise (l’aubergiste de la Croix blanche, Caizergues, livre des pâtés de lièvre et des ragoûts avec des truffes), l’entretien des résidences de Paris, Ganges, Montpellier, Saint-Laurent-le-Minier, coûtaient fort cher ; des intermédiaires, vrais « aigrefins » s’engraissaient aux dépens de cette famille, tels leur administrateur montpelliérain Mejean en 1783, le couple Philis et l’avocat Lonjon, traité de « fléau du château » par la marquise en 1788. D’autres ventes, entre 1794 et 1799, eurent lieu, rapportant plus de 200 000 francs, mais c’était pour payer des dettes.

François Bonnefous avait géré d’une façon très dure les intérêts moraux et matériels du marquis dès sa nomination en 1760, méprisant les « chapeaux noirs » dans une lettre de 1764, se querellant avec le curé, les consuls et le conseil politique, avec deux négociants qui refusaient de payer le droit de leude et donnaient le mauvais exemple aux marchands de vin, d’huile et de blé : il symbolise bien ces « gens d’affaires… souvent sans pitié », évoqués par le duc d’Aiguillon lors de l’abandon des droits seigneuriaux en 1789. Si une lettre du comte de Ganges en 1788 évoque la fermentation qui régnait, la disette des denrées de première nécessité, la marquise de Ganges fait preuve de lucidité lors des événements qui marquent le début de la révolution : elle écrit à Bonnefous de Paris le 7 août à propos des droits seigneuriaux « la Noblesse a offert de faire les plus grands sacrifices, il y a lieu d’espérer que cet abandon de sa part fera renaître le calme et la tranquillité » et le 13 août qu’il fallait donner « sa part » à la création d’une milice bourgeoise. Lorsque la Contribution patriotique du quart des revenus est exigée, elle écrit le 12 mars 1789, qu’il faut vite s’en acquitter : la liste du 12 décembre 1790 inscrit le marquis en premier, la marquise en second, sur 650 noms, la seconde liste, qui contient 379 noms des contribuables qui l’ont acquittée entre 1790 et 1792 indique pour les personnes qui ont été en conformité avec la loi le marquis (par l’intermédiaire de son curateur) pour 4 250 livres, sa mère pour 3 000 £. et Bonnefous lui-même pour 150 £.

Le 15 août 1791, la municipalité de Ganges impose les biens et revenus privilégiés : Bonnefous avait établi 74 la déclaration sur laquelle elle devait fonder la contribution du marquis avec un soin qui n’épargnait aucune possibilité de diminuer la valeur de ses terres et revenus (à l’exception de biens roturiers taillables : 80 livres pour 807 livres), et il avait fait la même chose pour les communes voisines où le marquis était propriétaire de biens nobles ou de revenus privilégiés, recensés par l’abbé Marcel Guy. Pour ses biens-fonds en ville, parmi lesquels « une maison appelée château 75, où il y a 5 cours, le tout en mauvais état d’entretien », il doit payer pour le second semestre de 1789 180 £., 9 s., 2,5 d. ; et pour ses revenus 107 livres, 7 sols, 1,5 denier : 1) La censive annuelle et perpétuelle due au marquis était de 118 livres : « 100 pour les fonds jouis et possédés, tant par la Communauté que par divers particuliers dans son territoire, 14 livres en 9 cartes d’avoine tant pour les anciens pâtus de Montmejean… que pour le four à cuire pain, outre la cuisande de celui nécessaire à sa maison et de ses gens réservée sans rien payer », mais cette transaction datant de 1645 avait été établie sur un certain prix de l’avoine qui depuis lors avait augmenté sans que le prix fixé au départ puisse être changé, et Bonnefous signale « qu’à mesure que le numéraire s’est multiplié, le prix des denrées a dû augmenter » ; 2) les droits de lods, fondés sur les ventes, ont été calculés sur la moyenne entre 1769 et 1788, soit 2 182 livres, mais « la misère du temps » a souvent empêché le marquis d’actionner des redevables impuissants à les régler ; 3) le marquis jouissait d’une terre reconnue noble en 1641, champ, vigne et olivette derrière les faubourgs, d’environ 20 setterées, pour laquelle il payait 222 livres de vingtième noble, mais « comme il était utile et avantageux pour la ville de Ganges et ses habitants, par rapport au commerce qui s’y fait et aux fabriques qui y sont établies, que cette ville reçût un accroissement, et qu’il n’y avait pas de position plus propre et plus agréable que cet emplacement »,il l’a inféodée en 1775 à la ville « à parties brisées », 52 contrats d’inféodation ayant été passés chez les notaires Tarteiron, Randon et Conduzorgues : « il s’y est bâti des maisons et pratiqué de belles rues », soit 1 412 £., 13 s.. 6 d. de censives ; 4) il possède « le bas d’une maison appelée la Leude, au quartier appelé la gache du Bouquié, devant la place publique… où sont déposés les poids et mesures, servant à mesurer tous les bleds, grains et châtaignes… autres denrées, portées pour se vendre aux marchés qui se tiennent deux fois la semaine… », l’exploitation de cette leude, affermée, rapportant 800 livres par an, réglée par l’ancien tarif, dont la cotité est la « 28e partie du froment, et la 30e de l’avoine, châtaignes, noix, amandes, noisettes, pommes, poires, nèfles, pêches, glands etc. », mais l’explication « remontant aux temps les plus reculés », représente trois pages de la déclaration, terminée d’une façon positive : « Au surplus, bien loin que ce droit soit onéreux à la communauté et aux habitants, il leur est avantageux et profitable, par l’attention qu’a le Seigneur de se procurer des fermiers de probité et de vertu dans cette partie, ce qui prévient et arrête bien des abus et des fraudes qui pourraient se commettre… » ; 5) à 72 livres est estimée la viande : la moitié des poitrines de bœufs et vaches, des lombes et filets de cochon qui se tuent dans la dite ville pour la chair en être vendue au détail ; 6) un bois au terroir de Miege Grave, de 40 setterées, « ce devois est situé au penchant d’une montagne hérissée de rochers, et par là sec, aride et infertile, toute une partie est inaccessible au troupeau du domaine de l’Olivier appartenant audit Seigneur, situé dans la communauté de Moulès, qui par conséquent y vient rarement, n’y ayant dans le dit devois que de mauvais petits chênes, arbustes, broussailles et au fond quelques mûriers en petit nombre qui, attendu la stérilité du terrain, sont rabougris et sans vigueur », le produit ne dépassant pas 40 livres ; 7) le château dans la ville, avec ses dépendances, compris au vingtième noble pour 222 livres ; 8) 100 livres pour chaque aide aux trois cas selon une transaction de 1234, un arrêt du parlement de Toulouse de 1614, et la transaction de 1645 : mariage de sa fille ou de sa sœur, captivité, achat d’une seigneurie à 3 lieues de Ganges composée de 10 feux ; 8) Bonnefous ajoute en marge les vacants et les fossés de la ville qui rapportent 5 et 6 livres au seigneur, mais précise qu’il faut distraire sur l’ensemble du produit des lods et des censives les 2 sols pour livre, à cause des frais de perception, soit 218 £.,4 s. et 141 £.,8 s., donc 359 £.,11 s. ; de tout cela, apparemment, la municipalité de Ganges tiendra compte, si l’on en juge par la modestie des cotisations exigées sur un total qui dépasse les 4 406 livres déclarées au titre des biens privilégiés.

Après la suppression de titres de noblesse en juin 1790, il avait été décidé de faire disparaître les symboles de féodalité qui pouvaient décorer les châteaux mais personne ne s’en prend au marquis à cette époque, bien que quelques mois plus tard le Gard voisin soit dévasté par une série d’incendies de châteaux, dont celui de Ginestoux appartenant à son cousin « émigré ». Si le bientôt ci-devant marquis de Ganges ne se trouve pas sur la liste des 535 citoyens actifs dressée le 25 mai 1790, et ne signe pas davantage la pétition du 2 février 1792 lorsqu’est demandé le rattachement du canton et de son chef-lieu au Gard, on le trouve cependant le 7 février 1792 sur celle des 853 citoyens actifs aptes à figurer dans la garde nationale : les noms sont tantôt inscrits sur la liasse, tantôt remplacés par des signatures, il signe le cinq centième, d’une écriture maladroite « Vissec de Ganges » avec un paraphe compliqué. Lorsque se réunit pour la première fois le Club des Amis de la Constitution, le 19 juin 1791, il n’en fait pas partie ; mais « Charles Vissec, 51 ans, né à Ganges, résidant à Ganges, marquis avant la Révolution, demeurant à Ganges, propriétaire foncier », lui appartient depuis l’an I selon la liste remise à l’administration départementale après l’exécution de Robespierre et la fin de la Terreur, les Sociétés populaires étant dissoutes en vertu de la loi du 25 vendémiaire an III. Lorsque, le 4 frimaire an II, les brodeuses, couturières et dévideuses en soie se plaignent de ne pas avoir d’ouvrage, il fait partie de la députation que le club envoie aux fabricants pour leur demander de ne donner du travail qu’aux « Citoyennes de la ville, et d’en donner de préférence à celles que la fortune a le moins favorisées ». Le 9 nivôse, le maire vient informer la Société populaire que les fermiers du ci-devant comte de Ganges, son cousin, ayant été « actionnés » pour payer leurs fermes en grains, ils ont répondu qu’ils avaient approvisionné régulièrement la ville et qu’ils n’avaient plus de réserves, ce dont il leur a été donné acte. Le 2 prairial, il est élu secrétaire du club, aux côtés du président Antoine Lauret, et garde cette fonction pendant le mois de messidor. La résidence permanente du citoyen Vissec à Ganges lui épargne la confiscation ou le séquestre de ses biens, puisqu’il n’a pas quitté la ville ; le curateur Angeau, choisi par le tribunal du district après le décès de Bonnefous en 1792, et le notaire Vassas remettent à la municipalité le 15 octobre 1793 les titres féodaux 76 qui attestaient ses droits : ils sont brûlés solennellement le 3 novembre avec ceux des autres Gangeois qui en possédaient. Les déplacements de sa femme à Paris et à Bayonne, pour ses affaires, malgré les certificats de résidence qu’elle fournit en temps et lieu, lui valent la méfiance des autorités locales et même l’obligation de déposer sa dot dans une caisse publique : elle ne lui sera rendue que sous le Consulat ; entre 1795 et 1802, Vissec est divorcé, mais des erreurs de procédure et le changement de régime permettent au couple un retour à la situation matrimoniale antérieure, ce qui est décrit consciencieusement par l’abbé Marcel Guy. Le marquis de Ganges meurt, sans enfants, en 1815.

Les Gangeois et l'impôt sous l'Ancien Régime

Ganges avait des « biens patrimoniaux » d’un revenu de 2 092 £., 18 s., 4 d., pour 2 768 £., 16 s., 7 d. de « dépenses ordinaires, intérêts des dettes et autres charges » selon untableau 77 conservé dans les archives de l’intendance, datant des années 1780 : le bois de Montméjean, vendu 48 000 livres à Guillaume Mejean en 1791, la maison commune – malcommode -, située au fond d’un impasse, vendue le 1er octobre 1791 1 400 £., les assemblées se tenant à partir du 31 août 1790 chez les capucins puis dans l’appartement des casernes occupé par le régent Lallemant ; en l’an V les deux moulins à huile et le four seront acquis 9 360 £. par le gangeois Conduzorgues et le montpelliérain Cambacede. La ville avait dû payer 78 en 1789 16 439 £. d’impositions ordinaires au roi – 9 241 £. de taille, 3 713 £. de capitation, 1 700 £. de vingtièmes des maisons et 1 783 £. de vingtièmes d’industrie -, et 8 490 £. d’impositions municipales particulières. Les revenus patrimoniaux alors existants avaient permis d’abaisser de quelques centaines de livres le prélèvement fait sur les Gangeois qui, après la création des impôts sur les bienêtre venus privilégiés et la suppression de certains prélèvements seigneuriaux et de la dîme, allaient jouir enfin d’une diminution de leurs charges, jusqu’à ce que la faiblesse de l’activité manufacturière et du commerce qui en découlait, le chômage, la vente des biens appartenant à la ville, la baisse de la valeur des assignats et le poids des guerres intérieures et extérieures aient fait regretter 1790 « l’année heureuse » et considérablement augmenté l’impôt sous ses formes nouvelles.

Grâce aux liasses gangeoises rassemblées aux Archives départementales, on peut connaître la population de la ville et ses ressources, mais les listes de la taillede1789 et des années précédentes, très abimées, sont inutilisables à cause de la disparition des chiffres correspondant à la cote personnelle de propriétaires de biens ruraux, quoiqu’on puisse se faire une idée de leur nombre et de leur valeur en utilisant celle de la contribution foncière de 1791 (515 articles), en sachant qu’un certain nombre de biens de Moulès & Baucels, Laroque 79 et d’autres communes des environs appartiennent à des Gangeois (173 en 1834, selon Jacqueline Leroy). Les listes de ceux qui sont soumis à la capitation (824) 80, aux vingtièmes (325) 81 et au compoix cabaliste (381) 82 sont consultables, la contribution mobiliaire de 1791 (788 noms, plus 199 non imposables) ayant remplacé une partie de ces impôts. Il n’existe de liste pour la patente 83 que pour l’an VII.

La liste des capitables est précieuse puisqu’elle donne le statut social des habitants, de leurs veuves et des « demoiselles » éventuellement, auxquels sont joints leurs domestiques : 8 gentilshommes, dont une veuve, 4 officiers de justice, 4 avocats et médecin, 4 notaires et gens d’affaires, 15 bourgeois, 17marchands détaillers, 12 mangonniers (revendeurs de produits alimentaires), 14 chirurgiens et perruquiers, auxquels sont joints le receveur de la Régie et l’entreposeur de tabac, 25 marchands tanneurs, 4 bouchers, 275 marchands fabricants de bas, 6 teinturiers, 9 faiseurs d’aiguilles, aiguilleurs ou éguilleurs, 1 muletier, 20 ménagers dont plus de la moitié de femmes, 8 aubergistes, 9 boulangers, 33 serruriers, la plupart liés à la fabrication et à l’entretien des métiers à tisser, dont quelques chaudronniers et 1 platineur, 3 cardeurs de laine, 7 maréchaux-ferrants, 15 tailleurs d’habits, 22 menuisiers, 10 potiers de terre, 10 bridiers et bâtiers, dont 1 charron, 1 cordieret, 1 bourrelier, 29 cordonniers, 4 tisserands, 28 maçons, dont 1 tailleur de pierre, 3 chapeliers, 4 huissiers – qui ne sont pas placés avec les gens de justice -, 6 régents des écoles, 195 travailleurs de terre, auxquels sont incorporés 1 banastier, 2 commis de l’équivalent, 1 fournier, 1 ancien meunier, 2 blanchisseuses, 1 tavernier, 1 faiseur de sabots, 2 jardiniers et 1 charretier.

Ces statuts et professions sont repris pour certains dans la liste des vingtièmes : 8 notaires et gens d’affaires, 10 marchands détaillers, 10 chirurgiens ou perruquiers, 20 mangonniers, 7 marchands tanneurs, 4 bouchers, 117 marchands fabricants et maîtres ouvriers, 4 teinturiers, 14 faiseurs d’aiguilles, 7 aubergistes, 8 boulangers, 22 serruriers, 6 maréchaux-ferrants, 10 tailleurs d’habits, 19 menuisiers, 5 potiers de terre, 3 bridiers et bâtiers, 19 cordonniers, 3 tisserands, 15 maçons, 3 chapeliers, 25 artisans parmi lesquels 1 ménager, 3 huissiers, 3 jardiniers, 1 tavernier, 1 charretier, 1 scieur de long et 1 cordier. Ces noms se retrouvent parmi les capitables, mais si les chiffres sont parfois différents, c’est qu’il s’agit le plus souvent de patrons et non d’ouvriers, notamment pour les métiers liés à la soie et l’artisanat. Ne peuvent être soumis aux vingtièmes d’industrie les ménagers et travailleurs de terre, ainsi que les gentilshommes, officiers de justice, avocats et médecins, bourgeois et régents.

Les cotes du compoix cabaliste qui frappe les Gangeois à proportion de leurs « cabaux, meubles, lucratif, argent et intérêt, pensions et industrie » sont liées à la taille mais faibles : « un tiers moins que le compoix terrier » ; Les experts se transportent en 1788 comme les années précédentes « à la réquisition de MM. les consuls, maire et députés dans les maisons de M. de Boyer, Castelviel aîné, Castel de Valmauran, Ducros de Figaret, Claude Falguière, Beziers, Augustin Vassas, Mathieu Rieussec, Etienne Deshons, Jean Coulerou, Barthélémy Boudon, Charles Lapierre, François Gervais, Pierre Fourcoual, Pierre Meyrueis & autres, auxquels à eux ou à leurs domestiques ayant donné à entendre le sujet de notre descente chez eux,… ceux que nous avons trouvés dans les dites maisons ont refusé de nous faire la dite exhibition… ». Ils les établissent cependant et elles sont réparties par quartiers, représentant entre 0,1 et 0,3 livre de cotisation pour 34 habitants du quartier de la guache de Laroque, 38 du Bouquier, mais 89 de la Croix de Figou et 78 du Four ; 108 sont cotisés entre 0,4 et 0,10 livre, 24 entre 0,11 et 1 livre. Les plus taxés sont Jacques Mejean, Guillaume Ferrier, Isaac Tarteiron, Charles Lapierre, Antoine Fabre – père de Fabre d’Olivet -, négociants ou marchands fabricants de bas, les bourgeois Philippe Astruc et Pierre Deshons, et l’ancien officier D’Hargenvilliers – à l’orthographe changeante les années suivantes -. Les uns et les autres se retrouveront plus tard dans des partis parfois opposés, mais on peut être étonné du refus par certains de l’examen de la valeur de leurs biens.

En novembre 1789, l’Assemblée Nationale avait voté la mise à la disposition de la Nation des biens du Clergé, mais les décrets d’application ne dataient que de mai 1790, et Ganges n’établit la liste précise des biens-fonds et des revenus « ci-devant tenus noblement » situés sur la commune (3/716 hectares, soit 0,4 %) que le 29 novembre 84, après l’estimation décidée le 31 juillet 85 et faite par deux notables de Ganges, Castel Valmauran et Antoine Ferrier, et Mejean, de Sumène pour calculer la juste estimation de leur mise à la taille. On n’a pas le détail de ces différentes opérations, mais on en possède le résultat final, établi le 29 novembre 1790, pour les six derniers mois de 1789 : le rôle et la répartition, conformes aux normes établies par l’Assemblée Nationale, rappellent la méthode utilisée dans l’Ancien régime, car certains signataires, comme Jacques d’Arnal et Finiel, avaient participé en 1788 et 1789 à la confection des listes pour la taille, la capitation, les vingtièmes et le compoix cabaliste, mais les nouveaux, le maire Ferrier fils, les officiers municipaux Ducros, Ricard et Silvestre savaient ce qu’il convenait de faire par la pratique des affaires ou leur proximité avec l’ancien Conseil politique. Le chapitre premier énumérait les seize parcelles des biens-fonds d’héritage et leur allivrement, on a vu que le marquis de Ganges (allivré 22,17) y apparaît le premier : 107 livres, 7 sols, 1,5 denier ; mais sont aussi cotisés le curé Baissié : 5 £., 12 s.,9 d. pour un champ de 4 setterées, vendu par la suite 2 050 livres au négociant Villaret comme bien national, les religieux Cordeliers, dont la maison conventuelle et le jardin d’une setterée et demie seront vendus à Guillaume Granier, négociant de Montpellier, pour 11 600 livres, mais ils avaient aussi une vigne à Laroque : 30 £., 2 s.,2 d., les négociants Guillaume Ferrier père, Jacques Randon, le tanneur François Besson, le potier Jean Pompeirac, le chirurgien Dalan, la veuve Rolland aux barris – cordonnier -, Louis Barral pupile – ou fabricant ?-, ainsi que Izac Tarteron – contrôleur ambulant ? -, Louis Mazel – marchand-fabricant -, Etienne Favié – potier -, Silvestre – négociant -, Antoine Gros aîné – maréchal -, et Louis Gros – maréchal -, entre 1 sol, 1,5 denier et 7 livres 17 sous ; dans le second chapitre, les cinq articles de rentes, droits et revenus : le marquis (allivré 38 £., 8 s., 3 d.) 180 £., 9 s., 2,5 d., les négociants Charles Barral et Louis Bezies pour des sommes modiques, mais Monseigneur de Malide, évêque de Montpellier, prieur décimateur de l’église Saint-Pierre, dont on ne possède pas la déclaration, bien qu’on puisse évaluer la dîme à un peu moins de 3 000 livres en se fondant sur les revenus affermés de la fin du XVIIIe siècle et du début du XVIIIe doit 117 £., 8 s., 11 d., et les religieux Capucins 26l., 16 s., 10 d., par la suite leur maison conventuelle avec 3 setterées de jardin sera adjugée 14 549 livres au négociant Dominique Pouget ; si on peut être étonné de l’absence de ce dernier bien dans la liste des biens fonciers soumis à l’impôt, c’est probablement parce qu’il payait déjà la taille. « Lesquelles cotisations ont été faites en répartition de la somme de 13 315 livres, 16 sols, 3 deniers, montant des impositions de 1789. Sur 1 417 £., 2 s., 5 d. d’allivrement, savoir 1 347 £., 2 s., 9 d. en biens ruraux et 69 £., 19 s., 8 d. en droits, rentes et revenus privilégiés, ce qui revient pour chaque livre à 9 £., 7 s., 11 d., et pour chaque sou à 9 s., 5 d., et pour chaque denier à 9 d., sur lesquels taux les dites cotisations ont été faites. ». Un autre bien national est un champ de 3 setterées appartenant au curé de Saint-Martin-de-Londres, vendu 3 700 livres au boucher Poujol. Lorsque, le 15 octobre 1793, seront inventoriés les titres féodaux et les tableaux remis à la municipalité pour être brûlés, il y aura d’autres noms : Pierre Fabre, Argenvilliers, Montfajon, Guinard, Boivert ?-, Boyer Camprieux, Mejean, Boyer aîné, Deshons cousin, Tarteironne (Ginestous), Jourdan Jeauvert et Deshons, à la place. On trouve dans une seconde liste MM. de Boyer Camprieux, Boyer de Beauvert, (Boivert ?) et d’Argenvilliers, mais on y voit, probablement pour des objets et non pour des titres, les dames de Bonheur ni les quatre Castel et Castelviel qui figuraient sur la liste des gentilshommes capitables, sans avoir de terre noble, mais y apparaissent aussi des bourgeois, la demoiselle Tarteiron, Fabre, Guinard, Deshons.

Société

Il reste peu de documents de cette période où se jugerait le niveau de pratique de l’écrit des Gangeois, mais certaines listes dressées par le greffier de la municipalité Lauret, comme celle de la garde nationale de 1792, portent des signatures : plus de 170 sur 857 noms, dont la plupart ne sont pas seulement dessinées, mais remarquablement écrites, la pire étant peut-être, comme on l’a vu, celle du marquis de Ganges ! Quelques signatures féminines se trouvent sur les registres de délibérations du Club des Amis de la Constitution, de la Société populaire et du Comité de Surveillance, mais rarement, ce qui ne veut pas signifier que les Gangeoises étaient analphabètes. Quant aux textes transcrits par les greffiers Auzillon jusqu’en 1790 et ensuite par Lauret sur les registres de la municipalité, du Club et de la Société populaire, et aux lettres échangées avec les autorités du département et du district, elles sont d’une excellente qualité de rédaction et d’écriture, ce qui prouve l’excellent niveau auquel de nombreux Gangeois étaient parvenus, même s’ils s’exprimaient naturellement en occitan, comme en son temps le jeune Fabre d’Olivet. A qui devait-once bon niveau ? Aux instituteurs, institutrices et régents de la ville : la liste 86 des capitables de 1788 énumère les noms et les cotes des régents des écoles : Mathieu Gensolem – 4 livres -, François Carrieu – 4 -, Pierre Alexandre Silvestre, fils d’un négociant, prieur des pénitents avant la Révolution – 15 -, Desplaces – 0,10 -, Baumelonne – 0,10 -, Denis Thomas Lallemand – 2 -, Silvestre paye seul le vingtième – 9 livres – ; aucun ne participe à l’assemblée de la ville le 14 décembre 1788, mais trois, Gensolem, Carrieu et Lallemand, sont électeurs le 8 mars1789 pour députer à l’assemblée de la sénéchaussée de Montpellier ; le régent Gensolem, les maîtres écrivains Carrieu, Lallemand et Silvestre payeront pour la contribution patriotique du quart des revenus 87 de 1789, les deux premiers 18 livres, le troisième 12, le quatrième, fils d’un négociant, 125 ; trois seront inscrits comme citoyens actifs 88 en 1790, aucun n’étant éligible, et gardes nationaux 89 au début de 1792 ; fonctionnaires publics, ils prêtent serment le 5 janvier 1791. Si Lallemant et Desplaces sont pénitents avant 1789, Gensolem fera partie, à 49 ans, de la Société populaire 90 en l’an II. En 1791, la contribution foncière 91 ne frappe que Silvestre : 90 livres, ce qui lui permet d’échapper à la contribution mobiliaire 92, mais Carrieu – 1,4 livre -, Gensolem et Lallemant – 10 -, sont soumis cette dernière. Deux religieuses des Écoles chrétiennes du Saint Enfant Jésus (Dames noires bénédictines de Saint-Maur),la sœur Arnoux et la sœur Girou, apparaissent aussi sur cette liste, imposées 2,6 livre pour 50 de revenu chacune, la sœur Jonval n’apparaissant avec elles que le 28 mai 1791, lors de la rétractation de leur serment constitutionnel prêté le 7 janvier.

L’excellent diplôme d’Omar Kane, en 1968, porte sur des recherches démographiques et sociales tout au long du XVIIIe siècle, celui de Marie-Claude Marquier étudie les fortunes : pour la richesse, aux tanneurs de 1760, Deshons, Tarteiron, Gervais, Mourat, Astruc, Blaquière, qui conservent un statut enviable, s’ajoutent les Barral, Fabre, Fregefon, Caizergues, Mejean, Ferrier, marchands fabricants de bas : les deux derniers font travailler plus de 300 ouvriers ; en 1778, une lettre 93 des Ferrier à un négociant de Montpellier donne une idée de la valeur des bas de soie : 6 paires pour le frère de l’évêque coûtent 63 livres, 2 paires pour madame de Loménie – parente de l’archevêque deToulouse ? – 44 livres « elles seront fabriquées demain matin, nous les ferons coudre et broder, et ils seront prêts pour jeudi, et nous vous les enverrons… » ; tout au long du siècle se créent de véritables nébuleuses par les alliances matrimoniales, mais on observe un glissement de certaines familles vers les professions libérales, au moins pour les cadets : c’est par exemple le cas desTarteiron dont un fils sera notaire. D’autres, les Vassas, les Randon se spécialisent dans les études : les premiers seront médecins, les autres avocats. On sait quelle médiocrité s’attachait au métier de chirurgien, souvent associé à celui de perruquier : deux familles gangeoises voient cependant les fils succéder aux pères, les Falguière et les Dalan. Se basant sur les registres de notaires, Omar Kane fait une très solide étude de ce qu’était la fortune de certains notables en étudiant l’aire du capital gangeois dans les localités voisines, communauté soulieux – dits, Saint-Bauzille, Soubeyras, Valleraugues, Laroque, Brassac – aux portes de Ganges -, Cazillac, Gorniès, Anglas, Moulès, Saint-Laurent-le Minier, Causse de la Selle, et les villages de la Buèges :

« De 1705 à 1748, la mutation des biens de plus de 800 livres (successions comprises) atteint la somme de 874 251 livres. La valeur des mutations égales ou supérieures à 800 livres monte à 2 975 388 livres entre 1749 et 1792. de cette dernière date à 1805, les acquisitions de biens de plus de 7 000 livres, successions exclues, atteignent 760 150 livres. A elles seules, les successions de plus de7 000 livres remontent à 1 353 429 livres. Ces chiffres prouveraient l’enrichissement de la bourgeoisie gangeoise ».

Omar Kane n’a pas tenu compte dans sa liste « des acquisitions inférieures à 10 000 livres ni de celles consistant uniquement un héritage ».

Les Astruc sont alliés aux Faventines, du Vigan, dont un des membres est fermier général : en 1784, Jacques Philippe, son beau-frère, fils d’un tanneur, laisse à sa sœur Jeanne des biens-fonds qui valent 108 451 livres et une promesse de 171 676 livres en effets gardés à Paris, où il vit. Cette demoiselle Astruc payera ses contributions sans sourciller pendant la Révolution, par exemple 3 300 livres de contribution patriotique, alors qu’elle ne payait que 188 livres de capitation pour elle, une servante et un valet. Il y à Ganges trente six habitants qui possèdent des biens importants : 10 000 livres pour une métairie à Brissac qui appartient au tanneur Antoine Blaquière, un héritage de 90 000 £. du négociant Charles Barral, 48 000 livres de biens pour le négociant Guillaume Mejean – qui se dit aussi seigneur de Saint-Bresson avant que la Révolution lui fasse oublier cette distinction -, 60 420 £. d’Isaac Tarteiron, dont des documents disent qu’il est à Bordeaux. Les loyers que versent à leurs propriétaires, qui sont aussi parfois leurs employeurs, les nombreux ouvriers de la ville et les travailleurs de terre, tout aussi nombreux, qui exploitent leurs domaines et leurs métairies, leur assurent des revenus confortables.

Il y a beaucoup d’artisans à Ganges, tous métiers confondus, même si les listes de la capitation et des vingtièmes font entre eux des distinctions ; si l’on compare les chiffres de ceux qui exercent une profession entre 1777, 1784, relevés par Omar Kane et celui que donne la capitation de 1788, on observe quelques différences : il y a des baisses significatives des boulangers (10, 14, 9), des chirurgiens et perruquiers (24, 25, 12), des ménagers (27, 30, 20), des aubergistes (14, 18, 8),des potiers de terre (11, 16, 10), des cordonniers (41, 45, 29),des bridiers (13, 13, 10), des maçons (41, 31, 28) et une relative stabilité pour les emplois les plus nombreux : travailleurs de terre (179, 201, 195), et ouvriers en bas (189, 270, 275), certaines catégories gardant le même nombre : 12 mangonniers, 6 maréchaux-ferrants, 4 huissiers, 4 tisserands, les 6 régents retrouvant leur chiffre de 1777, les chapeliers (4, 4, 3) et tailleurs d’habits (12, 16, 15) diminuant un peu. Il faudrait corriger ces données en prenant en compte les décès, l’arrivée à l’âge d’homme de quelques enfants, peut-être l’accaparement des terres par les riches Gangeois qui diversifient les sources de leurs revenus, l’émigration vers des lieux plus attractifs, ce qui est évidemment le cas des fabricants de bas, touchés sévèrement par la fermeture des frontières de l’Espagne et des Amériques aux importations de bas français en 1778 et les conséquences qui en découlent pour les métiers qui sont liés à la fabrication et au transport des produits de la fabrique, ainsi qu’aux échanges qui diminuent, notamment pour les aubergistes, voire pour les boulangers. Plusieurs documents 94 de l’intendance dévoilent le malaise grandissant de la bonneterie : alors que l’exportation des métiers à bas est interdite depuis l’Arrêt du 5 mars 1779, en 1785 on arrête à Narbonne des catalans qui, sous prétexte de vendre des bas et des bonnets, emportent tous les ans des aiguilles de métiers à bas, qui leur permettent de fabriquer chez eux les mêmes produits que les français mais de les vendre moins cher ; alors que Mejean voudrait créer une maison de commerce à Philadelphie ou Boston, l’intendant du commerce Tolozan et le ministre Calonne refusent en juillet 1787 de lui payer le voyage, et ce débouché possible de la production de bas ne peut donc pas se faire. A la fin de cette même année, on interroge les serruriers Bonhoure et Roubert, car le voiturier Mouliérac transporte à Nîmes deux caisses de ce dernier, contenant un métier à faire les bas, ce qui peut permettre d’augmenter le potentiel nîmois, à moins qu’il ne s’agisse d’une exportation manquée. Dans ce moment de crise, qui touche d’ailleurs aussi l’autre secteur porteur de l’économie languedocienne, la draperie pour le Levant, à cause de la guerre entre la Russie et l’Empire ottoman, et le traité d’Éden avec l’Angleterre, le malaise des Gangeois est donc bien réel.

La connaissance de la ville et de ses habitants à partir des registres de l’état-civil, qu’il soit tenu par les curés, les magistrats ou les municipalités, des minutiers des notaires, et des rôles de contribution de l’ancien régime ou du nouveau, ne doit pas faire oublier ceux qui forment le « quatrième état ». Sans doute, on connaît par les curés le nombre des pauvres, mais pas toujours leur nom. Les domestiques n’apparaissent à côté de leurs maîtres qu’en fonction de leur sexe ou de leur emploi sur la liste des 824 capitables : une servante chez MM. de Boyer (13 livres), Castelviel aîné (18 £.), Castelviel de Valmauran (12 £.) ; M. d’Argenvilliers (54 £.) paye en plus une capitation de 3 £., 10 pour une femme de chambre, une cuisinière et un domestique à l’emploi non défini, la demoiselle Astruc (188 livres) aune servante et un valet ; le marchand détailler Prunet (11 £.) a un valet, les perruquiers ont des compagnons et apprentis ; chez les marchands fabricants, Mejean aîné (54 £.)a deux commis et une servante, Antoine Fabre (36 £.), un commis et une servante, Barral fils aîné (24 £.) un commis, seuls les Ferrier père (39 £.) et fils (33 £.), premier maire en 1790, Euzière (15 £.), Jean Fabre (33 £.), Soulier (14 £.), Nadal (18 £.) ont une servante, quarante six ont un ou deux compagnons, apprentis ou garçons, dix huit sont imposés pour des membres de leur famille, père, mère, fils, frère, soeur, belle-mère, gendre, nièce : pour ces aides modestes, l’impôt se situe entre 1 £.,10 et 2 £. La plupart des avocats, médecins, marchands détaillers (de 1 à 14 livres) ont des servantes, mais un seul marchand tanneur sur vingt-cinq ; trois aubergistes, Caizergues, Bacalon, Noualhac ont naturellement un valet, le second a aussi une servante.

Il y a d’autres gens riches à Ganges, tels la dame veuve Randon, qui paye 21 livres et Randon aîné 40 £. dans le monde des avocats, Pierre Deshons (96 £.), Matthieu Rieussec, qui se dit co-seigneur (60 £.), et douze autres bourgeois, entre 2 – pour Deshons père – et 24 £., 10 pour Jean Guinard, et 14 £., 10 pour Ducros de Figaret 95, second maire de la période révolutionnaire, mais les notaires Jean Tarteiron, AndréConduzorgues, Augustin Vassas et Chalier sont taxés 19, 8, 10 et 6 livres. Le receveur de la Régie, dont le nom n’est pas cité, doit 14 livres pour lui et ses commis, l’entreposeur de tabac 9 £., 2 £. pour sa filleule et 1 £., 10 pour leur servante. Il faut faire des distinctions dans la catégorie des marchands-fabricants de bas, qui associe de vrais patrons et de modestes fabricants : 31 payent entre 10 et 54 livres, 56 entre 4 et 9 livres, 130 : 2 ou 3 livres, les 58 derniers se situant entre 0,10 et 1 £.,10, c’est-à-dire la grande pauvreté. Encore faudrait-il savoir quelles sont les charges de famille des uns et des autres. Les vingtièmes frappent 329 Gangeois : les 8 notaires et gens d’affaires payent entre 3 et 15 livres, 11 marchands détaillers se situent entre 1 et 28 £., 16 mangonniers de 3 à 12 £., 11 chirurgiens et perruquiers de 1 à 8 £., 7 tanneurs de 3 à 24 £.,4 bouchers de 3 à 4 £., 4 teinturiers de 2 à 8 £., 14 faiseurs d’aiguilles de 1 à 5 £., 8 boulangers de 1 à 36 £., 23 serruriers de 1 à 15 £., 7 maréchaux-ferrants de 1 à 7 £., 9 tailleurs de 2 à 7 £., 7 potiers de 1 à 6 £., le bourrelier à 4 £., le bridier à 2 £., le bâtier à 10 £., les 19 cordonniers de 0,10 à 6 livres, 3 tisserands de 0,10 à 3 £., 15 maçons de 1 à 6 £., 3 chapeliers de 3 à 10 £., et l’étonnante catégorie des « artisans », où se trouvent même des ménagers, de 1 à 6 livres.

Patriotes contribuables

Quand on se réfère au procès-verbal des élections aux Etats généraux, il y avait 716 feux à Ganges, et on peut faire une comparaison avec la contribution patriotique du quart du revenu, organisée par le Décret de l’Assemblée nationale du 6 octobre 1789, à peine installée à Paris ; après sa sanction par Louis XVI le 9 octobre, l’Instruction du roi relative à l’exécution du décret en fixait les modalités : c’est ainsi que deux listes sont établies par la municipalité 96, une première de 650 noms en décembre 1789, mais la liste des donateurs réels en 1792 n’en comporte plus que 379 de toutes les classes, pour une somme totale de 49 865 livres,14 sols, ce qui représente environ trois années d’impositions de l’époque précédente pour la ville. Ces 379 citoyens font preuve de générosité dans les premiers mois de la Révolution ; en effet, sur les 7 802 foyers montpelliérains, capitale provinciale où les grandes fortunes étaient nombreuses il n’y avait eu que 2121 déclarationspour 1 053 921 livres, dont 49 entre 4 000 et 30 000 livres ; les 2 943 feux biterrois contribuaient avec 1 112 cotes pour 216 321 livres, les 1 675 feux lodévois 50 614 livres, les 1 217 feux sétois 83 200. La meilleure manière de connaître le niveau de vie des habitants est donc de se fier, non pas à la liste de ceux qui la devaient, mais à ceux qui voulaient bien la payer. Quelques mois après la rédaction des cahiers de doléances, cet impôt, déclaratif, contenait dans son préambule une phrase qui montre à ce moment précis l’état d’esprit d’un certain nombre de Français : « Plusieurs citoyens ont déjà manifesté le désir d’aller au secours de l’état par une taxe momentanée, relative à la fortune de chaque particulier » et un article 3 qui montrait la même façon de voir les choses « Il ne sera fait aucune recherche ni inquisition pour découvrir si chacun a fourni une contribution conforme aux proportions ci-dessus indiquées – le quart du revenu. L’Assemblée, pleine de confiance dans les sentiments d’honneur de la Nation française, ordonne que chacun, en annonçant sa contribution, s’exprimera de la manière suivante : Je déclare avec vérité que telle somme… est conforme aux fixations… ou bien, si cela est : Je déclare… que cette contribution excède la proportion déterminée… », et deux articles 13 et 14 qui concernaient les Français peu fortunés « Tous ceux dont le revenu n’est que de 400 livres… ne seront assujettis à aucune proportion ; ils seront déclarés libres de fixer cette proportion selon leur volonté. Les ouvriers et les journaliers sans propriétés ne seront soumis à aucune contribution ; mais on ne pourra cependant rejeter l’offrande libre et volontaire d’aucun citoyen, et ceux déclarés exempts… pourront se faire inscrire sur le rôle des contribuants, pour telle modique somme qu’il leur plaira de désigner ». Trois termes étaient prévus : au plus tard les 1er avril 1790, 1791 et 1792, mais la clôture des versements ne se fait qu’en 1795.

Dans la première catégorie, « ceux qui ont déclaré au-dessus » sont 23, le bourgeois Pierre Tarteiron verse 100 livres, les négociants Jean Jourdan et Fulcrand Prunet 108 chacun, le notaire Conduzorgues 153, le bourgeois Guinard, Jean Jacques Soulier – qui se disait de Gourdon en 1788, père d’un futur général et baron de l’Empire -, le pasteur Gal et le curé Baissié 300, mais les plus importants donateurs sont la demoiselle Jeanne Astruc 3 300 £., le bourgeois Pierre Deshons 2 700, les Ferrier père et fils 1 500 et 1 050, et 12 autres, pour un total de 17 342 livres, et une moyenne de 754 £.. Dans la seconde, 62 déclarent « à proportion », parmi lesquels 4 250 livres pour le marquis de Ganges, par son curateur Bonnefous, 3 000 pour la marquise douairière et le négociant Guillaume Mejean (seigneur de Saint-Bresson), 2 200 pour Esprit Timoléon d’Hargenvilliers, ancien officier, à côté d’autres moindres cotisants, 48 livres pour Jean Salzon, 90 la demoiselle AnneTeissier de Bonheur, 252 pour Ducros de Figaret et sa sœur, faisant un total de 25 207 livres avec une moyenne de 220 £.environ pour 58 contribuables, si l’on ne compte pas les quatre plus fortunés. Enfin, 294 dons volontaires totalisent 6 271livres, 14 sols et ne donnent qu’une moyenne de 22 livres, 13 sous, car la plupart sont très faibles, 133 ne dépassant pas les 9 livres, tels les deux travailleurs de terre Gounelle qui offrent 1 £.,10 chacun, le fabricant Baptiste Castanier 3 £.,12, mais trois de 100 £. de l’ancien officier François de Boyer, de l’ancien notaire François Chalier et de l’armurier Pierre Villaret, un de150 £. par le négociant Louis Sevene permettent de hausser la moyenne ; 29 filles, femmes et veuves participent à cette action d’autant plus patriotique qu’elle n’était pas obligatoire, mais la liste est aussi intéressante par le fait que les dons les plus importants de ce groupe sont en tête, les plus petits à la fin, ce qui laisse penser que la notabilité d’ancien régime avait encore la vie dure.

Peut-on tirer des conclusions des données chiffrées que nous obtenons par la mise en parallèle des diverses impositions-mot honni-de l’ancien régime et des contributions de la période révolutionnaire ? La plus intéressante est certainement fournie par la contribution patriotique : si l’on prend l’exemple du marquis de Ganges pour lequel Bonnefous versait 4 250livres, il s’agit donc de 17 000 livres de revenu annuel, mais il faut savoir que l’argent étant généralement prêté à 5 %, on peut estimer la valeur des biens déclarés à Ganges à 340 000 livres, bien qu’il possédât d’autres revenus hors de la ville, de même la demoiselle Astruc en aurait eu 264 000, M. d’Argenvilliers plus de 160 000, le bourgeois Deshons 216 000, le riche négociant Mejean 240 000, autant que la marquise de Sarret Ganges, mère du marquis. Même les modestes travailleurs de terre Gounelle, qui n’étaient pas astreints à payer cette contribution, auraient eu, selon ce calcul, 88 livres de capital, ce que le nombre de cotes foncières peut permettre de comprendre, alors que les fabricants les moins riches ne pouvaient être comptés ni dans la première liste, ni à plus forte raison dans la seconde : sur les 222 Gangeois non soumis au payement de la contribution mobiliaire se trouvaient 50 veuves ou filles, dont 3 avec un métier, 43 travailleurs, 35 ouvriers des artisans de la ville à la qualification indiquée, 26 fabricants, mais 64 n’apparaissent qu’avec leur nom sans autre précision, sauf parfois une indication très personnelle : aveugle, infirme, ou un emploi un peu particulier : tambour, probablement lié à la constitution de la Garde nationale en 1789 ou à son organisation en 1790.

La thèse 97 de Pierre-Ed. Hugues, soutenue à Montpellier en 1918 sur la Contribution patriotique, évoque Ganges à plusieurs reprises : il souligne la précocité de la ville, qui remet déjà le 15 décembre 1789 une liste des personnes domiciliées, les trois-quarts des soumissions étant datées d’avant le 1er janvier 1790. Bien qu’ayant ouvert un registre supplémentaire le 15 mai, la commune est considérée en juillet comme l’une des plus zélées du département, puisque seules 973 municipalités languedociennes – sur les 2 747 que comptait l’ancienne province -, avaient fait leur devoir à cette date (3 553 760 livres), et qu’il avait fallu attendre décembre pour que 1 402 aient souscrit pour 5 257 319 livres. Mais en décembre son greffier, après avoir fait un tableau de son travail, rappelle que ses appointements annuels ne sont que de 62 livres, et réclame un supplément de 201 £., proportionnel au montant de la contribution de Ganges qui est de 49 865 L. ; en 1792, le District de Montpellier est sollicité pour un sursis, son receveur Poitevin considérant que cette dette est seulement de 137 livres, ce qui est bien peu par rapport aux 223 932 L.de toute la circonscription. Sur 1 376 840 £., 18 s., 11 d. dues par le district, ce canton gangeois avait contribué pour 68 757 £.,4 d. ; Hugues cite des observations sur le décret du 6 octobre 1789, conservées aux Archives nationales, qui sont assez lucides sur la façon dont il avait été accueilli par la population : « On peut distinguer trois classes de citoyens dont les dispositions relatives à la contribution patriotique sont très différentes : 1er) les citoyens généreux qui se soumettent à tout ce que la loi prescrit et vont même au-delà ; 2e) les citoyens sans patriotisme qui déclarent le moins qu’ils peuvent et ne satisfont point à la loi ; 3e) les citoyens jaloux d’y satisfaire, mais qui, ne trouvant pas la loi suffisamment développée, sont très embarrassés pour s’exécuter ». On peut considérer que les habitants de Ganges se situaient dans les première et troisième catégories.

Impôts du nouveau régime

La contribution mobiliaire reprendra partiellement ces ystème 98 en 1791 car la loi prévoit plusieurs colonnes sur le tableau des contribuables : domestiques mâles et femelles – sic !-, chevaux de selle, chevaux de carrosse, litière ou cabriolet, soumis à des taxes fixes, avant les renseignements propres à chaque contribuable : loyer et revenu, revenu des biens-fonds et cote mobiliaire. La loi avait simplifié le classement des capitables devenus citoyens, et les avait divisés en manouvriers – secteur primaire, artisans, secteur secondaire, mêlant patrons et ouvriers quel que soit leur revenu, une catégorie intermédiaire de marchands, revendeurs et vendeurs en détail, secteur tertiaire, et d’autres sans précisions. Surtout, le paiement d’une contribution foncière, fût-elle très modeste, exemptait souvent de la contribution mobiliaire, ce qui est le cas de 316 Gangeois sur 788, alors que la matrice de la contribution foncière énumérait 515 cotes, mais 96 d’entre eux y étaient quand même soumis, entre quelques dizaines de livres et quelques sous. L’on doit rappeler que plus de 222 n’étaient pas assujettis à cet impôt, puisqu’ils ne gagnaient pratiquement rien, ce que disent d’ailleurs les dispositions générales de l’Instruction de l’Assemblée nationale du 13 janvier 1791 :

« La contribution mobiliaire doit atteindre tous les revenus quine peuvent l’être par la contribution foncière. / Il est juste qu’ils contribuent à la dépense commune, puisqu’ils profitent de la dépense publique. / Il a été nécessaire de l’établir pour porter les revenus de l’état au niveau des besoins ; elle sera formée de plusieurs taxes, dont l’une à raison des revenus mobiliaires, et les autres relatives à toute espèce de richesses, et aux signes qui en annoncent / le citoyen qui est réduit au salaire commun de la journée de travail, et qui n’a pas d’autre revenu, sera exempt de toute contribution ; celui qui aura peu de facultés, ne paiera guère que la cote de trois journées de travail. L’homme riche sera atteint plus fortement par les taxes additionnelles, à raison de ses domestiques, de ses chevaux, et par la progression graduelle du tarif d’évaluation de ses revenus… Tous ceux à qui un travail journalier ne procure, en salaire, que le prix des journées arrêté par le département, et qui n’ont pas d’autre revenu, ne doivent aucune contribution, mais seront simplement inscrits à la fin du rôle… soigneusement et sans exception. »

Il y a une ou deux domestiques f. chez le chirurgien Dalan, les négociants Ferrier père et fils, Saint-Marcel, Randon, Caucanas, trois Barral, Bezies, Antoine Fabre, les bourgeois Deshons, Fabre, Pirod, Tarteiron aîné, Suzanne Fabre, l’homme de loi Deshons, le notaire Vassas le fabricant Nadal, de Randavel, le juge de paix Tarteiron, l’entreposeur de tabac Bonnet, les propriétaires Castel Valmauran et Boyer Camprieu, la veuve de l’orfèvre Deshons, son fils, la demoiselle Ducros, le négociant en cuirs Cornut, le médecin Vassas, le marchand Fourcoual, le teinturier Thomas. Deux se distinguent : d’Hargenvilliers qui a un domestique h. et deux f., et Philippe Maurice Vissec, ci-devant marquis, qui a trois h. et deux f. à son service, sa mère ayant une. Pour compléter le tableau des Gangeois aisés, il faut indiquer ceux qui possèdent de un à trois chevaux ou mules, nécessaires à leurs occupations sinon à leur statut social : le chirurgien Dalan, les négociants Randon, Mejean aîné, Antoine Fulcrand Fabre, les deux bourgeois Fabre, la demoiselle Ducros ; si le rigoureux citoyen d’Argenvilliers déclare un cheval de carrosse, les Vissec n’en ont pas, ce qui est étonnant. On ne tenait pas compte de la mortalité infantile qui touchait toutes les classes, mais avoir trois enfants et plus – jusqu’à 9, tel le tanneur Valdebouse -, faisait baisser l’impôt, et c’était le cas de 21 familles appartenant presque toutes à la classe aisée, quand les 35 célibataires de toutes les catégories, tels le futur maire Ducros et sa sœur, plusieurs négociants et quelques fabricants, une bonne moitié de femmes, depuis les « demoiselles » Astruc, Vassas et Deshons, jusqu’à une modeste marchande, voyaient leur cotisation augmenter.

Les revenus fonciers les plus élevés dépassaient 1 000 livres : ceux de MM. Vissec, Argenvilliers, Guillaume Ferrier père, Pierre Deshons, Charles Barral, Antoine Fabre, Isaac Tarteiron, mais Guillaume Mejean atteignait plus de 2 760 livres ; les revenus mobiliers de ce niveau appartenaient souvent aux mêmes habitants : au-dessus de 1 000 livres : Vissec (6 000), Guillaume Mejean (2 600), le curé Aubac(2 400), Jean Fabre, l’ancien capitaine Dufour, Argenvilliers, Pierre Deshons, Charles Barral, François Barral, le capitaine de Boyer Beauvert, M. de Boyer de Camprieu, Marie Tarteironet un prêtre, David Saltet – ? – ; bien qu’ils eussent des salaires ou autres revenus mobiliers au-dessous de 40 livres, 159 fabricants – artisans -, et des manouvriers devaient payer un impôt très faible, s’ils n’avaient pas d’aussi modestes revenus fonciers, comme 66 d’entre eux, principalement travailleurs de terre : un peu plus de 10 sous pour la plupart, comme le garçon boulanger Perrier qui, pour un loyer évalué à 15 livres, doit 0,15 £. sauf s’ils étaient célibataires car, pour le même loyer, les deux sœurs Coulerou, marchandes sans revenus fonciers, payent 2 £.,5 chacune ; si la contribution mobiliaire ne dépassait pas en général 0,18 %, la contribution foncière était beaucoup plus lourde, souvent le quart du revenu, une fois les charges déduites : en suivant l’ordre de la liste dressée par la municipalité – peut-être en fonction de l’habitat et du voisinage – et en arrondissant les chiffres, Vissec, évalué à1 411 £., doit presque 350 £., le travailleur Gounelles paye 29£./ 118 £., Marion Teulon, veuve Sabatier 45/183, le serrurier Laget 35/143, etc. ; pour leur seule contribution mobiliaire, le curé Aubac, évalué à 200 livres de loyer pour un revenu de 2 400 livres, paye 120 livres, le brigadier de la gendarmerie Leotard gagne sans loyer 450 livres, sur lesquelles il doit 22 £.,10 et la veuve Prade, pour un revenu de 30 £. et un loyer évalué à 15 £., ne paye rien puisqu’elle a déjà payé 42 £. /142 £.de revenus fonciers : il est vrai qu’elle gère un métier rare à Ganges, celui de bridier et bâtier.

La fin de l'ancien régime à Ganges et en Languedoc

L’abbé Rouquette consacre un chapitre au XVIIIe siècle, c’est-à-dire, selon lui, aux « Préliminaires de la Révolution », soulignant l’intervention progressive de l’autorité royale dans les nominations des consuls, bien que celles-ci soient en principe soumises au choix du seigneur, le marquis de Ganges ; il consacre quelques pages aux conflits entre ce dernier et la communauté à propos des droits seigneuriaux, dont on sait que le juge Bonnefous était l’ardent défenseur ; il rappelle aussi un conflit entre le curé et le Conseil politique, car ce dernier était déjà ouvert dans les années 1760 aux plus riches contribuables habitants, protestants, et ces notables, par le biais des douze membres du conseil renforcé, s’étaient alors rapprochés du Conseil politique donc, par là-même, du consulat, malgré l’opposition 99 manifestée par le Parlement de Toulouse dans un Arrêt de 1767, qu’il avait réitérée en 1788 dans ses Remontrances sur l’Édit de1787. On sait que plusieurs paroisses des Cévennes, qui ne devaient être gérées que par des catholiques, peu nombreux et souvent illettrés, avaient dû s’ouvrir aux religionnaires : une correspondance 100 ne disait-elle pas en 1783 : « Sa Majesté a jugé… qu’attendu le grand nombre de protestants qui sont à Florac, et la prépondérance de leurs biens sur ceux des catholiques, il était convenable de les faire participer à l’élection municipale… que dans la composition du nouveau conseil, il y ait au moins un tiers de protestants ». La marquise de Ganges s’était émue en 1784 de cette présence, sans que cela change grand chose à la réalité du pouvoir local, car leur poids économique était le plus important. Une doléance du cahier de Bagard, diocèse d’Alès, l’exprime parfaitement en 1789 : « Dans certains pays, comme les Cévennes, partie du Gévaudan et du Vivarais, il est difficile et souvent impossible de trouver des sujets catholiques pour exercer les charges publiques, telles que de judicature, consulat ou autres. La pénurie de sujets catholiques a fait souvent donner ces charges à des personnes qui, quoique remplies de probité, n’ont ni les capacités ni les lumières qu’exigent de pareilles charges pour faire le bien public. Il semble à propos de demander que les protestants soient admis à toutes les charges, du moins dans les villes et communautés où le nombre de catholiques ne balance pas celui des protestants. ». Il faudra cependant attendre le 24 décembre 1789 pour que les Non-Catholiques « soient admis à tous les offices et tous les emplois ».

De cette participation aux affaires locales, et bientôt aux affaires publiques, il avait évidemment été question lorsque plusieurs centaines de protestants étaient venus en juin faire enregistrer leur état-civil chez le sénéchal de Montpellier, logé pour y procéder chez le bourgeois protestant François Gervais. Comment n’y aurait-on pas parlé de l’Assemblée des Notables de 1787 et de la tentative de Calonne de faire contribuer la nation entière au budget de l’état grâce à la « subvention territoriale », l’assiette de l’impôt reposant sur la terre, principale source de richesse pour les physiocrates, ce qui ne pouvait que déplaire aux deux premiers Ordres, relayés par les Parlements ; le 8 mai 1788, la suspension des Cours supérieures par Loménie de Brienne et le chancelier Lamoignon punissait les magistrats de leur résistance à enregistrer les nouveaux impôts jugés nécessaires pour éviter la banqueroute de l’état, et la création de Grands baillages à Toulouse, Carcassonne et Nîmes tendait à rapprocher la justice des justiciables, ce besoin se trouvant confirmé quelques mois plus tard lors de la rédaction des cahiers de doléances, mais la brutalité d’un enregistrement forcé le même jour à la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, en présence de l’intendant assisté de la troupe, était certainement connue à Ganges et se posait ainsi la question du « despotisme ministériel ». Les magistrats de cette Cour s’étaient d’ailleurs attiré la faveur des élites locales en dénonçant 101 avec force la soumission – mesurée-des États de la province, assemblés à Montpellier en décembre 1787 et janvier 1788, aux exigences fiscales de Versailles et en contestant de façon violente le fait qu’ils n’étaient pas représentatifs des trois Ordres de la province, puisqu’il n’y avait pas élection, mais commission royale pour en faire partie, que l’on soit évêque, que l’on ait acheté une baronnie, ou que l’on vienne d’une ville dont les consuls étaient d’ailleurs soumis à la nomination par le seigneur du lieu. Enfin, la Journée des Tuiles à Grenoble le 7 juin annonçait la réunion de Vizille du 21 juillet, où des représentants des trois Ordres du Dauphiné allaient mettre en marche le processus de la rédaction d’une constitution delphinale, proposée au roi fin septembre, modifiée par lui en octobre, réécrite dans sa version première début novembre, préalable à la première réunion des États de la province à Romans le premier décembre. Depuis 1787, l’idée d’une convocation des États généraux avait fait son chemin : La Fayette avait prononcé le mot devant les Notables, le Parlement de Paris les avait à son tour réclamé, et les mois qui suivirent, remplis de projets, de refus, de réactions autoritaires, avaient ajouté à la confusion, à l’esprit de critique, et à une « fermentation » générale. Forcément, les Gangeois commençaient à se sentir concernés par ce qui se passait dans le royaume et se préparaient à y prendre part.

Le 5 juillet 1788, le roi avait annoncé la réunion des États généraux puis en avait précisé ses modalités le 8 août et le 23 septembre, proposant une réflexion très libre sur la façon de les convoquer. Dès lors, toute la France écrit à Versailles, les individus et les institutions rivalisent dans l’expression de conseils et de projets. Le Languedoc y prend sa part : le marquis de Saint-Maurice, apparenté à la mère du marquis de Ganges, une Sarret qui possédait des biens dans cette communauté du Lodévois, fait paraître 102 un ouvrage sur la question, mettant en doute la capacité des États de la province à la représenter, mais le comte d’Antraigues, le pasteur Rabaut Saint-Etienne, le vivarois Boisssy d’Anglas, et des dizaines d’autres pamphlétaires languedociens prennent part à cette floraison de brochures diverses et parfois polémiques, comme celles qui opposent des magistrats montpelliérains à des agents des États de Languedoc, et de lettres, comme celle de Gal-Pomaret en décembre. Dès la fin de l’automne, et en relation avec les différentes étapes de la situation dauphinoise, le Languedoc s’ébranle, d’abord entre le 6 novembre et le 12 décembre, dans le contexte de la seconde Assemblée des Notables, faite de privilégiés hostiles au Tiers-État, puis, avant même le résultat du Conseil du 27 décembre où Necker obtenait du roi le doublement du Tiers, dans une contestation de la prétention des États de Languedoc à représenter la province aux États généraux, alors que le principe de la convocation par sénéchaussées et bailliages semblait devoir être commun à tout le royaume.

Cette mise en marche de la province s’exprime dans une multitude de « délibérations » prises dans les villes et dans les communautés qui apportent leur adhésion à leurs vœux, puis lors d’assemblées diocésaines où, malgré la rigueur de l’hiver, des représentants de chaque lieu viennent apporter leur soutien et leur signature. Une cartographie précise de ce mouvement de l’ensemble du Languedoc est possible : le nord du Vivarais en octobre, le sud en novembre, ainsi que quelques villes dans l’Uzège, l’ouest des diocèses d’Alès et de Nîmes, quelques localités autour de Lavaur, Pézenas, Béziers, Carcassonne, mais Montpellier et Toulouse sont étonnamment discrètes. Le mois de décembre voit s’étendre les demandes à des dizaines de communautés en Velay, en Vivarais, au diocèse d’Alès – où la viguerie d’Anduze se groupe dans le même but -, dans ceux d’Uzès, de Nîmes, de Béziers ; il y a plus de délibérations dans les diocèses de Castres, d’Alet – les Fenouillèdes s’y distinguant -, de Narbonne, et même de Saint-Papoul, que dans le montpelliérais – à l’exception des villettes de la baronnie de Lunel -, si le Gévaudan, Limoux et Albi bougent, le Lodévois et le Saint-Ponais modérément, Toulouse et ses environs immédiats commencent à peine à se mouvoir. Les diocèses de Mirepoix, Rieux, Bas-Montauban et Petit-Comminges sont parfaitement absents. C’est alors que la revendication explose sous la forme d’assemblées diocésaines où les trois Ordres expriment un vœu commun : initiée à Privas entre le 17 et le 19 décembre, à Uzès le 23, à Béziers le 24, elle touche désormais l’ensemble du Languedoc. Après la première victoire que représente le doublement du Tiers, il faut empêcher les membres des États, réunis à Montpellier à partir du 15 janvier pour leur session annuelle de participer ès qualités à la députation aux États généraux : certaines villes s’expriment, mais ce sont surtout les assemblées de trois Ordres de chaque diocèse qui mènent le combat : le sud du Vivarais, une partie du Velay, les diocèses d’Agde – le 5 -, d’Alès – le 8 -, de Montpellier – le 9 -, et de Lodève – le 12 -, de Mende – le 29 -, enfin, l’ouest du Languedoc entre en action : les trois Ordres de Limoux le 6 et le 27 janvier, Saint-Papoulles 11 et 15, les curés et le Tiers de Mirepoix les 16 et 17, le Tiers-État de la ville et banlieue de Toulouse le 19, et en février, les diocèses de Bas-Montauban – le 2 -, de Carcassonne et de Lavaur – le 4 -, d’Albi – le 11 -, de Rieux – le 19 -, le Tiers de Toulouse se réunissant à nouveau le 17, à la veille de la fin de la session des États, qui se séparent le 21 ; à la fin janvier et à la mi-février, des représentants des trois Ordres des diocèses de la province, et même des membres de la Noblesse et du Tiers séant aux États avaient remis des protestations aux greffes du roi et des États 103, rejetées avec hauteur par l’archevêque de Narbonne, qui se glorifie le 13 février d’avoir reçu des lettres du roi et de Necker condamnant les arrêtés de la Cour de Montpellier, qui s’en étaient pris 104 à leur représentativité les 5 novembre, 22 décembre 1788 et le 9 janvier 1789, et les protestations et significations de leurs ennemis.

La campagne pour les États-Généraux dans les Cévennes

Comment la ville de Ganges et les Cévennes avaient-elles vécu ces semaines si riches en événements ? Dans le voisinage immédiat, le diocèse d’Alès, avant de réunir ses trois Ordres, avait manifesté son adhésion au mouvement qui venait du Dauphiné, en passant par le Vivarais et Uzès : 749 habitants de 18 communautés des Cévennes s’étaient réunis à Saint-Jean-de-Gardonnenque le 11 novembre 105, rejoints le 19 par 159 citoyens d’Anduze et d’une partie des 24 communautés – diocèse d’Alès – et 15 – diocèse de Nîmes – de sa viguerie ; le procès-verbal des deux réunions, imprimé grâce aux soins qu’avait pris un négociant de Nîmes, L. Mazelet, saint-jeannais de naissance, chargé de le faire par les consuls de la ville, en expédiant un exemplaire à Versailles le 2 et le 20 décembre, alors que le second consul d’Anduze avait déjà expédié dès le 20 une copie manuscrite de ce qui y était demandé. D’autres communautés du même diocèse écrivaient directement à Versailles : Vezenobre le 16, Valleraugues le 23, Meyrueis le 24. Alès, naturellement, se manifestait une première fois le 16 novembre, mais cette délibération trop conformiste du Conseil ordinaire était corrigée le 23 par une nouvelle réunion de 262 habitants. En décembre, Le Vigan se réunit le 4 et le 5, 128 habitants de Saint-André-de-Valborgne le 10, Anduze le 15, le Tiers-État d’Alès le 21, avec 372 participants ; Le Vigan, Anduze et Alès ont fait imprimer leur délibération et les expédient aux ministres et aux villes languedociennes : les deux dernières dépassant la question du doublement du Tiers et s’en prenant à la constitution de la province. Enfin, le 8 janvier, se réunissent les « contribuables des trois Ordres du diocèse d’Alais », 36 communautés sont présentes, leurs représentants rédigent dix-huit articles, en insistant sur les avantages de la constitution du Dauphiné et de la suppression des États de Languedoc, leur texte imprimé étant envoyé le 22 à Versailles. Certaines villes et communautés ont inscrit dans leurs registres le compte-rendu de leurs réunions et les vœux qu’elles exprimaient, ainsi Sauve le 15 novembre et le 26 décembre, Saint-Hippolyte le 30 novembre.

Bien que l’on puisse penser que d’autres lieux dont les archives ont disparu ou n’ont pu être consultées aient pu se manifester dans le même sens, l’attachement au Pays des Cévennes est présent dans la plupart des Délibérations qui ont fait l’objet d’une diffusion hors du lieu de leur rédaction, et des lettres d’envoi qui les accompagnent : c’est le cas des textes de Saint-Jean-de Gardonnenque « Que les Cévennes étant un pays très peuplé & peu connu jusqu’à présent, & ses habitants très industrieux & très laborieux, elles croient pouvoir demander d’avoir aussi des représentants librement élus par eux », de Valleraugues « Que le pays des Cévennes ait dans l’assemblée des États Généraux un nombre de représentants proportionné à tout autre pays du royaume, eu égard à sa population, à son industrie, et à sa contribution », de Meyrueis, qui ajoute aux demandes communes sa propre réclamation, sa baronnie qui fait partie du domaine du roi, ayant été démembrée après le règne d’Henri IV, devrait être reconstituée, mais une autre raison touche de près Ganges « C’est elle qui fournit les grains aux Cévennes, des mulets à la province, et particulièrement aux convois du roi… c’est elle qui fournit annuellement à la Provence et au Languedoc au moins cent mille moutons, qu’on revend sous le nom de moutons de Ganges, tandis qu’à Ganges et dans son arrondissement, on n’en nourrit pas soixante (mille) », du Vigan « Que la ville du Vigan, ou au moins les quatre vigueries qui forment le diocèse d’Alais, & qui composent presque tout ce qu’on appelle aujourd’hui les Cévennes, doit avoir aux États Généraux un nombre suffisant de représentants du Tiers-État, pour mettre sous les yeux de l’Assemblée, la nature du Pays, l’entretien factice – sic – et coûteux qu’il exige, les accidents fréquents & désastreux qu’il est sujet à éprouver, le montant de ses productions toujours incertaines & des charges qu’il supporte,&c., &c., &c. », de Saint-André-de-Valborgne (3) : « …assurer de plus fort Sa Majesté qu’elle trouvera dans les peuples des Cévennes des sujets fidèles pleins de reconnaissance pour la faveur qu’Elle fait à la nation de lui rendre ses droits… ». Un « Colloque des (Basses) Cévennes » se tiendra à Florac 106, le 12 janvier 1789, pour approuver 22 points d’une délibération, avant l’assemblée des trois ordres du diocèse de Mende à Marvejols le 20 janvier, et dans une seconde réunion, le 16 février, il approuvera les articles qui y avaient été alors souscrits. Enfin, le fait cévenol est présent dans un certain nombre des cahiers de doléances des villes et communautés du diocèse d’Alès, ayant député à la sénéchaussée de Nîmes, ceux de la sénéchaussée de Montpellier ayant disparu.

Des épaves de correspondance subsistent comme une lettre d’un négociant d’Anduze qui approuve la réunion de saville le 14 décembre, mais une autre accompagne un ouvrage 107 important de Justin Beaux de Maguielles, saint-jeannais, rédigé à la fin novembre et imprimé en décembre, qui doit d’autant plus retenir l’attention que son envoi au ministère a fait l’objet d’un accusé de réception, le 10 janvier : si un exorde et une première partie très politique sont la preuve de ses qualités de lecteur averti et d’avocat, la seconde se situe dans la ligne de brochures qu’il avait publiées sous un pseudonyme l’Agriculteur cévenol, et la description qu’il donne de sa petite patrie fait la distinction entre les Hautes et Basses-Cévennes :

« L’ensemble renferme la 19ème partie des habitants de la province du Languedoc, & n’a (ce qui est fort remarquable) que la 26ème partie du terrain, dont à peine un tiers peut être cultivée. mais le sol y est encore moins difficile que ceux qui l’habitent ne sont laborieux. Avec l’amour du travail, ils sont économes, tempérants, agiles, actifs, vifs, pleins d’ardeur & de bonne volonté… Presque tous propriétaires, ils sont attachés à leur sol, comme s’il n’était pas ingrat… Les basses Cévennes tiennent au bon pays. Elles produisent du vin, de l’huile, des fourrages, & beaucoup de feuilles de mûrier. Les bas fonds y présentent des vallons agréables, de belles eaux, des prairies, des fruits, des légumes de toute espèce y étalent une fraîcheur et une verdure qui fixe l’œil du voyageur, & dont on jouit neuf mois de suite… Toute cette contrée des Cévennes, très peuplée, est couverte de petites villes, de grands et de petits bourgs, de villages et de hameaux nombreux. On compte quelques maisons jouissant d’une honnête aisance dans ses villes… Le mûrier est un arbre vorace, qui demande un aliment et un travail continuel… le germe de l’insecte précieux… Le propriétaire laisse le comptoir ou l’atelier pour aller au champ, la demoiselle quitte l’aiguille ou le fuseau pour présider à la chambrée… Que l’on considère que les soies des Cévennes alimentent les fabriques de bas qui se sont élevées dans le pays même, toutes les grandes fabriques de bas & d’étoffes de Nîmes, celles de Lyon, & celles de plusieurs autres villes… ».

Le diocèse de Montpellier avait tardé à bouger : Montpellier avait réuni 108 sans grand résultat un Conseil le 15 novembre, mais avait affirmé en Conseil renforcé le 19 novembre une position offensive sur le doublement du Tiers et le vote par tête, tout en se tenant aux formes de la convocation de 1614 et de 1649, où le « Gouvernement » de Montpellier n’avait été représenté que par la ville ; c’est le 14 décembre que la ville de Ganges entre, probablement dans le contexte cévenol, dans le mouvement qui allait enfin toucher le montpelliérais, et aussi, à cause du dynamisme du diocèse de Nîmes voisin, Lunel et sa baronnie le 21, que Saint-Brès le 17, Vérargues le 19, s’étaient déjà préparés à rejoindre ; Montpellier y prend part le 21 et voit son Tiers-État 109 prendre une Délibération avec une vigoureuse Réclamation, toujours plus hostile à la délibération municipale du 15 novembre, et aux décisions des Notables, et réclamer la convocation par sénéchaussées, souhaitée par Mauguio le 30, les trois ordres d’Uzès ayant délibéré le 23, ceux de Nîmes le 29.

Que disait Ganges avant d'envoyer sa délibération 110 à Versailles ?

« L’an 1788, et le 14 décembre, à deux heures après midi, la Communauté assemblée en Conseil politique, où ont assisté les nobles et principaux tenanciers de la Ville d’après l’invitation qui leur en a été faite / Par Monsieur Darnal, premier Consul maire a été dit que dans les circonstances présentes il conviendrait de représenter à Sa Majesté qu’il est de la justice que le Tiers État soit représenté aux États généraux qu’Elle va convoquer par des députés en nombre égal aux députés du Clergé et de la Noblesse réunis, que ces mêmes députés soient nommés par leurs pairs et qu’ils ne puissent être choisis parmi ceux qui par leurs charges ou leurs emplois se trouvent sous la dépendance de la Noblesse ou du Clergé, que cette représentation au Roy devait avoir d’autant plus lieu qu’elle était désirée par tous les habitants de la ville entière, que le même vœu a été déjà porté aux pieds du Trône accompagné de mille raisons importantes qui ne peuvent qu’engager notre bienfaisant monarque à l’accueillir favorablement. / La ville de Ganges ne dira pas pour porter Sa Majesté à vouloir bien prendre en considération son humble demande qu’elle est une des villes les plus principales des Cévennes, qu’elle a été la première à établir dans cette contrée les fabriques en bas de soie, que son commerce s’étend dans tous les Royaumes étrangers, ce qui fait aujourd’hui presque toute la richesse des Cévennes en général, qu’elle lui fut toujours inviolablement fidèle et qu’elle travaillera constamment à mériter de plus en plus sa royale bienfaisance.

Mais dira… 1) Que le Tiers État a fait et fait éclater tous les jours son patriotisme, qu’il enrichit la France par ses travaux, son commerce et son agriculture, tandis que la Noblesse et le Clergé dédaignant la cause qui produit de si grands avantages, jouissant seuls des honneurs et des distinctions, cherchent encore à tenir dans l’humiliation cette nombreuse classe de citoyens qui forme plus des trois quarts de la nation… 2) Que le Roy trouvera en ses députés des hommes éclairés et fermes… 3) Qu’il n’eut jamais des sujets plus zélés pour son service que le sont ceux qui composent le Tiers État, dans le passé ils ont fourni les armées, fait fleurir dans tout son Royaume l’agriculture, le commerce, les arts tant libéraux que mécaniques et supporté tous les impôts … / La ville de Ganges espère aussi avec confiance d’après les motifs ci-dessus rapportés qu’il plaira à Sa Majesté de la comprendre dans la classe de celles qui auront le droit de députer… »

Ce texte manuscrit est comparable, dans la forme comme dans le fond, à la plupart de ceux qui ont été écrits et ont circulé dans la province lorsqu’ils avaient été imprimés. Une expédition en forme, copiée par le greffier Lauret, a été envoyée au Garde des Sceaux, au Secrétaire d’État – chargé du Languedoc -, à « Monseigneur de Necker », Ministre d’État, et à l’intendant… « en les suppliant de vouloir bien l’honorer de leurs protections et de la mettre sous les yeux de Sa Majesté et des Notables ». Le document reçu à Versailles, que l’abbé Rouquette s’et contenté de reproduire, est approuvé par 92 Gangeois, « &c. », mais la copie qu’en a prise Léopold Bastide, qui avait sous la main le registre de délibération de Ganges – aujourd’hui disparu – et qu’il a publiée comporte 109 signatures, sans qu’il ajoute un « &c. » comme le greffier Lauret. Quels sont ces citoyens qui font leurs premiers pas dans la politique ? Il n’y a pas vraiment d’ordre dans leur liste : sans doute Georges d’Arnal signe-t-il le premier et le capitaine de dragons Duffour le dernier, mais la connaissance que l’on peut en prendre grâce aux impositions de 1788 permet d’en identifier plusieurs, ainsi que le fait que certains aient signé avec leur prénom ou leur qualité, ce qui est le cas de 38 d’entre eux, dont on peut donner quelques exemples : dans cette ville en majeure partie protestante, il ne faut pas s’étonner d’en compter plus d’un sur cette liste, tels le bourgeois Pierre Gervais chez qui le sénéchal de Montpellier avait, six mois plus tôt, enregistré leur état-civil, le gentilhomme Castelviel de Valmauran, Deshons – Pierre, bourgeois -, le pasteur Gal-Pomaret qui y apparaît prudemment en bourgeois comme lorsqu’il avait écrit à Versailles quelques jours plus tôt, les négociants Darvieu, Ferrier père et fils – ce dernier, premier maire du nouveau régime -, Louis Mejean, Molines – André, qui fera partie, deux ans plus tard, de l’administration départementale -, Jean Montfajon, Soulier de Gourdon, les riches Fabre -probablement Antoine, père de Fabre d’Olivet -, Jean Coulerou et Charles Barral, marchands tanneurs, l’avocat Randon – futur administrateur du District -, les notaires Tarteiron et Chalier – que l’échec comme juge de paix à Saint-Bauzille n’empêchera pas de devenir juge au tribunal du District -, les fabricants Finiel – Etienne, qui avait participé à la confection des listes des imposables en juin -, Darvieu, Jardin, Lapierre, le brassier Favié – un des premiers signataires – ; mais sont catholiques le premier consul Jacques d’Arnal – par la force des choses -, le gentilhomme Boyer de Camprieu – qui avait représenté sa ville aux États de la province -,le bourgeois Guinard, le médecin Vassas, les négociants Pierre Abric, Pierre Silvestre, le ménager Pouget, l’officier Duffour et des pénitents tels que le cordonnier Vareilhes, les fabricants Bourrié, Menard, Libourel, Doumaisel – par ailleurs second consul -. On pourrait procéder au classement religieux de bien d’autres, mais certains n’ont pas d’appartenance définie, ainsi Ducros de Figaret qui sera maire dans la période la plus dure de la Révolution.

L’abbé Rouquette signale la réception, le 4 janvier 1789, d’une invitation des trois Ordres de Montpellier à assister à l’assemblée 111 diocésaine du 9, juste avant la session des États de Languedoc : quatre Gangeois y sont présents, signataires de la délibération du 14 décembre précédent, l’avocat Randon, le riche négociant Guillaume Mejean aîné, et les deux futurs maires Ferrier fils et Ducros – appelé encore de Figaret -. Mais Ganges, dont le seigneur siège – parfois-aux États comme baron, et qui est une des villes de tour du diocèse, avec Mauguio, Lunel, Frontignan, Poussan, Aniane et Les Matelles, appelée d’ailleurs à y participer lors de sessions ultérieures, n’éprouve pas le besoin de prendre une seconde délibération dans le contexte de la lutte contre les États de Languedoc, alors que Pistoris, premier consul maire de la ville voisine de Saint-Hippolyte 112, où une délibération précédée d’un long discours avait déjà été précocement prise le 15 novembre, n’hésite pas, avant de partir pour Montpellier où sa ville est présente, comme Alès, à chaque session de États, à s’exprimer le 4 janvier sur l’Administration du Dauphiné :

« J’ai dû, sans doute, ne pas être spectateur insensible et oisif au milieu de la fermentation que cause cette opinion et je n’ai point à me reprocher de l’avoir été ; ma lampe a été allumée bien des fois avant l’aurore ; plein du sentiment de mes devoirs, pour être égal à ma place, par attachement à mes concitoyens et l’amour de la perfection dans le cœur, j’ai, de toutes mes forces et avec toute la bonne volonté du patriotisme, médité cette belle Constitution, j’oserai le dire avec la franchise dont je ne me départirai jamais, admirateur de l’ensemble, je ne le suis pas toujours des détails, le mieux est encore devant nous, je dois à la chose publique de concourir à sa découverte et à son triomphe… »

Sans doute, toutes les assemblées de ville ne sont-elles pas animées par des orateurs aussi lyriques, mais on trouve beaucoup d’exemples de cette rhétorique, aussi bien pendant la période où l’on veut le doublement du Tiers que dans celle où est exigé l’anéantissement des États de Languedoc dans leur forme ancienne et leur reconstitution de façon plus représentative. Il est donc aisé de connaître ainsi dans quel état d’esprit les Languedociens attendaient les modalités de la convocation des États généraux.

Les États-Généraux

Le Règlement royal du 24 janvier 1789 décidait que la sénéchaussée serait dans chaque province le lieu de réunion des députés des villes, bourgs et communautés, et celui qui avait été précisé pour le Languedoc le 7 février écartait toute représentation directe des États de la province, bien que le roi ait accordé à l’archevêque Dillon la satisfaction de voir ses ennemis condamnés. Le 8 mars, 361 Gangeois se réunissaient pour rédiger leur cahier de doléances et choisir leurs députés à l’assemblée du Tiers de la sénéchaussée de Montpellier. Si l’abbé Rouquette et Léopold Bastide ont eu en mains le registre qui contenait la délibération qui en décidait, seul le second lui a accordé assez d’importance pour recopier le procès-verbal de l’élection sur le modèle reçu de Montpellier, identique pour tout le royaume : malheureusement il n’a pas reproduit « les noms de tous les habitants présents à l’assemblée », mais seulement les 362 signatures des habitants présents, ou plutôt de ceux qui savaient signer, puisque le droit de voter était accordé à ceux qui payaient un impôt de trois livres, et que le greffier Lauret devait avoir sous la main les listes des imposables, tels qu’ils avaient été recensés en juin 1788. La ville, pour ses 716 feux, avait droit à 5 députés, selon le Règlement. Il y a donc à Ganges plus de 50 % de participation, ce qui est beaucoup, par rapport à d’autres lieux de la sénéchaussée de Montpellier 113, mais prouve la richesse de la ville et l’intérêt des Gangeois « pour la chose publique », dont la réunion du 14 décembre avait été l’origine, comme l’indique l’examen de leurs signatures le 8 mars, où les titres et professions sont mentionnés une douzaine de fois et treize fois le lien familial, père, fils, aîné, et chose curieuse : les « frères »Maillé, inséparables comme trois mois avant, comme si le vote n’était pas personnel : seuls, treize présents en décembre n’y participent pas, les habitants absents ou trop pauvres pour être électeurs et les gentilshommes qui ne peuvent participer aux assemblées du Tiers, mais qui ne seront pas davantage compris dans la Noblesse montpelliéraine, la leur étant peut-être douteuse, trop récente et n’étant pas fondée sur un fief.

Le cahier de doléances, hélas disparu, est remis à François Ferrier fils, négociant et foncier, Randon, avocat, Portal, foncier, Gal (-Pomaret), bourgeois et Deshons, bourgeois ; les deux premiers avaient été députés à l’assemblée des trois Ordres du diocèse de Montpellier, le 9 janvier, mais aussi le pasteur Gal-Pomaret, dont on connait la forte personnalité, et Pierre Deshons, qui allait marquer les années suivantes par son action. On peut se faire une idée de ce que contenait le cahier en examinant 114 ceux du voisinage : dans les 22 articles du Vigan sont cités les droits féodaux, la milice, les États de Languedoc – Saint-Laurent-le-Minier se réfère expressément à l’assemblée montpelliéraine du 9 janvier 1789 -, les impôts à répartir également et la suppression de ceux qui frappent les objets de première nécessité, la justice rapprochée des justiciables, le vote par tête, la rédaction d’une constitution, la nécessité de convertir la dîme en impôt, mais surtout une description du sol des Cévennes si difficile à maintenir et à cultiver à cause des conditions naturelles ; Montdardier se rallie au cahier du Vigan, mais explique les difficultés des paysans par le sol pierreux du Causse ; Pommiers « n’a point député », compte-tenu probablement des mauvaises conditions météorologiques ; plus près de Ganges, Sumène rédige 15 longs articles, où on peut retrouver les doléances viganaises, avec la demande d’une dîme qui ne soit perçue que sur le produit net des fruits décimables, que payent aussi bien les protestants que les catholiques, ce que veulent aussi les cahiers de Roquedur, de Saint-Julien-de-la-Nef, et de Saint-Laurent-le-Minier (qui compte 60 % de protestants, consacrant 7 articles sur 16 aux questions religieuses, mais avec la signature du prieur), mais surtout celui de Saint-Martial qui, après s’être plaint des fortes censives, taille, capitation, industrie, se portant toutes à plus de 10 000 livres, l’explique en détail à l’article 5 : « …toutes les productions sont assujetties à une dîme qu’on perçoit au douze, à l’exception de la feuille de mûrier. Elle frappe d’abord sur la semence du blé, sur les foins servant à la nourriture des bêtes à laine, sur la laine et sur les agneaux ; de manière qu’on perçoit trois différentes dîmes sur un objet qui ne devrait en supporter qu’une, ce qui fatigue l’habitant, et en met la plupart dans l’impossibilité de payer les deniers du Roi, le collecteur étant nécessité d’agir de contrainte pour cela, ce qui rend la condition du redevable plus dure. ». Encore s’agit-il là d’une communauté où les catholiques sont nombreux, ce que souligne le spécialiste des Terres Blanches Robert Sauzet « Il serait erroné de croire que les cahiers de doléances des paroisses anciennes catholiques comportaient moins de récriminations que ceux des villages protestants… », ce que constate 115 Bernard Moreau en 1995, après l’étude de François Rouvière sur le protestant viganais Quatrefages de la Roquette, futur député du Tiers de la sénéchaussée de Nîmes. Par exemple, à Notre-Dame-de-la-Rouvière comme à Saint-Martial, on déplorait que la dîme portât même sur les semences. Plus radicaux, les papistes de Saint-André-de-Majencoules auraient voulu la supprimer. Quant à la difficulté du travail du paysan des Cévennes, qu’avait décrite Beaux de Maguielles, longuement évoquée au Vigan, à Roquedur, Saint-Martial et Sumène, elle mérite, pour Saint-Julien, l’exemption du tirage au sort pour les travailleurs de terre, les fermiers de campagne et les ménagers. Sumène rappelle que « le pays des Cévennes ne subsiste que par l’industrie que lui procurent des fabriques de soie et de tonneaux… », il faut encourager l’agriculture et le commerce des dites fabriques car, de plus, les bestiaux du pays des Cévennes sont sujets à une infinité de maladies, à cause de l’humidité des pâturages qu’ils fréquentent. Par cet ensemble de plaintes, on peut imaginer ce que Ganges a pu écrire.

Le juge-mage de Barthès, sénéchal de Montpellier avait convoqué 116 les trois ordres de la sénéchaussée le 24 février, et leurs séances se déroulent entre le 16 mars et le 15 avril ;l’abbé Baissié est présent, porteur des deux procurations du curé de Salinelles et de celui de Corconne ; le Clergé se réunissant entre le 16 et le 21 mars rédige son cahier, où l’on rappelle ses Remontrances sur l’Édit des Non-Catholiques « nos frères séparés », et où la lutte contre l’incrédulité et la nécessaire sanctification des dimanches et des fêtes sont affirmées ; puis il choisit son député, Mgr. de Malide, évêque de Montpellier, non sans protestations d’un certain nombre de curés qui avaient cependant fait insérer dans le cahier des doléances la nécessité d’être représentés aux États de Languedoc, avaient renoncé au casuel forcé dans les campagnes et demandé une augmentation des aumônes par les décimateurs. M. de Vissec Saint-Martin représente Marie-Bernardine de Gontaut-Biron, épouse de Philippe Maurice de Vissec, marquis de Ganges, & sa curatrice par sentence du Sénéchal de Montpellier du 17 août 1775 (procuration, le 3 mars 1789, chez Raguideau & son confrère, notaires à Paris), et le premier Président de la Cour des comptes, aides et finances, M. de Claris, représente la marquise de Sarret Ganges (procuration, le 19 mars 1789, chez Conduzorgues, notaire de Ganges) ; la Noblesse se réunit entre le 16 mars et le 1er avril pour rédiger son cahier et choisir son député, le marquis de Saint-Maurice, que l’on connait pour son ouvrage et le fait d’avoir été un des représentants des trois Ordres de Montpellier à Paris, fin janvier, pour présenter à Versailles, avec d’autres députés de la province, la revendication d’une nouvelle constitution pour le Languedoc ; elle est d’ailleurs évoquée dès le procès-verbal par une référence à l’assemblée diocésaine du 9 janvier et le cahier de doléances, dont Cambacérès a été un des rédacteurs, contient un long article – 18 -, consacré à l’Administration de la Province, contestant sa constitution « vicieuse dans son régime », l’Ordre de la Noblesse dénonçant « la violation de ses droits dans la composition actuelle des États » et réclamant « la suppression totale de ces États, & leur remplacement par une constitution libre, représentative, appropriée à notre localité, & conforme aux privilèges de notre province ». Mais il manifeste une attitude plutôt conservatrice pour maintenir la pureté de la noblesse par la recherche des faux nobles, l’accès réservé aux grades supérieurs dans l’armée et aussi l’affirmation de la préséance des officiers des seigneurs sur les officiers municipaux.

Les séances du Tiers-État se tiennent entre le 16 mars et le 4 avril. Lorsque, le 18 mars, avaient été choisis les 56 commissaires chargés de rédiger le cahier du Tiers « autant qu’il serait possible de toutes les parties de la sénéchaussée, pour… avoir des connaissances locales qui les missent en même de discuter et faire valoir les demandes et les doléances qui pourraient être formés par les habitants des différents districts », Deshons, bourgeois de Ganges, est l’un d’eux. Cette rédaction prend 12 jours, du 18 au 30 mars, et il en résulte un cahier long et extrêmement argumenté : des doléances pouvaient-elles intéresser spécialement Ganges ? Dès le second chapitre, cinq articles sont consacrés au Languedoc, pour lequel on veut une nouvelle constitution ; parmi les 8 articles du chapitre III, sur les municipalités, le second rejette « le prétendu droit que certains seigneurs ecclésiastiques ou laïques, gouverneurs, commandants et tous autres se sont arrogés de nommer ou choisir les consuls sera aboli… » alors qu’il était exercé à Ganges par le marquis ou, en son absence, par son juge, et l’on sait les conflits que Bonnefous avait eus avec les Gangeois ; dans le chapitre VII, Sur l’administration de la justice, le vingtième article met huit conditions à l’exercice de la justice seigneuriale « …dans le cas où, contre toute attente, les seigneurs justiciers seraient maintenus à instituer des officiers de justice… » ; on peut penser que la présence de Gal-Pomaret, à côté du rédacteur Deshons, a dû se satisfaire des articles 6 et 7 du chapitre 8, Sur l’Église, qui remerciait le roi de l’Édit de 1787 sur les Non-Catholiques et souhaitait que leurs biens « mis en régie » leur soient rendus, mais on souhaitait l’abolition de la dîme ou, au moins, son abonnement en argent, à répartir sur tous les contribuables. Quinze articles traitaient de l’agriculture, ce qui ne pouvait qu’intéresser les taillables de Ganges, le chapitre sur le Commerce ne fait pas mention de celui de la soie, mais le chapitre XI, Manufactures, contient un article 3 sur la nécessité d’empêcher l’exportation des peaux non tannées et non mégissées, ce qui ne pouvait qu’intéresser les tanneurs de Ganges, et un article 11 qui représentait parfaitement les intérêts de ses fabricants de bas :

« Que Sa Majesté sera très humblement suppliée de charger ses ambassadeurs près des cours de Portugal, Espagne et de Russie, de solliciter une modération sur les droits actuellement perçus sur les bas de soie du Languedoc, et qu’ils soient réduits au même droit de ceux fabriqués en Angleterre, afin de favoriser l’exportation de cet article intéressant pour toute la Province, et nous mettre en état de lutter contre l’industrie anglaise plus favorisée. »

Ce n’est que le 15 avril que les députés des trois Ordres se retrouvent dans une assemblée générale où leurs députés présents, Monseigneur de Malide, le propriétaire de Quissac Jac et l’avocat montpelliérain Thomas Verny – originaire de Clermont-Lodève (Hérault) qui avait été aussi élu à Béziers mais avait opté pour Montpellier -, prêtent serment et sont chargés des trois cahiers de doléances, le marquis de Saint-Maurice faisant connaître son acceptation par un acte 117 rédigé chez un notaire parisien. Les députés du Tiers-État aux États Généraux « qui seront chargés de tous les cahiers des doléances », dans l’unique article du chapitre XIII de leur cahier, sont partis pour Versailles avec celui de Ganges, qui a malheureusement disparu avec ceux de toute la sénéchaussée 118, n’ayant pas été copié dans les registres des délibérations – disparu ! -, ou gardé comme pièce dans une liasse d’archives, comme cela avait été le cas dans quelques villes et communautés.

La crise du printemps

Le blé manque mais la neige ne commencera à fondre en Cévennes qu’à la mi-avril, selon le subdélégué du Gévaudan Delhermet 119, qui voit dans la réouverture des communications le moyen de réapprovisionner les marchés, mais dès le 31 janvier, au Vigan 120, des femmes avaient empêché le départ, furtivement, de deux charrettes du blé qui venait de Millau et se trouvait dans les magasins du négociant Mejean – est-il Gangeois ? – en direction de Saint-Bauzille, car il était accusé d’avoir « accaparé une grande partie du blé du Causse », mais le subdélégué Aguze avait conseillé de « fermer les yeux ». Le 1er avril, Ballainvilliers écrivait 121 à Necker que Le Vigan et Saint-Hippolyte paraissaient « être dans la détresse » et qu’à Sauve le peuple était disposé à enfoncer les portes du grenier d’un marchand, avant de conclure « La fermentation commence à se soutenir en Languedoc, sans se manifester d’une manière violente, mais il est aisé d’apercevoir que si une seule émotion devenait publique, la révolte serait générale » ; le 3 avril, il lui annonçait que le comte de Périgord et lui étaient « convenu de faire établir des patrouilles bourgeoises dans toutes les villes des environs qui en sont susceptibles… Nîmes, Beaucaire, Saint-Gilles et Ganges ». Le même jour le subdélégué de Montpellier Favier avait commenté 122 la situation : « Ganges est la plus peuplée, la nature de son commerce y a attiré une foule d’ouvriers dont les facultés ne sont pas considérables… est à la veille de manquer de blé ». On comprend mieux par ces correspondances qu’une fermentation gangeoise n’aurait pas été extraordinaire, alors que les procédures judiciaires de Bonnefous durant la décennie précédente et les informations reçues à Montpellier en 1785 témoignaient du « tapage de la jeunesse » ; tout en 1788 avait dégénéré, selon l’abbé Rouquette, qui cite les vols dans les champs, les oliviers arrachés et vendus à fin de replantation, la dévastation des bois de la communauté, la chasse interdite, la dépaissance dans les terres des autres et, dans la ville, les attroupements des jeunes qui cassent des vitres, les bancs de la promenade et les parapets des ponts, font des ordures dans les bassins des fontaines, jurent et blasphèment… Cette situation ne pouvait que s’aggraver dans le contexte d’un hiver très dur 123. Sans doute, les émeutes frumentaires 124 de Marseille et de Toulon, les 23 et 24 mars, sont-elles le préalable au déclenchement des émotions languedociennes, puisque Agde et Sète – où deux émeutiers seront pendus -, sont touchées le 15 avril, mais il y a aussi des mouvements populaires àVias, Bessan, Florensac, Mèze, Clermont-Lodève, Lodève, alors que Béziers, Montpellier et Pézenas se sont protégées soit en constituant des greniers d’abondance, auxquels contribuent de riches habitants encouragés par l’intendant, soit en armant des patrouilles bourgeoises, autorisées par le commandant de la province. Montpellier, le 18 avril, avait constitué la sienne, une des premières de ce genre dans le royaume, avant même que Paris n’en crée une.

Le 31 mars et le 21 avril, deux délibérations – publiées par Léopold Bastide et résumées par l’abbé Rouquette -, portent témoignage de la disette qui frappe la ville après le terrible hiver qui avait ravagé les récoltes du Languedoc comme de la France entière, et du souci que la municipalité avait eu d’y faire face d’abord en empruntant assez d’argent pour alimenter les greniers et les boulangers, puis en prenant les précautions nécessaires pour empêcher toute émeute frumentaire, comme celle qui avait menacé le 14 avril et qui est décrite. La première est le reflet parfait de cette situation de pénurie, puisque le premier consul est chargé d’aller à Montpellier solliciter de l’intendant l’approvisionnement de sa ville, ou « d’en acheter lui-même aux frais et dépens de la Communauté ». La seconde rappelle la permission d’acheter 600 setiers, déjà vendus, alors que le négociant Ferrier fils propose de continuer à avancer les fonds et financer les achats encore nécessaires. Mais, avec lucidité, le Conseil analyse la situation : « malgré les précautions… il y eut néanmoins, le 14 du courant, une rumeur occasionnée par des libertins ou gens mal intentionnés sous le prétexte qu’on leur avait refusé du pain, qu’ayant apaisé la populace par la douceur et les ménagements dont on usa à l’égard même des plus effrénés, ou par les ordres qui furent donnés aux boulangers de ne point refuser du pain à aucun des habitants, on a joui depuis cette époque de la tranquillité ;mais, comme il pourrait se former des nouvelles rumeurs à cause de la variation dont le prix du pain est susceptible, il conviendrait de former des patrouilles bourgeoises afin de veiller à la sûreté des citoyens et d’intimider ceux qui pourraient avoir de mauvais desseins. » On décide donc de demander l’autorisation au comte de Périgord, et surtout de « pouvoir prendre les armes nécessaires au magasin d’artillerie de Saint-Hippolyte ». Alors que le setier 125 de froment a sur le marché de Béziers une capacité de 65,59 litres, et à Pézenas de 63,03, il n’en contient à Montpellier que 48,92, et son prix, qui y était de 12,5 livres la seconde quinzaine de décembre 1788, était monté à 13 livres au début avril, avant de redescendre à 12,15 la première quinzaine de mai et 10,10 la seconde quinzaine de juin. Quant à la livre de pain de froment, qui avait varié à Montpellier de 2 sous, 11 1/2 deniers en novembre à 3,3 1/2 début avril et 3, 1/2 le 1er août, le pain rousset de 2,7 à 2,10 et 2,8, et le pain bis de 2,2 à 2,5 et 2,2, on la trouve le 30 juillet à Ganges, selon l’abbé Rouquette qui énumère les chiffres de leur hausse pendant la Révolution, respectivement à 3,3, 2,11 et 2,7, plus cher qu’à Montpellier, la municipalité s’inquiétant – à une date non précisée -, des « accaparements de cette denrée, et qu’elle a remonté à son ancien prix, ce qui porte la désolation dans la ville, surtout dans la classe des habitants la plus indigente… éviter une révolte prochaine ».

Le 9 mai 1789 sortaient de charge six conseillers politiques, Molines, Darvieu, Augustin Vassas, Ducros de Figaret, Cournutet Libourel, et ils étaient remplacés aussitôt selon la procédure habituelle par Jean Fabre, Jacques Randon, François Barral et Florent Aigoin, négociants, Lestrade et l’ancien capitaine-commandant du régiment de Guyenne et chevalier de Saint-Louis Boyer de Beauvert, avant de prêter serment devant le premier consul et le juge Bonnefous le 17 mai. Les notes de Léopold Bastide, quoiqu’incomplètes, résument l’activité de la municipalité pendant les années 1788 et 1789, mais n’apportent pas grand chose à l’approfondissement de la connaissance politique de Ganges pendant ces dix-huit mois, sinon celle de la routine administrative : pour 1788, les adjudications, les coupes de bois, l’utilisation de la caserne construite une trentaine d’années auparavant – mais jamais occupée par les troupes -, pour loger les cavaliers de la maréchaussée, une aile étant louée en partie à un régent (avant de devenir l’hôtel de ville sous la Révolution), une condamnation pour avoir égorgé des bestiaux hors de l’écorchoir, la construction d’un second four, les frais de réparation des moulins inféodés au marquis ; pour 1789, la vérification du registre du greffe, le droit d’insinuation du cimetière des Non-Catholiques, les frais du procureur à la Cour de Montpellier, les réparations nécessaires à une fontaine dégradée, mais il avait été question en mars des boulangers.

La grande Peur ?

Le 30 juillet, la municipalité s’émeut d’une lettre venue des consuls de Saint-Hippolyte, informés par Alès et Anduze qu’il faut se tenir sur ses gardes : « Il y a une troupe de brigands en Provence qui ont tenté de passer le Rhône ; qu’à Beaucaire on a coupé le pont pour leur ôter le moyen d’entrer dans cette province ; qu’il y a encore une troupe de 10 000 Piémontais qui, marchant en ordre, ont passé le Rhône en mettant feu et sang à tout ce qu’ils rencontrent » et elle envoie le bourgeois Ducros de Figaret et le gradué Deshons demander une nouvelle fois au comte de Périgord l’autorisation de former une garde bourgeoise et de la munir d’armes et de munitions. Le 1er août « à cause des troubles qu’on ne cesse de répandre dans cette contrée », une Assemblée des trois Ordres de la ville crée un « Conseil permanent » de 13 personnes, où se trouvent des membres de la municipalité et des notables : Ferrier, Mejean aîné, Ducros Figaret et l’avocat Randon avaient obtenu entre 14 et 20 voix, bien avant Fabre fils, Molines, Silvestre et le notaire Tarteiron, entre 3 et 5, (de) Castel, Caucanas, Aigoin, le médecin Vassas et le bourgeois Deshons n’en recueillant qu’une ; le jour même de sa création, il avait organisé une milice bourgeoise avec un règlement en 22 articles, cette légion ayant 16 capitaines commandants issus des mêmes milieux : de Boyer, de Castelviel, Ferrier fils, Dupuy – courtier -, Caucanas -négociant -, Mejean aîné, Tarteiron (contrôleur) ambulant, Deshons bourgeois, Roussel fils, Noualhac père – aubergiste -, Etienne Favier – chaudronnier -, les fabricants François Angeau, Louis Randon et Etienne Mejean, JacquesPoujol – boucher -, et Antoine Gros – maréchal – ; il s’occupe aussitôt de punir les femmes, enfants, journaliers, manouvriers, qui prétendent ramasser de mauvaises herbes, mais qui pillent les feuilles de mûrier, les souches, les fruits puis, un peu plus tard, de la chasse pendant les récoltes, mais sur la délibération prise le 4 août – ou une copie 126 – on bâtonne le « Nous, François Bonnefous, viguier et juge ordinaire et de police du marquis de Ganges » pour le remplacer par « Le Conseil permanent »,exemple s’il en est du changement de pouvoir en cours ! Quoique Bonnefous ait ajouté en marge du texte des annotations qu’il signe sur la divigation des cochons en ville qu’il faut interdire, en sanctionnant leurs propriétaires par la confiscation et une amende de 10 livres.

Il ne faut pas sous-estimer en Languedoc ce que l’on appelle la Grande Peur, bien qu’à vrai dire, elle ne l’ait pas vraiment touché : Georges Lefebvre évoque 127 son arrivée à Alès, Saint-Jean-de-Gardonnenque, Mende, Valleraugue, Millau, Lodève ; trois délibérations de Sauve 128, les 31 juillet, les 1er et 2 août, portaient sur l’arrivée des brigands « une horde immense de bandits ou des ennemis de l’état viennent d’entrer dans le Dauphiné, ont été jusqu’à Poussin – le Pouzin -, pour dépasser le Rhône et entrer dans cette province », et avait « enrégimenté environ 500 de ses concitoyens de bonne volonté » dans une troupe bourgeoise, ce qu’avaient approuvé près de 400 signatures, mais le comte de Périgord, sollicité à la première heure pour les armer, avait – sagement – répondu que les arsenaux étaient dépourvus de fusils, jusqu’à ce que dans l’après-midi du 2, les habitants soient informés que « les nouvelles alarmantes qui nous étaient parvenues étaient heureusement sans consistance » ; si un Conseil permanente existe à Anduze le 3 août, Sauve en crée un le 5 août et quelques jours plus tard, Saint-Hippolyte 129 organise aussi un « régiment national » qui est levé le 8 août, avant que la ville n’adhère aux « arrêtés des villes de Sauve, Anduze, Saint-Jean, Durfort, et sur les précautions à prendre pour, à l’avenir, prévenir les alarmes… ». Le marquis de Commeiras, lieutenant-général et gouverneur de la ville renonce à ses titres pour préférer la qualité de « citoyen et ami du peuple », et il est aussitôt élu comme généralissime le 11 août ; Sauve, rassurée, délibérait que « pour prévenir les fausses alarmes qu’on pourrait donner comme venant de cette ville, les communautés voisines seront priées de n’ajouter aucune espèce de foi à aucun avis… s’il n’était signé au moins de trois membres du Conseil permanent ». Anne-Marie Duport résume 130 ces événements qui ont causé, si l’on peut dire, plus de peur que de mal : « A Nîmes, la grande peur de la fin juillet fut dissipée en quelques heures ; par contre, dans les Cévennes, elle provoqua une panique durable qui suscita ou mobilisa des gardes bourgeoises prêtes à intervenir à la moindre alerte ». C’est ainsi que Ganges apparaît parmi les lieux où l’alarme aurait été ressentie 131 une seconde fois, une copie d’une délibération par Léopold Bastide suppléant à la disparition du registre qui la contenait.

Après la création du Conseil permanent le 1er août et de la garde bourgeoise, et la panique passée, l’installation du corps de garde dans le salon offert par le brigadier Léotard cause à celui-ci quelques désagréments, dont il se plaint le 28 août : « que la dite garde, qui est établie pour le repos public, troublât le mien… pas par méchanceté… mais sous prétexte de s’amuser et de passer le temps » ; il est vrai qu’elle n’a plus grand chose à faire, si ce n’est maintenir un ordre troublé parfois par des jeunes gens, comme ceux qui poursuivent, tard dans la nuit du 2 octobre, une partie de boules qui gêne le voisinage et que l’on punira de la « salle de discipline » pendant un ou deux jours ! L’année s’avançant, l’accaparement des grains par ceux qui ne veulent pas de baisse des prix justifie à nouveau l’envoi de Ducros et de Deshons à Montpellier, parce que s’y était recréée une Association patriotique à l’image de celle constituée l’année précédente pour un grenier d’abondance, pour lequel se démène de nouveau le négociant Ferrier, car il veut empêcher Ganges de souffrir de la disette et a souscrit dix actions pour 20 000 livres, mais cette peur subsiste, dont témoignent aussi bien le registre de Ganges que celui de Saint-Hippolyte, à la mi-août, puisqu’un boulanger cigalois avait été accusé d’avoir enlevé 200 setiers de grains destinés à Ganges, à qui on écrit sèchement « Si vous étiez, MM., dans des circonstances de besoin urgent, nous n’attendrions pas vos invitations pour vous offrir et nos provisions et nos personnes ». Une alliance avec la Garde nationale montpelliéraine se concrétise par une visite des officiers gangeois le 21 août, le curé Baissié faisant un discours plein « d’éloquence et de sensibilité », cérémonie close par un banquet « ce repas a été fort gai, l’on y a porté les santés du Roi, de la nation, de la liberté… », les archives de Ganges gardant même les brouillons des discours prononcés 132. Ce Conseil ne siège plus après le 21 septembre, après sept réunions, marquées par de nombreuses absences, selon le cahier qui en contient les compte-rendu ; sa dernière délibération, prise lors de la visite d’un négociant de Saint-Hippolyte, apporte un éclairage nécessaire à une affaire étrange : le comte de Ganges, cousin du marquis, aurait été accusé de crime de lèse-Nation pour avoir commandé des troupes lors des événements de juillet à Paris, et protégé la fuite du comte d’Artois vers Bruxelles, mais une lettre des députés de la sénéchaussée de Nîmes fait justice de ces accusations le 24 août « notre contrée n’a point fourni de traîtres dans la révolution présente » : le Conseil permanent de Lasalle, qui avait été à l’origine de la rumeur, écrit donc le 17 septembre à Ganges pour la démentir, ce dont prend acte son Conseil permanent le 24 septembre, en cinq longues pages qui résument l’erreur dans laquelle on avait été plongé et le regret que l’on en a, ce qu’approuvent près de 140 signataires, du curé au pasteur, des bourgeois et des négociants aux artisans et fabricants, du premier consul au viguier Bonnefous.

Ganges : un District ?

Les événements parisiens ne sont connus qu’une ou deux semaines plus tard en Languedoc, où se retrouve la passion qui anime la France entière dans son admiration 133 pour l’Assemblée Nationale qui a succédé aux États généraux depuis le serment du Jeu de Paume. Même la marquise de Ganges, qui écrit de Paris à Bonnefous les 7 et 13 août, en tire aussitôt les conséquences, que ce soit après la nuit du 4 août pour la perception des droits seigneuriaux, ou sa participation au financement de la garde bourgeoise, comme le souligne Marie-Pierre Labonne. Saint-Hippolyte, extrêmement active, est la première ville cévenole à écrire aux « Pères de la Patrie » le 28 juillet et leur enverra une dizaine de délibérations jusqu’à la fin de 1790 : les « Peuples des Cévennes » sont évoqués dans la conclusion de son Adresse : « Citoyens de tous les États et de tous les Ordres, un même esprit nous anime, quelle que soit la diversité de nos opinions religieuses, elle ne met aucune différence dans les sentiments de nos cœurs ; nous sommes tous des Concitoyens et des Frères » ; cependant une lettre du 21 novembre, rédigée par son premier consul Pistoris 134, lui parvient « Saint-Hippolyte sans district serait un monstre dans l’ordre des convenances » et la ville rappellera le contenu de sa délibération du 31 août, accompagnée d’un tableau de ses contributions – 183 360 livres, 5 sols -, qui justifierait cette création.

« …l’heureuse situation de cette ville murée, comme la clef des Cévennes sur le bord du Vidourle, la salubrité de son air, la bonté de ses eaux et leur abondance, l’utilité des fontaines et du canal qui la traverse, l’importance de ses diverses manufactures, l’étendue de l’industrie de ses habitants, la masse de sa contribution, la facilité de ses revenus, la ressource de sûreté que présentent des casernes, un hôpital, une citadelle, une garnison et un état-major dont le chef qui a le titre de gouverneur est lieutenant général des armées du roi. / …la seconde du diocèse d’Alès est à son centre, est aussi la seconde de la sénéchaussée de Montpellier dont elle dépend, qu’elle est distante de Montpellier de 6 lieues, de 4 de Sommières, de 7 de Nîmes, de 5 d’Alès et de 5 duVigan. / …la prépondérance que manifeste en sa faveur le concours du peuple des Cévennes à son adresse à l’Assemblée Nationale… 12 avocats au parlement, nombre de gradués, 7 notaires royaux, l’administration de la justice de 22 paroisses, et l’affluence des étrangers qu’attirent en son sein sa position, sa population de 6 000 habitants, 2 marchés, et 4 foires. »

Sauve, le 30 juillet, avait délibéré de « manifester le vœu de cette ville sur les malheurs dont l’État s’est trouvé menacé ». Après la prise de la Bastille, Ganges avait envoyé 135 ses félicitations le 10 août et, selon l’abbé Rouquette, « la page vaut d’être citée » : sans doute, elle est parfaitement conforme à la rhétorique du temps, mais les Gangeois y expriment leur confiance, puisque l’Assemblée a établi les « bases inébranlables sur lesquelles doivent à jamais reposer la liberté et la félicité publique… aux craintes, aux alarmes qui les bouleversèrent, ont succédé les charmes de l’espérance et la consolante perspective du plus heureux avenir ». Après avoir rappelé leur attachement au roi et à Necker, ils expriment leur adhésion aux « immuables décrets de l’Assemblée Nationale », et lecuré Baissié ainsi qu’une vingtaine d’habitants signent cette Adresse.

L’Assemblée nationale commence en quelques semaines la transformation de la France : cependant, peu de nouvelles atteignent directement Ganges, dont on ne conserve pas la correspondance passive, mais on peut supposer qu’elle a reçu une lettre de Jac, député du Tiers de Montpellier, écrite le5 août, que le montpelliérain Cambon a fait imprimer 136 : « Je ne puis point me tenir, j’ai passé la nuit à travailler, & j’ai prié mon collègue de transcrire au Comité – ? -notre relation que nous avons faite à la hâte, mais je ramasse mes forces pour vous envoyer la note sommaire de la Délibération mémorable que l’Assemblée nationale vient de prendre… Je vous prie de faire imprimer notre lettre au Comité & de la faire distribuer dans toute la Sénéchaussée » et il en précise les détails le 14 dans une lettre reçue à Sommières 137, alors en conflit avec M. de Joubert son seigneur, mais il y évoque aussi la future administration de la justice dans la province : « On formera sous peu des arrondissements pour que la justice soit rendue dans tout le royaume au nom du roi ». Une Adresse imprimée de l’Assemblée générale des représentants de la Commune de Paris parvient cependant à Ganges et une réponse de circonstance lui est faite le 25 octobre, célébrant l’union et la fraternité. L’Assemblée avait débattu de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen fin août, puis avait abordé l’étude d’une constitution pour le royaume, butant plusieurs jours durant sur la question du veto royal. La détresse des finances publiques est telle que l’on voit les députés offrir au Trésor royal les boucles d’argent de leurs souliers, une vertueuse émulation conduisant les citoyennes à donner leurs bijoux, les citoyens honorés de médailles à les déposer sur le bureau de l’assemblée, dons que Le Moniteur énumère au début de chaque séance de l’automne. C’est dans ce contexte que le baronde Jessé, député de la Noblesse de Béziers, avait proposé de mettre l’argenterie des églises à la disposition de la Nation le 26 septembre et que Necker avait proposé un impôt sur le quart du revenu. Le 24 septembre, les Archives parlementaires 138 font état d’une adresse reçue de Ganges qui souhaite obtenir un district, mais la date paraît anticiper sur la division de la province de Languedoc, la création des départements et leur division, ce qui ne se fera que par la loi du 22 décembre. Après les journées d’octobre, le souverain et l’assemblée avaient quitté Versailles pour Paris ; le curé Gouttes, député du Clergé de Béziers, avait parlé le 13 octobre de la nationalisation des biens du clergé, que Talleyrand avait souhaitée le 10, et le vote a dû réjouir les protestants, comme l’écrivait Rabaut Saint-Etienne à Gal-Pomaret le 4 novembre, après son adoption le 2. La destruction des Parlements, l’interdiction de toute réunion par Ordre et par États provinciaux, ce qui ne pouvait que réjouir les ennemis des États de Languedoc si virulents l’année précédente, les décrets sur la jurisprudence criminelle qui décident du choix d’« adjoints » dans chaque commune, la décision de n’accorder le droit de vote et l’éligibilité qu’aux citoyens actifs imposables, puis en décembre, l’adoption du principe de la division du royaume en départements, la nouvelle organisation des municipalités, l’admission des non-catholiques, à l’exception des juifs, à tous les emplois : toutes ces décisions ont été connues à Ganges, mais il n’en reste que peu de traces, car ils n’ont pas été transcrits dans le premier registre de la municipalité nouvelle, à l’exception de l’établissement de la liste pour la contribution patriotique en 1789, de celle des citoyens actifs en 1790, et d’une correspondance au sujet de la place de la ville dans les nouvelles institutions départementales, administratives et judiciaires.

Le 4 décembre 1789, bien en retard sur l’argumentation de Saint-Hippolyte, la ville s’adresse 139 à l’Assemblée nationale pour lui demander d’être chef-lieu de district dans le nouveau département qui prendra quelques semaines plus tard le nom de l’Hérault, et le 6 décembre le premier consul d’Arnal fait parvenir cette délibération 140 à Paris :

«… La Communauté instruite des considérations puissantes que le Corps des fabriquants – sic – de cette ville a fournies à l’Assemblée Nationale, pénétrée de l’importance des motifs qui fondent leur pétition respectueuse, s’empresse de joindre son vœu à celui qu’ils ont déjà exprimé. / Considérant qu’à l’existence de la fabrique des bas de soie est lié le sort des Cévennes ; que la main-d’œuvre de cette fabrique fournit à toute la contrée les ressources qu’un sol ingrat lui refuse… trouvant dans la ville de Montpellier les fonds nécessaires pour alimenter sa fabrique et des facilités précieuses pour négocier ses effets de commerce, il lui importe de n’être point séparée d’une ville… que dans la nouvelle division du royaume par départements, la ville de Ganges et ses environs soient compris dans celui dont Montpellier sera le chef-lieu… / Peuplée de plus de 4 000 habitants, située au centre de 22 paroisses qui sont Sumène, St Martial, Roquedur, St Julien, St Bresson, St Laurent, Gourniès, Cazillac, Brissac, Agonès, Pégairolles, St Jean de Buèges, St André de Buèges, St Etienne d’Issenssac, St Martin de Londres, le Causse du Frouzet, Londres le Castel, Montoulieu, St Bauzille, La Roque, les Baucels. / La ville de Ganges a donc en sa faveur la convenance du lieu… / Supplier très humblement l’Assemblée Nationale d’ordonner : 1) Que la ville de Ganges soit comprise dans le département dont Montpellier doit être le chef-lieu ; 2) Que la ville de Montpellier soit le siège d’un des tribunaux suprêmes qui seront établis dans la province ; 3) Que Ganges soit chef-lieu de district dans ce même département ; 4) Qu’il soit accordé à Ganges une justice royale ».

Mais l’opinion d’un certain nombre de députés est que les villes commerçantes n’ont pas besoin, pour se développer, de responsabilités administratives, et Marie-Vic Ozouf-Marignier 141 le souligne : « La place faite à l’industrie textile n’est pas contradictoire avec la prépondérance du commerce, puisqu’à la tête du travail manufacturier se situe le marchand citadin qui vend de la matière première à l’ouvrier rural et lui achète le produit fini ou semi-fini (voir notamment l’exemple de Ganges)… Les villes de commerce ou de fabrique sont assez nombreuses à ne pas avoir obtenu satisfaction : c’est le cas de Condé-sur-Noireau, Uzel, Elbeuf, Ganges, Saint-Malo, Libourne, Bouchain, Maubeuge, etc. ». Avant qu’un tiers des communes qu’elle incluait dans son projet soit définitivement rattaché au département du Gard, la ville, alertée par les bruits qui se répandaient, avait sollicité le 17 janvier 1790 l’appui du voisinage, envoyant aux deux députés de la sénéchaussée, Verny et Jac, une carte levée spécialement pour justifier sa demande de district avec une Cour royale, et rappelant « son zèle dans la carrière du bien public, ses souscriptions patriotiques s’élevant déjà à plus de 50 000 livres ». On espère encore un district et une cour royale avec un arrondissement où les affaires pourront se régler, et trente communautés l’appuient dans la seconde quinzaine du mois, parmi lesquelles, le 20, Saint-Bauzille-de-Putois, qui estime que Ganges est le lieu de consommation qui lui fournit la possibilité de vendre ses produits « Qu’à ces considérations s’unissent pour eux – les habitants -, celles que mérite une ville qui veille à leurs besoins, qui leur fournit une main-d’œuvre considérable dans les diverses manipulations de la fabrique. Que, sans la ville de Ganges qui fournit la soie et des métiers à toute la contrée, le pays serait réduit à la culture d’un sol ingrat qui ne peut pas fournir à la nourriture des habitants. Que, sans le commerce de la ville de Ganges qui met en valeur la feuille de mûrier… il faudrait renoncer à ce revenu, l’unique du pays. ». Les Archives Nationales 142 conservent des délibérations du même jour de La Roque Aynier (Laroque) et du Causse Haut de la Selle le 21, le 22 de Moulès, Pégairolles-de-Buèges – dont le premier consul demande d’écrire une lettre aux députés Vernyet Jac -, Saint-André-de-Buèges, Saint-Jean-de-Buèges, Brissac & Saint-Etienne-d’Issenssac, Saint-Julien-de-la-Nef, Soubeyras, Causse de la Liquisse – ou Causse de la Selle -, le 23 Frouzet, le 24 Cazilhac ; mais Sumène prend deux délibérations, les 22 et 23 : l’une, favorable à Ganges, demande son démembrement du département de Nîmes, la ville étant distante de 11 lieues, Montpellier n’étant qu’à 8, et la seconde la création de son propre district avec un arrondissement de justice, puisqu’elle a 3 000 habitants, sinon Ganges, qui n’est qu’à une lieue de leur communauté, devrait l’emporter sur Sète, Frontignan et Lunel, car on ne peut faire l’aller et retour au chef-lieu du district qu’en plus d’une journée, ce qui n’est pas le cas des trois villes concurrentes ; Saint-Julien insiste sur les deux jours de marché, la petite lieue qui permet l’approvisionnement en matière première et la livraison des soies ouvrées, l’économie de temps et d’argent que la proximité de Ganges représente « par un très grand et beau chemin nouvellement construit », dont les procès-verbaux 143 des Assiettes des diocèses de Montpellier et d’Alès détaillaient annuellement la progression et l’entretien ; la situation misérable des 900 habitants du Causse-de-la-Selle devrait intéresser « les pères de la patrie, ces vénérables représentants de la nation, (qui) s’occupent de la liberté des noirs », alors qu’eux-mêmes sont « occupés journellement dans les bois, presqu’inconnus à nos voisins… dont les bras d’aucun n’a jamais été énervés par la paresse – sic ». Lorsque seront créés, après le 22 décembre 1789 les districts – 12 membres – et les cantons entre décembre 1789 et mars 1790, le département 144 – 36 membres, élus en juin 1790 -,Ganges sera le « premier canton » de l’Hérault, contenant Baucels, Montoulieu, Laroque, Saint-Bauzille-de-Putois, Cazillac, Agonès, Gorniès et Brissac, mais son chef-lieu ne sera pas le siège d’un district.

Georges Fournier évalue 145 à une semaine « s’il n’y a pas d’erreur dans le procès-verbal » la durée des opérations pour l’élection de la municipalité, et à 88 % le pourcentage de citoyens actifs ayant voté, ce qui serait un record pour l’ancienne province ; le procès-verbal conservé 146 par les Archives départementales permet de connaître le nombre des citoyens actifs présents dans la chapelle des Cordeliers puisque l’hôtel de ville est trop petit, et celui des votants, qui diminue au fur et à mesure des jours consacrés à cet acte civique, entre le 10 et le 16 février 1790, la proclamation des résultats et le serment de fidélité « à la Nation, à la Loi et au Roi » des membres élus démocratiquement, à la réserve de l’absence des citoyens passifs qui n’ont pas le droit de vote parce qu’ils payent peu d’impôts, voire pas du tout : le négociant Ferrier fils, dont on a constaté l’action politique et généreuse depuis plusieurs mois, est élu maire par 241 suffrages sur 470 ; il n’y a plus le lendemain que 288 électeurs pour 6 officiers municipaux : les négociants Joseph Ricard – 200 -, Jean Fabre – 189 -,Antoine Fabre – 165 -, l’orfèvre Deshons, les négociants Jacques Randon et Prunet – 150 -, mais la parenté entre Ricard et Deshons, beaux-frères, et Jean Fabre et Randon, oncle et neveu par alliance, élimine dans les deux cas le plus jeune ; Prunet démissionnant le lendemain, car il préfère rester capitaine de la 6e compagnie de la garde nationale, il faut donc remplacer 3 officiers et nommer les 2 suivants : sur 264 votants, l’ancien premier consul d’Arnal – 173 -, le bourgeois Ducros de Figaret – 159 -, qui simplifiera sa signature à partir de la fin juin ! l’ancien fabricant Etienne Finiel père – 156 -, le médecin Vassas – 153 -, le négociant François Barral – 136 – sont donc élus, mais Jean Fabre démissionne « à cause de ses infirmités », que le négociant Silvestre remplace – pluralité plus 76/188, soit 180 – ; le négociant Jacques Molines devient procureur de la commune – 130/184 – ; 180 électeurs choisissent les notables : Barthélémy Boudon, négociant – 133 -, Jean Coulerou, marchand tanneur – 121 -, André Montfajon, marchand – 116 -, Louis Lestrade, bourgeois, pénitent blanc, – 115 -,François Cazalet, ménager, franc-maçon – 110 -, Villaret aîné, armurier – 107 -, Pierre Abric, négociant, pénitent blanc – 101 -,Gabriel Bertezene père, négociant – 96 -, Charles Lapierre aîné – 87 -, Pierre Fourcoual, marchand – 76 -, Antoine Blaquière, bourgeois – 67 – l’emportant sur le négociant Louis Cazalet – 67 -, plus jeune que lui… mais ce dernier signera souvent les délibérations municipales ! Le négociant Jacques Randon, qui n’avait pu être officier municipal – 63 -, le négociant Guillaume Mejean aîné – 61 – qui prétexte « ses grandes occupations » pour refuser le mandat, François Maillé cadet, fabricant – 59 -,Barthélémy Libourel fils aîné, fabricant, pénitent blanc – 57 – ; le remplaçant de Mejean est le maître-chirurgien Claude Falguière – 55 – ; Antoine Lauret demeure le greffier de la nouvelle municipalité après avoir été celui de l’ancienne. La diminution du nombre des votants n’est pas une surprise, puisque les assemblées se tenaient matin et soir, et que l’élection était parfois compliquée, en sachant que certains citoyens actifs n’étaient pas alphabétisés… car, pour les huit officiers municipaux, il était exigé de chaque électeur le dépôt d’un bulletin de seize noms, et le dépouillement n’en était pas simplifié. Il n’est pas besoin de souligner que la même classe sociale va continuer à gérer les affaires de Ganges puisqu’à l’exception de trois fabricants, d’ailleurs aisés, ce sont les bourgeois, négociants et marchands qui sont les plus nombreux, avec l’ancien premier consul, un médecin et un chirurgien, la terre n’étant représentée que par un ménager ; il ne semble pas que la religion ait été un facteur déterminant, quand on note le nombre de voix obtenu par ceux qui étaient pénitents, puisqu’on sait que les catholiques ne représentaient que le tiers de la population gangeoise, enfin le privilège de l’âge détermine le choix à trois reprises, mais le fait d’être père ou aîné ajoute bien une information sur ceux qui allaient administrer Ganges durant les premiers mois de la Révolution. On s’était renseigné 147 en avril sur le coût de l’écharpe frangée d’or du maire (48 livres) et de celles plus modestes des officiers municipaux et finalement, le 30, l’achat des 9 écharpes revient à 244 livres,10 sous. Le 25 mai 1790, la municipalité dressait la liste des 535 citoyens actifs, électeurs et éligibles, par ordre alphabétique, ce qui confirme, au moins pour le premier jour de l’élection municipale, le pourcentage de Georges Fournier.

Le registre de délibérations du Conseil général de la commune, à partir du 15 mars 1790, continue d’une certaine façon la gestion du Conseil politique d’Ancien régime, c’est pourquoi on peut y lire le premier jour une liste des dettes de la communauté contractées entre le 5 octobre 1788 et le 5 janvier 1790, et les remboursements qui s’ensuivent, selon la procédure habituelle de vérification par les commissaires du roi : les réparations à la fontaine, à la cure et au cimetière sont classiques, mais les avances pour achats de grains en août 1789, les frais des cinq députés à l’assemblée de la sénéchaussée et les dépenses pour la milice bourgeoise sont liés aux événements et ont été avancés par les Ferrier père et fils, deux Deshons, le bourgeois et le gradué, Ducros Figaret, Mejean, Randon, et le curé Baissié ; les décisions sur le prix du pain en mars, juillet, novembre, de la viande en juillet, les offres pour le four banal en juillet, les garde-messiers chargés de surveiller les chasseurs en août, existent depuis longtemps ; le 12 mai, le Conseil se réjouit de la suppression de la gabelle, mais proclame la nécessité de protéger la vente du tabac contre une contrebande ruineuse pour l’État (Ganges possédait un entrepôt de tabac) ; par une ordonnance de police, il est défendu de chasser les oiseaux, comme la chouette « connue sous le nom de machote, par des filets et autres outils destructeurs », car ils protègent les récoltes de la multitude des insectes qui les dévorent. Le 19 juin, après avoir reçu les lettres de la Commission intermédiaire de la province, le marchand tanneur Coulerou, les négociants Bertezenne et Pierre Abric, le marchand Montfajon et les officiers municipaux Finiel et Ricard sont chargés, compte-tenu de leur expérience, d’établir les rôles des 3 000 livres de capitation et de vingtièmes d’industrie, aux dates habituelles, mais leur zèle les conduit à faire aussi ceux du compoix cabaliste suivant l’ancien usage, alors qu’il n’en était pas question dans le courrier reçu. Le 4 juillet, le greffier obtient 300 livres à cause de l’augmentation de ses tâches : transcription des décrets, délibérations réitérées, listes de citoyens, et 200 livres pour la fourniture de papier timbré, plumes, encre etc., alors que les fonds pour les dépenses extraordinaires ne dépassent pas 150 livres. Il faut cependant attendre le 3 août pour qu’arrive la mande de la taille, à laquelle était toujours associé le compoix cabaliste, de la part de la Commission secondaire qui a désormais succédé à l’ancienne assemblée de l’Assiette du diocèse de Montpellier. Le 31 août, on souhaitera vendre l’ancien hôtel de ville, peu commode et trop petit, pour l’installer dans les casernes, à la place du logement du régent Lallemant, et faire les aménagements nécessaires. Le 26 septembre la nomination d’experts pour vérifier les vignes fixe le début des vendanges au 6 octobre. Le 3 octobre on prend la décision de diminuer le prix de la viande, après avoir pris des renseignements dans les villes voisines.

La mise en place des nouvelles institutions se faisait progressivement à Ganges : le 6 avril étaient élus 148 les députés du canton et ce sont les mêmes que 138 électeurs gangeois envoient le 25 mai à Montpellier pour l’élection de l’assemblée départementale. Le 19 juin, le décompte des électeurs des deux assemblées primaires du premier canton du district de Montpellier en avait fait apparaître 1200 avec un électeur pour 100 citoyens actifs : Ganges en avait 535 et cette première assemblée primaire (ville), réunie dans la chapelle des Cordeliers, avait choisi les négociants Mejean aîné et Prunet, le maire Ferrier fils, l’avocat Randon, les officiers municipaux Ducros de Figaret et Silvestre, et le prieur de Laroque Reboul, auxquels s’ajoutaient 6 autres élus par la seconde assemblée (campagne) du même canton. Quant à Deshons, lui aussi apparemment élu, il sera rejeté le 4 juin comme inéligible après l’examen à Montpellier du procès-verbal du 25 mai. Randon participe 149 après le 4 juin à l’assemblée préliminaire qui élit le directoire du département et qui s’adresse le 16 au Directoire du département du Gard pour lui exprimer sa compassion après les malheurs qui ont frappé Nîmes, ce dernier répond le 18 en se félicitant d’avoir pu continuer les opérations de sa propre constitution, malgré le bruit du canon, et en remerciant l’Hérault de son secours généreux grâce à la garde nationale de Montpellier ; le 20 juin, Randon, ayant obtenu 150 372 voix sur 470, sera choisi à Montpellier comme administrateur du district et, l’année suivante, Molines sera membre de son directoire. Randon qui, apparemment, ne peut rien faire pour les réclamations de Ganges, frustrée de ses espoirs de district et de tribunal, assiste aux séances de la session ordinaire 151 du département entre le3 novembre et le 14 décembre 1790, où est émis le vœu de pouvoir rembourser les dépenses occasionnées par le déplacement des gardes nationales à Nîmes, venant de Montpellier, Lunel, Ganges, Marsillargues, etc.

Les premiers pas à connotation politique de la nouvelle municipalité avaient été évidents dès le 21 mars, d’une manière pittoresque, quand le corps municipal exige non seulement l’agrandissement du banc des quatre consuls à l’église, afin de contenir toute la municipalité, mais aussi l’occupation du premier rang à la place du marquis ; plus gravement, le 10 mai le maire déplore « avec une douleur mêlée d’indignation les troubles dont la ville de Nîmes a failli devenir le théâtre ensanglanté… un faux zèle excité par l’intérêt personnel a pu égarer quelques citoyens ignorants ou trop faciles… », formule des compliments sur la conduite intrépide et civique du brave régiment de Guyenne, servant « également la patrie, la Loi, le Monarque en maintenant la Constitution qui assure le bonheur du peuple et affermit l’autorité légitime d’un roi chéri qui parmi ses plus glorieux titres compte d’abord celui de restaurateur de la liberté », et envoie un extrait de cette délibération à ces officiers et soldats patriotes. Les affaires de Nîmes, sans être à nouveau évoquées le 21 mai, apparaissent en filigrane quand le Conseil demande des armes puisque la Légion d’environ 800 hommes n’en a pas et n’a pu participer à des confédérations de gardes nationales car il lui faut 600 fusils et leur fourniment, et charge Tarteiron et Poujol de se rendre à Montpellier pour les réclamer ; le 20 mai est annoncée la convocation de l’assemblée primaire qui doit désigner les électeurs pour la formation de l’assemblée départementale le 28 ; enfin, le 22, sont nommés les experts pour l’allivrement des biens privilégiés qui remettent leur rapport le 31 juillet pour en permettre l’envoi à la Commission secondaire du département. Le premier juin, une pétition de 70 jeunes gens qui veulent constituer un nouveau corps de légion est rejetée à l’unanimité, cette « innovation » risquant de faire perdre sa tranquillité à la ville, mais la municipalité propose une nouvelle élection des officiers pour que chacun y accède par tour. Alors qu’on sait ce qui se passe à Nîmes, l’indifférence de Montpellier pour une fourniture d’armes conduit le 15 juin à se renseigner sur les fabriques avec lesquelles il faut prendre contact pour acheter 150 fusils avec leurs bayonnettes.

Le 22 juin, il faut préparer la participation aux cérémonies de la Confédération Nationale qui doit se tenir à Paris, d’après les informations reçues de Montpellier, où il faut aussi envoyer une délégation, et on décide de réunir les commandants des gardes nationales du canton ; le 28 juin, la nécessité de pouvoir prendre les armes le 14 juillet conduit à réitérer la demande de 600 fusils, enfin, on reçoit 50 mousquetons le 9 juillet, dont il faut bien se contenter, mais on avait oublié les munitions… auxquelles on pense le soir, lors d’une seconde délibération : un baril de poudre et 3 quintaux de plomb pour faire des balles. Du même jour date la proclamation qui invite les citoyens à prêter le serment fédératif le 14 juillet, comme dans tout le royaume : l’abbé Baissié célèbrera la messe, comme Talleyrand au Champ de Mars le même jour en présence du roi ; selon l’abbé Rouquette qui en fait un récit ironique qu’il faut corriger par la lecture du procès-verbal 152, la cérémonie se déroule au Plan de l’Ormeau où un autel a été élevé à vingt pieds de haut, au-dessus duquel flotte un étendard « où était écrit en gros caractères Vivre libres ou mourir » : il n’y manque ni la troupe nationale, ni la musique, ni les discours, et après le dîner pris dehors tous sexes, âges et classes confondue, on y trinque le soir à la santé du roi et de la nation, avant de se réjouir par des danses et farandoles. Un récit du désordre de Nîmes avait été fait trois jours avant : député à Saint-Hippolyte, Randon y avait appris le départ de sa troupe, et celle de Ganges « pénétrée de cette fraternité qui anime aujourd’hui tous les Français » l’avait rejointe, M. de Boyer étant à la tête de 500 hommes… mais la dépense en « poudre, pain, fromage, etc. » et les frais de route revenant à 1 950 livres, il est décidé de demander à qui de droit la permission de les emprunter. Le 22 juillet, même si on possède la liste des citoyens actifs du 25 mai, il est demandé aux habitants de faire inscrire leurs enfants mineurs de plus de 18 ans – la majorité étant à 25 ans -, pour la garde nationale, ce qui semble répondre à la demande formulée le 1er juin. Les derniers mois de l’année sont marqués par l’inquiétude, la déception et de nouveaux votes : on craint de manquer de grains et le 17 août, la municipalité rappelle l’heureuse initiative de quarante habitants qui, l’année précédente, avaient créé un grenier patriotique, et permis ainsi à leurs concitoyens le maintien de la tranquillité, de la paix et de l’abondance, mais l’inquiétude devant « l’absolue inaction de la fabrique, le manque de travail qu’elle occasionne, les travaux de l’agriculture ralentis s’ils ne sont pas entièrement suspendus, le total épuisement des ressources que trois années d’une affreuse cherté sur tous les objets de premier besoin ont produit, la rareté du travail en tout genre… la nécessité où se trouverait la classe la plus indigente d’acheter les grains de troisième main » oblige la ville à proposer de remplacer elle-même les souscripteurs et de les rembourser dans le délai d’un an, si le Directoire du département l’y autorise. Mais, le 31 octobre, il faut reprendre l’initiative car le magasin patriotique est presque vide, et donc emprunter au moins 20 000 livres pour faire des emplettes de grains, à vendre au prix coûtant, après avis du district et autorisation du directoire du département, qui refuse l’autorisation.

La Bagarre de Nîmes, vue des Cévennes et de Paris

Les événements très graves qui ont frappé Nîmes et ses environs entre les 13 et 17 juin, sous le nom de « Bagarre », ont fait entre 300 et 800 morts, surtout catholiques ; Anne-Marie Duport en a fait volontairement un récit 153 de type journalistique, résumé dans son chapitre de l’Histoire de Nîmes, mais Robert Laurent et Geneviève Gavignaud l’intègrent dans l’histoire de l’ancienne province, alors que François Rouvière en 1887 et le chanoine Albert Durand en 1918 en avaient fait des récits circonstanciés mais polémiques, James N. Hood les insérant en 1977 dans une continuité d’affrontements. L’affaire couvait depuis de longues semaines, puisque les protestants des Hautes et Basses-Cévennes s’étaient émus 154 de la limitation que l’article X de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen apportait à l’exercice de leur culte seulement toléré ; le sud du Vivarais et l’Uzège avaient vécu des journées difficiles en janvier et février, le nom de Jalès étant déjà prononcé bien avant les trois camps de 1790, 1791 et 1792, Le Moniteur 155 publie le 13 avril le seul P.S. d’une lettre de Montpellier – sans date -, « La guerre civile commence dans les Cévennes ; le fanatisme de la religion en est la cause ou le prétexte : les protestants sont attaqués, massacrés ou mis en fuite… » mais cette information avait été démentie par Pistoris, premier consul de Saint-Hippolyte, dont on a vu l’activité à la fin de 1788, qui écrivait le 22 avril « les Cévennes jouissent de la plus grande tranquillité ; les protestants, supérieurs en nombre aux catholiques, ne leur cèdent point en patriotisme… Je suis très catholique… mais je suis assuré que mes compatriotes les protestants m’aiment… nous désirons tous le succès de la révolution, et nous nous réunissons, en camps divers, çà et là à l’envi, pour faire sentinelle et nous prémunir contre ses ennemis, après avoir fait au même Dieu la même prière qu’il nous a enseignée à tous », mais le même jour Lascours, major général de l’armée nationale du district d’Alès était plus nuancé « Les ennemis de la révolution (car il y en a encore) ont cherché, il est vrai, à armer les catholiques contre les protestants, mais ils n’y ont pas réussi. » et prononçant un discours lors d’un rassemblement de gardes nationales à Alès le 18, il y déclarait qu’il ne fallait jamais mêler la religion qu’à « l’union fraternelle qui doit régner entre les citoyens français ». André Peyrat 156 ironise en 1939 sur ces camps, notamment celui de Mandiargues le 13 avril, aux portes de Saint-Hippolyte « Les citoyens ne sont pas encore blasés par ces manifestations qui vont se répéter si souvent qu’elles perdront tout intérêt, même pour les acteurs », rappelant la proposition d’envoyer 30 000 hommes à Nîmes, mais sans raconter la part que prendront les cigalois au rétablissement de l’ordre deux mois plus tard. On découvre la progression de cette tension dans les journaux languedociens, tel le Journal Universel et Affiches de Toulouse et du Languedoc 157 qui publie dès le 21 avril une lettre de l’Aide major général de l’armée de Saint-Hippolyte, dans les Cévennes, qui décrit le 15 avril 1790 la fédération de villes, bourgs et villages, soit 45 communautés, où s’étaient rassemblés devant 20 000 personnes, malgré la pluie, plusieurs centaines de gardes qui se préparaient pour la fédération d’Alès prévue pour le 18.

A Nîmes, lors de l’élection municipale de février, le baron de Marguerittes, dernier premier consul maire, député de la noblesse de la sénéchaussée, obtient 1625 voix contre 1125, et devient donc le premier maire élu, mais la bourgeoisie protestante alors mise en échec crée en avril, à l’image de celui de Montpellier, un club des Amis de la Constitution de 355 membres et constitue des compagnies de la Garde nationale bien équipées grâce à ses riches négociants, mais il s’en était créé d’autres – certaines avec une cocarde ou « pouf » rouge -, composées de « cébets », ouvriers de la soie et travailleurs de terre, certains armés de fourches, excités par une partie du clergé, les chanoines du chapitre cathédral Saint-Castor voués à la suppression comme tous les chapitres cathédraux et collégiaux, et un procureur au sénéchal, François Froment, qui avait rencontré à Turin le comte d’Artois en janvier. Alors que rien n’apparaissait, concernant les affaires religieuses du Languedoc, dans le premier trimestre de l’année 1790, Le Moniteur consacre le reste de l’année de nombreuses pages aux délibérations de l’Assemblée nationale qui s’informe sur les affaires de plusieurs villes où les problèmes religieux créent des conflits, aussi bien entre catholiques et protestants qu’entre patriotes et contre-révolutionnaires, comme le port de la cocarde blanche à Nîmes et à Castres à la place de la cocarde nationale puis, alors qu’elle avait rejeté le 12 avril une motion de l’évêque de Nancy et le 13 avril la motion de dom Gerle qui proposaient de définir la religion catholique comme religion d’État, elle avait élu Rabaut Saint-Etienne à sa présidence le 15 à la grande joie de Sommières 158, et enfin avait reçu des informations parfois contradictoires sur les horreurs commises à Montauban en mai, et à Nîmes entre avril et juillet.

Le Moniteur avait publié le 10 mai des informations nîmoises du 3 mai sur l’affaire des cocardes puis, le 12, différentes lettres du Languedoc datées des 25, 26, 27 et 29avril, contre les assignats, la destruction des chapitres, la dîme, sur des « mouvements tumultueux dans les villes de Toulouse, Alès, Uzès et Nîmes, où les hypocrites ont un peu plus d’influence » que dans les campagnes, une Adresse de Lavaur en faveur de la religion catholique, et une information venant des Cévennes, où une circulaire du grand vicaire d’Alès sollicite les bons catholiques à se joindre à ceux d’Alès et de Nîmes pour défendre la religion en danger, que le journal commente : « Les évêques de Languedoc, qui étaient les maîtres aux États de cette province, perdent beaucoup plus aux réformes des abus que les autres évêques du royaume ; il est tout simple qu’ils se donnent plus de mouvements, mais il est encore plus naturel que ces mouvements n’aient point de succès ». Le 13 mai, Montélimar et Saint-Paul-Trois-Châteaux condamnent la délibération nîmoise, et le journal résume une Adresse du club des Amis de la Constitution de Nîmes datée du 4 et suivie de quatre pages de signatures, à propos de l’attitude de la municipalité « notre ville est en proie aux deux aristocraties politique et religieuse » qui tarde à proclamer la loi martiale.

Lors d’un débat le 11, Charles de Lameth s’appuie sur des délibérations des villes voisines de Nîmes qui dénoncent la municipalité et son chef que le comte de Clermont-Tonnerre défend mollement, mais Martineau fait état de la délibération des catholiques de Nîmes parvenue à Chalons-sur-Saône qui insinue que la religion catholique est menacée d’être anéantie par les décrets, Barnave rappelle l’affiche imprimée qui commence par « l’infâme Assemblée nationale », le vicomte de Noailles insiste sur la nécessité de faire rester le régiment de Guyenne dans la ville, Lachèze voudrait que l’on écoute ceux qui sont pour comme ceux qui sont contre l’accusé, mais un décret conclue finalement à l’obligation pour le baron de Marguerittes de se présenter à la barre de l’Assemblée comme maire et non à la tribune comme député, et à l’envoi des pièces au Comité des Recherches. Le 14 mai on fait lecture à la tribune de deux lettres de Loriol en Dauphiné et de Pézenas, stigmatisant les citoyens catholiques de Nîmes pour leur comportement contre-révolutionnaire ; il en est de même, le 17 mai, de Romans, Rennes et Clermont, alors qu’on commence à avoir des détails sur les événements de Montauban, dont l’analyse est plusieurs fois couplée avec ce que l’on sait de Nîmes dont l’évêque, Mgr. Cortois de Balore, défend contre l’abbé Gouttes, député du clergé de Béziers, l’évêque de Montauban dont un mandement paraît être à l’origine de la tuerie des protestants, solidarité d’évêques ayant vécu ensemble les sessions des États de Languedoc, et intervient une seconde fois, le soir, quand le baron de Marguerittes arrivant du Languedoc veut expliquer la position de sa municipalité. On parle le 19 mai de Montauban et de Castres et le Moniteur du 27 mai contient une condamnation de deux écrits scandaleux des catholiques nîmois et parisiens, des extraits de lettres de Nîmes (13, 14, 15 et 18mai) et d’une lettre de Saint-Claude qui paraît approuver les catholiques nîmois défenseurs du Trône et de l’Autel, jusqu’à un démenti le 30 qui condamnera les factieux nîmois ; Beaucaire, le 13, avait exprimé son sentiment « La municipalité de Nîmes est coupable d’avoir permis une pétition sous un titre autre que celui de citoyens actifs. Il n’ya plus, chez un peuple libre, ni catholiques, ni protestants, ni juifs, il n’y a que des citoyens ». Le rédacteur du journal a cependant quelques doutes sur la véracité des informations reçues, puisqu’il ajoute une note où il annonce qu’il publiera « avec le même empressement les réclamations authentiques que l’on croirait devoir adresser sur ces différents articles ». Le 28 mai, plus de trois colonnes contiennent une délibération de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné, datant du 3 mai et contenant une critique très argumentée de la délibération de l’assemblée illégale de Nîmes et de celle de son conseil municipal du 22 avril qui aurait pu designer les deux catholiques de la ville. Le 31 mai, on apprend que Tarascon s’indigne contre les délibérations des villes de Nîmes, d’Uzès et d’Alès, tandis qu’on décrit les actions conjointes – ou contradictoires – des gardes nationales de Bordeaux et de Toulouse à Montauban.

L’Assemblée nationale, après avoir déjà traité en mai des massacres de protestants à Montauban, entend le 8 juin la lecture d’une lettre de la municipalité nîmoise qui se plaint « des atrocités révoltantes qu’on a vomies sur la ville » ; le 13 juin Régnault de Saint-Jean-d’Angély s’indigne d’une nouvelle adresse des catholiques nîmois, hostiles à la préparation du pacte fédératif de toutes les gardes nationales le 14 juillet, qu’ils dénoncent comme « une déclaration de guerre aux autres classes non armées ». Les députés s’occupent le soir du 15 juin – 4 pages, 7 colonnes du Moniteur du 17 juin -, lors d’un long débat très tendu, des affaires nîmoises, M. de Macaye, député de la noblesse du Labour, résumant en quinze points, non sans interruptions, les incidents qui, depuis les élections municipales et la prolifération de pamphlets, avaient préparé le pire jusqu’au 9 mai, et lisant les deux pétitions des catholiques de Nîmes du 20 avril et du 1er juin, cette dernière se vantant de la position identique de Toulouse, de tout le pays de Comminges, des principales villes d’Alsace, de Châlons-sur-Marne (ce qui suscite les protestations de plusieurs députés des lieux cités), de Montauban, d’Albi, d’Alès, ainsi qu’une pétition d’Uzès du 2 mai. Le soir du 17 juin, une discussion générale sur le projet de décret du Comité des recherches, un an après la constitution de l’Assemblée Nationale, oppose violemment la gauche qui applaudit Alexandre de Lameth contre la droite qui soutient Malouet, car la qualité de citoyen apparaît mise en cause par l’exemple nîmois.

Les journaux parisiens et provinciaux évoquent tous ces événements : il y avait eu une guerre de libelles et de pamphlets, parmi lesquels une Délibération des citoyens catholiques de la ville de Nîmes avait recueilli 3 000 signatures pour exiger la proclamation de la religion catholique comme religion d’État et le rétablissement du pouvoir royal, en dénonçant « l’infâme » Assemblée Nationale ; ainsi s’était préparée l’élimination de patriotes, la plupart protestants, mais elle avait été aussitôt suivie d’un massacre de catholiques plus nombreux encore, à laquelle participèrent des gardes nationaux venus des Cévennes, de la Gardonnenque et de la Vaunage, sans que le « brave » régiment de Guyenne ait été très efficace, et que les milices catholiques des environs aient pu intervenir, jusqu’à ce que l’action décisive de la garde nationale de Montpellier, venue en nombre, mette fin à « la Bagarre ». Le journal toulousain raconte les affrontements nîmois et leurs conséquences les 19 « des scélérats qui voulaient y opérer une contre-révolution » et publiant le 23 juin une lettre de Chaptal au club montpelliérain datée du 17juin : « …les scènes attendrissantes que nous ont données, sur la route, nos bons amis les patriotes des villages que nous avons traversés pour nous rendre à Nîmes… faire une fédération avec le régiment de Guyenne et les milices sans nombre qui sont ici… Il y a ici dix mille paysans, armés de bâtons, de fourches, de tridents, de hâches, de faulx, etc. … les circonstances font horreur… les rues sont couvertes de patrouilles, et on ne craint plus les brigands ; mais on redoute le nombre de gens sans aveu qui se mêlent aux paysans ; on craint le pillage… on fait évacuer peu à peu la ville, et ce matin nous ne sommes pas plus de 6 à 7 000 hommes de milice… » ; le 3 juillet, se publient dans le Moniteur de Nouveaux détails reçus de Nîmes « …tous les environs envoyèrent des troupes, & le soir même le parti patriote grossit de 10 000 hommes ; Montpellier & tous les environs accoururent, de Saint-Hippolyte, Ganges, Le Vigan, on envoya un détachement de chaque village ; Alès & toutes les hautes et basses Sevenes descendirent ; enfin du lundi au mardi il y eut 80 mille patriotes autour de Nîmes ; Marseille, Lyon et tous les Dauphinois offrirent des secours ».

Le 21 juin, lorsque la fin de la Bagarre de Nîmes est connue à Paris, l’avocat uzètien Voulland, sur la base d’informations nouvelles (des courriers ont été envoyés dans les villes voisines pour arrêter les gardes nationales qui venaient au secours de Nîmes) s’en prend violemment au baron de Marguerittes, conduit à avouer le silence de son conseil général qui ne l’a pas informé de ce qui se passait, ce que Voulland commente de façon méprisante « Cela n’est pas extraordinaire ; ils ont tous pris la fuite » et, bien que l’évêque de Nîmes prenne leur défense, les officiers municipaux sont suspendus d’une partie de leurs fonctions confiée désormais à des commissaires du roi responsables des gardes nationales et des troupes réglées. Le Moniteur publie le 24 juin une lettre de Saint-Hippolyte rassurante sur l’évolution de la situation, bien qu’elle fût antérieure à la Bagarre de Nîmes, car le ministre Martin et le curé Cavalier ont échangé des paroles de paix « Les protestants forment la majorité des soldats de la garde nationale… ils ont fait, à la procession de la Fête-Dieu, le service ordinaire des troupes réglées, et se sont conduits avec tout le respect que doit inspirer toute cérémonie religieuse ; les catholiques ont voulu donner aux protestants les mêmes preuves de fraternité. La légion nationale a pris les armes le dimanche 6 juin et, précédée de sa musique, elle s’est rendue, le drapeau déployé, à l’assemblée des protestants ». Une proclamation du corps administratif du département du Gard, datée du 16 juin, alors qu’il vient à peine d’être élu, est publiée le 28 ; dans sa séance du 26, l’Assemblée reçoit de nouvelles pièces qui sont renvoyées à son Comité des recherches, et le 27, après une lettre des officiers municipaux nîmois offrant leur démission, l’évêque de Nîmes, sans prendre parti sur cela, fait un discours sur la misère qui frappe plusieurs familles, de nombreuses manufactures ayant perdu plusieurs négociants qui faisaient travailler leurs ouvriers, et propose pour y remédier une action conjointe de la municipalité, du département et des commissaires du roi avec l’accord de l’abbé Gouttes, qui demande aussi que les dommages soient payés par ceux qui les ont causés, le député Boutidoux voulant que ce soit par « les trois mille deux cents personnes qui ont signé la délibération ».

Déception gangeoise et tensions religieuses

Alors qu’un des souhaits du roi en 1788 et les doléances de la nation en 1789, étaient de « rapprocher la justice des justiciables », Ganges avait espéré trouver dans les nouvelles institutions l’obtention d’un siège de justice royale, mais la ville n’est pas chef-lieu de district et la municipalité développe le 22 août sa réclamation en douze longues pages : son canton de 9 500 âmes devra aller à Montpellier, à 6 lieues (Saint-Bauzille et Agonès), 7 (Ganges, Cazillac, Laroque et Montoulieu), 8 (Brissac et Les Baucels), 9 (Gorniès), « les lieues de Languedoc tierçant celles de Paris, sans compter les difficultés du chemin en pays montueux », l’économie de temps est précieuse pour la main-d’œuvre de la fabrique et deux jours sont nécessaires pour l’aller et le retour, sans parler des faux frais, et des prolongations possibles du séjour à Montpellier. Un juge de paix ne peut suffire là où il faudrait un juge actif, notamment en matière criminelle, et même… un délinquant ne va-t-il pas attendre un plaignant sur le chemin ? Ce serait « une condition pire à celle qu’il avait dans l’ancien régime » (sic), alors qu’elle a bien mérité du nouveau parce qu’elle a « joint à sa contribution patriotique de plus de 50 000 livres l’offrande de ses boucles et bijoux d’argent ». Ne peut-on lui attribuer au moins un siège de justice auquel serait attaché un arrondissement, trois juges et un procureur du roi ? On n’a créé que 4 districts dans l’Hérault, qui avait 5 administrations diocésaines, alors que le rapport dans le Gard est de 3 à 8, dans l’Aude de 4 à 6, dans le Tarn de 3 à 5, dans l’Ardèche et la Lozère de 1 à 7. L’Hérault paye le sixième des impositions de l’ancien Languedoc, Ganges et ses environs y contribuent et ne peuvent dépendre d’une grande ville éloignée, alors qu’elle est chef-lieu de fabrique, puisqu’on y vient de 10 lieues à la ronde ; l’assiette d’un tribunal serait une source de prospérité surtout si on lui donnait la connaissance des affaires de commerce, puisque l’Assemblée nationale a souhaité que les droits de chaque homme soient « fixés selon ses rapports avec la chose publique » et il faut donc qu’à Paris on élabore « un nouveau plan de division du territoire du département »,qui lui donne un chef-lieu de district ou au moins un siège de justice complet, avec attribution des affaires de commerce. C’est pourquoi la ville adresse sa pétition au président de l’Assemblée nationale, avec une copie au Comité de Constitution et aux députés de département. La supplique de Ganges est examinée à Montpellier après le 28 octobre, sans résultat.

On peut se dire que la réunion du premier 159 camp de Jalès en août n’a pas ému Ganges, bien que, le 31 octobre, sa Garde nationale fasse l’objet d’une délibération : dépense de 436 livres pour son corps de garde, son entretien, le bois et les chandelles nécessaires à son confort. Le 7 novembre, le Conseil général convoque les citoyens actifs pour procéder les 14 & 15 à son renouvellement partiel et les officiers et notables étant tous réélus prêtent serment le 17. Le 9, une délibération mûrie depuis plusieurs semaines souhaite le rattachement 160 de Ganges au Gard, puisque les raisons qui avaient motivé l’année précédente sa volonté d’appartenir à l’Hérault n’existent plus, après la déception causée par le refus d’un district et d’un tribunal de première instance, et que la proximité avec le Vigan et Saint-Hippolyte justifient ce changement avec, compte-tenu de sa fabrique, de son commerce et de la réciprocité d’intérêts, un arrondissement étendu à tout son canton qui justifierait probablement la création d’un district ! « Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour se convaincre de l’existence de considérations topographiques qui militent en faveur de notre ville » ; sans doute, ce serait « rompre les antiques et chères habitudes » avec le département de l’Hérault et le district de Montpellier, mais « le salut et l’intérêt du peuple étant aujourd’hui plus que jamais la loi suprême, tout doit céder à cette considération souveraine ». Las…, Laroque le 12 novembre et Brissac le 14 s’étaient opposés 161 à cette demande faite unilatéralement, même si Montoulieu fait le 27 novembre la même demande ; mieux même, l’avocat gangeois Lonjon – autrefois si proche du marquis – exige une copie de la délibération que lui refuse le greffier Lauret, sommé le 22 novembre par huissier de la lui remettre après l’avis du Directoire du département sollicité par Lonjon, car « les registres des délibérations des communautés sont un dépôt public », selon le droit français. Une fois la république proclamée, les Gangeois reviendront à la charge le 2 décembre 1792, d’ailleurs sans plus de succès.

Le 6 décembre, une nouvelle déception attend Gangescar, chef-lieu de canton, réduite à un simple juge de paix 162 alors qu’elle est au centre du canton, elle se voit privée de la seconde assemblée primaire qu’obtient Saint-Bauzille pour un second juge, ce qui motive une nouvelle protestation de sa part et une demande au département de rétracter sa première décision du 24 novembre, mais la réunion a dû être tendue, à en juger par le nombre de ratures du registre. Le 12 décembre, 208 électeurs participent au scrutin 163, en écrivant ou en faisant écrire leur bulletin par le secrétaire de la séance, le régent Lallemant ; ils choisissent le juge de paix et ses quatre assesseurs, qui prêtent serment le 15 devant la municipalité, l’ancien notaire Jean Tarteiron obtient 140 voix, mais ils ne sont plus que 129 pour le choix des assesseurs : si Castel Valmauran (45 voix) est élu le premier, trois : Prunet (38voix), Fabre le jeune (25) et Ferrier père (21) renoncent à leur nomination « à cause de leurs occupations ou infirmités » et sont aussitôt remplacés par les négociants Etienne Vassas et Antoine Ferrier, et l’orfèvre Deshons. Le 13, à Saint-Bauzille, l’élection 164 a été beaucoup plus compliquée en raison de violentes oppositions à l’élection, juridiquement discutable, de l’ancien homme de loi gangeois Chalier (264 voix contre 144 à l’avocat Bruno de Laval, le premier jour) ; il faudra plus de 20 séances pour un résultat : la constitution de deux bureaux de vote à Saint-Bauzille et à Cazillac, et même de bureaux secondaires comme à Laroque, des annotations sur certains bulletins, 150 portant le nom de Chalier écrits d’une même main, la démission d’un président de bureau, le transport des urnes soigneusement cachetées d’un bureau à l’autre, l’intervention de huit commissaires, dont le maire de Ganges Ferrier, pour le dépouillement des scrutins ; on aboutit enfin à la proclamation de Laval le 10 février.

Depuis plusieurs mois, le Clergé, premier ordre de l’Ancien régime, avait été soumis à de profonds changements : l’abandon de nombreux privilèges la nuit du 4 août, la relative liberté de conscience dans l’article X de la Déclaration, ses biens déclarés appartenir à la nation, l’argenterie de ses églises promise à la fonte hormis les objets nécessaires au culte, le débat sur la dîme, le refus de déclarer la religion apostolique et romaine Religion d’État, la suppression des ordres religieux non enseignants, et celle des chapitres… et les disputes des partisans des côtés droit et gauche de l’Assemblée nationale. Les événements sanglants de Montauban et de Nîmes, les provocations là où les uns ou les autres étaient majoritaires, tout cela pouvait peut-être s’expliquer et se pardonner, comme on le voit lors de la Fête de la Fédération, partout dans le royaume, à Nîmes aussi bien qu’à Ganges et Montpellier, mais les débats qui aboutissent au vote de la Constitution civile du Clergé entre le 29 mai et le 12 juillet 1790, son acceptation par le roi le 24 août, le long retard du pape qui ne la condamne qu’au printemps 1791, confirment, dans les parties du royaume où les deux religions paraissent coexister, les oppositions. Le Moniteur avait évoqué une douzaine de fois durant le second semestre les événements du Gard, qu’il s’agisse de lettres reçues du Régiment de Guyenne et de Marseille en juillet, puis d’une Adresse des départements du Gard et de l’Ardèche à la fin juillet, et des débats en septembre à propos du camp de Jalès, 30 000 hommes s’y préparant à saccager Nîmes, avec l’aide de gardes venus du Vivarais, du Comtat et des Côtes du Rhône, et l’appui des émigrés de Turin ; le 9 septembre, le commandant de la place de Nîmes veut récupérer les six canons de la Garde nationale, ce dont Voulland ne veut à aucun prix ; le 17 octobre, après l’échec de Jalès, un nouveau complot qualifié de « croisade » d’aristocrates menaçant les « patriotes appelés protestants » est dénoncé à la tribune, mais le club de Nîmes, accusé le 12 octobre – selon un journal – par le baron de Marguerittes d’avoir demandé la roue pour les officiers municipaux de la ville, rejette cette calomnie par une lettre d’Aubry, son président, qui répond le 18. Le 28 et le 29 octobre, Voulland et Marguerittes s’affrontent à nouveau sur ce sujet. Ces informations reçues à Paris sont alimentées régulièrement par des pamphlets et des adresses 165, que la municipalité et ses partisans, et leurs adversaires de l’administration du département multiplient et font parvenir aussi dans toute l’ancienne province de Languedoc. Enfin, en novembre, les commandants d’Uzès et de Montpellier sont accusés de vouloir le départ du régiment de Bourgogne, capable de défendre les patriotes, et de refuser l’envoi de dragons pour maintenir l’ordre.

Dans ce contexte violent, l’occitan, bien proche du français, trouve sa place et plusieurs ouvrages sont publiés en Languedoc, notamment à Montpellier 166 : 1) Adressa as citouyens ; 2) L’Aristocracia chassada de Mounpèiè, poésie écrite par le libraire Rigaud et lue devant le club montpelliérain le 5 décembre 1790 ; 3) Discours pronounçat dévant la Coumpagné das canouniés de Mounpeyé :

1) Lous énemis de la Patria… fan tout ce que podou per se servi de las braves géns… per aluma la guerra entre naoutres. Qué lou frèra tue lou frèra, l’ami soun ami, aco y’és egal. Fan couri d’escris abouminables per nous excita âou carnage. Aqueles libelles an l’intentioun de nous souleva countrâ l’Assémblada Natiounale… lou Rey… lou sermen soulamnel que le nostre a fach âou camp de la federation… mettre en joc la religioun… (les protestants) soun-t-ipas d’hounestas gens, troublou-t-i la tranquilitat publica ? venou-t-inous enleva nostre ben ? nous fan-t-i quaouqué tor ? se presenta una âoucasioun de secouri lous malurouses la sésissou-t-i pas ? O Citouyens ! visquen toujours dins l’unioun et la councorda… regarden couma nostres amis lous que nous precharan la libertat seloun las leys, la soumissioun, la pés et l’amour de nostres frèras !

2) Savèn qu’à Nîmes, à Gignac / Sé batièn couma dé canaïa ; 3) (malgré le serment, les prêtres) aourien vougut nous divisa entré n’aoutres per myou nous subjuga é prouduiré la contre-révolution… Quan sarié vray que lous Proutestans serien pas ben intentiounnas, pourrien-t-i nous faire dé mâou à nautrés qué sen 24 contre un ! Car défora de cé qu’appelavôun ci-devan la prouvinça d’aôu Languedoc, n’y a pas gés… Supousen doun qué lous Proutestans sé séguessoun maou coumpourtas ailleurs, serié-t-y juste dé s’en préné à lous qu’aven dins nostra villa, tandis que saven que soun de bravas gens ?… rapélas dins vostra mémoira, n’en sés estas temoins, embé quinta decença asisteroun l’annada passada à las proucessiouns de la festa de Diou, l’air respectuous qu’avien… Counsidérén lous couma fréras, sén l’ouvragé daou même Diou…

Si rien ne transparaît à Ganges de ces problèmes jusqu’à la fin de l’année, à part les compliments 167 envoyés le 24juillet par Ferrier au département à propos de sa gestion des biens ecclésiastiques « devenus à présent ceux de la nation », le procureur de la commune Molines prend la parole le 23 décembre pour dénoncer un opuscule 168 : Conversation entre madame Necker et M. Rabaut de Saint-Etienne, ministre de l’Église protestante de Nîmes sur le prochain établissement du protestantisme en France, reçu de Nîmes par la poste, que lui a remis l’ancien consul catholique, mais patriote, Doumaisel « qui n’eut rien de plus pressé que de nous dénoncer cette infâme production, on s’y propose d’alarmer le peuple en lui peignant la religion catholique dans le plus grand danger », cet écrit incendiaire ne tenant pas compte de tout ce que fait l’Assemblée pour elle : un salaire honnête et décent – presque le double des congurues accordées par les prieurs décimateurs -, la prochaine vente des biens nationaux qui profitera à tous, la possibilité pour le « peuple de se choisir des pasteurs selon leur – sic – cœur ». Il est prévu par la C.C.C. que les curés, les évêques et les archevêques seront désormais élus mais, si auparavant le choix pouvait être exercé ici ou là par un collateur non-catholique, le fait que l’élection puisse dépendre d’un corps électoral en partie ou en majorité protestant paraît contestable à des catholiques déjà peut-être hostiles à la Révolution et en inquiète d’autres, ce qui pousse les « malveillants » à diffuser des « écrits incendiaires ». La « vigilance des magistrats » doit se manifester, c’est pourquoi Molines envoie l’information aux Directoires des départements de l’Hérault et du Gard, joignant l’enveloppe qui contenait le pamphlet pour permettre de confondre l’expéditeur par son écriture. L’abolition des titres de noblesse, en juin, n’avait suscité à Ganges aucune réaction particulière, sauf l’étonnante disparition de la qualification de gentilhomme de Castel deValmauran, ou de la particule de Ducros de Figaret ; l’invitation à détruire les créneaux du château 169, en décembre, n’avait pas été suivie d’effet, en raison des bons rapports entretenus entre la municipalité et un marquis discret pour toutes sortes de raisons. Quelques jours plus tard, le 4 janvier 1791, le Conseil manifeste son émotion devant les événements d’Aix, où foule a pendu le 14 décembre 1790 l’ancien Assesseur Pascalis et deux autres contre-révolutionnaires sans que la municipalité ait pu empêcher ces assassinats ; il exprime aussi son admiration pour le régiment de Lyonnais qui a rétabli l’ordre, mais Ferrier fait aussi écrire qu’une « révolution qui n’a pour but que le bonheur des hommes rencontre des ennemis ».

Ainsi se termine cette année 1790, « l’année heureuse » pour certains historiens, dans la continuité du contentement des non-catholiques enfin reconnus au début de l’année 1788 puis en 1789, l’unité exprimée lors des délibérations languedociennes du dernier trimestre 1788, la satisfaction de voir les États généraux se transformer en Assemblée nationale constituante en 1789, enfin l’abolition des privilèges, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la destruction de l’ancienne province de Languedoc et sa division, le début de nouvelles institutions : il est vrai qu’à Ganges, sans qu’il y ait eu toujours unanimité, comme le montrent les résultats des votes, la renonciation à des charges publiques par certains élus sous de vrais ou faux prétextes, une querelle 170 du bourgeois Deshons avec les officiers municipaux, cette année-là s’est bien passée, bien que l’inquiétude pour l’avenir naisse des troubles causés par la Bagarre de Nîmes et de la déception qui conduisait les Gangeois à demander leur rattachement au Gard, tout en étant la preuve d’une évidente compréhension de la dynamique de l’histoire de la nation et d’une nouvelle vision des réalités locales. L’année 1791 posera de vrais problèmes, puisque l’obligation du serment civique déchaînera dès les premiers mois dans la ville et dans ses environs des conflits très durs, qui aboutiront par la suite à une radicalisation des positions des habitants, plusieurs dizaines trouvant dans la création d’un Club affilié à celui de Montpellier leur lieu de sociabilité révolutionnaire et dans le soutien aux curés élus une justification de leur engagement pour le nouveau régime, d’autres dans l’aide apportée au clergé réfractaire un motif supplémentaire de détester et de combattre la Révolution.

NB : Les textes cités ont fait l’objet d’une modernisation de l’orthographe et de la ponctuation, sauf exceptions.

Notes

   1.Robert Sauzet, Les Cévennes catholiques, Histoire d’une fidélité, (XVIe-XXe Siècle), Paris, Perrin, 2002.

   2.Les Buèges, Chronique d’une vallée, Club Histoire et Archéologie, Foyer rural de la vallée de la Buèges, ouvrage collectif, 1997.

   3.Jean Philip, Ganges, vous connaissez ? Sumène, Imprimerie des Cévennes, tome II, 1984.

   4.Madeleine Vitry-Martin, Racontez-moi Ganges, Le Vigan, Clément, 2004.

   5.Abbé Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Paris, Dessaint et Saillant, 6 volumes, à partir de 1762, inachevé. L’article Ganges se trouve dans le tome III, p. 745.

   6.Histoire naturelle de la Province de Languedoc, partie minéralogique et géographique, publiée par ordre des États de cette Province, par M. de Genssane, Montpellier, Rigaud et Pons, 5 volumes, 1775-1779.

   7.Archives départementales de l’Hérault, C 47.

   8.Mémoires sur le Languedoc suivis du traité sur le commerce en Languedoc de l’intendant Ballainvilliers, publiés par Michel Péronnet, Montpellier, Entente Bibliophile, 1989, pp 145-6.

   9.AdH, C 7748, la ville de Ganges, présente par tour à l’assemblée des États de Languedoc, députe en 1776 son premier consul Bonnefous, juge du seigneur, et en 1782 un gentilhomme, officier à la retraite, M. de Boyer de Camprieu.

   10.AdH, C 5474.

   11.Arthur Young, Voyages en France, en 1787, 1788 et 1789, publiés par Henri Sée, Paris, Armand Colin, 1931. Tome I, p. 137, Young est à Ganges le 30 juillet 1787 ; tome II, p. 643 & 652 ; il étudie la soie dans le tome III, p. 964, p. 979, p. 1090, et les châtaigniers, p. 1135.

   12.Statistique du département de l’Hérault, par Mr Hippolyte Creuzé de Lesser, Montpellier, 1824. La fabrique de bas de soie et la tannerie de Ganges y sont traitées pp. 569-572 ; les foires du 14 janvier, 10 août et 11 novembre, p. 467.

   13.Abbé Julien Rouquette, Histoire de la ville de Ganges, 1904, réédition à Nîmes, Lacour, 1995.

   14.Léon Dutil, L’état économique du Languedoc à la fin de l’ancien régime, Paris, Hachette, 1911 : la soie, chapitre III, pp. 445-479, la bonneterie, chapitre IV, pp. 479-490, la tannerie, pp. 528, sq, les bougies, pp. 612, sq.

   15.Raymond Dugrand, « Ganges, étude d’une petite ville sub-cévenole », Bulletin de la Société languedocienne de Géographie, 2e série, XXIV, janvier-juin 1953, pp.7-142. Letexte es trepris partiellement par Jean Philip, une réédition ayant été faite sous le titre Il était une fois Ganges (1850-1950), par Raymond Dugrand et Pascal Coularou, La Plaine des Sens, 2000.

   16.cf. note 3, Philip.

   17.Abbé Marcel Guy, Les églises Saint Pierre de Ganges, Nîmes, 1995
« Les pénitents de Ganges », Etudes héraultaises, n° 28-29, 1997-1998, pp. 246-48.
Les seigneurs de Ganges, II, 1340-1815, Sumène, Imprimerie des Cévennes, 2000.
Les cordeliers de Ganges, Sumène, 2001.
Regards… sur quelques « points » de la vie du pays gangeois, Sumène, 2004.
Ganges, histoire du monastère de Saint Dominique, Sumène, 2005.
Causeries de Rodolphe Martin, faites à Ganges en 1898, 1901, 1903, suivies de quelques documents et notices biographiques, Sumène, 2007 : celles sur le pasteur Gal Pomaret, Fabre d’Olivet, le général baron Soulier et le colonel Renier sont particulièrement intéressantes pour cette période.

   18.Maryse Rocher, Contribution à l’étude démographique de Ganges : 1787-1800, D.E.S. (Louis Dermigny), 1967, introuvable !

   19.Marie-Claude Marquier, Ganges au XVIIIe siècle : étude des fortunes, D.E.S. (Louis Dermigny), 1967.

   20.Omar Kane, Recherches démographiques et sociales sur Ganges au XVIIIe siècle, D.E.S. (Louis Dermigny), 1968.

   21.Jacqueline Leroy, Étude démographique de la commune de Ganges : 1800-1851, Maîtrise (Robert Laurent), 1971.

   22.Françoise Boissy, Une famille à la veille de la Révolution : la famille Bonnafous d’après sa correspondance, Maîtrise (Arlette Jouanna), 1984.

   23.Marie-Paule Labonne, Une famille face à sondéclin : les échanges épistolaires autour du dernier marquis de Ganges (1757-1792), Maîtrise (Arlette Jouanna), 1986.

   24.Patricia Dassonville, Désordres et délinquance à Ganges et dans ses environs d’après les archives de la justice seigneuriale (1750-1789), Maîtrise (Arlette Jouanna), 1986.

   25.AdH, les fonds de Ganges, autrefois classés en EDT 71… ont été reclassés en 111 EDT.

   26.Cette copie a été communiquée par Jean-Claude Richard et l’abbé Marcel Guy.

   27.AdH, 64 J 4, 60 J 5, 60 J 6, 60 J 9.

   28.Pierre Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise, Montpellier, Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2006, 2 tomes.Ganges, p. 906 ; les seigneurs de Ganges, pp. 906-913 & les Vissec, pp. 1939-1940 : Philippe-Maurice de Vissec, marquis de Ganges, baron des États de Languedoc, p. 911 & p. 1939 ; Jean Gal-Pomaret, p. 898 ; Pierre Ducros, p. 728 ; Isaac Tarteiron, p. 1806.

   29.AdH, Lettre du 18 novembre 1788 à l’intendant Ballainvilliers.

   30.ibid., 111 EDT Ganges, ex CC 25.

   31.ibid., L 3551.

   32.ibid., C 5955.

   33.ibid., C 21 : 1788 & C 27 : 1789.

   34.ibid., 11 F 220 : Henri Chalier, Registres paroissiaux protestants, tapuscrit, Cercle généalogique du Languedoc, 1997.

   35.AdH, C 467, 12 registres pour 43 livres 19 sols, selon l’état dressépar le greffier Vidal le 20 février 1790 ibid. 3 E 406 Jean-Pierre Donnadieu, « La réception de l’Édit de 1787 dans la sénéchaussée de Montpellier », Actes des journées d’Études surl’Édit de 1787, 9 & 10 octobre 1987, Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, tome 134, avril-mai-juin 1988, pp. 389-404.

   36.AdH, 64 J 5, papiers Bastide, notes érudites.

   37.Émile du Cailar & Daniel Benoit, Gal-Pomaret, pasteur de Ganges, son temps, son ministère, ses écrits, Paris, Librairie évangélique, 1899. Causerie du 27 II 1901, par Rodolphe Martin, op. cit.

   38.Charles Dardier, Paul Rabaut, ses lettres à divers, 1744-92, Paris, Grassart, 1892, 2 volumes, appendice, n° 306.

   39.La nièce de Necker, qui se soigne à Montpellier pendant desannées, écrit un Éloge historique de Mr. De Périgord, adressé à Madame…, par Mademoiselle D. S. (Judith de Saussure), s. l., anVIII. Elle y décrit un homme tolérant, protecteur des quakers de Congenies, dans le diocèse de Nîmes, et même soucieux d’apprendrela langue d’oc afin de pouvoir parler avec le petit peuple de la province.
Un autre ouvrage authentifie l’auteur : Anecdotes extraites de la volumineuse Histoire de Russie, de Leclerc, par Mademoiselle de Saussure auteur de l’Éloge de M. le Comte de Périgord, Montpellier, Tournel, 1808.

   40.Abbé Joseph Dedieu, Histoire politique des protestants français, Paris, Lacoffe, 1925, 2 volumes.

   41.AdH, C 7 à C 27.

   42.Paris, Bibliothèque de la Société d’Histoire du Protestantisme Français, fonds Coquerel, XLV, 340.

   43.Jean-Pierre Donnadieu « Rabaut Saint-Etienne et la rédaction des cahiers de doléances », in Colloque de Nîmes, Les Rabaut, du Désert à la Révolution, pp. 83-101, Montpellier, Presses du Languedoc, 1988.

   44.Archives Nationales, Ba 4.

   45.Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Jourdan, Isambert, Decruzy,Taillandier ; Paris, Belin-Leprieur, 1822, tome XIV, p. 96, Culte protestant (1576) : Chambre particulière au Parlement de Paris, exercice libre, public et général de la religion réformée, sauf à Paris et là où est la Cour, publication des livres sous surveillance, cimetière particulier, mariages sauf prohibition pour parenté, accès aux collèges et hôpitaux, offices et charges, observation des règles pour les serments, dîmes, fêtes et jours d’abstinence, chambres mi-parties…

   46.Jean-Pierre Donnadieu, États Généraux de 1789, sénéchaussées de Béziers et Montpellier (Procès verbaux et cahiers de doléances), Montpellier, Archives départementales de l’Hérault, 1989 ; Avant-propos du président du Conseil général de l’Hérault Gérard Saumade, Préface du doyen Jacques Godechot, Post-Face du professeur Michel Péronnet.

   47.Pierre Gorlier a publié beaucoup de documents dans les Mémoires et Comptes rendus de la Société scientifique et littéraire d’Alais, 1887, tome XIX, pp.255-7.

   48.Armand Lods, « Rabaut de Saint-Étienne, sa correspondance pendant la Révolution (1789-1793) », La Révolution française, août 1898, tome II, pp. 157-177, lettre V, p. 161-2.

   49.cf. note 40, abbé Dedieu
chanoine Cantaloube, La Réforme en France, vue d’un village cévenol (Saint-Laurent-le-Minier), Paris, Le Cerf, 1951.

   50.Pierre de Boissezon, L’abbé Michel Rieusset, vicaire puis curé de Ganges, chanoine honoraire de Montpellier (1765-1831), notice biographique non publiée.

   51.Discours prononcés dans l’Église de Pénitents Blancs deMontpellier pendant l’Octave de la Pentecôte de cette année 1790; par M. Léger, Professeur de Philosophie au Collège Royal et Chapelain de la Compagnie des Pénitents Blancs (23-30 mai 1790), Montpellier, Picot, s.d., 123 pages : ce sont « quatre discours empreints du plus pur patriotisme, affectés à l’éloge des aspirations contemporaines », selon sa notice par Pierre Clerc, dans le Dictionnaire de Biographie héraultaise, Montpellier, Les Nouvelles Presses du Languedoc, 2006.
Réponse de Pierre-Laurent Léger, prêtre, à l’Auteur anonyme de la Lettre d’un Curé à un Curé, s.l.n.d., 24 pages.

   52.AdH, 111 EDT Ganges, 1 D 1.

   53.ibid., L 2824.

   54.ibid., L 3129.

   55.ibid., L5533 « demander avec instance la faveur de vous appartenir par les liens de la plus intime fraternité ».

   56.ibid., L 3160.

   57.ibid., L 3129.

   58.Jean-Pierre Donnadieu, « 1791, « Pouvoir exécutif » et « Contre-pouvoir exécutif » à Montpellier », Actes du Colloque Les Jacobins du Midi, recueillis par Michel Péronnet, Montpellier, Éditas, 1990,pp. 137-67.

   59.Robert Laurent & Geneviève Gavignaud, La Révolution française dans le Languedoc méditerranéen, Toulouse, Privat, 1987.

   60.AdH, L 3917.

   61.AdH, 4 M 898.

   62.Guy Laurans, Contribution à l’étude sociologique des Confréries de Pénitents en bas-Languedoc, thèse de 3e cycle, Université Paul Valéry, Montpellier III, 1973.
Les confréries provençales ont été étudiées en profondeur par Maurice Agulhon, Michel Vovelle et Marie-Thérèse Froeschlé-Chopart, mais elles ne sont pas en contact et conflit avec les réformés comme en Languedoc.
Abbé XavierAzéma, « Les confréries du diocèse de Montpellier », Colloque Les confréries, l’Église et la cité, sous la direction de M.-H.Froeschlé-Chpart, E.H.E.S.S., 1985, Grenoble, 1988, pp. 221-222.

   63.Robert Sauzet, Contre-Réforme et Réforme catholique en Bas-Languedoc, le diocèse de Nîmes au XVIIe siècle, Publications de la Sorbonne, Paris IV, Paris & Louvain, 1979.

   64.Bibliothèque Nationale, Fonds maçonnique, FM 2 236 I.
AdH, 4 M 896 : loges maçonniques de Montpellier où se trouvele nom de Tarteiron, avocat à Ganges.

   65.Abbé René André, Un Gangeois méconnu, Fabre d’Olivet (1767-1825), Nîmes, Lacour, 1986.
J. Pinasseau, « Lettres et documents inédits pour servir à une biographie de A. Fabre d’Olivet », Extrait du Bulletin de l’Histoire du Protestantisme Français, n°3, juillet-septembre 1931, 32 pages.
Mes Souvenirs, Fabre d’Olivet, 1767-1825, Introduction et Notespar G. Tappa & Cl. Boumendil, Nice, Bélisaire, 1977.
Les titres des pièces révolutionnaires de Fabre d’Olivet sont exactement publiés dans Recherches nouvelles sur quelques écrivains des Lumières, III, publiées sous la direction de Jacques Proust, Montpellier, Université Paul Valéry, Centre d’Étude du XVIIIe siècle, 1979, Le théâtre républicain de la bibliothèque de Lunel, par Claudette Fortuny : notices n°16, p.183, n° 30, p.186 & n° 207, p. 224.
Georg Kremnitz, « Fabre d’Olivet reconsidéré », Lengas, La question linguistique au Sud au moment de la Révolution française, II, n°18, 1985, pp.409-21

   66.« Fabre d’Olivet, Força d’amour (1787, texte établi et présentépar Christian Anatole) », Revue des langues Romanes, LXXIX, 1970, pp. 325-80.

   67.Le Mercure de France, 4 mars 1780, à propos de la réédition par Lacurne de Saint-Palaye et l’abbé Millot de textes de troubadours ; un numéro de 1781 commente avec admiration la parution des Quatro Sesous, ou Georgiquos patoisos de l’abbé rouergat Claude Peyrot, mais dans une « langue inintelligible à nos lecteurs » ; l’abbé Soulavie, vivarois, publie le 5 juillet 1788 dans ce journal des Observations sur le dépérissement de la Langue Méridionale, & sur les moyens de la conserver par des Traductions.

   68.Dix siècles d’usages et d’images de l’occitan, des troubadours à l’internet, ouvrage coordonné par Henri Boyer et Philipppe Gardy, préface de Robert Lafont, Paris, L’Harmattan, 2001 ; plusieurs chapitres permettent de se faire une idée de la place de l’occitan dans la vie quotidienne et la littérature aux XVIIIe et XIXe siècles

   69.Dictionnaire languedocien-françois, ou choix des mots languedociens les plus difficiles à rendre en françois, contenant un recueil des principales fautes que commettent dans la diction, & dansla prononciation françoise, les habitants des provinces méridionales du royaume, connus à Paris sous le nom de gascons, avec un petit traité de prononciation et de prosodie languedocienne, ouvrage enrichi dans quelques uns de ses articles de notes historiques et grammaticales, et d’observations de physique et d’histoire naturelle,par M. l’abbé de S., Nîmes, chez Michel Gaude, Libraire, 1756.
Ouvrage où l’on donne avec l’explication de bien des termes de la Langue Romance, ou de l’ancien Languedocien, celle de beaucoup de noms propres, autrefois noms communs de l’ancien langage, et qui est enrichi dans plusieurs de ses articles, de Remarques critiques…, Nouvelle édition, corrigée d’un grand nombre de fautes, augmentée d’environ dix mille articles, & en particulier d’une nombreuse collection de proverbes languedociens et provençaux, par Mr. L.D.S., Nîmes, Gaude, 1785

Marcel Barral, Les deux frères Boissier de Sauvages d’Alès, François, le médecin (1706-1767), Pierre-Augustin, l’abbé (1710-1795), Entente bibliophile de Montpellier, 1997.

   70.AdH, C 7648, séance du 21 février 1789 : L’archevêque deNarbonne Dillon présente la dédicace en quelques mots : « Quel’auteur, né dans cette heureuse contrée paraît n’avoir en vue danscet ouvrage que d’exprimer le tendre souvenir des lieux qui l’ont vunaître et la douce impression qu’il conserve des premiers soins qu’on a donnés à son enfance. Qu’il y a joint des notes où l’érudition s’est réunie au sentiment pour rassembler tous les faits historiques propres à relever l’honneur et la gloire du Languedoc. Que l’épître dédicatoire aux États est peut-être l’éloge le plus intéressant qu’on ait fait de leur administration ».

   71.Marcel Barral a publié à partir de 1948 une dizaine de livres etd’articles sur l’abbé Fabre, dont le Dictionnaire de Biographie héraultaise de Pierre Clerc donne une liste exhaustive. Sa thèse lui est consacrée : J.-B. Favre, sa vie, son oeuvre. Essai sur le burlesquedans la littérature occitane, Montpellier, 1968.
Xavier Azéma & Jean Rouquette (Joan Larzac), « Hommage à l’abbé Fabre », Les cahiers Saint-Guilhèm, Montpellier, Centre théologique interdiocésain, 1983.

   72.Henri Boyer, Georges Fournier, Philippe Gardy, PhilippeMartel, René Merle, François Pic, Le texte occitan de la période révolutionnaire, 1788-1800, Inventaire, approches, lectures, Montpellier, Section française de l’Association internationale d’Études occitanes, 1989.
Jean-Pierre Donnadieu, « Montpellier : l’occitan en Révolution, textes révolutionnaires montpelliérains en occitan », Actes du Colloque La Révolution vécue par la province, Mentalités et expressionspopulaires en Occitanie, Puylaurens (1989) Béziers, C.I.D.O., 1990, pp. 163-74.

   73.AdH, C 2396.

   74.ibid., 1 E 1552.

   75.Madeleine Vitry-Martin, Racontez-moi Ganges, Le Vigan, Clément, 2004. Une carte postale montre une façade très dégradée, malgré la qualité des hauts-reliefs qui portent les armoiries de la famille de Ganges. Le château a été démoli en 1906.

   76.AdH, 111 EDT Ganges, registre 1D1.

   77.ibid., C 8059.

   78.ibid., L 1523.

   79.ibid., L 3538.

   80.ibid., 111 EDT Ganges, CC 18.

   81.ibid., 111 EDT Ganges, CC 24.

   82.ibid., 111 EDT Ganges, CC 16.

   83.ibid., L 1636.

   84.Maurice Gallix, La vente des Biens nationaux pendant la Révolution dans les Districts de Montpellier et de Lodève, Montpellier, Le Paysan du Midi, 1951, Thèse de droit, Montpellier,1948, pp.70-71.

   85.AdH, 111 EDT Ganges, 1 D 1.

   86.ibid., 111 EDT Ganges, CC 18.

   87.ibid., L 3479.

   88.ibid., 111 EDT Ganges, 535.

   89.ibid., 111 EDT Ganges, 468.

   90.ibid., L 3214.

   91.ibid., L 3537.

   92.ibid., L 3551.

   93.ibid., 1 E 541.

   94.ibid., C 2295, C 5621, C 5806, C 5807 & C 5808.

   95.Henri Michel, Grands Notables du premier Empire (Hérault), sous la direction de Louis Bergeron et de Guy Chaussinand-Nogaret, Paris, C.N.R.S., 1980, p.100.

   96.AdH, L 3479.

   97.La « Contribution patriotique », Étude dans le département de l’Hérault d’un impôt extraordinaire sur le revenu sous la Révolution (1789-1795) d’après des documents inédits, Thèse pour le Doctorat ès Sciences politiques et économiques, par Pierre-Ed. Hugues, Montpellier, Firmin et Montane, 1918.

   98.Collection des Décrets de l’Assemblée Nationale Constituante, rédigée, suivant l’ordre des matières, par M. ARNOULT, membre de cette Assemblée, Dijon, Causse, 1792, tome IV, p.172 : « Il se trouve une grande différence entre cette base – les loyers d’habitation – et la capitation : la tête du citoyen n’indique aucun revenu imposable ; l’habitation est, au contraire, relative aux facultés ; elle indique lesrevenus et peut, conséquemment, servir de base à la conribution. »

   99.La municipalité et le musée de Saint-Jean-du-Gard conservent un épais dossier – communiqué par Didier Poton – contenant les archives de Beaux de Maguielles, saint-jeannais, avocat, qui avait alors rédigé un « Mémoire pour faire connaître les difficultés insurmontables queles communautés des Sevenes éprouvent dans l’exécution de l’arrêt du parlement de Toulouse du 23 novembre 1767, qui porte que nul ne pourra faire les fonctions de consul ou de conseiller de ville sans avoir prêté serment et rapporté un certificat de catholicité », manuscritde 45 pages.

   100.AdH, C 475.

   101.Jean-Pierre Donnadieu, « Cours souveraines et États de Languedoc, 1787-1789 », Actes du colloque international : les Parlements de province, pouvoirs, justice et société du XVe au XVIIIe siècle, Toulouse (1994), Toulouse, Framespa, 1996, pp. 555-575.

   102.id., « Les Eclaircissements de Charles-Marie de Barbeyrac, marquis de Saint-Maurice, député de la Noblesse de Montpellieraux États-Généraux de 1789 », Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 9e série, vol.1, 1996-1997, pp. 57-70.

   103.A.N., Ba 55 : « Supplique des maire et consuls de Montpellier »,aux Commissaires du roi aux États, après les assemblées du Conseil politique de la ville, les 13 & 15 janvier 1789, demandant la transcription dans le registre du roi des protestations signifiées aux syndics généraux de la Province, que Ballainvillliers fait parvenir le 21 au ministère, qui la reçoit le 28.
ibid., H 748 134, pièce 22 : Note des actes et protestations signifiées à MM. les Syndics généraux de la province de Languedocet au greffe des États, 26 actes entre le 17 janvier et le 14 février 1789.
AdH, 2 E 61/109, notaire Devès, à Montpellier, minutier, le 19février 1789, enregistrement de 38 actes de protestations & A.N.,H 748 134, pièce 24, id. ; Arch. com. Sommières, ii 47, id. : Protestations, faites par Messieurs Gounon de Loubens & Merle, capitouls, députés de la ville de Toulouse ; de Massilian, maire,député de la ville de Montpellier ; le baron de Marguerittes & Julien, avocat, députés de la ville de Nîmes ; Rey, député de la ville de Béziers ; et Chambon, maire, & Voulland, avocat, députés de la ville d’Uzès ; signifiées aux membres composant les États deLanguedoc, assemblés à Montpellier, l’année 1789, s.l., n.d., 8 pages.

   104.Michel Péronnet, « Un exemple d’opposition légale : la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier en 1788 », Parliaments, Estates and Representation, 10, n°1, june 1990, pp.59-71.

   105.Archives communales de Sommières, ii 47, Délibérations de dix-huit communautés des Cevennes, concernant la Convocation des prochains États-généraux / « Délibérations de plusieurs communautésdes Cevennes, mises par ordre de dates » : le 11, St-Jean-de-Gardonnenque, Mialet, Peyroles, le 13, Ste-Croix-de-Caderles, Lasalle, Vabres, St-Bonnet, Soudorgues, Colognac, St-Roman-de-Codieres, le 14, St-André-de-Valborgne, Saumane, St-Martin-de-Corconac, Thoiras, Corbès, Sumène, le 15, St-Etienne-de-Roqueservière-de-Valfrancesque et la ville, baronnie et communauté d’Anduze, chef de Viguerie, le 19, réunion à laquelle assistent des députés d’autres lieux de la Viguerie qui n’étaient pas présents à St-Jean-du-Gard : Saumane, Générargues, St-Sébastien, Boisset, Bagard, Gaujac, Tornac, Massillargues & Atuech, Nîmes, Pierre Beaumes, 1788, 20 pages. Ce texte imprimé se trouve aussi dans les archives de Beaucaire, Limoux, Agde, Pézenas, &.
Les manuscrits des autres délibérations se trouvent aux Archives Nationales, dans les liasses Ba 55 (Sénéchaussée de Montpellier) et Ba 58 (S. de Nîmes)

   106.Ad Lozère, 3 E 3489, minutier du notaire Delapierre : 190 signatures de membres du clergé, de la noblesse et du tiers – bourgeois, principaux contribuables, négociants, ménagers, et artisans de divers métiers – de Florac, Vebron, Saint Julien d’Arpaon, Barre, Saint Laurent de Treves, La Salle Montvaillant, Fraissinet de Fourque, Molezon.

   107.Didier Poton, « Justin Beaux de Maguielles (1740-1793) », Causses et Cévennes, 94e année, n°1, Les Cévennes et la Révolutionfrançaise, 1989, pp. 260-263.
ibid., pp. 264-268 : Jean-Pierre Donnadieu, « Vœu du Tiers État et réclamations du pays des Cévennes sur son admission et ses doléances aux Etats-Généraux, en conséquence des délibérations unanimes prises par vingt-cinq communautés, par Monsieur B… de M… avocat au Parlement de Languedoc, membre de diverses Académies, à Paris, et se trouve à Nîmes chez les Librairies associées, 1788 », 51 pages.
Beaux de Maguielles a écrit plusieurs ouvrages sous l’appellation d’Agriculteur cévenol depuis les années 1770 sur la taille et un Tableau des Cévennes, précédé d’une courte exposition de quatre projets présentés successivement pour la réformation du tarif provincial etdes tarifs diocésains, & d’une réfutation succincte du dernier, avec quelques observations relatives à l’intérêt de la Province & du diocèse d’Alais, Nîmes, Pierre Beaume, 1776. Il sera signataire de la délibération de sa ville le 11 novembre, présent à l’assemblée des Trois Ordres du diocèse d’Alès en janvier, auteur d’une lettre à Necker, en mars 1789, lui envoyant (A.N., H 942 2) une « Proposition d’une motion importante à faire aux états-généraux » dans laquelle il souhaite l’érection d’une statue de Louis XVI à Paris et suggérant l’inscription à faire sur son piédestal : Louis le bienfaisant – idée exprimée à Alès en janvier – fut le restaurateur de la monarchie française ; rédacteur du cahier de doléances de sa ville, député à l’assemblée de la Sénéchaussée de Nîmes et un des rédacteurs du cahier de doléances du Tiers, dont il rédige l’article 24 du chapitre V, de l’Agriculture. Juge au Tribunal de Sommières, il est exécuté à Nîmes en 1793 sous l’accusation de fédéralisme. Son gendre, le pasteur Jacques Molines, a été un des successeurs de Gal-Pomaret àGanges.

   108.Archives communales de Montpellier, BB 274, Registre des commissaires nommés par le Conseil de ville, 15 novembre : « 1) Que la Sénéchaussée, gouvernement et ville de Montpellier soient maintenus dans la possession de députer aux États Généraux ainsi que par le passé… » 6), pour être électeur et éligible, il fallait être inscrit dans le taillable, ce qui, évidemment excluait ceux qui n’y payaient pas la taille, habitant la ville ou les autres communautés des environs.
ibid., 19 novembre ; AdH, 1 E 31, Délibération de la ville de Montpellier, Montpellier, Picot, 1788, 7 pages, envoyée àVersailles.Dans des termes pratiquement identiques à ceux de la délibération du 15, le Conseil politique et renforcé élargissait aux seuls taillables du diocèse la possibilité d’élire et de députer sous de nouvelles formes agréées par le roi.

   109.Archives Nationales, Ba 55, avec une longue lettre de l’intendant Ballainvilliers.
AdH, 8 F 150.

   110.A.N., Ba 55, manuscrit, avec une copie des signatures.AdH, 64 J 4, papiers de Léopold Bastide, secrétaire de la mairie de Ganges à la fin du XIXème siècle : « Préface, Nous commençons aujourd’hui la publication des archives de la commune de Ganges relatives à la période révolutionnaire… ». L’abbé Marcel Guy nous acommuniqué la photocopie du seul exemplaire qui reste de cette publication, Documents relatifs à la période révolutionnaire tirés des Archives de la commune de Ganges, 1789 à 179…, n°1, Le Vigan, Société anonyme de l’ImprimerieViganaise, 1889 : l’Adresse de la ville de Ganges à Louis XVI y est reproduite, pp. 1-4.

   111.Montpellier, Médiathèque Émile Zola, Procès-verbal de l’Assemblée générale des Trois-Ordres du Diocèse de Montpellier, tenue le 9 janvier 1789, à Montpellier, De l’Imprimerie de Jean-François Picot, seul Imprimeur du Roi & des trois Ordres du Diocèse de Montpellier, 1789, 32 pages.

   112.Ad Gard, archives communales de Saint-Hippolyte, BB 29.

   113.Jean-Pierre Donnadieu, « Municipalités et élections aux États généraux (sénéchaussée de Montpellier) », Actes du Colloque, Municipalités et Révolution dans l’Hérault, 1989, Études sur l’Hérault, nouvelle série, 5, 1989, pp.25-32.

   114.Edme Bligny-Bondurand, Cahiers de doléances de la sénéchaussée de Nîmes pour les États Généraux de 1789, Nimes, Chastanier, 1908 & 1909, 2 volumes, Collection de documents inédits sur l’Histoire économique de la Révolution Française, département du Gard.
Alain Rouquette, Les cahiers de doléances du Tiers État de la sénéchaussée de Nîmes pour les États généraux de 1789, Nîmes, Lacour & Conseil général du Gard, 1989.

   115.Bernard Moreau, Voter en 1789, l’exemple de la sénéchaussée de Nîmes, préface de Philippe Séguin, Edisud, 1995.
François Rouvière, Quatrefages de la Roquette, constituant du Gard (Etude biographique pour servir à l’histoire de la Révolution française), Paris, Charavay, 1887.
Pierre Gorlier, Le Vigan à travers les siècles, Histoire d’une cité languedocienne, préface d’André Chamson, Montpellier, Reschli, 170. La correspondance du constituant avec le général d’Albignac permettra de voir quelle fut la participation de la garde nationale du Vigan à la répression des contre-révolutionnaires nîmois.

   116.cf. note 44, Donnadieu : les cahiers de doléances des troisOrdres s’y trouvent intégralement reproduits.

   117.AdH, C 8798 : le 11 avril, le marquis de Saint-Maurice chargeson frère des pouvoirs nécessaires pour accepter sa nomination, afin de « bien fidèlement remplir tous les devoirs attachés à sa députation,renoncer à tout esprit de prévention, de partialité, de préjugés, et de corps, dépouiller tout intérêt particulier pour ne s’occuper que des intérêts généraux et généralement user de tous les pouvoirs qui luiont été ou seraient donnés pour les États généraux, avec l’intégrité,le zèle et le dévouement que doit attendre de lui la Noblesse deMontpellier. ».

   118.Cf. note 46, Donnadieu.

   119.AdH, C 5439.

   120.ibid., C 6692.

   121.ibid., C 2925, cette liasse, ainsi que le livre de l’abbé Rouquette,a été une des bases du premier chapitre ( Régime de liberté économique) de la thèse pour le doctorat de Sciences politiques et écono-miques de C. Domenge-Dusfour : Les subsistances dans le District de Montpellier, de 1788 à l’an V, Montpellier, Imprimerie de la Charité, 1924.
Henri Bourderon, « La lutte contre la vie chère dans la généralitéde Languedoc au XVIIIème siècle », Annales du Midi, 1954, pp. 155-170 : Les « fermentations, comme dit Ballainvilliers, sont manifestes dès mars ; le 29, une première émeute éclate à Villeneuve-les-Avignon. Dès lors, jusqu’au mois de novembre, plus de 40 émeutes éclatent dans toutes les parties de la Généralité ; pas un diocèse qui n’ait été le théâtre de mouvements d’ampleur variable : au total, la lutte pour le pain est menée sous toutes ses formes dans plus de 80 localités. »
Guy Lemarchand, « Troubles populaires et conscience de classe : une préface à la Révolution française », Bulletin d’Histoire de la Révolution française, années 1986-1989, C.T.H.S., 1990, pp. 96-108 : « En Languedoc, malgré la présence de populations protestantes à côté des catholiques, sur 103 manifestations de 1740 à 1789, il n’y a qu’un incident religieux, en 1752 ; par ailleurs, quoiqu’en disent les autorités à propos des huguenots rebelles, il n’apparaît pas de différence nette pour le nombre des émotions entre zone protestanteet zone catholique ».

   122.AdH, C 5437.

   123.ibid., C 2869, des tableaux du diocèse de Montpellier, faits à la demande de l’intendant, indiquent pour Ganges les dommages causésà des biens soumis à la taille : 10 456 £., 16 s., 8 d., l’indemnisation ne devant pas dépasser 4 590 £.

   124.Monique Cubells, Les horizons de la liberté, Naissance de laRévolution en Provence, 1787-1789, Marseille, Edisud, 1987 : trois chapitres sont consacrés aux émeutes, aux émeutiers et à la répression.

   125.AdH, C 2943 & 2944.

   126.ibid., 64 J 9, fonds Caizergue (papiers réunis par Léopold Bastide) et les Documents qu’il a publiés.

   127.Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789, suivi de Les Foules Révolutionnaires, Paris, Armand Colin, 1988.
Robert Laurent et Geneviève Gavignaud cartographient et commentent le courant languedocien et cévenol : cf. note 55.

   128.Archives communales de Sauve, BB 12.

   129.Ad Gard, archives communales de Saint-Hippolyte, BB 29André Peyrat, Histoire de Saint-Hippolyte-du-Fort, Nîmes, Lacour, 1990, réédition.

   130.Histoire de Nîmes, chapitre La Révolution et l’Empire, par Anne-Marie Duport, Aix-en-Provence, Edisud, 1982.

   131.AdH, 64 J 5, papiers Bastide, transcription de la délibération du 24 septembre « Par M. Doumaisel, second consul, a été dit qu’à l’exemple de la ville de Montpellier la ville de Ganges a formé une milice bourgeoise pour veiller à la sûreté des habitants, ce qui a nécessité une dépense considérable… Que l’épouvante qui fut portée dans cette ville le 31 août dernier obligea la commune à faire une distribution en poudre et plomb à toutes les personnes parties de bonne volonté pour aller au-devant de l’ennemi… les communautés voisines en furent pourvues… Qu’à cette occasion il fut expédié plusieurs exprès à Montpellier, Nîmes, Alès, Anduze, Saint-Hippolyte, Le Vigan, Sumène, Brissac, et autres endroits… emprunter 1 500 livres… »

   132.ibid., 64 J 9.

   133.Jean-Pierre Donnadieu, « 1789 : Motions et Adresses, le Languedoc écrit à Paris », Actes du Congrès Mondial pour le Bicentenaire de la Révolution Française, L’Image de la Révolution Française, sous la direction de Michel Vovelle, Paris, Oxford, NewYork, Pékin, Francfort, Sydney, Tokio, Pergamon Press, volume I,pp. 26-32.

   134.Archives Nationales, D IV bis, Comité de Constitution.

   135.ibid., C II 43, pièce 69 ter.

   136.AdH, 1 E 31.

   137.Arch. com. Sommières, ii 58.

   138.ArchivesParlementaires, recueil complet des débats législatifs et politique des chambres françaises, Ière série, 1789 à 1799, J. Mavidalet E. Laurent, Paris, Librairie administrative Paul Dupont, 867, sq. : les tomes IX & X citent un certain nombre d’Adresses parvenues à l’Assemblée Nationale entre septembre 1789 et janvier 1790 ;Ganges y est mentionnée le 24 septembre, mais Uzès, Alès, Saint-Hippolyte, Anduze, la Confédération des Hautes et Basses-Cévennes, la viguerie d’Anduze, Le Vigan, Lasalle, Saint-André-de-Valborgne, Pompignan, Vezenobres, lui écrivent aussi, une ou plusieurs fois jusqu’à la mi-janvier, dans un élan patriotique qui n’est pas sans rappeler les séries de délibérations des mois précédantles élections aux Etats Généraux. On y fait état d’une lettre de félicitations, remerciements et adhésion de tous les habitants de la ville de Ganges, en Languedoc, avec adhésion de 11 communautés, ainsi qu’une demnde de district.
Le Moniteur, à la même date, signale qu’on a fait lecture d’adresses de quelques villes de Languedoc, certaines demandant un siège de justice royale.

   139.AdH, L 1126.
Cette délibération est reprise dans La naissance de l’Hérault, Axone, 1989 : publication de textes par les Universités du Tiers-temps de Béziers et de Montpellier, des Archives départementales de l’Hérault et du professeur Michel Péronnet, le Comité départemental pour la commémoration du Bicentenaire dirigé par Daniel Bedos, le Conseil Général étant présidé par Gérard Saumade.

   140.Archives Nationales, D IV bis : « La communauté de Ganges a cru devoir appuyer auprès de l’Assemblée Nationale une pétition déjà faite par le commerce de cette ville… »

   141.Marie-Vic Ozouf-Marignier, La formation des départements, La représentation du territoire français à la fin du XVIIIème siècle, Paris, E.H.E.S.S., 1989.

   142.cf. note 132, A.N., D IV bis.

   143.AdH, C 13121, Procès-verbaux des Assiettes du diocèse de Montpellier, de 1786 à 1789 ; l’absence du marquis de Ganges à la dernière réunion étant expliquée par l’existence d’une procuration « n’étant pas sujette à surannation, lue dans la précédente Assiette, déposée au greffe », ce qui dispense de la relire.

   144.Charles Rouvière, La formation du département de l’Hérault, thèse de la Faculté de droit de l’Université de Montpellier, Montpellier, Firmin & Montane, 1917.

   145.Georges Fournier, Démocratie et vie municipale en Languedoc du milieu du XVIIIe au début du XIXe siècle, Mémoires des pays d’Oc,Toulouse, Association des Amis des Archives de la Haute-Garonne,1994, 2 volumes (Thèse).

   146.AdH, L 703.

   147.ibid., 111 EDT 367, Ganges.

   148.ibid., L 797 (6 avril 1790) & L 712 (25 mai 1790).

   149.Mediathèque Émile Zola, Montpellier, cote 11962, Montpellier, Picot, 1790, 36 pages.

   150.AdH, L 798.

   151.Procès-verbaux de l’Assemblée administrative du département de l’Hérault pendant la Révolution (1790-1793), publiés d’après les manuscrits inédits, à l’occasion du centenaire de 1789, tome I, Montpellier, Boehm, 1889.

   152.ibid., 111 EDT 481, Ganges.

   153.Anne-Marie Duport, Journées révolutionnaires à Nîmes, Nîmes, Editions Jacqueline Chambon, 1988 & note 123.
cf. note 59, Robert Laurent et Genviève Gavignaud.
François Rouvière, Histoire de la Révolution française dans le département du Gard, Nîmes, Catalan, 1887, tome I.
Chanoine Albert Durand, Histoire religieuse du département duGard pendant la Révolution française, Nîmes, 1918, tome I.
James N. Hood « Permanence des conflits traditionnels sous la Révolution : L’exemple du Gard », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, XXIV, octobre-décembre 1977, pp. 602-640.

   154.cf. note 45, Pierre Gorlier.

   155.Gazette Nationale ou Le Moniteur universel, Réimpression, Paris, Plon, 1860, tome IV.

   156.cf. note 129, arch. com. Saint-Hippolyte.

   157.Bibliothèque municipale de Toulouse, B XVIII 130, Journal universel et Affiches de Toulouse et du Languedoc, n° 16, du 21 avril 1790.
AdH, 4 MI 27 (R4), le Journal de la Généralité de Montpellier, dans son numéro du 21 avril, parle d’une « guerre des Cévennes »
Jeanne Chevalier Lavaure, Les journaux de Nîmes à la fin de l’Ancien Régime, Avignon, Aubanel, 1980, à propos du journaliste Boyer-Brun « Le directeur se lance avec fougue dans les luttes politiques. En février 1790, il devient substitut du procureur de lanouvelle municipalité. Bientôt des troubles éclatent, compromettant la municipalité impuissante : cocardes blanches et cocardes tricolores s’affrontent dans les rues de Nîmes. Le journal vole au secours du maire, avec un vibrant article signé par l’imprimeur Castor Belle. Enfin, c’est le drame avec la tragique « bagarrre » de Nîmes au débutde juin ».

   158.Archives communales de Sommières, registre BB37, délibération du 24 mars 1790

   159.Michel Péronnet, « Les camps de Jalès. Révolution et Contre-Révolution sous le règne de Louis XVI (1789-1792) », Actes du Colloque Les pratiques politiques en province à l’époque de la Révolution française, septembre1987, Montpellier, Université PaulValéry, 1988, pp. 323-343.
La Jalesada, poème occitan sur un épisode de la Révolution française en Uzège, traduit et présenté par Alain Paul, Nîmes & Barjac, 1989. Bien que ce texte ait une origine discutée, et soit intéressant sur le plan linguistique, il se rapporte plus précisément au deuxième camp de Jalès en février 1791, Ganges participant à sa répression ; le premier camp en août 1790 et le troisième en juillet 1792 ont été étudiés par des historiens, dont Alain Paul établit la bibliographie.

   160.cf. note 131, Donnadieu, & AdH, 111 EDT 363 Ganges.

   161.cf. note 139, La naissance de l’Hérault.

   162.Jean-Claude Gégot, Le personnel judiciaire de l’Hérault (1790-1830), thèse de 3ème cycle, préface de Pierre Chaunu, publiée à Montpellier, Université Paul Valéry, 1974, 2 tomes.

   163.AdH, L 6702.

   164.ibid., L 3863 & L 6702.

   165.Nîmes, Médiathèque du Carré d’Art, n°16489 : Nouvelle Adresse de la Municipalité de Nismes, présentée à l’Assemblée nationale par M. de Marguerittes, Député du département du Gard et Maire de Nismes, & par M. Boyer, Substitut du Procureur de la Commune de la même ville ; En Réponse à l’Adresse du Directoire de Département du Gard du 25 septembre dernier, & d’un Avertissement signé par MM. Chambon, Voulland, Soustelle, Rabaud & Meynier, s.l., n.d. (1790). Le texte rappelle un premier envoi de la municipalité le 15 août, en réponse à la façon dont le Directoire du département et les commissaires chargés de l’enquête justifiaient leur action : « Croit-on en imposer par ce rassemblement affecté de mots, Citoyens, Procureur du Roi, Juges, Témoins, Administrateurs, Électeurs, Commissaires du Roi, Municipalités voisines, Gardes nationales, Tous sont les ennemis des Officiers municipaux de Nîmes ? », les municipalités voisines n’auraient-elles pas dû « s’opposer au départ des leurs gardes nationales, puisqu’il n’existait aucune réquisition de la Municipalité de Nîmes ? », seule « celle de Montpellier s’est couverte de gloire en arrêtant dès son arrivée le massacre et les atrocités. »

   166.Cf. note 72, Donnadieu,… & Le texte occitan…
1) Adressa as Citouyéns, Montpellier, Tournel, Imprimeur de lagarde nationale et des Amis de la Constitution, 1790, 12 pages.
2) L’Aristocracia chassada dé Mounpéié, aquésta pièça dé vers és éstada legida dins una séénça das Amis dé la coustititioun àMounpéïé, lou 5 décémbre 1790, lors dé la réunioun dé la gardanatiounala aou Club d’aquésta villa, A Mounpéié, Aco dé Tournel, Libraïré, Imprimur dé la Garda Natiounala, & das Amis dé la Coustitutioun, 1790, 4 pages.
AdH, L 5498 : même texte, dans le registre des Délibérations des Amis de la Constitution de Montpellier, le 5 décembre 1790.
3) Discours prounounçat devant la Coumpagné das Canouniés dé Mounpeyé Lou 20 Décembre 1790, per un dé sous ouficiés, (MarcVillaret), A Mounpeyé, Dé l’Imprimarié dé Jean-François Picot, Imprimeur d’aou Départémén, proché lous capuchins, N° 200, 1791, 15 pages.
Quelque temps après paraît une Réponse en français à un orateur en patois. Par un Soldat de la compagnie des Canonniers (l’abbé Lepic), s.l., n.d., 23 pages (1790 ou 1791). « L’auteur… pour vous donner à vous-mêmes un témoignage non équivoque de l’opinion qu’il s’est formée de votre intelligence, il vous harangue en patois ; pour moi qui me plais à vous rendre plus de justice, & qui sais d’ailleurs que c’est à des français que j’ai à parler, je n’emprunterai point l’idiôme burlesque de vos beaux esprits du lieu d’Oc, & je vous parlerai le meilleur français qu’il me sera possible, ou du moins le plus vrai… Tout le mal provient d’une coalition entre le duc d’Orléans & les protestans ; ceux-ci avaient promis à ce traître de le faire régner s’il les soutenoit dans leurs manœuvres anti-religionnaires, de même & respectivement le duc s’étoit livré sans réserve à leurs complots sous les conditions proposées, & ils confièrent à Mirabeau le soin d’orléaniser la France… Laissons le déclamateur parasyte se réjouir de la part qu’il a eu à toutes ces distributions calvinistes, & considérons-les sous le rapport qu’elles peuvent avoir avec l’utilité de la chose publique, & surtout oublions, s’il se peut, l’influence qu’elles ont eu sur les massacres de Nîmes… Ne voyez-vous pas avec quelle politique affectation ils se distribuent dans toutes les compagnies des gardes nationales, soit pour connoître les délibérations les plus secrettes de chacune d’elles, & le soir dans un comité clandestin &général, receuillir et former l’opinion publique, soit pour fomenter l’esprit des troupes en lançant adroitement des sarcasmes sur les mœurs & la conduite de nos Pasteurs, & votre orateur, véritable otomate, ne manque pas non plus de justifier l’expoliation de leur bien par ces même manœuvres. »
Tournel éditera en 1791 un Discour d’un Péisan a sous Councitouyens, 14 pages, dans le même esprit que les trois textes en occitan cités.

   167.ibid., L 3124.

   168.Bibliothèque municipale de Toulouse, Fa C 514 (10), s.l. n. d., 14 pages.

   169.AdH, L 3128 : Molines écrit le 26 décembre que le château du ci-devant seigneur a « des tours avec créneaux qu’on aperçoit de différents quartiers », mais il lui est répondu que si l’Assemblée Nationale a aboli les signes elle n’oblige pas à leur destruction.

   170.ibid., L 3124 : Deshons, bourgeois, capitaine de la garde nationale, n’appartient pas à la nouvelle municipalité, et voit son élection comme électeur pour l’assemblée départementale rejetée enjuin ; il prend à tort la défense de deux voleurs, insulte les officiers municipaux sur le Plan de l’Ormeau, repoussant l’un d’eux avec « son ventre »,est dénoncé le 17 octobre 1790 au Directoire du département, regrette ses propos le 29, mais il faut attendre le 30 novembre pour que cette affaire n’ait pas de suites.