Des mégalithes et des paysages sur le Larzac

* Laboratoire TRACES UMR 5608 Université Toulouse 2 Jean Jaurès.

Félix de Sambucy-Luzençon, l’un des pionniers de l’enquête sur les mégalithes du Larzac, décrivait en 1865 ce Grand Causse comme « […] un désert, une sorte d’Arabie-Pétrée ». L’érudit poursuivait, à la lumière de quelques ensembles forestiers du plateau et de toponymes, en évoquant le passé de ce paysage : « Toutefois, cette contrée n’a pas toujours été dégarnie d’arbres comme elle l’est aujourd’hui. ». Il continuait, décrivant les monuments mégalithiques alors attribués aux temps celtiques, édifiés sur un plateau peu peuplé et seulement fréquenté pour les pratiques funéraires ou cultuelles des druides. C’était là, imprégnée par les connaissances de l’époque, l’image du paysage ensauvagé, d’une « Gaule chevelue » précédant la conquête romaine. Si ces prémices d’une longue enquête archéologique conjuguaient déjà la recherche du sens de la première monumentalité de notre histoire et de son cadre géographique, c’était aussi au travers du regard d’un contemporain avec ses représentations mentales, et de sa relation sensible à un environnement. Aborder le sujet des paysages en archéologie comme en géographie passe par cette confrontation à un objet concret mais aussi éminemment culturel, perçu au travers de multiples filtres. C’est un entremêlement de traces, fruit des couches multiples de systèmes spatiaux successifs, souvent comparé à l’image d’un palimpseste face auquel le chercheur opère un tri, mais avec le recul indispensable sur ses perceptions 1. Aujourd’hui, la page de l’image de cet ensauvagement paysager, d’un climax originel du causse, est largement tournée cédant la place à une perception plus objective de l’empreinte anthropique reliée à une succession de contextes historiques, de rythmes, qui ont scandé la longue durée. Pour le mégalithisme larzacien et sa relation au paysage, c’est à une approche complexe, à la recherche d’éléments tissés ensemble, que l’archéologie est invitée. Ainsi elle entre, avec l’analyse de l’intégration spatiale des mégalithes, dans la construction d’un récit explicatif mobilisant les aspects complexes du sujet et de multiples champs d’étude bien au-delà du seul commentaire auquel est parfois réduite cette discipline.

Au cœur du sujet les mégalithes, communément nommés dolmens et menhirs, ne se réduisent pas à l’état des seules traces matérielles de leurs fonctions initiales ; par leurs remplois, ils s’inscrivent dans le temps long jusqu’à notre présent. De la sorte, ils constituent un objet privilégié pour l’étude des dynamiques paysagères et la place qu’ils ont pu y occuper. Au moment de leur édification ou par leurs remobilisations, ces architectures constituent l’élément souvent le plus tangible des compositions territoriales, des choix de maîtrise de l’espace des organisations sociales et économiques, jusqu’aux représentations culturelles des populations du passé dans les séquences de la durée. Aborder le sujet de cette façon permet de l’insérer dans une réflexion disciplinaire large, anthropologique, sociale et historique, dans une logique de synthèse issue de la confrontation des sources et des temporalités. Cet exercice de reconstruction, fruit d’une enquête arrimée aux faits, une approche critique, mobilise l’appui de disciplines variées autour de l’espace, de ses multiples échelles, mais aussi le temps long avec les rythmes propres à chaque dimension de l’histoire. Le même esprit de méthode a conduit notre enquête sur le Larzac aveyronnais. Cette partie du plateau, au sein des Grands Causses du Midi de la France, occupe une place originale dans le mégalithisme. Espace géographique de moyenne montagne, singulier et de contact, à la convergence de différents courants architecturaux, théâtre de rencontre pour les cultures de la Préhistoire récente méridionale, il offre l’opportunité d’appliquer une approche multiscalaire. L’inscription de son mégalithisme dans la chronologie renforce ce potentiel spatial et permet l’analyse par un regard porté sur le temps long. L’enquête peut se déployer, des premières architectures jusqu’aux places occupées par les monuments dans les organisations spatiales au gré de la longue durée. La démarche s’emploie à éclairer les modalités successives de l’agrosystème liées au mégalithisme, avec leurs représentations culturelles sur l’espace et les paysages, de la Préhistoire au milieu du XIXe siècle, quand s’entame le déclin de la « civilisation paysanne ». Cette confrontation du mégalithisme aux couches multiples du palimpseste paysager invite à convoquer autour de l’archéologie les grilles explicatives des champs disciplinaires pour une approche systémique du phénomène. L’association de cette analyse à une démarche chronologique régressive alimente le cœur de la réflexion pour tenter de saisir au final, depuis l’échelle du monument mégalithique jusqu’à celles de ses multiples insertions spatiales, les cohérences de son articulation avec la logique des organisations territoriales de ses constructeurs durant la Préhistoire récente 2. Il s’agit bien là d’une analyse paysagère, d’une archéologie de l’espace.

Dolmen de Tiergues (Avant-causse saint-affricain)
Fig. 1 Dolmen de Tiergues (Avant-causse saint-affricain)

L’assise d’une démarche

Le Larzac (« Larzac » : sans article en langue d’Oc), plus vaste des Causses Majeurs, offre un fort potentiel archéologique mégalithique : pour sa partie aveyronnaise, le recensement actuel est de 238 architectures funéraires, et de 104 monolithes de la catégorie des menhirs. Cette densité s’inscrit dans la continuité de la dorsale dolménique qui se développe du Quercy à l’Ardèche. Le contexte géographique karstique du causse, avec ses évolutions singulières, se révèle propice pour saisir les variations paysagères liées aux évolutions de l’environnement et aux impacts de l’anthropisation. C’est un espace compartimenté produit par les dynamiques respectives de la géologie, de la morphologie, de l’orographie, de l’hydrographie, de la répartition des sols, de la flore et de l’action humaine, un milieu particulièrement favorable pour contribuer à la détermination des agrosystèmes passés. La précocité de l’enquête des préhistoriens, tout particulièrement avec des précurseurs, tel Émile Cartailhac, place très tôt cet ensemble au cœur de l’évolution des paradigmes de l’étude du mégalithisme et des perceptions successives de l’intégration paysagère des monuments.

Au-delà d’un inventaire systématique, d’une classification des architectures et de leurs contenus, notre enquête s’appuie sur des travaux de terrain, telles les fouilles programmées des monuments de la nécropole mégalithique de Saint-Martin-du-Larzac (Millau) ou du dolmen du Devez de la Baume (Lapanouse-de-Cernon), des opérations préventives sur le tracé de l’autoroute A75 et des études paléo-environnementales, ce qui permet d’entrer dans une problématique géohistorique systématique 3 inscrite dans la longue durée.

Mégalithes et merveilleux, itinéraires paysagers, une représentation mentale de l’espace au XIXe siècle

Au milieu du XIXe siècle, lorsque la recherche sur le mégalithisme débute, la population paysanne larzacienne atteint son maximum démographique. C’est le temps d’un espace agricole fini à l’image de la majorité de l’agrosystème français qui, depuis le XIIIe siècle, marque la fin de la domination par les espaces naturels. Sur cette base se succèdent reflux et reprises des processus d’anthropisation qui se répercutent sur l’amplitude des unités spatiales en dictant les rapports entre la société rurale et son environnement. Dans l’ambiance de cet espace plein, quand s’achève l’exploitation extensive du saltus et de la silva, les folkloristes collectent le légendaire lié aux mégalithes. Ce temps, fortement marqué par l’impact de la vente des biens nationaux et le partage de certains communaux, animé par les évolutions sociales de la paysannerie imprègne l’organisation du système spatial. Là s’installe une charnière entre le contexte d’une agriculture de subsistance finissante et l’entrée dans une économie agraire ouverte sur les marchés. Dans ces paysages, que ce soit pour la toponymie ou le légendaire, c’est un récit, qui certes puise dans la durée de la civilisation paysanne, métissé de contextes chronologiques précédents. Sa vigueur au moment du collectage démontre une véritable grille de lecture de l’espace vécu dans cette phase d’apogée démographique, de campagnes pleines, entre le milieu du XVIIIe siècle et celui du XIXe siècle. Ce lien avec la culture du temps est particulièrement marqué par les cartographes de l’atlas Trudaine qui réalisent les premières figurations connues des dolmens rouergats, qu’ils désignent comme « pierres des sacrifices », suggérant les Gaulois qui s’imposent au XIXe siècle comme souche de la Nation française. C’est déjà, au-delà d’une coloration légendaire, le début d’une recherche d’explication bien dans l’esprit du temps des Lumières. L’étiolement de l’essentiel du légendaire indiqué par Pierre Temple dans le premier tiers du siècle suivant, quand le déclin démographique des populations caussenardes est déjà largement engagé, démontre clairement le lien entre sa pleine expression et une situation historique déterminée 4.

Outre la toponymie, les récits légendaires mettent en scène le fantastique autour des mégalithes, et leur relation détaillée permet l’analyse. Michel Virenque en 1876, maître d’école au Viala-du-Pas-de-Jaux, évoque la capture d’une fée : « Près du dolmen des Fadarelles on s’empara d’une fée au moment où elle mettait ses bas rouges. On l’enferma dans la maison de Madame Fabre veuve. Dans le courant de la même journée, une seconde fée se présenta sous les fenêtres de la maison et dit à la première : « gardez-vous de vendre le secret de la sauge car si les riches le savaient, ils laisseraient les pauvres mourir de faim ». La surveillance n’ayant pas été assez active la fée prisonnière réussit à s’enfuir ». Le préhistorien Émile Cartailhac collecte plusieurs récits merveilleux à Sauclières : « Non loin du Roc del Fodat (dolmen) les habitants du pays montrent une petite pièce de terre limitée par un vieux mur de soutènement et d’où la vue embrasse un large horizon : c’est le camp de las gaïnos ; là les gaïnos (vieilles sorcières) venaient laver leur linge et montées sur le Roc del Fodat, elles surveillaient la lessive étendue au soleil. Les gaïnos ou fadarelles savaient prédire le temps ; elles savaient faire des raccommodages que l’on payait en nature, pourtant pas avec des herbages car elles savaient très bien cultiver. On avait les yeux sur la montagne, en ce temps là, et les gens de la plaine observaient tout ce que faisaient les fadarelles, et en tiraient profit : comme elles étaient sorcières, on ne risquait rien à les imiter (c’est là ce que plusieurs des vieux habitants de Sauclières, interrogés séparément nous ont certifié ; nous avons écrit sous leur dictée). Les fadarelles hommes étaient rarement aperçus. Ils restaient dans les bois, et le peuple détestait cette engeance […] » 5. Les plus fréquentes évocations de personnages fantastiques renvoient aux fados : les fées. Les collectages nous les présentent armées de dons, capables de divination, détentrices du secret des plantes mais proches des humains par leurs activités, les travaux ménagers ou ceux de la terre. Le monde paysan observe celui du surnaturel, leurs rencontres restent furtives dans un mélange de crainte, de respect, de curiosité. Et si parfois entre l’homme et la fée l’amour s’en mêle jusqu’à fonder un foyer, au rappel de son origine surnaturelle, la compagne retourne promptement dans son univers parallèle. Ce sont des mondes mouvants qui se côtoient: le jour, celui des humains paraît conquérant et le surnaturel vulnérable ; visible il est refoulé. Dans l’obscurité, la nuit, c’est l’inverse, les espaces du fantastique se dilatent jusqu’aux seuils des maisons. Les goïnos dans leur champ, près du village, lavent leur linge, les peurs envahissent l’espace de la nuit, comme les trèves, les âmes des morts en peine. À l’aube, tout s’inverse, les goïnos rejoignent la montagne, montées sur le dolmen du Roc del Fodat face à leur champ pour voir sécher leur linge. Les êtres du légendaire incarnent ces fluctuations et ces relations entre ces deux mondes, ceux du temps du quotidien, de l’espace vécu et de l’imaginaire. Amans-Alexis Monteil, à l’orée du XIXe siècle, dépeint à propos des dolmens cette partition de l’espace durant la journée : « Ces monuments servent pendant la nuit de retraite aux bêtes féroces, et le jour ils abritent les bergers contre les vents pluvieux du couchant. ». En 1863 M. Vigarié le rejoint en évoquant les mascos (sorcières) : « ce dolmen […] autour duquel elles se livraient, pendant la nuit à des jeux fantastiques. ». Humain et surnaturel constituent deux mondes distincts mais liés par leurs capacités respectives à agir l’un sur l’autre avec des éléments d’interface, comme les mascos, des sorcières qui emmascaient, jetaient des sorts, et les endevinaïres qui les levaient ou apaisaient les revenants. Ces hommes et ces femmes, membres de la communauté paysanne, contribuent à la souder en côtoyant les forces mystérieuses et leurs secrets.

Ces récits dévoilent une relation singulière aux unités paysagères des Grands Causses. Les Caussenards évoluent dans ce contexte d’expansion démographique, environnés d’un espace plus fortement anthropisé, dominé par l’ager et le saltus. Dans la devèze, l’ager s’est étendu au détriment du saltus, et la silva, sous la pression, se réduit aux marges. C’est une situation de tension sur l’espace, proche de celle du XIVe siècle, temps où les Hospitaliers s’obligent à réglementer en interdisant les défrichements ou l’exploitation abusive des pâturages sur leurs possessions pour contenir la surexploitation de la devèze et des espaces en marge. À Sauclières, le récit évoque les « gens de la plaine » observant les fadarelles qui, comme le fodat, « restaient dans les bois ». C’est là l’opposition entre deux espaces distincts, celui du paysage apaisé, cultivé et maîtrisé du vallon du Burle dominé par l’ager et, à l’opposé, celui moins contrôlé de la forêt ou des confins, sur la rudesse du relief, près des ruptures topographiques, des versants ou du plateau, la marge, domaine des êtres fantastiques. Cette opposition compose le quotidien économique et culturel des témoins questionnés. Avec le saltus dans la devèze, ses minces capacités pour les labours, c’est un espace qui se dilate ou se rétracte au gré des rythmes de la conquête agricole, l’agriculteur livrant là un véritable combat pour produire sa subsistance dans des terroirs moins favorables. Cette dynamique s’accentue à la fin du XVIIIe siècle et après la Révolution. À la pression démographique s’adjoignent la dépossession des biens du clergé, les tensions pour le partage des communaux ou la surexploitation des espaces forestiers sur le plateau. Le saltus est aussi plus vulnérable aux forces de la nature repliées dans la dureté fréquente du relief des confins ou la silva voisine. Il y a dans l’espace des secteurs où la conquête des sols relève d’un vrai défi face à la nature avec l’aridité, la pente, la pauvreté ou la fragilité des sols, l’exposition défavorable, les broussailles, la sauvagine. Comment ne pas transposer dans ce schéma le théâtre de la confrontation entre le monde des humains et celui des forces surnaturelles des récits légendaires ?

Dans ces écarts, les êtres fantastiques ne sont-ils pas à l’image des marginaux de la société, des déclassés, des fadas, des fous, des chemineaux, des forains, nombreux avec la plus grande ouverture née de l’amélioration des voies de communication, des cohortes errantes de mendiants lors des crises de subsistances, des éléments les plus vulnérables, les sans-terres affaiblis par l’érosion des pratiques communautaires ? Ces récits ne résonnent-ils pas des affrontements sociaux portés par les convoitises des biens de la terre par les riches ? « Gardez-vous de vendre le secret de la sauge, car si les riches le savaient, ils laisseraient les pauvres mourir de faim. » : n’y-a-t-il pas là une allusion à la lutte pour la survie des brassiers, des travailleurs, les plus pauvres, ceux pour qui les usages collectifs et la fréquentation de la marge ou des communaux assurent l’indispensable en ce début du XIXe siècle ? Les « riches » figurent la dépossession, à l’opposé d’un espace de partage. Les veuves, comme celle chez qui est enfermée la fée captive, ces femmes souvent isolées, démunies, n’incarnent-elles la pauvreté ? Marginalisés, ces misérables inquiètent souvent ; pèse sur eux le soupçon d’emmascaïre, de jeteurs de sort, de commerce avec le surnaturel. Avec ces acteurs, le confin ou la forêt qu’ils fréquentent ne composent-ils pas dans le paysage cette marge inquiétante, avec ses abris tels les grottes ou les dolmens, ces constructions qui ne peuvent être que l’œuvre de géants, souvent dans des lieux peu accessibles, refuge aussi des brigands, ces lieux reculés où ils détroussent les voyageurs au retour des foires ? Dans ce contexte chronologique, la partition de l’espace avec les trois unités méditerranéennes ager, saltus, silva est soumise à un gradient du niveau de maîtrise anthropique qui dicte les localisations des composantes de l’agrosystème, mais aussi celle des représentations de l’imaginaire de l’espace et des peurs 6.

Espace, temps, mégalithes, fantastique : une représentation culturelle de la « civilisation paysanne » au XIXe siècle
Fig. 2 Espace, temps, mégalithes, fantastique : une représentation culturelle de la « civilisation paysanne » au XIXe siècle ⎼ le modèle de Sauclières (Aveyron)

Un ingrédient des paysages médiévaux et antiques

Là encore les informations livrées par la toponymie, mais aussi celles relatives aux localisations de mégalithes larzaciens sur les lignes du maillage parcellaire (33,2 % des cas), révèlent une fonction paysagère. La remobilisation des mégalithes à l’époque médiévale, voire dès l’Antiquité, traduit une de leurs vocations dans des temps d’appropriation du sol où l’espace se géométrise, se divise, se mesure, se borne au cours d’un processus ordonné d’où naît le parcellaire. L’élaboration de ce découpage débute sous le Haut Empire et évolue jusque dans la première moitié du 1er millénaire, pour engendrer le parcellaire à partir du IXe siècle, dans le cadre des organisations communautaires et territoriales qui se constituent progressivement entre le IXe et le XIIIe siècle. Les textes, la toponymie et certains ingrédients du légendaire collectés au XIXe siècle peuvent contribuer à éclairer cette relation des mégalithes avec ce processus de territorialisation.

Pour le légendaire, des indices peuvent être significatifs, tel le récit de la fée captive qui s’évade ou qui fuit, après avoir côtoyé les humains, au rappel malencontreux de ses dons magiques. Cela suggère par bien des aspects la légende de la fée Mélusine, elle aussi marquée par la révélation de sa double nature (Jean d’Arras, 1393). Pour les fadarellos, gaïnos, fodats, un substrat médiéval tardif, lié à la flambée occidentale de chasse aux sorcières et d’invention du sabbat au XVe siècle qui perdure jusqu’au XVIIe siècle, par une imprégnation durable de la mémoire collective, pourrait être concevable. Des détails peuvent dévoiler des réminiscences, comme la couleur rouge des bas de la fadarelle du Viala-du-Pas-de-Jaux, celle qui pénétrait le mieux la laine, la moins fragile, mais aussi tentatrice, celle qui avait la primauté à l’époque médiévale 7. Le thème du géant Gargantua, souvent associé aux mégalithes : lo caïsso del Jaïan (la tombe ou le cercueil du géant), l’oustal del Jaïan (la maison du géant) peuvent aussi puiser dans une telle ancienneté.

Si les traces de ce légendaire peuvent trouver leur articulation avec des terroirs particuliers, à l’identique du début de l’époque contemporaine, leur lien avec l’organisation des territoires et la visibilité des mégalithes dans les paysages médiévaux peut être révélé par les sources écrites. C’est ainsi qu’une enquête de 1491 en langue d’Oc vient à l’appui de cette forme du remploi médiéval des mégalithes 8. Ce texte, qui énumère les limites du justiciable de La Cavalerie alors dépendant des Hospitaliers, confirme l’affectation de treize mégalithes en appui des délimitations territoriales. Parmi ces vestiges figurent deux dolmens, plusieurs menhirs à l’ancienneté assez indiscutable par l’aménagement et la massivité de leur volume, et quelques blocs dont une plus stricte contemporanéité avec le bornage est plus probable. Dans cet ensemble, le toponyme Balma d’Albion paraît pouvoir être associé au dolmen de la Fabière. Balma, du bas latin balma : grotte, antre (baoumo en Langue d’Oc), renvoie aussi au sens de creux, et pourrait désigner l’architecture dolménique avec le volume de sa chambre sépulcrale sous son imposante dalle de couverture. L’autre composante, d’Albion, est susceptible de renvoyer à un personnage, même si un lien avec le latin albus (blanc) n’est pas à exclure. Cette relation pourrait être une allusion au Géant, peut-être Albion, fils de Poséidon, vaincu par Hercule (Eschyle) ou également au nom qui désigna le territoire de la Grande-Bretagne. Ces deux hypothèses se rejoignent avec les textes britanniques qui en font mention dès le VIIIe siècle et surtout à partir du XIIe siècle : Brutus, descendant d’Enée, arriva dans l’île qui « portait le nom d’Albion. Il n’y avait alors aucun habitant si ce n’est les géants » (G. de Monmouth, 1136) dont le chef Gogmagog est vaincu par les nouveaux arrivants fondateurs de la Bretagne. Cette légende connaît une large diffusion au Moyen Âge, avec ses premières versions imprimées vers 1480. Ce dernier lien pourrait offrir plusieurs explications. L’une peut être associée au souvenir de la guerre de Cent Ans clôturée trente-huit ans avant le texte de 1491, marquée par les dévastations des compagnies de routiers qui ont éprouvé le Larzac du milieu du XIVe siècle à celui du XVe siècle. Les dénominations de « Tombeau des Anglais », nombreuses pour les dolmens caussenards, résonnent de la mémoire traumatisante de ce temps de crise. L’allusion à un géant nommé Albion peut au moins démontrer une attribution ancienne du monument à un mythe plus général du géant. Ce qui pourrait aller dans le sens de l’enracinement de ce lien est l’appellation du dolmen voisin du Jonquet, encore nommé au milieu du XIXe siècle Oustal del Jaïan (la maison du géant). Ces hypothèses pourraient se trouver en convergence, éclairées par le contexte chronologique, et montrer l’inscription dans la durée du mythe du Géant associé aux mégalithes, personnage fantastique parfois lié aux heurts de l’Histoire.

L’archéologie offre d’autres cas de remobilisation de ces architectures, particulièrement pour les dolmens durant la période médiévale. Les signes de remplois comme habitat ou simple abri sont fréquents et bien attestés. Mais ce sont les réutilisations à caractère funéraire qui paraissent les plus instructives, comme au dolmen 3 de Saint-Martin-du-Larzac (Millau) avec l’implantation d’une nécropole chrétienne dite « de plein champ » du VIe siècle jusqu’à la première moitié du Xe siècle. Ce remploi s’opère dans l’ancienne chambre sépulcrale, sur et autour de son cairn, avec des apports architecturaux pour contenir des sépultures en caisson et recouvrant en partie les structures antérieures. C’est un ensemble exceptionnellement conservé dont la fouille minutieuse a livré des informations précieuses et notamment la remonumentalisation des structures antérieures.

Autour du dolmen et jusqu’aux bordures de l’ancienne structure tumulaire, les médiévaux ont réalisé un apport de blocs polyédriques, créant un nouveau cairn surimposé au précédent sans recouvrir la dalle de couverture du dolmen, tout comme les limites quadrangulaires du tumulus antérieur. L’ensemble prend l’aspect d’un relief subcirculaire dont le sommet et le centre demeurent la table du mégalithe. Ce respect du pôle de l’ancienne architecture a une portée symbolique indéniable révélée par la répartition des sépultures implantées sur le cairn, disposées en cercle autour de la chambre dolménique ou dans son axe sans suivre l’orientation normée Est/Ouest de cette époque qui demeure respectée au-delà de la nouvelle élévation. C’est un véritable syncrétisme des deux architectures. Manifestement le dolmen, son cairn ancien et sa surcharge médiévale ont véritablement orchestré le développement de la nécropole durant quatre siècles et demi en constituant jusqu’à ses ultimes utilisations une signalisation ostentatoire dans l’espace environnant.

Cette architecture funéraire en élévation s’avère, dans tous les cas, à même d’entretenir la mémoire des morts, à les signaler dans l’espace, comme l’indique une lettre de Sidoine Apollinaire en 469 (« Lettre à Segundus »). La perpétuation de ce souvenir est propice à renforcer la cohésion des vivants autour des ancêtres, c’est une marque d’identité communautaire au sein du territoire. Le positionnement fréquent des nécropoles régionales de ce type sur des reliefs élevés souligne une prédilection pour ces lieux, ce qui est en phase avec une représentation du temps attachée à la résidence des morts. Y-a-t-il là un lien avec la conception cosmogonique biblique pour les âmes qui, avec Jésus, montent par la résurrection vers des lieux supérieurs où réside Dieu, l’ascension couronnant la mise au tombeau ?

À Saint-Martin-du-Larzac, la préservation de l’architecture de la chambre sépulcrale, malgré sa fréquentation pendant la durée de l’utilisation funéraire médiévale, ne peut qu’être remarquée. Hormis son contenu ancien vidangé, elle ne connaît aucune modification structurelle majeure, à l’exception de son dispositif d’accès, puis sa quasi condamnation par l’implantation d’une sépulture à l’avant de l’entrée, son comblement intérieur partiel et le dépôt dans le volume resté libre de trois fagots d’os humain ; voilà autant de signes révélateurs de l’attention portée au cœur de l’édifice. L’organisation des tombes autour du dolmen, leur implantation en relation avec les structures anciennes, renforcent cette impression. À ce propos plusieurs hypothèses peuvent être envisagées : s’agit-il de l’attribution du caveau au repos d’un personnage légendaire, d’un ancêtre suffisamment remarquable et protecteur pour que son tombeau reste préservé au cœur même de l’espace assigné aux morts ? Est-ce à l’image des légendaires encore en cours au XIXe siècle qui lient le Géant ou Gargantua au caveau dolménique ? Est-ce là une situation similaire à celle des sépultures chrétiennes ad sanctos, auprès des saints ? La réponse réside peut-être dans une conjugaison de toutes ces hypothèses.

Outre le monumentalisme, la localisation spatiale de certains dolmens réutilisés à des fins funéraires par les populations médiévales était certainement appropriée aux représentations culturelles du temps. Le positionnement de la nécropole, distante des structures d’habitat ou d’exploitation, reflète la relation à la mort qui, pour cette période, prolonge une conception antique dissociant l’espace des défunts de celui des vivants. On peut ainsi tenter d’utiliser le rôle d’indicateur de cet espace sépulcral dans l’organisation du finage pour ce contexte du haut Moyen Âge, et ouvrir les voies méthodologiques à l’analyse des organisations spatiales antérieures.

Champ visuel des nécropoles, aire d’influence des sites d’occupation identifiés pour le haut Moyen Âge et relations avec le maillage paroissial de Saint-Martin-du-Larzac postérieur à l’an Mil
Fig. 3 Champ visuel des nécropoles, aire d’influence des sites d’occupation identifiés pour le haut Moyen Âge et relations avec le maillage paroissial de Saint-Martin-du-Larzac postérieur à l’an Mil

Dans ce secteur du Nord Larzac, la prospection intensive a permis de repérer plusieurs lieux d’occupation domestique ou d’exploi-tation autour de deux autres nécropoles alto-médiévales implantées sur des sites mégalithiques ; à cela s’ajoute le site de la Granède (Millau) avec une église paléochrétienne et son cimetière. Ces informations peuvent permettre d’envisa-ger l’étendue du recrutement funéraire de la nécropole du dolmen 3 de Saint-Martin-du-Larzac dans un contexte général de dispersion des populations, antérieur à l’installation de la paroisse et de la construction de son église Saint-Martin-de-Mauriac au XIe siècle, avec son cimetière. Ce territoire paroissial postérieur peut être pris en compte par sa dimension symbolique et d’intégration du vécu spatial d’unités précédentes qui ont pu se fondre dans ses limites. De là découle la proposition d’un modèle spatial pour l’agrosystème lié à ces nécropoles dont le principe repose sur l’identification des lieux domestiques associés à ces espaces funéraires qui, par définition, sont plus aptes à polariser un territoire. Au sein de cette surface, la synthèse des données relatives aux sols peut alimenter une hypothèse des contours de la répartition quantitative des terroirs propices aux parcours, aux labours, et des espaces forestiers. D’autres informations matérielles contribuent à évaluer ce système, comme les ressources en eau. La dimension plus culturelle et symbolique de la représentation de l’espace est envisageable au travers du critère de l’emprise visuelle sur le paysage depuis la nécropole, susceptible d’établir un lien continu avec les défunts. Enfin, les reliefs marqués apparaissent comme des éléments de rupture sur lesquels les limites d’un territoire peuvent s’appuyer, ce qui peut être renforcé par leur concordance avec le rayon spatial particulier à chaque communauté dans son territoire avec ses propres opportunités agraires, ou par des capacités à abriter des vents dominants. Cette approche, basée sur l’exemple de Saint-Martin-du-Larzac, permet de proposer l’hypothèse d’unités territoriales liées à ces nécropoles étendues sur 660 hectares avec un potentiel de 17 % des terroirs propices aux labours, le reste étant associé aux espaces de parcours et de forêt, au sein de paysages marqués par une déforestation amplifiée depuis l’Antiquité. Si l’on transpose ces données aux rendements céréaliers produits à l’hectare connus pour le XVIIIe siècle, soumis aux conditions d’assolement du temps susceptibles de pourvoir à la nourriture annuelle d’une personne, on peut envisager l’effectif démographique de cette communauté durant le haut Moyen Âge autour d’une centaine d’individus au maximum.

Durant l’Antiquité qui précède, le Larzac, depuis le second siècle avant notre ère et la conquête de la Narbonnaise, est en situation d’interface ouverte à la romanisation. Ce processus s’amplifie après la conquête des Gaules avec l’intégration définitive de la cité des Rutènes et l’entrée de ce territoire dans l’économie marchande de l’empire. Pour l’espace, c’est le temps décisif où il se recompose avec l’installation de grands domaines et l’établissement de vici

Dans ce contexte, la voie antique Segudunum/Cessero joue un rôle essentiel notamment pour la production de céramique de la Graufesenque qui se déverse dans l’espace impérial. Au-delà des réutilisations ponctuelles comme abri ou à des fins cultuelles, les mégalithes paraissent particulièrement employés pour baliser le territoire. C’est le cas le long de la voie antique, héritière d’un tracé protohistorique, axe majeur nord/sud que les mégalithes sont nombreux à ponctuer. L’atlas Trudaine, établi entre 1745 et 1780, livre les variations de cet ancien axe, avec ses tracés successifs antique puis médiéval lié au regroupement urbain à la Cavalerie, et pour la route royale à laquelle succédera la future Nationale 9. Ce document y mentionne deux dolmens, ce qui, avec la localisation d’autres mégalithes, particulièrement des menhirs, le long d’autres portions du tracé antique ou d’autres voies de communication, constitue un signe marquant de réutilisation.

En entrant dans la période historique, l’héritage du semis mégalithique larzacien reste inscrit dans les paysages. Au sein d’un espace désormais anthropisé en profondeur, au gré des évolutions de son organisation, la place des mégalithes oscille entre abandon, oubli, destruction et nouvelles affectations. Dans la durée historique les polarisations spatiales, les réseaux de communication se redistribuent par les liens à d’autres niveaux d’échelle, les changements économiques, environnementaux, culturels, politiques et sociaux. Chaque séquence ajoute, redonne ou soustrait des fonctionnalités aux édifices préhistoriques qui subsistent. De simples abris jusqu’à de nouvelles affectations funéraires ou cultuelles, jalons d’itinéraires, repères territoriaux, supports de légendaire, insérés dans les représentations de l’espace, leurs inscriptions dans le paysage portent les signes du sens de la place ancienne de ces constructions et démontrent un lien constant avec son organisation.

Modèle d’organisation spatiale autour de la nécropole du haut Moyen Âge de Saint-Martin-du-Larzac
Fig. 4 Modèle d’organisation spatiale autour de la nécropole du haut Moyen Âge de Saint-Martin-du-Larzac

Dans les paysages de la Protohistoire et de l’âge du Bronze

La Protohistoire est cette période intermédiaire à l’aube de l’histoire où les peuples sans écriture échangent avec des civilisations qui la pratiquent. Le plein Âge du Bronze, qui précède, demeure complexe à aborder pour le mégalithisme : sa phase ancienne est encore marquée par l’apogée du phénomène qui se prolonge largement jusqu’à sa phase finale par de rares et ultimes constructions, des réaménagements et de nombreuses réutilisations. Ces évolutions des pratiques funéraires, des lieux affectés aux défunts, et de la relation à la mort constituent autant de signes des dynamiques de l’organisation spatiale.

L’étude des remplois tardifs confirme des impacts notables sur les architectures, dont le dolmen 3 de Saint-Martin-du-Larzac est à nouveau le révélateur. Ce dolmen s’est avéré être une des ultimes constructions qui, sans aucun élément antérieur au milieu du IIe millénaire avant notre ère, paraît être lié au contexte chronologique d’un âge du Bronze ancien finissant et le début de l’âge du Bronze moyen. La fréquentation du site, bien attestée au terme de l’âge du Bronze final, se renforce au 1er âge du Fer, entre le VIIe et le VIe siècles avant notre ère avec un remploi pour au moins une sépulture individuelle à l’intérieur de la chambre du dolmen avec des ajouts architecturaux. Ces derniers prennent la forme d’une structure quadrangulaire de 11 mètres de côté, limitée de grosses dalles à plat contenant un empierrement horizontal qui enserre le cairn précédent. Cette recomposition monumentale préserve la position centrale du dolmen et son architecture, renforçant sa dimension ostentatoire dans l’espace environnant.

Dans ce contexte, à l’échelle de ces monuments sépulcraux, les remplois apparaissent fréquents sans qu’il soit possible de dissocier le choix d’un usage funéraire prolongeant délibérément le précédent de celui d’un simple opportunisme. Au niveau spatial larzacien, la concordance entre l’implantation des dolmens et des architectures plus tardives, généralement sous la forme de sépultures individuelles en simple tumulus ou en cistes, n’est pas systématique. Les cas de monuments mégalithiques néolithiques non réutilisés et sans proximité visible d’ensembles funéraires protohistoriques demeurent fréquents. Mais les voisinages existent. L’examen détaillé de concentrations tumulaires protohistoriques traduit parfois des concordances à l’échelle des nécropoles, entre la présence de sépultures mégalithiques et celle de ces structures funéraires plus tardives. Ces différentes situations révèlent des perdurations ou des dissociations des espaces dédiés aux morts au sein des organisations territoriales selon les séquences, de la Préhistoire récente à la Protohistoire. Le maniement de plusieurs niveaux d’échelle souligne toutefois des similitudes.

Parmi ces dernières, la plus significative reste le positionnement dans des secteurs de devèze de faible sédimentation, seulement ponctués d’espaces plus réduits aptes aux cultures, sujets aux effets de l’accentuation ou de la rétractation de la pression anthropique en dehors des espaces privilégiés pour l’ager. Ce rapprochement suggère les principes d’une organisation de fond de l’agrosystème qui paraît imprégner la durée larzacienne, même si la mobilisation des différents niveaux d’échelle révèle la variation de localisation des espaces affectés aux morts.

Ces éléments de constestation peuvent permettre de contribuer à la définition des unités spatiales dans lesquelles s’est inséré le mégalithisme larzacien durant la Préhistoire récente.

L’émergence et l’apogée du phénomène durant la Préhistoire récente :
la conquête et la maîtrise de l’espace à tous les niveaux d’échelle

C’est entre la première moitié du IVe millénaire et le début du IIe millénaire que le mégalithisme du Larzac naît et connaît son apogée, à l’instar du continuum du mégalithisme régional.

Sur le Larzac, le dolmen du Devez de la Baume livre à ce jour les plus anciennes datations au radiocarbone, entre la fin du Néolithique moyen et le début du Néolithique final. Outre la dimension collective des sépultures en dolmen, reconnue dès les premières fouilles, leur étude révèle sur le Larzac aveyronnais une diversité architecturale certaine. Les critères de catégorisation permettent de souligner des architectures propres à l’aire des Grands Causses, dont certaines révélatrices d’influences d’autres foyers régionaux. Cela confirme la situation d’interface du mégalithisme larzacien ouvert à de multiples courants, notamment languedocien avec ses dolmens à couloirs. Les objets d’accompagnement des défunts confirment cette ouverture aux échanges, pour les matériaux des parures ou l’origine des pièces lithiques. Les formes et les décors céramiques figurent parmi d’autres marqueurs des singularités et des emprunts qui caractérisent ces sociétés.

L’échelle du monument dolménique

L’analyse de l’ensemble des composantes architecturales à l’échelle du monument, avec l’évaluation des parts respectives du fonctionnel et du symbolique, rejoint la question de la relation à l’espace et de l’implantation paysagère. Cette interrogation est essentielle pour tenter de saisir un aspect initial tel qu’il était désiré et perçu par les auteurs de ces constructions.

La dimension fonctionnelle est dictée par un usage clairement reconnu : le dépôt des morts, leur protection, des pratiques funéraires et mémorielles, qui imposent des contraintes architectoniques mais qui se mêlent à la portée symbolique de la composition architecturale et aux degrés de pérennité et d’ostentation désirés.

Au croisement du fonctionnel et du symbolique se place la localisation, l’insertion dans un territoire maîtrisé au travers d’un système de croyances et de relation à la mort générant des niveaux de distance et de visibilité vis-à-vis des autres lieux fréquentés par les vivants.

Pour la partie mégalithique, la dalle de couverture constitue l’élément le plus spectaculaire. Elle paraît être le sommet de l’édifice et sa masse impressionne souvent, comme au dolmen de Baurette à Sauclières où elle atteint les 30 tonnes. Soutenue par des orthostates, eux-mêmes bloqués par une dalle de fond, elle recouvre et protège l’espace funéraire. Elle témoigne particulièrement du choix de l’implantation monumentale, par son transport depuis son lieu d’extraction, comme au dolmen de la Fabière où la dalle de plus de 27 tonnes a été déplacée sur au moins 250 mètres. C’est la démonstration de la force de travail mobilisée, de techniques de déplacements éprouvées, d’une place singulière dans l’organisation territoriale et d’une représentation symbolique de l’espace.

Relations entre les mégalithes et la nécropole tumulaire protohistorique du Blacas (Viala-du-Pas-de-Jaux ⎼ Aveyron)
Fig. 5 Relations entre les mégalithes et la nécropole tumulaire protohistorique du Blacas
(Viala-du-Pas-de-Jaux ⎼ Aveyron)

Au-delà de la chambre mégalithique, les composantes architecturales se succèdent pour la contenir, en assurer la stabilité, la durée, permettre diverses formes de fréquentation et produire l’aspect extérieur de la construction. Là, comme pour l’ensemble de l’édifice, c’est la technique de la pierre sèche qui prévaut, même si parfois l’usage de la terre est attesté. Cette partie englobe la chambre funéraire, en constitue parfois un soubassement tel un podium. Le souci de durabilité incarné par les parties mégalithiques ne pouvait que s’imprimer sur la conception de cette enveloppe englobante et protectrice du dolmen. Au final, la forme d’une architecture en dôme, en calotte, circulaire ou plus ou moins elliptique, paraît prévaloir, dont le sommet n’excède pas celui de la dalle de couverture et qui demeure l’élément dominant de la construction dans tous les sens du terme. Les monuments peuvent prendre des proportions spectaculaires comme au dolmen du Devez de la Baume où la chambre dolménique constitue le pôle oriental d’une structure qui s’allonge sur 64 mètres.

Le dolmen du Devez de la Baume dans son environnement paysager (Lapanouse-de-Cernon - Aveyron)
Fig. 6 Le dolmen du Devez de la Baume dans son environnement paysager (Lapanouse-de-Cernon - Aveyron)

Ainsi se conjuguent dans l’édifice l’utile et le symbolique, des techniques garantissant la stabilité et donc la durée, la pérennité, offrant la protection aux défunts, permettant une articulation entre le monde des morts et celui des vivants, entre la vie et la mort, avec une structure d’accès pratique mais aussi interface, lieu hautement symbolique de passage. L’ensemble de l’architecture trouve peut-être ainsi sa meilleure définition dans cette combinaison de l’utile et du symbolique, au travers de la composition du cairn, protecteur du dolmen sans en amoindrir la visibilité, offrant un espace monumental apte à des fréquentations et à sa perception constante en un lieu donné et signifiant pour une communauté, avec son système de croyance et sa volonté d’emprise territoriale.

Où sont les mégalithes ?

La localisation de ces constructions peut elle aussi être instructive, comme nous l’avons déjà suggéré pour l’évaluation du volet symbolique. Apparemment distantes des sites d’habitats stables, les constructions dolméniques ont des situations cohérentes dans leurs relations à l’espace. Plus fréquemment implantées dans des secteurs de pente mais rarement culminants, surplombant les reliefs en creux, et plutôt dans des terroirs de faible sédimentation, ces lieux de sépulture à la différence des traces d’habitats pérennes n’ont pas de fonction polarisante pour les territoires. Cela relativise la probabilité d’un fort degré de visibilité de ces architectures, qui ont plutôt tendance à se fondre dans leur environnement marqué par la déclivité. Au final ces constructions, très probablement marquées par des élévations en dôme, empâtées, qui atténuaient leur apparence, étaient surtout visibles par la constitution de leur masse pierreuse jusqu’à se fondre dans le paysage au gré de leur abandon avec la sédimentation et la végétalisation. Si ces monuments ponctuent des unités spatiales particulières, s’ils se distinguent dans le paysage, c’est sans ostentation excessive.

Les pleins mégalithiques du Larzac septentrional
Fig. 7 Les pleins mégalithiques du Larzac septentrional

La question de la répartition des mégalithes se pose à tous les niveaux d’échelle, du local au régional, pour ses relations aux données physiques, à l’orographie, l’hydrographie, la géologie, la pédologie, et au facteur du rapport distance/temps vis-à-vis des différentes unités géographiques, à celui des capacités d’ouverture et des relations aux formes variées d’habitat ou de lieux d’occupation durant la Préhistoire récente. Y répondre permet de situer l’insertion des monuments au sein des unités territoriales de leurs constructeurs en établissant leurs liens avec les degrés et les formes d’anthropisation des espaces.

Un constat s’impose à tous les niveaux d’échelle : l’inégalité marquée dans le semis des mégalithes, les sépultures ou la catégorie des menhirs, la présence de vides et de pleins dans la répartition de leurs densités.

De l’échelle du Larzac aveyronnais à la dimension régionale

À l’échelle du Larzac, un premier constat s’impose avec l’alignement des pleins sur les grands axes structuraux du causse, ce qui traduit un lien particulier au relief. Les faibles densités ou les vides concernent les vallons, les gorges, ou la proximité de ces dernières. À l’opposé, les densités se renforcent en bordure des vallons et dans certains secteurs à l’intérieur du plateau. La relation à la géologie indique que les dolmens paraissent plus nombreux dans les secteurs d’alternance de calcaire et de dolomie, alors que les menhirs sont plus fréquents là où la dolomie est dominante. Les vides concernent toutes les formes de secteurs géologiques, même ceux associant dolomies et calcaires, pourtant plus susceptibles de fournir les matériaux favorables aux constructeurs ; il n’y a donc pas de déterminisme géographique pour les répartitions. Si le rapport aux types de sols liés aux catégories du substrat géologique est à prendre en compte, c’est sans lien de dépendance systématique. L’analyse de ces inégalités, contrastes, continuités, pleins et vides dans le semis des mégalithes souligne des liens privilégiés avec certaines unités spatiales et des choix d’implantations appropriés à des logiques de localisation dictées par des organisations territoriales.

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Les vides

Le premier pan de l’analyse peut porter sur les vides qui, à l’échelle de ce qui environne le Larzac aveyronnais, paraissent constituer les marges des densités mégalithiques. Ils se composent d’abord de ruptures topographiques telles les Gorges de la Dourbie, de la Virenque, les contreforts occidentaux du massif de l’Aigoual, le secteur primaire du Rougier de Camarès. À cela s’ajoute un autre contraste dans le relief, les vallons du Tarn, du Cernon, du Soulzon, de Cornus ou de Fondamente, couronnés par le ruban de falaises du causse, avec leurs pentes adoucies, des sols épais, fertiles, des ressources aquifères abondantes. Ainsi, dans ce contexte larzacien les reliefs en creux se distinguent par la rareté mégalithique, voire une absence totale dans les gorges. Sur le causse, la proximité des gorges se distingue par des densités très faibles, à la différence des espaces proches des vallons où elles se renforcent nettement. Les gorges, au sein du territoire étudié, figurent comme des périphéries du phénomène, marquées par la difficulté du franchissement et la difficulté de mettre en valeur un encaissement hérissé de rochers. Les autres vides se singularisent par leur situation à l’intérieur du causse et leur éloignement des zones les plus en contact avec les vallons. C’est donc la conjugaison de plusieurs facteurs qui paraît commune à ces vides, l’éloignement des pleins, les obstacles à la circulation auxquels s’ajoutent la distance et le temps de déplacement accrus depuis les établissements les plus pérennes. La confrontation de ces vides aux contextes pédologiques livre également quelques tendances fortes. Si les espaces des ségalas larzaciens, les sols les plus riches, paraissent dépourvus de mégalithes, la majorité des autres vides apparaît marquée par la quasi absence de ces sols brunifiés. L’association des vides à des sols superficiels, très caillouteux, de surcroît parfois marqués par l’acidité due à des substrats dolomitiques et aux faibles capacités de rétention hydrique est la plus fréquente. Ici la pauvreté des sols l’emporte, ne se prêtant que marginalement aux cultures avec la vulnérabilité due à la rareté des précipitations estivales, même si des points d’eau pérennes ponctuels restent accessibles dans ces secteurs.

Articulations entre et autour des pleins dolméniques du Larzac septentrional
Fig. 8 Articulations entre et autour des pleins dolméniques du Larzac septentrional

Ces difficultés liées aux sols renforcent celle de la distance, et alimentent une moindre attractivité pour ces espaces en leur donnant la caractéristique de marge dans l’agrosystème associé aux constructions mégalithiques. C’est le terme d’extensions territoriales qui est suggéré, éclairant par leur intermédiaire des logiques de relations spatiales, de déplacements et d’articulation des communications entre les pleins. Ces espaces vides figurent comme de véritables impasses pour l’extension de l’agrosystème, des espaces frontières.

L’« arc du vide » autour des pleins dolméniques des Grands Causses
Fig. 9 L’« arc du vide » autour des pleins dolméniques des Grands Causses

Les pleins

Les pleins s’opposent aux vides par leurs contrastes, que ce soit à l’échelle du Larzac ou régionale. Sur le Larzac, la relation des pleins avec les pentes et l’orientation des alignements structuraux sont patentes. Les dolmens apparaissent majoritairement dans des secteurs de déclivité, de faible accumulation sédimentaire et très associés à la devèze, cet espace intermédiaire ponctué de dépressions et d’opportunités pour les labours, où se mêlent l’ager et le saltus. C’est dans la durée que s’y est exercée la pression anthropique par ses cycles de conquête sur cet espace, ou l’inverse avec sa déprise et ceux d’abandon. Pour ces pleins se conjuguent de multiples facteurs, géologiques, orographiques, pédologiques, de rapport distance/temps entre eux et vis-à-vis d’espaces aux plus riches potentialités propices à des occupations plus pérennes et aux capacités d’ouverture sur des espaces variés.

L’échelle régionale livre des contrastes semblables à ceux du Larzac pour les Grands Causses, qui apparaissent enserrés dans un véritable arc du vide mégalithique dont l’identité contribue à éclairer la situation larzacienne. Le Rougier de Camarès, les contreforts occidentaux de l’Aigoual, le Lévézou, les terres acides du Ségala, l’Aubrac, la Viadène, la Margeride ou une partie des Cévennes orientales voient les vides se développer sur de larges échelles. Est-ce le signe d’espaces à l’écart ? de périphéries ? d’occupations plus ponctuelles ? en marge de zones davantage peuplées ? plus distants des axes de flux d’échanges et de populations ? Le semis des mégalithes jalonne-t-il un espace plus précocement conquis par les constructeurs de mégalithes ? Le relâchement des densités révèle-t-il des étendues entrées plus tardivement dans les dynamiques suscitées par les sociétés néolithiques récentes ? Un déterminisme contraint par les conditions du milieu, même si l’on ne peut écarter les opportunités qu’elles offrent, est contredit par l’extinction progressive des pleins au sein des unités géographiques de cet arc du vide. C’est une cohérence régionale liée au dynamisme démographique, tout particulièrement à la fin du Néolithique, qui apparaît et qui pourrait apporter une réponse aux distorsions du semis mégalithique né de la conquête anthropique de l’espace.

Un modèle d’occupation du paysage durant la Préhistoire récente

La mise en relation des données archéologiques avec les potentialités et les unités agraires larzaciennes peut contribuer à la proposition d’un modèle d’occupation de l’espace durant la préhistoire récente. Si les lieux sépulcraux constituent les informations les plus denses, la mise en évidence de différentes formes d’implantations humaines autorise le renouvellement de la réflexion sur l’agrosystème caussenard ancien. Les rapports entre les différentes unités topographiques caussenardes apparaissent aujourd’hui davantage inscrits dans la cohérence d’un fonctionnement systémique rompant avec un excès de centralités accordé aux vallées, aux vallons, voire aux gorges avec leurs cavités. L’analyse des données environnementales autour des mégalithes et des établissements humains de la Préhistoire récente sur le causse peut permettre d’approcher une définition des composantes spatiales de l’agrosystème, et de celles qui ont pu constituer des unités territoriales. Le principe d’une organisation tripartite peut être présenté.

Le premier facteur de distinction peut s’appuyer sur le gradient décroissant des surfaces au potentiel labourable depuis un espace à vocation centrale où ont été identifiés des établissements durables, liés à de riches potentialités agraires où, d’après les exemples analysés, 53,09 % de leurs étendues sur le plateau peuvent se prêter aux labours. Tel est le cas du site des Campasses-Labro (l’Hospitalet-du-Larzac), dans une plaine de riches ségalas avec des unités domestiques du Néolithique final étendues sur 4 hectares et de nombreuses traces de céréales, blé amidonnier et tendre ou d’orge 9. Cet espace central apparaît clairement dissocié de la monumentalité mégalithique, que ce soit pour les dolmens ou les menhirs.

À l’espace central succède une périphérie que l’on peut qualifier d’intégrée, dépendante du centre, avec une alternance plus nette entre des espaces propices aux labours et d’autres aux parcours, à l’avantage de l’étendue de ces derniers (63,3 %) sur le causse : c’est le contexte de la devèze, véritable espace miroir des impacts pour les variations du dynamisme démographique suscitant selon les cycles l’expansion ou le reflux des labours en son sein. Située en bordure de ce type de secteur, la fouille de la doline de la Pomière (La Cavalerie) révèle une occupation s’étendant du Néolithique moyen au Bronze moyen/final, avec le colmatage progressif d’une doline à la suite de la déstabilisation des versants dominants par l’alternance de phases de pression anthropique sur le milieu et de reconquête végétale 10. Au-delà de cette identité paysagère, l’articulation avec le vallon (19,3 % de la périphérie intégrée) et l’intégration partielle de ses terroirs fertiles, de ses ressources en eau, de son couloir de circulation, constituent un potentiel de capacités agraires complémentaires et d’ouverture avec un couloir de relation vers d’autres espaces. C’est dans la devèze que s’impose la monumentalité dolménique, qui paraît ainsi indiquer la volonté de prégnance et de bornage de l’espace dans sa portion la plus sujette aux variations de la conjoncture.

Modèle spatial empirique d’occupation du Larzac septentrional durant la Préhistoire récente
Fig. 10 Modèle spatial empirique d’occupation du Larzac septentrional durant la Préhistoire récente

Pour les vallons, la rareté des sépultures mégalithiques, la présence de dépôts funéraires collectifs, ici en cavité, font-elles de ces derniers espaces des unités subordonnées aux établissements durables des terroirs dominants et fertiles du plateau ou plus autonomes, dont quelques indices pourraient en indiquer la présence ? La définition de ce niveau de relation entre plateau et vallon fertile reste en suspens en l’absence de données suffisantes pour l’instant.

La dernière unité spatiale du modèle peut être qualifiée de marge, avec une contraction de l’espace aux potentialités labourables (23,02 %) réduit aux niches de quelques combes, dans un environnement fréquent de reliefs à dominante dolomitique et ruiniforme avec des modalités d’occupations plus sporadiques. C’est un espace aux capacités d’ouverture limitées, marqué par des ruptures topographiques comme les gorges ou le peu d’articulation avec les vallons. Là, point de mégalithes, ils n’apparaissent que sur les franges de cet espace, avec les dolmens et les menhirs témoignant d’un contrôle territorial plus affirmé quand le passage se fait à la périphérie intégrée. L’analyse des charbons de bois de l’aven du Rajal del Gorp (Millau), habitat au cœur d’un de ces vides au Néolithique final, indique un paysage en mosaïque, peu ouvert, composé de buis et de chênes en taillis denses 11. Dans cet espace éloigné, davantage fermé, où l’anthropisation apparaît plus ténue, la discrétion des dépôts funéraires en cavité est de règle et souvent proches de traces d’occupations épisodiques comme au site du Champ de Quercy (La Couvertoirade) 12. Est-ce à l’image de cette fragilité de la maîtrise anthropique pour ces espaces, avec l’insécurité qu’elle peut susciter en imposant la proximité des morts de l’habitat dans un espace moins contrôlé ? Tout paraît indiquer l’identité d’un espace de confins, celle d’une frontière.

Ces trois unités spatiales sont-elles constitutives de composantes territoriales ? La monumentalité mégalithique suggère des finages, ainsi que leur répartition dans l’espace. Les unités territoriales évoquées paraissent à même de procurer la complémentarité des terroirs nécessaires à des économies de subsistance, avec des modalités d’exploitation des ressources conjuguant stabilité et mobilité. Sur le terrain, ce modèle prend davantage la forme d’un emboîtement d’unités spatiales aux vocations différentes plutôt que celle d’une succession systématique, mais sa relation avec des ensembles territoriaux peut être concevable.

Conclusion

Cette approche dans le temps long révèle comment les mégalithes, avec des affectations changeantes dans les paysages, ont persisté à occuper des places au sein des agrosystèmes successifs du Larzac. La période historique, mieux documentée, dévoile comment cette monumentalité ancienne s’articule avec les fluctuations des polarisations de l’espace, l’évolution des terroirs et des finages. Ces insertions dans les organisations spatiales incitent à envisager les multiples voies du sens de ces relations dans les temps antérieurs des édifications qui entrent dans une chronologie longue, du IVe millénaire au second millénaire de notre ère. Cette démarche dans la durée et l’approche multiscalaire du local au régional dévoilent les distorsions dans l’occupation de l’espace, et un modèle de peuplement pour le temps des premières constructions jusqu’à celui de l’apogée du phénomène mégalithique. À l’échelle de la zone étudiée, des unités spatiales apparaissent liées aux potentialités agraires des terroirs, aux singularités de la morphologie de l’espace, aux capacités d’ouverture, inscrites dans la cohérence d’une complémentarité entre ager, saltus et silva. Ainsi, pour la Préhistoire récente, le semis des mégalithes avec ses pleins et ses vides s’insère dans les articulations de ce modèle avec des logiques de mise en valeur et d’échanges. Ces unités spatiales complémentaires s’organisent autour d’espaces centraux aux plus riches potentialités agraires, liés à une périphérie intégrée clairement en relation avec la notion historique de devèze, siège principal de la monumentalité dolménique, ici, plus dense et incarnant la volonté de pérenniser l’appropriation humaine dans un espace sujet aux variations de la conjoncture. Ces deux premiers ensembles spatiaux ont en commun leur capacité d’ouverture aux grandes unités morphologiques du causse et vers des espaces plus lointains. Enfin succède une marge qui complète ce modèle, espace de confins, une frontière, moins ouverte, plus éloignée, aux occupations plus sporadiques, avec des lieux différents accordés aux morts et d’autres formes de distances entre eux et les vivants. Au-delà s’emboîtent d’autres unités, ou bien s’opère le passage avec un arc du vide régional, quand les densités mégalithiques se relâchent ou disparaissent.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. D. Lowenthal, 2008, « Dans les lieux comme chez les gens, le regard de l’esprit perçoit un palimpseste construit sur la base de toutes nos expériences passées, de nos hypothèses passées et actuelles sur l’histoire du paysage. »

2. M. Bloch, 1931, « La Méthode régressive (…), ce qu’elle prétend saisir, c’est la dernière pellicule d’un film, qu’elle s’efforcera ensuite de dérouler à reculons, résignée à y découvrir plus d’un trou, mais décidée à en respecter la mobilité. ».

3. Grataloup, 1996.

4. Temple, 1936.

5. Cartailhac, 1877.

6. Azémar, 2021.

7. Pastoureau, 2016.

8. Delmas, 2017.

9. Pons, 1995.

10. Bruxelles et Pons, 2006.

11. Liottier, Chabal et Demierre, 2017.

12. Pons, 1995.