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Description

Décimes et aliénations des biens du Clergé
dans les Diocèses Languedociens au XVIe siècle

Dans un précédent article, nous avions dressé, pour la période 1568-1578, les tableaux successifs du paiement des décimes par le clergé de France. Nous ne reviendrons pas sur le choix de la période, ni sur l’aspect institutionnel de la participation régulière du clergé de France aux dépenses de la monarchie. Mais nous rappellerons quelques hypothèses de travail et avancerons quelques suggestions pour rendre compte de ce vaste mouvement de refus de l’impôt qui affecte la France au moment des troubles de religion de la seconde moitié du XVIe siècle. Il n’est pas douteux que la fiscalité ecclésiastique fut la première à souffrir du passage de régions entières à la nouvelle foi. En amont, ce sont les dîmes qui ne sont plus payées ou détournées de leur destination ecclésiastique, le casuel qui s’amenuise, les bénéfices qui sont spoliés au hasard du passage des troupes de l’un ou l’autre camp ou plus radicalement confisqués par les seigneurs huguenots. En aval, c’est l’impossibilité des bénéficiers taxés pour la décime due au roi de s’acquitter dans les délais légaux de leur quote-part de la subvention, ce sont les « restes » qui s’accumulent, ce sont les démarches réitérées pour obtenir du roi ou des cardinaux une décharge totale ou partielle.

Les défaillances réelles se conjuguèrent, sans aucun doute, avec la mauvaise volonté de certains ecclésiastiques qui profitèrent des troubles pour échapper à une imposition impopulaire qui malmenait le principe saint de l’immunité des biens ecclésiastiques et dont l’usage bravait souvent l’honnêteté : la Cour des derniers Valois n’utilisa pas toujours, il s’en faut, l’argent versé par le clergé pour la défense de la religion catholique. Nombre de bénéficiers pouvaient donc, sans trop de scrupules de conscience, se dispenser de tout règlement à la recette générale du clergé, en excipant de troubles vrais ou supposés survenus dans leur paroisse ou leur canton. Au phénomène protestant, fondamental assurément, s’ajouta, dans certains cas, une volonté délibérée de faire la grève de l’impôt. Le fait même que certaines régions dont nous savons qu’elles ont été touchées par la Réforme – les diocèses de Meaux, de Rouen, de Coutances – s’acquittent imperturbablement de leurs décimes, alors qu’en 1578, la Bretagne « ultra-papiste » et futur bastion de la Ligue refuse à 100 % la décime complémentaire et ne paie les décimes ordinaires que dans des proportions variant de 52,82 % (diocèse de Vannes) à 64,91 % (diocèse de Léon), montre bien que la carte du refus des décimes, pas plus que celle du refus des dîmes, n’est exactement superposable à celle du protestantisme. Le refus de l’impôt, mesuré dans le domaine de la fiscalité ecclésiastique, s’il accuse plus profondément le fait protestant, ressortit aussi très largement à la situation centrale ou excentrique des régions françaises. Dans un pays où l’autorité royale se délite, il n’y a guère plus que le bassin parisien à ressentir encore les impulsions du gouvernement et à y répondre. Ailleurs, à la périphérie, dans les provinces les plus tardivement réunies ou soumises à la sujétion de la monarchie, là où les autonomies locales, défendues par les coutumes, les États provinciaux et la noblesse, sont demeurées vivantes, la fronde fiscale s’épanouit, révélant les lignes de fracture du processus de l’unification territoriale. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1983

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Claude MICHAUD

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf