Description
Documents sur Villeneuvette réunis par Jean-Claude RICHARD
DOCUMENT N° 1* – : LE MÉMORIAL BORDELAIS, Bordeaux, 19 Avril 1848, p. 2 (colonnes 1, 2, 3)
Un ancien ouvrier, aujourd’hui possesseur d’une grande fortune, acquise par un travail soutenu, combat, par les observations suivantes l’organisation du travail, telle que l’entend le citoyen Louis Blanc.
La réfutation des utopies du citoyen Louis Blanc est faite par main de maître, et si nous avions pu douter un instant de l’extravagance de l’esprit et des idées du citoyen Louis Blanc, nous serions aujourd’hui bien convaincus que ce grand réformateur n’est autre chose qu’un complice du célèbre Herschell, qui voyait des moutons dans la lune.
Au citoyen Louis Blanc
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION POUR
L’ORGANISATION DU TRAVAIL
Au nom de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité
Permettez à un vieux citoyen franchement républicain de venir vous soumettre quelques observations sur l’organisation du travail :
Cette question est grave, délicate ; mais elle est moins difficile à résoudre qu’on ne le croit généralement. Après l’avoir étudié avec les lumières et le zèle qui vous distinguent, vous avez cru pouvoir proposer à la commission que vous présidez un projet sur lequel elle est appelée à délibérer.
Je m’estimerais heureux si ce que je vais avoir l’honneur de vous dire était porté à la connaissance de cette commission avant qu’elle se prononce. Votre projet ne me paraît pas satisfaisant pour plusieurs motifs.
1° – Parce que si l’État se chargeait de toutes les industries que les industriels ne voudraient pas ou ne pourraient pas continuer, il n’y aurait bientôt plus en France qu’un seul et unique industriel : l’État.
Et comme l’État est le plus inepte de tous les industriels, qu’il ne sait produire qu’à grands frais, ses produits ne pourraient supporter la concurrence de ceux des autres nations ; nous serions réduits à la simple consommation intérieure, et par conséquent il en résulterait une réduction de travail d’au moins 50 p. 100, ce qui équivaudrait pour les ouvriers à une réduction de moitié de leur salaire ou de leur revenu.
Si vous n’admettez pas tout d’abord que l’État ne sait pas opérer avec économie, je n’aurais qu’à citer un exemple entre mille. Voyez les travaux qu’il fait exécuter par régie ; ils coûtent deux fois et jusqu’à six fois autant que ceux exécutés par des entrepreneurs. Qui n’a pas remarqué l’indifférence, le farniente des ouvriers qui travaillent pour une commune ou pour le gouvernement ?
Vous me direz peut-être que si par le système proposé, la France, à l’avenir, produisait à des prix plus élevés que par le passé, elle obtiendrait des autres nations qu’elles ne lui feraient pas concurrence, et que la chose serait possible, dès le moment qu’elles seront toutes érigées en République, et que nous formerons plus avec elles qu’une seule et même famille.
Utopie ! Utopie !
Du reste, pour qu’une industrie ou qu’une maison prospère, il faut qu’elle soit dirigée par un seul individu capable, intelligent, et y ayant un intérêt direct. Or, un atelier qui occupe 200, 400, 600 personnes, vous le livrez aux ouvriers qui se choisiront un chef.
Ce chef qui savait travailler, ne saura point diriger.
Et sut-il diriger, dès le moment qu’il n’administrera pas pour lui, mais bien pour une communauté, il s’inquiétera peu des résultats, et les choses iront comme elles pourront, c’est-à-dire qu’elles iront très mal.
Je dis en second lieu, que votre projet est mauvais, détestable, en ce qu’il déclare que tous les salaires seraient uniformes.
- Le faible gagnerait comme le fort ;
- L’idiot autant que l’homme intelligent ;
- Le célibataire autant que le père de famille ;
- Le petit comme le grand ;
- Le fainéant comme l’homme laborieux.
Mais ce principe tuerait toute émulation, il convertirait en peu de temps, les meilleurs ouvriers en fainéants, fainéantissimes !
Croyez-vous avoir trouvé un remède efficace en faisant inscrire sur un poteau placé dans chaque atelier un écriteau portant :
Tout paresseux est un voleur ?
Grand Dieu, comme vous connaissez peu les hommes Vous auriez beau tapisser de ces écriteaux tous les murs des fabriques, votre remède ne produirait pas plus d’effet, que n’en feraient des cataplasmes de farine de lin, appliqués aux poutres d’un hôpital, en vue de guérir les malades étendus dans leurs lits !
Je pourrais faire beaucoup d’autres objections je pourrais vous dire que si vous voulez organiser le travail des fabriques par votre procédé ; que si vous voulez organiser de même le travail de l’agriculture, ce qui serait rationnel, l’État finirait par être propriétaire de tous les ateliers, de toutes les terres cultes et incultes, et enfin de toutes les usines.
Et qui paierait toutes ces acquisitions ? Inutile de pousser plus loin les objections.
Je me plais à rendre justice à vos bonnes intentions.
Je sais que, du plus profond de votre cœur, vous voulez trouver une solution à ce grand problème de l’organisation du travail, qui est à l’ordre du jour.
Mais je crois pouvoir vous prédire que vous n’en viendrez à bout qu’en adoptant un autre ordre d’idées. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1984 |
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Nombre de pages | 37 |
Auteur(s) | Jean-Claude RICHARD |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |