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Description

De Lodève à Compostelle : Genèse d’une légende

Il semble aujourd’hui acquis que Lodève soit une étape incontournable sur la Via Tolosana qui chemine vers Compostelle, si l’on en croit Le Lodévois, opuscule édité par l’Office du Tourisme (2004) ; rien n’est moins sûr pourtant au regard de l’histoire effective de notre région.

Le nom même de Via Tolosana ou « chemin d’Arles » est inconnu dans les documents lodévois. Les pèlerinages vers le tombeau de saint Fulcran, évoqués dans les vies du saint, ne suggèrent aucun cheminement vers Saint-Jacques en Galice. La Vita Prima (XIe siècle) raconte l’histoire d’un infirme de l’albigeois qui, de retour d’un pèlerinage à Rome, s’arrête pour prier saint Fulcran ; « s’agrippant au sarcophage qui contenait les cendres du bienheureux », il sera guéri. Contrairement à son contemporain Godescalc, évêque du Puy, Fulcran ne se rend pas à Compostelle mais préfère Rome (trois fois) et Souvigny (deux fois).

Il est vrai que, non loin de là, les moines de Saint-Guilhem-le-Désert ne font guère état de la situation de leur abbaye sur la route de Toulouse. Dans le Moniage Guillaume, les pèlerins qui empruntent le Pont-du-Diable ne se dirigent point vers Compostelle comme le voudraient la plupart des récits actuels3 mais vers Rocamadour, autre sanctuaire renommé et fréquenté par les plus illustres personnages, de saint Dominique à Louis X : « Les pèlerins y passent en allant à Rocamadour, et lancent des pierres dans l’eau qui est noire, tournoyante et sans fond ». (Chap. VIII).

C’est logique en effet, Rocamadour étant tout au bout de la route de Saint-Gilles à Rodez et à Figeac, en passant par le fameux Pont-du-Diable, Montpeyroux et Saint-Pierre-de-la-Fage. Cette route n’est rien moins que le Cami Roumieu des Templiers du Larzac lorsqu’ils se rendent au port de Saint-Gilles pour y charger leurs galées vers la Terre Sainte. C’est aussi l’ancienne voie romaine de Rodez à Nîmes qui, à hauteur de La Pezade, croise celle de Cessero (Saint-Thibéry) à Condatomagus, (Millau). Grandes routes, certes, mais qui ne mènent nullement à Compostelle.

Se pourrait-il que les moines de Saint-Guilhem n’aient jamais eu connaissance du Livre de Saint Jacques dit aussi Codex Calixtinus, lourd manuscrit du XIIe siècle conservé dans les archives de la cathédrale de Compostelle ? C’est fort possible au vu du petit nombre de copies qui ont été retrouvées. Ils ont fort probablement tout ignoré de la notice consacrée à Guillaume de Gellone par le chanoine Aimeric Picaud. Mais il se peut aussi que les inventeurs du GR 653 n’aient pas bien examiné toute la notice qui après une visite à saint Guilhem, invite le pèlerin à se hâter vers Saint-Thibéry pour y vénérer les reliques des martyrs Tibère, Modeste et Florence. Nous sommes bien loin ici de Lodève et de Lunas, la via Tolosana empruntant à cet endroit la très ancienne Voie Domitienne, entre Nîmes et Narbonne. Rien ne permet d’affirmer ou d’infirmer que la route des pèlerins passait ou ne passait pas par Béziers pour rejoindre Toulouse par Saint-Pons ou par Narbonne en suivant l’antique Voie d’Aquitaine. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2008

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Francis MOREAU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf