Description
Béziers, une ville en profonde mutation
À propos de Béziers, pour l’individu habitué à manier l’information statistique, à asseoir le plus fermement possible ses jugement sur des mesures chiffrées, il existe un écart considérable entre les conclusions auxquelles il aboutit et le discours le plus fréquemment utilisé par les responsables locaux. Certes l’économiste peut comprendre l’utilisation stratégique du langage. Dire que cela va mal peut justifier une demande d’aide au pouvoir central, insister sur un constat de carence tend parfois à rejeter la « faute » sur les responsables antérieurs. Mais l’utilisation d’un tel langage relève aussi de l’inconscient, de l’implicite elle risque à terme de susciter des attitudes, des anticipations, des actions en harmonie avec l’ambiance entretenue.
Pour ces deux raisons, il nous paraît nécessaire de réagir, de s’imposer de temps à autre une distance par rapport à l’habitude.
Sans se croire porteur de la vérité, l’économiste – et plus encore le chercheur – se doit par moment de recomposer l’image avec les instruments qui lui sont coutumiers. Il l’offre au public. Si elle concorde avec la conception ambiante, elle n’a pour résultat que de la conforter. Si la vision qu’il propose est discordante, il crée un contrepoint à l’image véhiculée. Par là, il suscite une réaction ; une réflexion constructive dont peuvent procéder de nouvelles conceptions que la société se donne d’elle-même. C’est du moins l’objectif que nous donnons à ces pages sur l’économie biterroise.
LES RÉFÉRENCES BITERROISES
Sans mener de véritables recherches en la matière, il semble évident que la vigne reste tout à fait présente dans la symbolique biterroise. Du label de « capitale du vin » affiché aux entrées de la ville à la place du tonneau dans les festivités estivales, la volonté est évidente d’inscrire, de maintenir la ville dans sa tradition viticole que l’on se plaît fréquemment à faire remonter à l’époque romaine. De manière moins caricaturale, mais tout aussi certaine, la place de la vigne dans la presse locale, les références qui lui sont faites dans le discours politique constituent autant de jalons facilement identifiables sur le chemin commun de Béziers et de son vignoble. Il en serait de même si l’on portait son interrogation du côté de Narbonne. Mais avec Montpellier s’arrête l’assimilation, d’autres sédimentations sémiologiques sont venues occulter la face viticole de la société locale.
S’il était nécessaire de justifier le maintien du couple Béziers-vigne, le paysage biterrois serait l’argument irréfutable. Au plan de la vie sociale, de l’économie, il faudrait remonter plus loin dans le passé. Béziers a quelques reconnaissances à exprimer à la vigne. Alain Berger et Frédéric Maurel montrent la fructueuse conjugaison des deux éléments au cours du XIXe siècle. Un chiffre l’identifie : de 1846 à 1907, la population triple presque ; elle passe de 19 à 52 000 habitants. Au cours de la même période Montpellier ne double même pas. Les auteurs cités dissèquent et expliquent cet essor d’une construction économique cohérente, complète depuis la constitution du vignoble jusqu’à son approvisionnement en consommations intermédiaires et à l’écoulement de sa production par les activités urbaines. Cette structuration superbe donnait des résultats économiques à sa dimension elle modelait la vie sociale à travers l’immigration, l’instruction, l’habitat, les consommations, l’urbanisme, les loisirs et la vie artistique.
Puis tout cela s’est effrité progressivement, laissant à la fois le goût amer d’un échec et l’image d’un rêve doré, réalisé, puis évanoui. C’était l’époque où Béziers obligeait Montpellier à partager sa tutelle économique selon les termes d’A. Berger et F. Maurel. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1982 |
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Nombre de pages | 9 |
Auteur(s) | Jacques ROUZIER |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |