Description
Documents sur la médecine et la chirurgie à Pézenas
au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle
La lecture des actes notariés, pour si ingrate qu’elle soit en raison du style juridique communément employé, n’en est pas moins fort enrichissante dans de nombreux domaines. Les renseignements familiaux qu’ils recèlent en sont un bon exemple. Les inventaires en sont un autre comme nous le verrons ici mais parfois, ces actes révèlent encore d’agréables surprises qui offrent un certain intérêt sur le plan médico-historique. Ainsi les deux contrats passés le 12 juillet 1638 devant un notaire de Pézenas. Tous deux intéressent d’une part le chirurgien Etienne Maurin ou Morin, de l’autre deux de ses clients, Nicolas Catusse, cordonnier de cette ville et Jean Founs, maître menuisier. Etienne Maurin y est dit originaire de Condeau dans le Perche mais résidant alors à Castelnau-de-Guers, localité voisine de Pézenas.
Dans les deux cas, Maurin s’engage à guérir ses malades moyennant une certaine somme, 75 livres pour le premier, 40 pour le second. Il est stipulé que le chirurgien fournira les drogues et les médicaments mais que le malade devra « nourrir et entretenir » le chirurgien « de ses dépenses de bouche et autres choses nécessaires ». Le texte ne dit pas ce qui est prévu en cas d’échec, mais on peut penser que le versement de la somme fixée d’avance n’aurait pas lieu. D’ores et déjà on peut être surpris qu’un pareil marché ait fait l’objet d’un acte notarié mais le XVIIe siècle avait une conception bien particulière du droit et le notaire était un personnage très en faveur comme on peut en juger par les nombreuses pièces de théâtre ou les romans dans lesquels il figure. Quand aux affections dont ces deux malades souffraient, l’acte nous les fait connaître. Le premier est « presque perclus » du bras et de la jambe gauche, le second accuse une sciatique sans autre précision.
Nous aurions aimé connaître aussi les traitements institués dans ces deux cas mais il n’en est pas fait mention, ce qui, somme toute, est normal, le chirurgien responsable ayant la liberté de la conduite thérapeutique qu’il compte employer. On peut penser, néanmoins, qu’il ne devait s’agir là que de traitements externes à base de massages ou, pour employer un mot à la mode, de kinésithérapie, l’administration de médicaments internes relevant du seul docteur en médecine. De même, le terme « apareil », utilisé dans les documents, ne doit-il pas abuser : il désigne, d’une manière générale, les soins donnés, la pratique chirurgicale ou médicale, et n’implique aucune référence à un quelconque appareillage concret. Par contre nous pouvons déduire, par les actes de cancellation (annulation d’un instrument notarié par apposition de traits barrant le texte) que les clauses des deux contrats ont bien été remplies. Le 9 septembre 1638, soit à peine deux mois après la signature, Jean Founs consent au « barrement » de l’acte. Le délai sera plus long pour Nicolas Catusse qui tient quitte le maître-chirurgien le 30 octobre 1640 seulement, soit vingt-sept mois plus tard. Il s’agit donc là d’une affection « consolidée » pour employer un terme moderne et, dans ce cas, la guérison ne peut faire de doute.
On pourrait épiloguer longtemps sur le diagnostic établi, mais il est toujours difficile de raisonner a posteriori quand il s’agit d’affections médicales ou chirurgicales remontant à plusieurs siècles. Le cordonnier « presque perclus » était-il atteint d’une hémiplégie gauche ? Souffrait-il simplement de rhumatismes ou d’une affection vertébrale ? Quoi qu’il en soit, les lésions causales devaient s’être résorbées à la longue, c’est-à-dire, peut- être, sous le seul effet du temps. On pourrait en dire autant pour la sciatique, affection très douloureuse qui, en général, guérit toute seule après de nombreux mois de patience et de souffrance ! Là encore, le traitement n’a pas dû jouer un grand rôle, se bornant à calmer certains phénomènes douloureux, si tant est que notre chirurgien en ait eu à sa disposition
Ce qui reste le plus curieux dans ces deux cas-là, c’est le contrat lui-même. Étienne Maurin était-il si confiant dans sa science et dans son pouvoir pour s’engager de pareille manière ? On demeure un peu confondu devant une pareille audace que les médecins du XXe siècle, même les plus réputés, garderaient bien de commettre mais, après tout, Maurin avait-il prévu que la « bonne nature » ferait son œuvre avec ou sans lui ? La fortune sourit aux audacieux. Il semble bien, néanmoins, que ce proverbe trouve ici sa plus parfaite justification car les sommes prévues en cas de guérison semblent assez coquettes pour l’époque. […]
Additional information
Année de publication | 1984 |
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Nombre de pages | 4 |
Auteur(s) | Docteur Louis DULIEU, Jean NOUGARET |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |