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2.00

Description

Des mégalithes et des paysages sur le Larzac

* Laboratoire TRACES UMR 5608 Université Toulouse 2 Jean Jaurès.

Félix de Sambucy-Luzençon, l’un des pionniers de l’enquête sur les mégalithes du Larzac, décrivait en 1865 ce Grand Causse comme « […] un désert, une sorte d’Arabie-Pétrée ». L’érudit poursuivait, à la lumière de quelques ensembles forestiers du plateau et de toponymes, en évoquant le passé de ce paysage : « Toutefois, cette contrée n’a pas toujours été dégarnie d’arbres comme elle l’est aujourd’hui. ». Il continuait, décrivant les monuments mégalithiques alors attribués aux temps celtiques, édifiés sur un plateau peu peuplé et seulement fréquenté pour les pratiques funéraires ou cultuelles des druides. C’était là, imprégnée par les connaissances de l’époque, l’image du paysage en-sauvagé, d’une « Gaule chevelue » précédant la conquête romaine. Si ces prémices d’une longue enquête archéologique conjuguaient déjà la recherche du sens de la première monumentalité de notre histoire et de son cadre géographique, c’était aussi au travers du regard d’un contemporain avec ses représentations mentales, et de sa relation sensible à un environnement. Aborder le sujet des paysages en archéologie comme en géographie passe par cette confrontation à un objet concret mais aussi éminemment culturel, perçu au travers de multiples filtres. C’est un entremêlement de traces, fruit des couches multiples de systèmes spatiaux successifs, souvent comparé à l’image d’un palimpseste face auquel le chercheur opère un tri, mais avec le recul indispensable sur ses perceptions. Aujourd’hui, la page de l’image de cet ensauvagement paysager, d’un climax originel du causse, est largement tournée cédant la place à une perception plus objective de l’empreinte anthropique reliée à une succession de contextes historiques, de rythmes, qui ont scandé la longue durée. Pour le mégalithisme larzacien et sa relation au paysage, c’est à une approche complexe, à la recherche d’éléments tissés ensemble, que l’archéologie est invitée. Ainsi elle entre, avec l’analyse de l’intégration spatiale des mégalithes, dans la construction d’un récit explicatif mobilisant les aspects complexes du sujet et de multiples champs d’étude bien au-delà du seul commentaire auquel est parfois réduite cette discipline.

Au cœur du sujet les mégalithes, communément nommés dolmens et menhirs, ne se réduisent pas à l’état des seules traces matérielles de leurs fonctions initiales ; par leurs remplois, ils s’inscrivent dans le temps long jusqu’à notre présent. De la sorte, ils constituent un objet privilégié pour l’étude des dynamiques paysagères et la place qu’ils ont pu y occuper. Au moment de leur édification ou par leurs remobilisations, ces architectures constituent l’élément souvent le plus tangible des compositions territoriales, des choix de maîtrise de l’espace des organisations sociales et économiques, jusqu’aux représentations culturelles des populations du passé dans les séquences de la durée. Aborder le sujet de cette façon permet de l’insérer dans une réflexion disciplinaire large, anthropologique, sociale et historique, dans une logique de synthèse issue de la confrontation des sources et des temporalités. Cet exercice de reconstruction, fruit d’une enquête arrimée aux faits, une approche critique, mobilise l’appui de disciplines variées autour de l’espace, de ses multiples échelles, mais aussi le temps long avec les rythmes propres à chaque dimension de l’histoire. Le même esprit de méthode a conduit notre enquête sur le Larzac aveyronnais. Cette partie du plateau, au sein des Grands Causses du Midi de la France, occupe une place originale dans le mégalithisme. Espace géographique de moyenne montagne, singulier et de contact, à la convergence de différents courants architecturaux, théâtre de rencontre pour les cultures de la Préhistoire récente méridionale, il offre l’opportunité d’appliquer une approche multiscalaire. L’inscription de son mégalithisme dans la chronologie renforce ce potentiel spatial et permet l’analyse par un regard porté sur le temps long. L’enquête peut se déployer, des premières architectures jusqu’aux places occupées par les monuments dans les organisations spatiales au gré de la longue durée. La démarche s’emploie à éclairer les modalités successives de l’agrosystème liées au mégalithisme, avec leurs représentations culturelles sur l’espace et les paysages, de la Préhistoire au milieu du XIXe siècle, quand s’entame le déclin de la « civilisation paysanne ». Cette confrontation du mégalithisme aux couches multiples du palimpseste paysager invite à convoquer autour de l’archéologie les grilles explicatives des champs disciplinaires pour une approche systémique du phénomène. L’association de cette analyse à une démarche chronologique régressive alimente le cœur de la réflexion pour tenter de saisir au final, depuis l’échelle du monument mégalithique jusqu’à celles de ses multiples insertions spatiales, les cohérences de son articulation avec la logique des organisations territoriales de ses constructeurs durant la Préhistoire récente. Il s’agit bien là d’une analyse paysagère, d’une archéologie de l’espace. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2021

Nombre de pages

14

Auteur(s)

Rémi AZÉMAR

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf