Bergers, forestiers, les heures ardentes de la forêt des Hauts Cantons biterrois

Bergers, forestiers, heures ardentes dans les Hauts Cantons Biterrois

Depuis des millénaires, divergences de besoins et d’intérêts font s’opposer les différents usagers de l’espace rural : ces tensions s’apaisent ou s’exacerbent selon les évolutions de la société où ils s’inscrivent : l’équilibre agro-sylvo-pastoral méditerranéen dépend de la pression de leurs besoins sur les différents utilisateurs et de la force respective de chacun d’eux, cultivateur, forestier, pasteur, lors du partage de ces trois espaces. Ces conflits d’intérêts, déclarés ou latents mais toujours présents, ne prennent pas nécessairement partout une forme violente tant varient les circonstances de leurs manifestations.

A une même époque – pour nous la deuxième moitié du XIXe siècle – et dans un même espace, la France méridionale et méditerranéenne, aux contextes géographiques comparables – géologie, relief, climat, population, enclavement – les réactions aux contraintes d’un reboisement, imposé aux acteurs de l’espace, apparaissent vite diversifiées. Des Basses Alpes aux Cévennes gardoises, du massif de l’Aigoual jusqu’à la zone objet de cette étude, (Fig. 1) les Avant-monts, la vallée du Jaur et les plateaux du Somail et de l’Espinouse qui la dominent, elles prennent toutes les nuances. Ailleurs, le compromis sera plus ou moins rapidement trouvé ; dans ces Hauts-cantons de l’ouest héraultais, le conflit débouchera aussi sur une violence mais il y évoluera avec ses modalités et son rythme propres.

Les oppositions entre éleveurs et forestiers s’y avivent en effet tout au long du XIXe siècle jusqu’au conflit ouvert qui enflammera le Haut-pays. Multiples sont les facteurs qui en jalonnent l’évolution et interviennent dans ses manifestations. Nous les verrons à l’œuvre dans les différentes phases de cet antagonisme, jusqu’au tournant du siècle. Cette confrontation violente, parfois dramatique mais jamais tragique, marque encore le paysage et la mémoire de la montagne du Haut-pays biterrois. La retracer et la faire comprendre n’est peut-être pas sans intérêt.

Les Hauts Cantons biterrois étudiés
Fig. 1 - Les Hauts Cantons biterrois étudiés

Etat des lieux

Pour notre propos, il convient de souligner les profondes modifications qui toucheront le paysage du Haut-pays, en particulier plusieurs processus qui vont les intensifier.

La déforestation

Depuis longtemps, les Autorités ont une vision claire de la situation, comme en témoignent les décisions de Colbert et de son Grand Maître Froidour 1 lors de la « Grande réformation des forêts » décidée en 1669. Les dévastations par les habitants de la forêt royale d’Anglès sont alors sanctionnées mais les mesures de protection des forêts que l’on prend en haut lieu restent lettre morte devant la « disette de bois » qui progresse depuis des siècles quels que soient les souverains ou les régimes.

En 1776 la situation n’est toutefois pas désespérée car les observations officielles montrent que les atteintes à la forêt ne sont pas encore irrémédiables : « Le pays est garni de bois dans certaines parties, ce qui entretient les verreries… la plus part (sic) des coteaux et des montagnes stériles seraient propres à la complantation du bois » 2. Mais il s’agit là sans doute de « parties » très particulièrement définies comme l’expliquait en 1765 le rapport du subdélégué Monredon de Cabrol sur le Mémoire d’un habitant de la Salvetat qui demandait « d’être autorisé à établir une forge et un moulin à scie pour usage de sa forge ». Pour lui, en effet il n’y avait pas d’inconvénient à le faire puisque : « on nous a assuré qu’il y avait anciennement une verrerie pour faire la consommation de lesdites forêts et cela parce qu’elles se trouvent situées sur des montagnes éloignées des villes, bourgs et rivières et hors d’état de transport, n’y ayant que du bois de hêtre qui n’est propre qu’à être brûlé ou charbonné et nullement pour autre usage ; on m’a assuré encore que ces bois dépérissent par vétusté sans porter aucun profit » 3.

Un siècle plus tard, un rapport constate que « les terrains qui forment les versants et les sommets des montagnes étaient autrefois couverts de bois ; ces terrains ne présentent plus guère aujourd’hui qu’une affreuse nudité. Deux causes… les défrichements et les abus de pâturage » 4. Jusqu’à l’emploi, tardif en Languedoc du « charbon de terre », le bois est resté en effet la seule source d’énergie pour les usages domestiques, industriels (dégraissage des laines) et, sous forme de charbon de bois, pour les besoins des artisans et de l’industrie. Le résultat est partout sans conteste : « depuis longtemps l’œuvre de destruction est accomplie et les bois ont fait place à des landes ou pâtures sans valeur (…). Cette vallée assez étroite se trouve dominée à droite et à gauche sur presque toute sa longueur par de hautes montagnes à pentes rapides. Du flanc dénudé de ces montagnes partent ça et là de nombreux torrents et ravins qui déversent avec impétuosité leurs eaux dans la rivière du Jaur. Le seul moyen d’amortir la rapidité du courant des eaux, c’est de reboiser les versants des montagnes » 5. Mis en perspective par le regard du forestier historien, le bilan de cette régression de la forêt est frappant car, de 75 % à la conquête romaine de la Gaule, le taux de boisement n’a cessé de décroître jusqu’à atteindre 16 % en 1850 nous dit Jean Prax 6.

Défrichements et usurpations

Le retour à la paix intérieure qui précède la Révolution et qui suit l’Empire favorise la croissance de la population ; de même le développement de l’industrie et du commerce qu’elle induit. Les difficultés que les habitants rencontrent pour subsister augmentent d’autant leur « faim de terre » et accélèrent les mouvements « spontanés » des défrichements et des usurpations : « La fureur des défrichements a été portée à son comble; aucun bien communal n’a été respecté. Il en est résulté que les propriétaires des troupeaux qui n’ont pas trouvé aussi facilement de quoi les faire paître ont été obligés de les vendre » 7. Quand les conquêtes sur la forêt et les friches ne suffisent pas, la création de nouvelles terres répond aussi à cette « faim » comme l’évoque Ferdinand Fabre, un enfant du pays : « L’Espinouze, cette épine de la chaîne cévenole (…). La conquête de cette rocaille commença par les bas-fonds, où les eaux vives entretenaient des pâturages propices à l’élevage des bestiaux (…). Ce hardi pionnier (…) fit reculer les pierrailles (…), découvrit des lambeaux de bonne terre, les fertilisa moyennant une irrigation habile, obtint de l’herbe, trouva des bêtes à engraisser, pût fumer son domaine, finalement combla son boursicaut à souhait8 » (Fig. 2).

Le développement de ces mises en culture « sauvages » des communaux et autres terres « libres » s’étend donc, année après année, réduisant d’autant leur utilisation par les troupeaux : « Les bois ne peuvent plus suffire à la consommation. Il est essentiel pour les progrès de l’agriculture de restreindre les défrichements à ceux déjà faits et de restituer (…) le terrain reconnu indispensable au pâturage des bestiaux. Les moutons sont d’une si grande ressource dans le département pour la nourriture et l’économie qu’on ne saurait trop prendre des moyens pour maintenir la conservation de l’espèce ». (Voir note.7).

Sortie du parc après une nuit de fumature
Fig. 2 - Sortie du parc après une nuit de fumature. (Gravure extraite de « Taillevent »)

Or, ce mouvement est légalisé et amplifié par la montée, dès 1760, d’un individualisme qui inspire des lois favorisant leur privatisation – comme celle sur des exemptions temporaires d’impôts – en 1770, 1793, 1813, 1848, 1873. Son impact est manifeste dans cette pétition qui porte 35 signatures et dénonce « La malheureuse situation des hameaux de Prades et Lugné résultant de la vente des bois communaux car, lors du bornage des terrains à la vente, on convint qu’un terrain (…) serait laissé à la dépaissance des troupeaux. Nonobstant ces conventions (…) on a vendu les dits bois et le terrain réservé à la dépaissance. Les troupeaux ne peuvent plus sortirde nos murs ; on est forcés de les vendre : ils fesaient (sic) la principale ressource des propriétaires. Notre misère va plus loin. On vend impitoyablement jusqu’aux défrichements qu’avaient péniblement ouverts leurs détenteurs dans ces bois. Que deviendront Prades et Lugné si l’autorité supérieure ne remédie point à nos maux ? » 9.

Déforestation, défrichements, usurpations ; il y a donc là des phénomènes qui ne sont pas sans conséquences importantes sur le paysage et ses équilibres, mais il en reste un que distingue ci-dessous le forestier, le surpâturage : « Quand on remonte à partir de Béziers la vallée torrentielle de l’Orb, on est frappé aux abords de la station (du chemin de fer) de Cessenon de la disparition de la forêt communale aliénée en 1873, après la distraction du régime forestier ; on trouve dans l’état d’assiette de 1849 une forêt de 1099 ha peuplée de chênes verts et l’on ne peut plus apercevoir sur les flancs de la montagne que de faibles restes disséminés et dévastés par les abus de la dépaissance. La commune de Cessenon doit donc être signalée comme fournissant un exemple frappant de l’incurie administrative et de l’avidité égoïste d’un génie ennemi de l’épargne féconde que l’esprit de prévoyance peut facilement amasser dans une propriété communale boisée. » 10

Cette condamnation « des abus de la dépaissance » est remarquable par la dénonciation qui y est faite des causes du phénomène, contraires à toutes les valeurs du forestage ; d’autant plus que les troupeaux ovins pèsent depuis des siècles sur les terrains qu’ils parcourent. En voici un clair exemple : « Le plus gros et le plus liquide des revenus des habitants de Saint-Pons dans les lieux de mon département consiste à environ 21.000 bêtes à laine (…). La Bastide (…) ou à Rieussec qui en dépend, il s’y nourrit 18.000 bêtes à laine (…). Il se nourrit dans le terroir de Riols ou ses dépendances environ 10.000 bêtes à laine (…). Dans le terroir de Prémian ou ses dépendances il s’y nourrit environ 5.000 bêtes » 11. Sur ces cinq communes, sept aujourd’hui, 53.000 brebis produisent 63.300 livres de laine nette … Plus globalement, et bien plus tard, ce poids ne s’allègera guère. 12 « La constitution atmosphérique et géologique de notre département le rend surtout favorable à l’éducation des bêtes à laine. Nous possédons 554.131 moutons. » 13

Cette pression provoque des dégradations vite définitives, comme le constate, en 1753, l’inspecteur des chemins Thomassin, 14 qui, allant de Saint-Pons à La Salvetat, trouve que : « Toute cette montagne n’est qu’un terrain poudreux parsemé de gros rocs couverts de pelouse, rocs qui se montrent aussitôt que la pelouse en est enlevée et à mesure que le plus petit vent, ou la plus petite pluie, entraîne à soi la terre semblable au sablon de la mer et qui, n’ayant aucune substance, ne peut se lier et se prendre, n’y rester assise dans des lieux escarpés ». Avec la disparition des forêts, les inondations sont devenues plus fréquentes et, en même temps, plus dangereuses (Voir note n°5). Les archives municipales de Saint-Pons nous en parlent encore.

Les multiples décisions, et surtout les lois qui, de 1793 à 1813 puis en 1848, traduisent sur le terrain la privatisation des communaux, impliquent le monde rural ; elles remettent progressivement en cause ses habitudes, ses repères, ses valeurs, son fonctionnement ; les usages et objectifs modernes se heurtent aux usages traditionnels (Voir note n° 9). Cette intrusion de l’État dans l’intimité des communautés villageoises – le « Code forestier » de 1827, emblématique – créera dans leur vie un traumatisme long à s’effacer puisque des réactions à la loi de 1861 en porteront encore la marque…

La lutte contre les inondations

Son évidence s’impose car elles se caractérisent ici par une violence qui frappe tous ceux qui les observent : « Par une forte pluie, les eaux tombant à la fois sur toute cette région dénudée, arrivent simultanément dans le lit de la rivière, généralement encaissé et, par leur masse sur les pentes excessives des cours d’eau, saccagent tout sur leur passage. C’est ainsi qu’à Olargues, en 1875, le Jaur s’éleva subitement à 13 mètres au-dessus de son cours normal. » 15

Les inondations de 1694, 1709-1710, 1726, 1759, 1771 ont laissé des traces dans les archives et, avant notre période d’étude, celles des 21 novembre 1840, 19 septembre 1843, 21 octobre 1861. Si le Jaur, l’Orb, le Vernazobre et leurs réseaux débordent souvent – climat méditerranéen oblige – tout indique qu’au milieu du siècle une limite est atteinte : « La terrible inondation du 20 octobre 1861 occasionna dans la commune de Saint-Pons des désastres effrayants ; les eaux pluviales glissant sur les mille pentes dénudées des montagnes arrivèrent en quelques instants au fond de la vallée avec une violence inouïe ; le Jaur déborda, la ville de Saint-Pons fut inondée et tous les efforts des habitants pour soustraire leurs propriétés au fléau destructeur demeurèrent infructueux. Des maisons démolies, des routes détruites, des murailles renversées, des prairies et des champs emportés ou ensevelis sous des amas de débris, tels furent en peu de mots les résultats déplorables de l’inondation de 1861. Dans la nuit du 15 Août 1862, la population de Saint-Pons inquiète et effrayée a pu craindre un instant de voir se renouveler les scènes de désolation de l’année précédente. Pour prévenir le retour de pareilles calamités (…) les malheurs causés par les dernières inondations justifient suffisamment la mesure que nous proposons et disent assez que cette mesure est commandée par l’intérêt général » (Voir note 15)

Si « la loi de reboisement de 1860 fut appliquée au pays » (Voir note 5) cela ne fut pas aisé puisqu’il faudra d’autres catastrophes pour que les riverains finissent par être écoutés plus attentivement : « La commune de Riols est-elle à l’abri du fléau des inondations ? Ne citons qu’un exemple : il y a trois ans à peine qu’un orage de quelques heures éclata sur le territoire de la commune ; les eaux du Jaur et de ses affluents arrivèrent avec des masses énormes, montèrent à 6 ou 7 mètres au dessus de l’étiage, emportèrent un pont, seize usines ou maisons d’habitation, et causèrent des dommages que Mr le sous-préfet évalue dans son rapport officiel à 350.000 francs (…). Qu’y a-t-il à opposer à un pareil désastre ? Une gène momentanée chez vingt ou trente propriétaires de la montagne, tous dans une position aisée, usant et surtout abusant au détriment des autres habitants de la commune de terrains qui dans vingt ans ne seront grâce à eux qu’un rocher nu et stérile. » 16

Les conséquences économiques qu’elles ont sur les infrastructures et le bâti industriel les rendent pour tous intolérables. Elles marquent tellement les esprits, comme on vient de le voir à St Pons, que la plus grande fermeté s’impose aux décideurs : « Le 21 octobre 1861, un fort orage s’étant abattu sur le pays, des inondations s’en suivirent, entraînant la désolation sur leur passage et la loi de reboisement de 1860 fut appliquée au pays. » (Voir note n°5). Prévenir la répétition de ces cataclysmes devient impératif et la loi du 28 juillet 1860 (Voir note n°16) complétée en 1864 et 1867 répondra à cette urgence. Ses résultats très médiocres entraîneront le renforcement de la lutte par la loi de 1882 que nous considèrerons avec soin.

La montée vers l'affrontement

S’attarder d’abord sur les protagonistes est nécessaire à la compréhension de ce phénomène. Nous avons rencontré l’importance majeure de l’élevage ovin dans l’économie traditionnelle et son impact sur le couvert végétal. Il convient maintenant d’en examiner les modalités sur le territoire objet de notre attention ; elles y apparaissent d’une structure très diverse. (Fig. 3)

Bergeries à Riols, dans les Avant-monts 1834
Fig. 3 - Bergeries à Riols, dans les Avant-monts.
(1834, cadastre dit « Napoléon », ADH 3 P 3657)

L’élevage sédentaire dans la vallée et les Avant-monts

« Les troupeaux de l’arrondissement de Saint-Pons n’émigrent pas l’été ; le climat, qui y est tempéré et les eaux qui arrosent les montagnes, rendent, au contraire, les pâturages excellents pendant la saison chaude dans toute la partie montagneuse. Pendant l’hiver, les troupeaux sortent aussi souvent que le temps le permet ; on les mène sur des guérets qu’on ne défriche qu’au printemps, dans les bois, les terres incultes ; on les nourrit dans la bergerie au foin et à la paille, les jours de neige et de pluie. A la montagne, à La Salvetat par exemple, le climat est assez froid pour qu’on les tienne tout l’hiver à la bergerie. » 18 Les indications apportées par le même Rapport sur les domaines retenus pour le Concours organisé par la Société centrale d’Agriculture du département de l’Hérault, donnent une idée de leur importance : troupeaux à Coulouma, 485 bêtes, à Saint-Pons, celui à Pondérach 430 bêtes, celui de M. Lignon, 85 bêtes, celui de M. Belot 280 ; à Le Juge, 60, à Velieux 220 / à La Caunette, 300, à La Salvetat, 360. (Voir note n°18).

Les conditions de l’hivernage en bergerie exigent des provisions suffisantes pour aborder les aléas climatiques ; seuls les gros propriétaires peuvent en être à l’abri par les prairies de fauche qu’ils possèdent sur les plateaux ou par les achats de précaution de fourrages que leur aisance permet. Sinon… « Le froid et le manque de fourrage ont produit la désolation et la misère parmi la population agricole de la partie montagneuse de notre arrondissement. Ces deux causes, tout inévitables qu’elles soient, peuvent être cependant atténuées ; mais, il faut le dire, nos fermiers, gens ignorants et routiniers pour la plupart, ne trouvant des ressources qu’en eux-mêmes, n’étant en contact qu’avec d’autres fermiers aussi routiniers, aussi ignorants qu’eux-mêmes, possèdent peu de connaissances en agriculture (…) Cette année, ils ont été cruellement éprouvés ; le désespoir de voir mourir ses animaux a, dit-on, rendu fou un fermier du plateau de Planacan. » 19

Les plateaux semblent un monde étranger à celui de la Vallée : « Il n’en est pas de même sur le plateau du Somail, situé au dessus (…) granite et gneiss (…) quand on y arrive. Les débris de roches finement désagrégées qui le recouvrent et qui constituent toute sa terre végétale, sont complètement dépourvus de chaux et manquent de fertilité ; le sol sans profondeur et parfois sans écoulement est sur certains points très humide et même marécageux quand il a beaucoup plu ; dans d’autres moments au contraire, il souffre beaucoup de la sécheresse. Tout ce vaste plateau (…) est tourmenté pendant l’hiver par le froid et le vent. L’agriculture est loin d’y être facile (…) aussi le développement des bêtes ovines y est-il moindre qu’aux environs de Saint-Pons. » 20

L’exemple des domaines de Vergouniac et du Rey peut donner une idée des conditions de l’élevage pratiqué : « M. Alexis Gros, de Saint-Pons, possède depuis longtemps sur ce plateau (…) le domaine de Vergougnac (…) de 132 hectares.

Le troupeau (…) comprend 320 bêtes environ (…). Il y a plus de 100 agneaux de l’année (…). On y garde chaque année un nombre assez considérable de moutons d’un an et de deux ans (…). Les provisions d’hiver y sont assez largement faites (…). En même temps qu’il surveille son troupeau, il cherche à améliorer son domaine, notamment en faisant des drainages pour assainir celles de ses terres qui sont marécageuses, et pour les transformer en prairies pouvant donner de l’herbe destinée au troupeau (…) Le Rey (…) tout à côté de Vergouniac, M. Gabriel Gros (…) fils de M. Alexis Gros, a acheté en 1871 le domaine du Rey contenant 106 hectares et placé à peu près dans les mêmes conditions que celui de son père. Il y élève, avec l’intervention d’un fermier, un troupeau de 240 bêtes adultes et de 70 agneaux (…). Les provisions d’hiver sont assez largement faites au Rey. » (Voir note n° 20).

Pourtant, loin de les opposer, ces conditions naturelles peuvent les rendre complémentaires car, même « sédentaires », les troupeaux se déplacent, toujours à la recherche de l’herbe vitale !

L’arrivée au Plateau. (Gravure extraite de « Taillevent »)
Fig. 4 - L’arrivée au Plateau. (Gravure extraite de « Taillevent »)

La transhumance locale

La croissance des troupeaux stimule la montée à l’estive sur les communaux du plateau car le territoire communal s’étend ici, « en lanières », de la crête, au sud, des Avant-monts jusqu’aux bords de l’Arn par exemple, par delà l’arrivée sur les plateaux au nord ; à ces montées et descentes héraultaises s’ajoutent celles – manque de provisions pour passer l’hiver ?, de certains troupeaux tarnais, à l’automne et au printemps. Tous ces mouvements sont nécessaires à l’équilibre financier des exploitations et exigent un dense réseau de chemins de transhumance, les drailhes. Dans les communes que dominent les plateaux, même aujourd’hui oubliées, elles sont là. « Ces vieux chemins de troupeaux s’étalaient au nombre de plus de 200, comme en témoigne le Tableau de 1820, (à Cessenon) C’était une preuve de l’importance de l’élevage aux temps anciens et aussi de la transhumance intensive qui caractérisait notre terroir, lieu de transition où passaient les troupeaux, montant des plaines méditerranéennes vers les pâturages de la Montagne Noire. » 21 Ces chemins sont d’autant plus précieux qu’ils font tomber aussi sur le Haut Pays et ses prairies de location une autre manne, ovine, venue de loin (Voir note n° 23) : « Ainsi qu’on devait s’y attendre les projets ont rencontré de l’opposition sur plusieurs points de la part des habitants des montagnes que l’intérêt pastoral préoccupe exclusivement. Il est nécessaire toutefois de bien définir le caractère de cette opposition (…). Les bestiaux ne sont point, dans la plupart des cas, la propriété des habitants pauvres. Les troupeaux de moutons appartiennent à un certain nombre de propriétaires locaux exploitant les terrains communaux, ou à des propriétaires étrangers dont les troupeaux immenses, désignés dans le pays sous le nom de troupeaux transhumants, envahissent tous les ans les montagnes affermées par les administrations municipales à un prix généralement peu élevé. » 22 Le mécanisme d’exploitation des ressources des plateaux ainsi mis à nu est fondamental pour notre propos : les « habitants » ne partagent peut-être pas tous les intérêts des « transhumants » ni des herbagers.

La transhumance « foraine »

Dans ce bas pays des garrigues et des soubergues biterroises, de la plaine littorale au Minervois, les excès de l’été obligent en effet les éleveurs à rechercher la fraîcheur et les précieuses grasses prairies des hauteurs : « L’été était dans sa force et chacun allait à la terre comme au triomphe (…). – Qu’elle année serait cette année si merveilleuse de promesses ! Il y aurait du pain pour tous, des châtaignes pour tous. L’Espinouze, splendide, s’offrait aux yeux épanouie comme un gigantesque bouquet (…) Nous n’avions pas mille bêtes à nourrir l’an passé et nous en avons douze cents, cette année, articula Antoine Nous arriverons à deux mille, affirma Pierre. Un jour, nous serons les herbagers les plus achalandés de l’Espinouze, déclara Jérome. Il faut penser qu’il y a, du côté de Douch, les Albagnac, et que les Albagnac, bon an mal an, reçoivent jusqu’à trois mille têtes de bétail, dit la Cambotte Nous dépasserons les Albagnac, clamèrent-ils. » 23

Nous avons abordé le surpâturage que cette conjonction de troupeaux à l’estive, locaux et extérieurs, a provoqué, mais les intérêts sous-jacents des éleveurs et des propriétaires terriens loueurs d’herbages n’accueilleront pas facilement les perspectives d’un reboisement massif et, quels qu’en soient les motifs, imposé par la loi. Ils ne sont pas « nos fermiers, gens ignorants et routiniers pour la plupart » que nous avons rencontrés mais plutôt à l’image des juges des Concours de la Société d’Agriculture. L’opposition mentionnée plus haut prend alors une autre coloration…

L'action de l'Administration forestière

L’esprit de l’époque et la formation reçue façonnent celle-ci selon une inspiration hiérarchique – militaire – marquée par des valeurs déjà rencontrées ; ils préparent peu le corps des forestiers à la pédagogie du projet, à la concertation, à la recherche de compromis qui permettraient la réussite rapide de l’entreprise. Une période d’adaptation sera inéluctable. Rien d’étonnant donc de voir ses propositions « technocratiques », souvent entachées comme nous le constaterons plus loin d’arbitraire ou d’irréalisme, entraîner refus et pétitions puis des réactions de plus en plus violentes.

L’application de la loi du 28 juillet 1860

Elle marque un changement d’époque, de celle de la « conservation » séculaire des forêts à celle de leur « restauration ». Après le tâtonnement des essais du début du siècle arrive la généralisation des fruits de l’expérience. Complétée en 1864 et 1867 elle déploie les moyens nécessaires pour prévenir les inondations en instituant des « périmètres de restauration » ; elle statue que « Art. 3 : Les communes et les particuliers sont mis en demeure d’effectuer le reboisement moyennant des subventions (…). Art. 4 : Au refus des communes, le reboisement est effectué d’office par l’État (…). Art. 5 : Au refus des particuliers, leurs terrains sont acquis par l’État par voie d’expropriation et reboisés ». Elle « consacre ces terrains par une Déclaration d’Utilité Publique qui permette de les interdire à la charrue et aux troupeaux. » 24

Les débuts de son application sont empreints d’un bel optimisme et les justifications de la loi sont bien confortées dans l’esprit « forestier » du responsable : « L’opération du reboisement, loin d’introduire dans les conditions déjà bien étroites de l’existence des habitants pauvres de nouvelles restrictions, sera au contraire pour ces habitants la source de nombreux avantages (…) Il y a lieu de penser que les habitants des montagnes, avec la vivacité d’esprit qui les caractérise, ont déjà su apprécier sous son véritable aspect l’opération du reboisement et que les réclamations qui ont surgi sur plusieurs points ne sont que l’expression d’intérêts personnels isolés. » 25

Son cadre et ses perspectives sont clairement affichés mais, expropriation ou boisement volontaire, c’est l’intrusion de la Loi dans le rapport intime à la propriété de la terre.

Prétextes ou pas, les obstructions à son application vont se multiplier car les ambiguïtés qu’elle offre lui enlèvent beaucoup d’efficacité ; les « réclamations qui ont surgi » deviendront telles que, par exemple à Riols, le bilan de son application au bout de quelques treize ans sera extrêmement décevant, « moins du tiers » 26 des objectifs atteints, même si cela s’est fait sous couvert de diplomatie. (Voir note n°37). La mise en œuvre des mesures annoncées y découvrira, en effet, nombre de nuances litigieuses – telles la valorisation des terres à l’abandon ou la notion de « gazonnement » – qui seront autant de points d’accrochages procéduriers. Traduire sur le terrain la Loi ne sera pas tache facile. De plus cet échec n’est pas que relatif car les inondations continuent. Celles de septembre 1875 touchent toute la région 27 laissant 96 morts et la ville dévastée à Saint-Chinian, ponts et usines détruits dans toute la vallée du Jaur.

Les résultats de l’application de la loi de 1860 ne sont cependant pas, sur le long terme, aussi mauvais que les chiffres le suggèrent : malgré ses insuffisances et sa faible efficacité, elle installe sur le terrain la Loi, celle du pouvoir central, celle à laquelle la communauté villageoise va devoir s’habituer et se conformer. Elle lance un travail de fond. Ses apports sont multiples :

L’inondation du 12 septembre 1875 à Saint Chinian. (Dessin de M. Valnay dans « Le monde illustré » du 2 octobre 1875
Fig. 5 - L’inondation du 12 septembre 1875 à Saint Chinian. (Dessin de M. Valnay dans « Le monde illustré » du 2 octobre 1875. Collection Réguès-Theillaumas.

Les réalisations de l’Administration des Eaux et Forêts

Elle met en place le personnel que réclame le projet en étoffant le cadre existant, la Direction Générale des Forêts, la 27ème Conservation à Nîmes dont relèvent le département de l’Hérault et ses nouveaux « périmètres », les inspecteurs et sous-inspecteurs, les gardes généraux, les gardes… Elle délimite les « périmètres de restauration ». (Fig. 6) et réalise l’organisation de leur reboisement, ou de l’engazonnement qui sera licite en 1864. Elle sélectionne les emplacements des semis et pépinières, expérimente essences et variétés. Elle crée d’abord l’infrastructure nécessaire aux travaux et les planifie : Les chemins forestiers, les sentiers et ponts « des gardes » en sont encore les témoins. Elle s’engage bientôt dans les aménagements de « correction » des ravins torrentiels.

Elle en exécute le financement. Pris sur le budget de l’État, il dépendra donc, dans le temps, de l’importance qu’accorderont à cette question les parlementaires. Comme en d’autres régions, les travaux sont exécutés par la population, ce qui n’est pas indifférent pour notre propos : il faut considérer « le bien-être inaccoutumé que les sommes affectées à l’exécution des travaux répandront au sein des pauvres contrées montagneuses sous forme de salaires, d’achats de graines et de plants et de dépenses de diverses natures ». (Voir note 22) Cette « source de nombreux avantages » devrait tarir la source des contestations. Le fera t’elle ?

Dans le même temps il lui faut établir les financements adéquats des mesures impliquées par la loi, en particulier lors des expropriations à l’amiable voulues par elle. Plus ardu sera de négocier avec les municipalités les allocations destinées à indemniser le manque à gagner pour la fiscalité locale provenant de la suppression de l’amodiation. 28 Il en ira de même lors de l’évaluation des indemnités dues aux éleveurs usagers et propriétaires des terrains expropriés ; elle ne peut acheter qu’au cas par cas et traitera, par exemple en 1887, 15 dossiers à Saint-Pons, 37 à Courniou, 6 aux Verreries, 17 à Riols, 15 à Prémian, 2 à St-Vincent, 4 àMons, 2 à St-Julien 29

Au mieux, le dossier fait consensus, comme pour la commune de Saint-Pons : « Le pâturage des bêtes à laine s’exerce sur toute l’étendue des vacants communaux et les habitants payent pour la jouissance de ce droit une redevance dont le total s’élève annuellement à la somme de 5 à 600 francs. Le pâturage donne, on le voit, de bien faibles revenus à la commune. Comme le reboisement n’entraînera qu’une suppression momentanée du pâturage au fur et à mesure de l’exécution des semis et plantations, que d’une autre part 561 ha de pâtures communales ont été laissés en dehors du périmètre obligatoire, il s’en suit que les revenus communaux diminueront d’une manière peu sensible et que, d’une autre part, les habitants trouveront toujours dans les pâtures livrées au parcours une étendue assez considérable pour leurs bêtes à laine. » 30

Dans de nombreux autres cas, l’adhésion de la population à la vision des choses qu’en a l’Administration paraît d’autant plus irréaliste que l’image persistante du forestier punisseur est omniprésente, et la méfiance à son égard tenace : « C’est à tort d’ailleurs que l’industrie pastorale s’alarmerait des projets de l’administration forestière. La part la plus large a été faite à cette industrie. Outre les immenses espaces connus sous le nom de montagnes pastorales qui s’étendent au-dessus de la zone de la végétation forestière et dont la destination, indiquée par la nature même des choses, ne saurait être modifiée, les parcours actuels seront, sur beaucoup de points, non seulement conservés mais améliorés au double point de vue de l’intérêt pastoral et de la consolidation du sol par le maintien du gazonnement. » (Voir note n°25). Comment recevoir, dès lors, ces déclarations ? L’accord sur les perspectives proposées ne sera pas facile à obtenir.

Comme toute application d’une loi, celle-ci se fera à travers les hommes qui la mettent en œuvre avec leur diversité et, dans l’interprétation qu’ils en font, leur sensibilité ou leur expérience.

Les instances de concertation, de recours et de décision

L’organisation très hiérarchique du Corps des Eaux & Forêts est parallèle à la hiérarchie politique, député, conseiller général, maire et conseil municipal, qui décident en dernier ressort Ces élus interviennent au travers de commissions minutieusement composées : « C’est pour cet objet qu’a été instituée par décret du 7 novembre 1861, la Commission supérieure permanente (…). Sur tous les points, les commissions spéciales instituées par l’article 5 de la loi du 26 juillet 1860, les conseils d’arrondissement, les conseils généraux et les préfets ont adopté ces projets ». (Voir aussi note n°53).

Conséquences de l’application de la Loi

Les lois de 1860 et de 1882 donnent lieu à de nombreuses réactions, tant de l’un que de l’autre côté. Il peut s’agir de rappels à l’ordre quand des dérives apparaissent : « a alloué… les sommes (…) Saint-Pons 200 / Riols 200 / Saint-Vincent 200 / Mons 224 / Saint-Julien 300 (…). Il ne saurait échapper à ces assemblées que les intérêts atteints par la privation du parcours sont exclusivement appelés à profiter des indemnités allouées (…). Vous jugerez utile (…) de diriger leur appréciation à ce sujet pour les maintenir dans les principes d’équité qui ressortent de la législation spéciale aux reboisements ». (Ou encore d’accords) « Un rapport (…) propose d’accorder aux communes de St Julien et St Vincent, conformément à la demande faite par les conseils municipaux des indemnités pour privation de pâturage sur des terrains compris dans des périmètres obligatoires. » 32 Malgré ce, l’étendue des surfaces contrôlées par l’État gagne difficilement du terrain et il doit transiger…

Des accommodements interviennent parfois : « Pour faciliter les parcours, nous proposons de donner plus de largeur aux passages accordés en premier lieu et qui seront fixés comme suit : 1° Une draye A pour aller à l’abreuvoir du ruisseau de Bolbès au point B, 2°, 3°, 4° ». 33 « Par sa délibération en date du 14 mars 1841, le Conseil municipal de Prémian demande l’élargissement d’un chemin (…). Les agents forestiers consultés pensaient qu’il ne pouvait y être fait droit ; que cependant, (…) on pourrait tolérer un agrandissement de deux mètres, ce qui porterait à 4 mètres la largeur totale (…). Le 20 septembre dernier, il a été pris une nouvelle délibération (…). Le Conseil trouve tout à fait insuffisant l’élargissement proposé (…). Il demande que la largeur du chemin ou draye soit portée à 60 mètres (…). La largeur de 60 mètres demandée est peut-être un peu exagérée, cependant, l’on ne peut s’empêcher de reconnaître avec le Conseil, que le chemin tel que proposerait de le concéder l’administration forestière est insuffisant et en quelque sorte impraticable. Comment admettre, en effet, qu’un troupeau un peu considérable puisse circuler sur un sentier de 4 mètres ; que deux troupeaux surtout se croisent sans se jeter dans le bois … ? C’est physiquement impossible (…) toutefois je vous proposerais de fixer à 20 ou 30 mètres seulement la largeur (…). Cette largeur me paraît suffisante. » 34 « Pour conclure (…) je crois qu’il faut repousser absolument la distraction totale de ces propriétés devant la nécessité du reboisement. On pourrait cependant, en raison de la gène véritable qui, pour le pacage des troupeaux, résulterait du maintien, dans le périmètre, des parties trop voisines, des habitations, prononcer des distractions partielles » 35

Certains recours sont justifiés, en particulier, comme ici, celui de propriétaires privés : « Que depuis un temps immémorial ils sont en possession exclusive au tènement de Marcory (…) de vastes terrains en nature de bruyères, pâturages, abreuvoirs (…). Que ces droits leur ont été reconnus de tout temps (…). Qu’en ce moment, l’Administration forestière poursuit sur les deux versants de la montagne de Marcory l’étude et la délimitation d’un périmètre de reboisement… et les susnommés protestent formellement contre tout projet qui serait une violation de leurs droits et leur causerait un préjudice irréparable parce que les titres invoqués sont exclusifs de toute propriété communale, et ensuite puisant uniquement leurs revenus dans le produit des bêtes à laine et n’ayant plus aucune dépaissance, ils se trouveraient dans la nécessité de supprimer les troupeaux et ce serait pour eux une cause certaine de ruine et de misère. Ils comprennent certainement l’importance et l’utilité du reboisement mais les terrains qu’ils veulent soustraire sont de peu d’importance pour l’intérêt général alors surtout que le reboisement peut se faire sans aucun inconvénient dans les tènements de… » 36

D’autres, de l’avis de l’Administration, sont mal fondés : « Puis il est difficile de comprendre (…) l’utilité de deux drayes partant des bergeries n° 346 et 349, traversant le n° 351 pour desservir les propriétés qui sont situées au Nord de ce dernier numéro ; pour nous, une seule draye traversant le n° 351 est suffisante pour faciliter le parcours des troupeaux. En effet, les n°… qui appartiennent au Sr Hortala, ne sont nullement enclavés, limités qu’ils sont au Nord par le chemin de Cailho à la Montagne et auquel on laisse une largeur minimum de 15 à 16 mètres ». (Voir note n° 33).

Les plaintes abusives sont renvoyées à leurs auteurs, d’où qu’elles viennent : « terrains extrêmement en pente, à peu près dépourvus de végétation, sillonnés de ravins et où il nous paraîtrait bien difficile de trouver sur chaque hectare la nourriture d’un mouton. Ce sont les seuls qui aient donné lieu aux plaintes dont Mr le Maire serait le premier à reconnaître l’exagération s’il s’était assuré lui-même de la véracité des faits que nous venons d’énoncer (…). La contenance totale des terrains appartenant à la commune est de 1 659 ha 51. En exécution de l’article 10 de la loi du 28 juillet 1860, un vingtième de ces terrains, soit 82 ha 97 aurait dû être reboisé chaque année et toute la surface communale parcourue dans un délai de moins de 12 ans. Pour ne gêner que le moins possible les habitudes pastorales des habitants, l’administration n’avait reboisé à la fin de 1877, en treize années, que 300 hectares au plus de terrains, c’est-à-dire moins du tiers de leur étendue. Or la commune de Riols a une étendue totale de 5 495 hectares et renferme 3 000 ha de pâtures ou de landes. » 37

L’arbitraire de l’Administration est dénoncé : « Mr le Maire a dit (…) le reboisement dans notre commune doit commencer cette année, ce qui gênera beaucoup les propriétaires qui élèvent les bestiaux, et en même temps les intérêts de la commune ; je ne trouve pas que ce reboisement soit urgent, vu que les terrains forestiers de notre commune sont assez boisés et que, au contraire, lorsqu’il s’agit de vendre une coupe de bois on ne trouve pas d’acquéreurs ». 38 Cette résistance à l’intransigeance et aux bus d’autorité des forestiers amène parfois l’Autorité civile à jouer la modération requise : L’arbitraire dont ils ont ici fait preuve est en effet souligné par le fait que les « distractions partielles » concédées sont en vigueur depuis une loi de 1864 ! « Il me reste à indiquer quelles mesures équitables pourraient être prises à mon sens pour concilier dans les deux cas les intérêts particuliers avec l’intérêt général (…) indique dans sa description des périmètres deux régions distinctes dont l’une, formant la partie nord et est du versant et du plateau de l’Espinouse, déverse ses eaux dans la rivière d’Agout (…). Cette partie de la montagne est à pente régulière et ne présente que rarement de profonds ravinements. C’est de ce côté, si l’administration doit abandonner quelque chose, qu’elle pourrait le faire. L’autre, au contraire, formée par les versants sud et ouest, présente des parties très escarpées et complètement dénudées, coupées par des ravins profonds. Il y a une impérieuse nécessité de la conserver dans la portion à reboiser ». (Avis sur les mesures à prendre). « Pour conclure, les pétitionnaires proposent, » (…) « Je crois qu’il (…) », « On pourrait cependant (…) » 39 Cette médiation (remise en cause de leurs choix ?) devrait amener les forestiers, par des corrections successives, à une meilleure prise en compte de la réalité « humaine » du terrain…

Certains tâtonnements proviennent d’un manque d’attention ou de réflexion. A Saint-Julien-d’Olargues : « Une révision est opportune entre le chemin d’Agoutet et la ligne générale des crêtes, si les habitants peuvent utiliser avec leurs bêtes la zone précitée. Les sentiers de circulation sont à compléter. » (Voir note n°15) « On a constaté, en traversant la parcelle 88 section D à partir du Col de Fontfroide (…) qu’une bande variant en largeur de 50m à 200m et englobée dans le périmètre, aurait dû être réservée au pâturage, attendu la situation en plateau. » 40

D’autres sont des choix qui, à l’épreuve de l’expérimentation sur le terrain, se révèlent mauvais : « Ils ont été jusqu’ici livrés au parcours, et les habitants en ont joui avec si peu de modération qu’ils sont à présent bien plus ravinés qu’il y a dix ans. On avait essayé la substitution du gazonnement au reboisement : l’expérience a montré, dans ce cas spécial, l’impossibilité de son application à la consolidation du sol. L’on ne peut toujours reboiser les mêmes parcelles et il n’y a aujourd’hui d’autre alternative que de continuer les travaux dans une large mesure ou de renoncer à la loi du reboisement qui jusqu’ici a donné les meilleurs résultats dans la commune. » (Voir note n°15)

Le choix des essences à semer et à replanter traduit, lui, une lacune dans la formation reçue à l’École forestière de Nancy qu’explique la nouveauté de la tache de reboisement. Malgré des similitudes avec les Vosges, les spécificités méditerranéennes sont à découvrir par les forestiers, transplantés eux aussi ; les essais infructueux mais riches d’enseignements seront complétés par l’observation des reliquats de la forêt indigène. « A cette époque (1864), c’était les premiers débuts des reboisements ; on n’était pas encore fixé sur les essences à introduire. Les erreurs étaient d’autant plus faciles à commettre que comme nous l’avons dit plus haut, le climat de Saint-Pons, malgré son altitude relativement minime, comportait des essences de pays élevés. On planta à ce moment toutes sortes d’essences, des pins sylvestres, des pins noirs d’Autriche, des pins maritimes, des épicéas, des pins à crochets, des mélèzes, des chênes, des hêtres, des châtaigniers. Toutes ces essences poussèrent pêle-mêle dans nos massifs mais bientôt, suivant l’altitude, beaucoup périclitèrent et enseignèrent par l’expérience la méthode à suivre dans le reboisement de cette région. » (Voir note n°15)

L’éclairage plus récent (1982) de M. Jean Prax permet de comprendre cette démarche : « Les essences et les méthodes utilisées ne diffèrent guère de celles employées dans le massif de l’Aigoual. N’oublions pas que l’Hérault a été rattaché pendant longtemps à la Conservation de Nîmes et qu’un Chef aussi dynamique que G. Fabre a su inspirer ses vues et ses conceptions à toutes les branches du Service (…). Ici on doit convenir que la technique des reboiseurs de 1882, par ailleurs si remarquable à maints égards, s’est trouvée en défaut » (Voir note n°6) Il souligne là un aspect important de ce qu’a été l’aventure du reboisement : la structure du Corps des forestiers et l’esprit qui l’imprègne favorisent les échanges d’expérience et l’avancée du travail collectif. 41

Accommodements, reculs, échecs, erreurs, repentirs, tous confortent l’opinion dans son attitude attentiste parfois, critique voire hostile le plus souvent ; les contentieux ne faiblissent pas car le monde pastoral est jalonné, de longue date, de conflits répétés opposant pauvres et riches et le procédurier teinte encore la vie villageoise : « Les propriétaires des grands troupeaux (…) les envoie (sic) au mois de juin dans les montagnes pour y passer l’été d’où ils reviennent à la fin aoùt ou au commencement de septembre (…) et ceux qui n’ont qu’un petit nombre de bêtes à laine ne pouvant pas en user de même, les font dépaître pendant ce temps dans les possessions des gros tenanciers dont les troupeaux, au retour, trouvent les herbages consommés (…). Les consuls se révèlent impuissants à cantonner les troupeaux. » 42

Les promesses non tenues renforcent cet état d’esprit ; avec elles, la perte de confiance ne peut que s’étendre. La lettre du maire de Riols au préfet est sur ce plan, exemplaire : « Les plaintes formulées par les habitants des principaux hameaux de ma commune au sujet de la situation intolérable qui leur est faite par suite des travaux de reboisement (…) des proportions telles que l’existence de leurs troupeaux s’en trouve menacée, et l’avenir de leurs propriétés compromis. Ces réclamations (…) notre Conseil Municipal, en vue de forcer l’administration forestière à suspendre ses gigantesques travaux, prenait une délibération dont malheureusement les effets ne se sont point encore faits sentir ; il est vrai de dire qu’un semblant de satisfaction fut donné. L’administration forestière, émue sans doute des plaintes d’ailleurs fort justes des intéressés (…) nous adressa (…) une lettre faisant espérer un meilleur sort aux plaignants ; mais ce n’était là qu’un léger palliatif. Cette lettre dont les promesses sont restées vaines, vous parviendra en même temps que la présente (…). La confiance qu’avait fait naître les promesses de Mr le Conservateur chez la plus grande partie des habitants a aujourd’hui totalement disparu (sic), et ces populations (…) sont dans l’anxiété la plus vive (…). Il est donc de toute nécessité que les promesses mentionnées dans la lettre du 24 février 1877 soient tenues ; il me semble que l’administration des Forêts ne peut plus poursuivre, dans ma commune, son œuvre de reboisement contre laquelle le Conseil tout entier et la population élèvent aujourd’hui la voix » 43

Les interventions du politique s’exercent depuis longtemps mais paraissent, plus le siècle avance, prendre vigueur. C’est le cas de la lettre que le préfet adresse au Conservateur à Nîmes en 1909 pour « solliciter ! », au nom d’un postulant d’Abeihan « le poste de Garde forestier à Fos. Un intérêt politique sérieux s’attachant à ce qu’il soit procédé le plus tôt possible à cette nomination. Je vous prie de vouloir bien m’adresser par un des plus prochains courriers ces propositions en faveur de ce postulant. » 44 Elus ou nommés, conseils municipaux, député, préfet, tous essayent de peser de tout leur poids sur la décision finale, telle la lettre d’appui – qui essuiera un refus « jusqu’à régénération des bois » – du Maire de Saint Chinian : « L’intérêt le plus puissant, celui de l’Agriculture, réclame impérieusement que cette pétition soit favorablement accueillie car, dans le cas contraire, la plus grande partie des habitants de ces hameaux ne pourraient plus tenir de troupeaux et, par ce fait, seraient obligés de mettre en friche une grande quantité de terres, faute d’engrais. » 45

Ces porte-paroles ne restent pas sans efficacité car, selon l’évolution du rapport de force, leurs interventions remontent souvent très haut, même partant du plus bas, comme le soutien à des propriétaires dans leur litige local ; un additif le montre : « Le député de l’Hérault a l’honneur de recommander la présente demande à la haute bienveillance de Monsieur le Ministre (…) le priant de vouloir bien l’accueillir favorablement et de lui faire connaître sa décision. Saint-Chinian le 16 avril 1886, signé Razimbaud. » 46 On note même des considérations de stratégie électorale de la part d’un préfet : « … d’appeler particulièrement votre attention sur les inconvénients qu’il y aurait, à cette époque de l’année et presque à la veille des élections générales, à procéder aux études prescrites en 1885 pour l’application de la loi du 4 avril 1882 en vue du reboisement des terrains de montagne (…). Il n’entre nullement dans ma pensée d’entraver en quoi que ce soit des opérations d’une utilité incontestable mais il serait tout à fait impolitique de les effectuer actuellement, parce qu’elles auraient sans aucun doute pour effet de jeter l’agitation et le mécontentement parmi les populations des campagnes notoirement hostiles aux reboisement qu’ils considèrent comme devant porter une grave atteinte à leurs intérêts par suite de la privation momentanée des pâturages communaux. » 47

Le politique s’introduit même dans des situations qui sont du ressort de la Justice : « … acte odieux de fauchage de pépinière… (Procès-verbal du 3 avril 1880)… on voulait tenter d’arriver à la découverte des incendiaires par des dénonciateurs anonymes en mécontentant les ouvriers et la classe opposée aux intérêts des éleveurs de moutons, instigateurs présumés des dévastations. Cette politique n’a pas été approuvée (…) et pour ne pas laisser croire dans le pays que l’Administration reculait devant quelques malfaiteurs ». Dans le périmètre de Saint-Vincent il y a eu 5 incendies ; dans celui du Jaur la situation n’est guère meilleure : « … il sera fort difficile, en présence de ce parti pris des habitants, de sauver les travaux qui subsistent. On a prescrit l’ouverture de sentiers de circulation et de surveillance et des clôtures. » 48 Quelles que soient ces interventions elles n’auront pas plus de résultats que les repentirs et autres accommodements rencontrés ; que ceux-ci portent sur du particulier ou du plus général, les causes du conflit restent, alors que les: supprimer apparaissait à portée si l’on suit l’opinion à posteriori, le « Il eût fallu… », du Garde Général : « Il nous a paru qu’en général l’assiette de ce périmètre est défectueuse et qu’il eût été convenable de s’abstenir de l’établir attendu qu’il est un plateau ; sans doute les cantons qui le constituent et qui étaient en état de pâtures sèches, landes et bruyères, acquerront une plus-value considérable (…) il n’en est pas moins constant que l’extension des plantations résineuses sur des parcelles en bon état telles que (…) a provoqué une violente irritation parmi les habitants. Il eût fallu entreprendre purement et simplement des reboisements facultatifs, c’est à dire des travaux de mise en valeur acceptés par les intéressés qui auraient sans doute consenti à voir créer des abris et des ressources en bois profitables à l’agriculture pastorale. Aujourd’hui la destruction des travaux est déjà bien avancée et sera sans doute progressivement préparée tant que l’Administration ne sera pas devenue légitime propriétaire de tous les terrains englobés dans le périmètre. D’ailleurs il existe ici les sérieuses difficultés que l’on ne peut guère résoudre que par l’expédient des acquisitions ou par l’expropriation ordinaire. La distraction faite en 1873 en faveur de Mme la Duchesse de Mirepoix a vivement froissé les paysans qui croient avoir les mêmes droits à la propriété des terrains englobés. » 49

L’importance des ovins dans la vie quotidienne et l’enjeu, « l’herbe ! », qu’ils représentent dans la mentalité de chaque communauté expliquent le retentissement de ces mesures sur ceux qu’elles touchent. Indépendamment de leur concrétisation sur le terrain, elles sont d’abord imaginées ; progressivement présentes, elles pénètrent les esprits et s’y colorent du vécu de chacun : ce qui est objectif pour l’un devient provocation pour l’autre. La réaction des élus de Saint-Vincent-d’Olargues le suggère : « Par une délibération motivée (…) le Conseil municipal (…) demandait (…) que les 50 hectares (…) que l’administration forestière se proposait de reboiser (…) fussent laissés en gazonnement pour la dépaissance (…) J’ignore si ce rapport vous a déjà été adressé et quelles en sont les conclusions. Mais Mr le Garde général forestier de Saint-Pons (…) m’a paru être peu favorable aux intérêts de notre commune. Il prétend que le Conseil municipal a beaucoup exagéré dans sa délibération (…) Je ne rappellerai pas ici (…) tout ce qui a pu motiver la délibération du Conseil municipal ; qu’il me suffise de vous dire que la principale ressource de notre commune qui est essentiellement agricole, c’est l’élevage des bêtes à laine mais par suite du reboisement on a dû en diminuer le nombre de moitié et si on reboise le peu de vacants qui reste les troupeaux devront être entièrement supprimés. Il n’est pas nécessaire de dire que ce serait réduire les habitants à la misère et au désespoir. Comme pour braver le Conseil municipal, l’administration forestière pousse activement les travaux de reboisement et fait travailler actuellement jusque près des propriétés particulières et dans les endroits les plus propices à être laissés en gazonnement et les plus utiles pour la dépaissance. » 50

Par ailleurs, les forestiers ont beau accroître leurs efforts, les habitants restent longtemps partagés entre soutien et refus du projet de restauration, en dépit des justifications qu’ils multiplient. Pourquoi cette résistance des esprits ? Comment comprendre cet attachement des bergers, brassiers, journaliers, métayers à des intérêts qui ne sont pas leurs ? Les porteurs de « l’intérêt général » traduit par la Loi ne comprennent pas ces ambiguïtés et ces indécisions… Prises de positions et affrontements, se durcissent ; ne peuvent que les encourager des indemnisations, minimisées au possible, voire méprisantes si l’on considère le ton triomphant de l’avocat de l’État commentant le résultat de son intervention devant le jury des expropriations : « Ce tableau fait ressortir une allocation totale de 462.000 fr au lieu des 3 millions 245.000 fr qui étaient demandés par les expropriés. Le prix moyen est d’ailleurs inférieur de plus de moitié à celui qui est alloué dans les autres départements de notre région (…). Le mérite de ce résultat revient au sous-préfet de Saint-Pons dont la haute influence n’a cessé de se faire sentir. » 51 Même si les demandes étaient manifestement exagérées, le repère des départements voisins reste…

Un bilan des expropriations décidées dans le courant de la même année apporte quelque modération à cette avocassière brutalité en affaire. 52

Terrains communaux :

— Surfaces : 2874h 56, Offres de l’Administration par hectare : 85f 45

— Demandes par hectare : 1 082 f 31

— Rapport des demandes aux offres : 12 f 66

— Allocations du jury par hectare : 157 f 38

Rapport allocations/offres : 1,84

Terrains particuliers :

— Surfaces : 76 h 27, Offres de l’Administration par hectare : 208 f 06

— Demandes par hectare : 1 500 f 42

— Rapport des demandes aux offres : 8 f 43

— Allocations du jury par hectare : 400 f 02

Rapport allocations/offres : 1.92

Totaux & Moyennes :

— Surfaces : 2950 h 83, Offres de l’Administration par hectare : 88 f 74

— Demandes par hectare : 1 133 f 79

— Rapport des demandes aux offres : 12.41

— Allocations du jury par hectare : 400 f 02

Rapport allocations/offres : 1,85 ».

Les blocages sont sensibles dans la résistance passive des mairies : Elles peuvent maquiller les données réclamées par l’administration, ou faire la sourde oreille à ses demandes comme il apparaît dans le télégramme du 18 mai 1887 (Voir note 52) reçu par le Préfet : « Maire de Cambon persiste dans son refus d’afficher et recevoir la notification du jugement prononçant l’expropriation… » La remise en cause des choix initiaux faits dans la réalisation du reboisement ne contribue pas à réduire les obstacles ; elle déconcerte. Les objectifs de l’Administration des Eaux & Forêts évoluent dans le temps car une vision nouvelle d’une forêt rentable se fait jour, comme l’explique Jean Prax : « En fait, les mesures édictées par les lois de 1860 et de 1882 se sont traduites par la régression des phénomènes torrentiels… si bien que l’opération de reboisement, conçue à l’origine uniquement comme remède à la torrentialité, est rapidement apparue aux yeux d’un forestier tel que Georges Fabre comme le moyen rationnel de mettre en valeur les terres de montagne abandonnées par la culture ou le pâturage. » (Voir note 6). L’ampleur et la rapidité du reboisement activé par la pression de la nouvelle loi, malgré l’encadrement prudent de celle-ci, acculent, en effet, des opposants progressivement minoritaires : la violence leur sera une issue.

L’application de la loi du 4 Avril 1882

La loi de 1882 retrouvera devant elle toutes ces procédures, péripéties et blocages ; elle rencontrera dans sa mise en œuvre l’éventail des attitudes qu’a suscité la loi de 1860 mais s’en distinguera cependant car, après les résultats décevants de l’application de cette dernière, elle répond à la nécessité de lui donner une pleine efficience. Elle entraîne la révision des périmètres de la loi de 1860 selon un nouveau critère, celui du « risque né et actuel » et renforce l’action de l’Administration tout en l’encadrant mieux car elle lui offre l’arme majeure des expropriations. Elle limite la mise en œuvre de celles-ci par le nouveau critère restrictif pour les motiver. Elle détaille minutieusement l’élaboration de la déclaration d’utilité publique nécessaire et rend son contrôle plus strict en multipliant les avis exigés pour sa promulgation. 53 L’institution en 1884 de la Commission spéciale pour les règlements du pâturage prendra, enfin, en compte la nécessaire présence des troupeaux partout où le reboisement n’est pas indispensable.

L’Administration considère que son bilan est positif. Malgré les difficultés rencontrées et les lenteurs qui en ont découlé, les effectifs ovins ont été maintenus. Propriétaires terriens, éleveurs, élus municipaux, constatent, eux, avec mauvaise foi peut-être, la réduction des troupeaux et entravent autant qu’ils le peuvent l’application d’une loi qui lèse leurs intérêts économiques. Elle met à mal surtout le sacro-saint droit de propriété : intérêts particuliers 54 et intérêt collectif apparaissent ici inconciliables. Se profile alors en arrière-plan de la correspondance préfet/ministre en particulier, un autre motif d’opposition irréductible à la Loi, sa remise en cause par un establishment dont elle met en péril le pouvoir local : la « restauration » est née sous le Second Empire ; celui-ci a mis en place le personnel de l’Administration forestière et les soutiens de l’appareil de l’État mais la « reforestation » s’est réalisée en grande partie sous la République, qui remet tout en question.

Les incendies de l’hiver 1879-1880
Fig. 6 - Les incendies de l’hiver 1879-1880, leurs lieux et leurs dégâts.

L'affrontement

Les violences étaient là, nous l’avons vu, bien avant la loi de 1882. Elles se nuançaient en des formes diverses, comme les passages à l’acte des « saccages » tel celui dans le Périmètre de Mons-Cambon : « Dix incendies (…), acte insolite de destruction de pépinière par fauchage. » 55 Avec la nouvelle loi, qui vise cependant plus à concilier qu’à sanctionner, les destructions deviennent maintenant habituelles, sévissant « tous les ans » ici, « sans doute progressivement préparées » ailleurs, prévisibles donc : « Les incendies qui sévissent tous les ans à Saint-Pons sont dus soit à la malveillance, c’est la majeure partie, soit à l’imprudence. Les incendies dus à l’imprudence proviennent des coutumes mêmes du pays (…). Tous les printemps, pour activer les pousses nouvelles et donner de l’herbe fraîche aux bestiaux, mettent le feu à tous ces vacants et il n’est pas rare de voir ces incendies, poussés par le vent, franchir nos limites et détruire nos travaux » et, plus loin, « Les bergers de la montagne, privés des dépaissances par suite des lois d’expropriation qui les ont faits, par la vente des communaux des communes, propriétaires d’un capital dont eux seuls jouissaient, mettent le feu aux reboisements, espérant lancer l’administration dans des travaux et se faire rendre les terrains. » (Voir note n°48).

Cette distinction entre incendies accidentels et criminels, que le Garde général ne manque pas de souligner dans son rapport de synthèse, est toujours faite avec soin bien qu’elle ne change rien à la gravité des impacts du feu… Rares sont en effet les communes qui échappent aux mains criminelles ; certaines voient les surfaces incendiées s’étendre, année après année, et ce malgré une surveillance qui sera sans cesse renforcée. Le sort du périmètre de Saint-Vincent-d’Olargues détaille plusieurs facettes du phénomène : « En 1878, une partie des reboisements a déjà été détruite : un incendie a été allumé par la malveillance le 30 août 1879 au canton des Calcudes et flanc du Bez dans des peuplement mélangés de pins, cèdres, chênes et châtaigniers âgés de 10 à 14 ans (…) sur une étendue de 35 ha et causé des dommages évalués à 25 000 francs ; un autre feu allumé le 10 décembre 1879 au canton de Pestous dans une partie provisoirement ouverte aux parcours a détruit quelques chênes et hêtres seulement ; un autre feu, allumé dans le même canton le 25 décembre 1879 a parcouru 8 ha de plantations résineuses et des semis de chênes de 8 à 10 ans, plus environ 10 ha d’anciens taillis de hêtres et occasionné des dommages fixés à 5 000 francs ; enfin deux autres incendies des 18 et 20 janvier 1880 ont amené la destruction de peuplements déjà forts, essences pin noir, sylvestre et cèdres. Il sera fort difficile, en présence du parti pris des habitants, de sauver (des saccages) les travaux qui subsistent. » (Voir note n°40)

Une vue plus large de son importance nous est donnée par le Conservateur de Nîmes. Son regard sur les sinistres survenus dans l’arrondissement de Saint-Pons permet d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène. 56 Il la précise ainsi : « au cours de la vérification, les indications fournies par les agents sur les étendues des incendies dans les divers périmètres et sur les dommages causés n’ont pas été exagérées au moment de la constatation même des sinistres. Depuis lors on a fait étudier plus en détail l’importance des dégâts et il est possible d’en résumer les particularités dans le tableau57 ci-après.

Les précisions que le même auteur donne par ailleurs pour chaque lieu rendent moins arides ces chiffres : « Dans le périmètre de St Pons, les incendies des 22 Xbre 1879, dont l’auteur est connu, 21-23 janvier 1880, 31 mars 1880 dévastent 103 ha des 480 reboisés notamment dans le périmètre de Mons-Cambon. » (Voir note n°48). Une décennie plus tard, il en va toujours de même pour les communes en voie de reboisement, telles Riols (les 2-5-6 III-1891, un autre le 19-IV-1891), les Verreries de Moussans (un en Avril, un en août), Saint-Vincent-d’Olargues (un, sans date et deux autres les 17-IX et 27-IX-1889). 58 Le Conservateur de Nîmes, sur ce que vit Saint-Julien-d’Olargues, souligne à sa manière la gravité de la situation : « Malgré les 5 incendies qui se sont déclarés pendant l’automne 1879 et l’hiver suivant, les dommages sont encore les moins élevés dans la région. » (Voir note n°57)

Au bas d’un autre tableau 59, celui des « Sinistres survenus pendant l’année 1889, commune de Saint-Julien », nous voyons portée une note manuscrite précisant qu’ils ont eu lieu « pendant la période électorale » ; cette mention d’un contexte, par nature éminemment politique et tendu, n’est pas la première : en 1885, le préfet avisait le Ministre des « inconvénients qu’il y aurait (…) presque à la veille des élections générales ». (Voir note n°47)

Pourquoi cette « flambée » ? Le contexte électoral n’est pas qu’un prétexte car, nous l’avons vu, parler de reboisement à des « populations des campagnes notoirement hostiles » à celui-ci paraît toujours aussi « impolitique » en 1885 qu’en 1878. (Voir note n°43). De plus, la promesse des bienfaits du reboisement paraît en bonne voie de réalisation : « Les villes de Saint-Pons et Riols (…) trouveront dans le reboisement une sécurité pour l’avenir : les grandes fabriques de ces villes, dont la conservation est d’un intérêt général, seront protégées à toujours contre le terrible fléau des inondations, les propriétés de la vallée seront mises à l’abri de toute dévastation. » 60 Le moyen le plus efficace cependant, sous-entend le Garde général vingt ans après, aurait été la répétition des catastrophes ! « Le 12 septembre 1875, nouvelle inondation ; les usines furent emportées. La loi de 1882, loi d’expropriation pour le reboisement, fut bientôt adoptée et mit fin à toutes les contestations de propriété qui s’étaient élevées au sujet des terrains communaux et des terrains de mazades ». (Voir note n°15). Or, nous avons vu qu’il n’en avait rien été, au contraire !

Quoi qu’il en fût, la nécessité de couper court à cette vague d’incendies était impérative pour ceux qui étaient sur le terrain, et leurs moyens bien limités pour y faire face. Les malveillants sont souvent insaisissables, s’ils sont connus, et certains le sont60 : « Dans le périmètre de Saint-Pons les incendies des 22 8bre 1879, dont l’auteur est connu… ». Sans doute les criminels ne le sont-ils pas autant aux yeux de leurs voisins et bénéficient-ils du silence des « habitants » : la protection par la parentèle ?, par les liens de beaucoup – besoin d’embauche ou toutes les formes du clientélisme – avec les puissances locales ? L’appui si efficace que l’avocat de l’État a reçu du sous-préfet de Saint-Pons (Voir note n° 51) suggère des réseaux efficients et, dans la vallée, tout le monde connaît tout le monde… Deux exemples permettent d’éclairer cette question. L’un souligne l’importance des relations d’un garde, et de son intégration à la vie du village : « Grâce à l’activité infatigable de Marty (nommé garde-champêtre de Prémian), grâce aussi à la parfaite connaissance que le garde avait et des hommes et de la localité, le triage n°12 a pu être préservé jusqu’ici de toute dévastation mais on comprend facilement qu’il serait impossible au successeur de Marty, c’est-à-dire à un nouveau garde, de faire respecter de manière efficace des bois aussi éloignés les uns des autres et aussi difficiles à parcourir que le sont les bois de Fraïsse et de Prémian. » 62 L’autre souligne le danger qu’il le soit trop. Ainsi, le garde forestier de Courniou, Bourguet, a été déplacé d’office car « a été signalé à M. le ministre de l’Agriculture comme ayant eu à plusieurs reprises et notamment lors des dernières élections une attitude incorrecte au point de vue politique (…). Ce garde domanial s’est montré ouvertement hostile à la candidature deM. Razimbaud aux dernières élections législatives. Il a été un des principaux agents de M. Pigassou, réactionnaire, dont il était locataire. D’un caractère violent et emporté, cet agent a eu des discussions suivies de voies de fait avec plusieurs habitants de la commune de Courniou et notamment avec M. Crouzet, charron, le maire Gros Justin et Calvet, roulier. Les républicains lui reprochent de n’employer que des réactionnaires pour les plantations. Mon avis est que le déplacement de cet agent est nécessaire. » 63

La tentation de baisser les bras a sans doute habité l’esprit du responsable quand il voit que « les incendies des 21-23 janvier 1880 et du 31 mars 1880 dévastent 103 ha des 480 reboisés » : le quart de son travail détruit ! Cette idée a laissé en lui des traces qu’il convient de rappeler. Dans sa lettre du 8 Mai 1880, « le soussigné exposait à l’administration qu’il avait reconnu la convenance de supprimer temporairement certaines dépenses dans les périmètres incendiés et notamment dans le périmètre de Mons-Cambon où un acte odieux de fauchage de pépinière avait été consommé sur une surface de 6 ares » (Procès-verbal du 3 avril 1880) car, ajoute t’il, « bien garnie de jeunes épicéas ». Cette notation, insolite car peu justifiée dans un rapport officiel, suggère la profondeur de la blessure… (Voir note n° 48)

Mais l’œuvre des forestiers n’est pas celle de sisyphes et les résultats de leurs efforts deviennent visibles un jour ou l’autre ! Réussites et échecs ne s’annulent pas sur le long terme : « Là où les habitants et l’incendie épargnent la forêt, cette dernière s’améliore spontanément et son rendement s’accroît rapidement ».64Si la ténacité produit enfin ses fruits c’est parce que la pérennité de la loi la porte : « Quoique il en soit, les travaux touchent à leur fin dans le périmètre du Jaur et sur les 4 200 ha appartenant à l’État en 1895, 4 000 hectares ont été déjà parcourus par les travaux de reboisement, 2 700 hectares constituant de véritables forêts. Si ce n’avait été les incendies, le périmètre du Jaur serait aujourd’hui entièrement reboisé. Le garde général des forêts signé ». (Voir note n°15) Ces raisons sont nécessaires pour expliquer la réussite du projet de 1860 mais suffisent-elles à justifier une mise en évidence de celle-ci aussi tardive ? Il semble y en avoir d’autres dont la conjonction assurera sa bonne fin.

Vers l'apaisement

Le motif de l’affrontement, en effet, s’épuise dans la durée : « Les diverses séries de reboisement du cantonnement de Saint-Pons ont été dévastées depuis 1865 par des incendies multiples se reproduisant à des intervalles assez périodiques. Les dommages causés aux reboisements ont donné lieu à des réfections onéreuses pour l’état. Ces dépenses s’atténueront peu à peu à mesure que les plantations de feuillus (hêtre, châtaignier, chêne) se propageront à la place des résineux introduits à l’origine et dont la perte est irréparable. » 65 Matériellement, de plus en plus de plantations sont maintenant suffisamment âgées pour que les troupeaux ne puissent plus leur porter atteinte ; la loi s’est assouplie et, moyennant une redevance annuelle, ils peuvent y paître, soulageant d’autant la pression de leurs éleveurs sur les responsables de la forêt. La meilleure prise en compte des protestations et des recours que nous avons vue traduit par ailleurs un changement d’état d’esprit des uns et des autres. L’âpreté dans les négociations d’achat recule peu à peu car plus les achats se réalisent, plus légère est d’autant l’enveloppe financière demandée pour ceux qui restent à faire ; la charge budgétaire qu’elle entraîne devient ainsi plus acceptable par les décideurs ; d’un autre côté, l’amélioration des conditions entourant les expropriations rend sans doute celles-ci plus faciles pour les dépossédés… Ces raisons de l’affaiblissement des tensions paraissent cependant de peu de poids pour expliquer leur baisse d’intensité après tant d’années d’affrontements.

Il est d’autres causes plus fondamentales. La source de revenus que représentent les produits de l’élevage se réduit sans cesse dans l’économie rurale. Le fumier des brebis, ce « migou » si précieux 66 durant des siècles, est victime des engrais chimiques ou importés. La viande « de mouton » se trouve dépréciée car son image d’aliment populaire, « vulgaire », ne résiste pas devant le prestige de celle du bœuf, plus cher, que la mode fait rechercher par les gens aisés. La laine a vu ses cours baisser par la concurrence du coton, fibre végétale à l’image plus saine que celle, « animale » de la laine ; elle cède place surtout devant la concurrence des laines importées de l’Empire britannique qu’amène le traité de libre-échange avec l’Angleterre de 1860. Dans un territoire sur lequel les produits des troupeaux, sédentaires et transhumants, permettaient aux hommes de vivre, souvent « à la dure » et parfois à la limite de la misère, ce recul des activités traditionnelles est vivement ressenti : Elles induisaient des revenus précieux, en particulier ceux de la laine, par son filage et son tissage domestiques aux temps morts de la vie agricole.

Le déclin très net de l’effectif des troupeaux, cause et conséquence de la désertification 67 avance. La place est alors laissée à une forêt non plus de restauration des sols et du couvert végétal mais « d’exploitation », lucrative : « De 1845 à 1885, le prix moyen de la coupe de taillis à l’hectare s’élève dans le Gard de 132 à 313 francs (…) de 1850 à 1859 les coupes de la forêt communale de Nîmes se vendaient en moyenne 27 francs l’hectare. Dans la période 1890 à 1895, les coupes de la même forêt se vendaient 97 francs ». (Voir note n° 64).

Dans un tableau de sa thèse 68 A. Baumes décrit ce déclin continué et conclut : « On passe de 319.090 (1913) à 148.180 (1922), montée à 211.350 (1926) puis baisse continue à 164.330 en 1934 (…). Les grands troupeaux diminuent de nombre ; au contraire, le petit élevage familial s’accroît. » Ce déclin du pastoralisme va se conjuguer avec l’arrivée de la modernité dans l’industrie et les transports. S’en suit une baisse de rentabilité de l’élevage ovin et des activités qu’il induit ; elle est accentuée par l’attractivité sans cesse croissante des profits que retirent de la vigne les investisseurs avisés. Nous sommes loin du reboisement pour réduire ces risques d’inondation qui font et feront partie de la vie languedocienne…

Que retirer de ces observations ?

L’accent mis sur les documents d’archives l’a été à cause de leur richesse de sens ; bien sûr, la parole de leurs auteurs est toujours à prendre avec prudence et, si faire se peut, à décoder, mais l’image qu’ils nous donnent du vécu des Hauts-cantons héraultais n’en reste pas moins séduisante. Par ailleurs, cette sélection proposée a, nécessairement, faussé notre approche ; des domaines peu ou pas abordés par nous restent, si les documents existent, encore dans l’ombre, comme les suites judiciaires des actes de violence, la lutte pour circonscrire les flammes en action – si ardue encore de nos jours – et tant d’autres…Malgré ces lacunes, force est de relever que les actes sont restés, ici, relativement modérés ; pas d’épisodes sanglants ni d’armes sorties de leurs cachettes. La répression et le contrôle policier de ces vallées « séditieuses » par le Second Empire y sont, peut-être, pour quelque chose. Cela est d’autant plus à remarquer l’expression sociale de la violence, conflits de bornage ou rixes entre « jeunesses » de villages voisins, était d’une autre intensité que les nôtres. Nos mœurs se sont beaucoup adoucies depuis lors. Mais c’est là une autre histoire !

Au terme du siècle, l’Administration des Eaux & Forêts atteint son but à force d’efforts persévérants ; le temps aura été son meilleur allié. La réussite de l’entreprise aura tenu principalement à la conjugaison de divers éléments. D’abord la constance du soutien, plus ou moins ferme bien sûr, que les institutions de l’État lui apportent ; ensuite l’objet de l’action menée, la forêt, et la nature de la mission donnée, la créer et l’entretenir. Ces facteurs s’inscrivent tous dans la longue durée. Les évolutions des oppositions rencontrées par leur projet ont amené les forestiers à les reconnaître et à mieux prendre en compte la réalité du terrain. Elles ont aussi fait apparaître avec netteté plusieurs lignes de clivage. L’une, entre riches propriétaires terriens ou éleveurs et « la classe opposée » ; l’autre, entre ces « populations des campagnes notoirement hostiles » et les porteurs de l’intérêt général ; une autre encore, entre républicains et « réactionnaires », louis-bonapartistes et monarchistes longtemps en place. Une dernière enfin, plus fluctuante, celle de l’intérêt général aux prises avec les intérêts particuliers…

De nouveaux équilibres – sociaux, économiques, politiques – entre les besoins et volontés des uns et des autres se créent donc : la vigne gagne jusqu’au pied de nos Cévennes méridionales. L’apogée des troupeaux « spéculatifs » avive les conflits et leur déclin les calme. L’élevage ovin devient familial. La désindustrialisation et le dépeuplement se mettent en place ; la forêt trouve toute latitude pour s’étendre. Les mouvements sociaux observés et les clivages complexes qu’ils traduisent recouvrent cependant une confrontation plus globale (a t-elle entièrement disparue ?)…, entre l’État et les communautés villageoises. Quoi qu’il en soit, l’entrée dans le moderne XXème siècle n’écarte pas les boutefeux de la forêt.

Les incendies n’ont pas fini leur course folle. En 1911 69, on en constatera trois sur Prémian, trois sur Saint-Julien et Saint-Vincent, un sur Cambon, quatre sur Courniou…

Notes

 1.  Voir François CHARRAS, « Regards sur la forêt des Hauts-Cantons ». n° 21-22, Société littéraire des PTT du Languedoc-Roussillon, 1994.

 2.  Archives Départementales de l’Hérault (désormais ADH), série C, liasse 6560, Mémoire sur le diocèse de Saint-Pons de Dat.

 3.  ADH, C 5674, Rapport demandé par l’Intendant et Trudaine, Contrôleur des Finances, sur le Mémoire du sieur Raynaud, (1-III-1765).

 4.  « affreuse » ? Sûrement pour un forestier… ADH, 7 M 1320. Reboisement des montagnes (loi du 28-VII-1860) – Périmètre obligatoire de Saint-Pons (Décret impérial du 30 décembre 1863). – Procès-verbal de reconnaissance » (Direction Générale des Forêts).

 5.  ADH, 7 M 1320, Reboisement des montagnes (loi du 28-VII-1860) – Périmètre obligatoire de Saint-Pons (Décret impérial du 30 décembre 1863). Procès-verbal de reconnaissance « 17-III-1881 » (Direction Générale des Forêts).

 6.  Jean PRAX, Contribution au boisement et à la mise en valeur des montagnes de l’Hérault (1935-1965), p.29, 1982.

 7.  ADH, 6M1583. Situation morale et économique du département. An XIII.

 8.  Ferdinand FABRE, Taillevent (Illustrations du dessinateur Georges ROUX). Paris, Calman Lévy, 1895.

 9.  ADH, 2 O 74/11. Pétition des habitants de Prades et Lugné contre la vente d’un terrain réservé à la dépaissance. (Cessenon, 8 août 1854).

10. ADH, 7 M 1320. Copie du Procès-verbal de la tournée du Conservateur à Nîmes, 27 avril au 10 septembre 1880. Renseignements et observations sur les différentes parties du service. Coup d’œil sur (…) bassin secondaire du Vernazobres.

11. ADH, C 2490, Rapport de l’Inspecteur des Manufactures Fontanes, 1741.

12. L’industrialisation qui bat son plein va entraîner, ici comme ailleurs, une progressive désertification des hautes terres ; moins de bergers, moins de troupeaux… M. J. Prax souligne cet arrière-plan de la révolution forestière qui se prépare : « Dans presque toutes nos montagnes méridionales nous assistons, à partir de 1850, à la chute verticale du chiffre de la population rurale et, par voie de conséquence, à l’abandon des terres de parcours et même de culture (…) Cette désertion accentuée des montagnes se produit précisément pendant la grande période d’application des lois de 1860 et de 1882 et pendant la création des périmètres. Elle coïncide donc avec les expropriations et les acquisitions amiables de terrains. »

13. ADH, PAR 2001-6, Jules PAGEZY, Rapport sur l’amélioration de la race ovine dans le département de l’Hérault, 1845.

14. ADH, C 3840 : « Mémoire sur l’état des chemins du diocèse de Saint-Pons qu’a dressé le sieur Thomassin inspecteur desdits chemins dans la visite qu’il en a faite dans le courant du mois de septembre », 1853.

15. ADH, 7 M 1320. Établissement et modification des périmètres de reboisement. Rapport (s.d mais la mention la plus récente est de 1895). Périmètre de reboisement du Jaur, par le Garde général des Forêts.

16. ADH, 7 M 1087. Rapport du sous-inspecteur des Eaux et Forêts (Service du reboisement) suite à la lettre du maire de Riols du 11 août 1878.

17. [Appel manquant] François CHARRAS, « Inondations du 12 septembre 1875 à Saint-Pons et dans la vallée du Jaur ». Cahiers du Saint-Ponais, Nouvelle série, n° 3. Voir aussi : François CHARRAS, « Les inondations du 12 septembre 1875 à Saint-Chinian », Saint-Chinian, Richesses du Saint-chinianais, cahier n° 1, 1998.

18. ADH, PAR 2001-7. Rapport des Concours de Béziers et Saint-Pons pour l’amélioration de la race ovine. Bulletin de la Société centrale d’Agriculture du département de l’Hérault, III-1847.

19. ADH, PAR 2001-7. « De l’état des animaux domestiques, dans l’arrondissement de Saint-Pons » par M. L. BOUJOL, médecin vétérinaire. Bulletin de la Société centrale d’Agriculture du département de l’Hérault, V-VII 1848.

20. ADH , PAR 2001-13. Concours pour l’amélioration des animaux de l’espèce ovine institué au mois de juin 1881 dans l’arrondissement de Saint-Pons, Bulletin de la Société centrale d’Agriculture du département de l’Hérault, VI-1881.

21. Jean SEGONDY, Cessenon-sur-Orb, la seigneurie, la communauté, le consulat, la paroisse. Montpellier, Imprimerie de la Charité, 1949.

22. ADH, 7 M 1086. Désignation des périmètres. Reboisement des montagnes. Compte-rendu des travaux

23. Ferdinand FABRE, Taillevent. Voir note 8. La délibération du Conseil municipal de Saint-Julien-d’Olargues au sous-préfet de Saint-Pons, le 12 février 1866 permet d’entrevoir qui sont ces « forains » : « la dépaissance des propriétés privées ou communales sont (sic) payées à raison de 5 fr/ha par les propriétaires étrangers des environs de Béziers, de Pézenas et de Montpellier » (ADH : 7 M 1087).

24. Alexandre SURELL : Études sur les torrents des Hautes-Alpes (reprise complétée de 1841 par M. CEZANNE), Paris, Dunod 1870, réed. Lacour.

25. ADH, 7 M 1086. Tableau sur lequel nous trouvons : Désignation des périmètres. Reboisement des montagnes. Compte-rendu des travaux, 1862.

26. ADH, 7 M 1092. Rapport du sous-inspecteur des Eaux et Forêts (Service du reboisement), suite à la lettre du maire de Riols, du 11 août 1878, au préfet) : « En exécution de l’article 10 de la loi du 28 juillet 1860, un vingtième de ces terrains, soit 82 ha 97 aurait dû être reboisé chaque année et toute la surface communale parcourue dans un délai de moins de 12 ans. Pour ne gêner que le moins possible les habitudes pastorales des habitants, l’administration n’avait reboisé à la fin de 1877, en treize années, que 300 hectares au plus de terrains, c’est à dire moins du tiers de leur étendue. »

27. François CHARRAS, « Les inondations catastrophiques du 12 Septembre 1875 dans le Midi vues par la presse ». Les moulins de l’Hérault, Cahiers d’Arts et Traditions Rurales, Fédération des Foyers Ruraux, 2001.

28. Amodiation : « Concession de l’exploitation d’une terre (…) moyennant une redevance périodique ». Le Petit Larousse illustré.

29. ADH, 7 M 1088, Conventions amicales (sic), expropriations (1868 à 1887) par communes.

30. ADH, 7 M 1320. Reboisement des montagnes (loi du 28 juillet 1860). Périmètre obligatoire de Saint-Pons, (décret impérial 30 décembre 1863). « Mémoire descriptif », 17 mars 1881.

31. [Appel manquant]ADH, 7 M 1087. Direction générale des forêts, Nîmes, Indemnités aux communes pour privation temporaire de pâturage, exercice 1867.

32. ADH, 7 M 1087. Minute de lettre de la Direction Générale des Forêts, Montpellier, au Directeur Général à Paris. Montpellier le 16 juin-1866.

33. ADH, 7 M 1320. Prémian, réponse par le Garde général adjointdes Forêts à la réclamation verbale d’Hortala le 8 mars 1881.

34. ADH, 7M1154.Autorisations de pacage dans les bois communaux, arrondissement de Saint-Pons, 1843-1854. Elargissement d’un chemin. Sous-préfet de Saint-Pons à M. le préfet de l’Hérault, 20 octobre 1845.

35. ADH, 7 M 1092. Avis du sous-préfet au préfet sur « la suite à donner aux réclamations présentées » et le rapport joint, 30 avril 1880.

36. ADH, 7 M 1092. Lettre à M. Le Ministre de l’Agriculture. Riols : « Protestation des propriétaires de Roulio, Condades et Aupigno », 12 mars 1886.

37. ADH, 7 M 1092. Rapport du sous-inspecteur des Eaux et Forêts, 23 septembre 1878, Service du reboisement, suite à la lettre du maire de Riols au Préfet du 11 août 1878.

38. ADH, 7 M 1092 : Extrait du registre des délibérations de la commune de Prémian, 9 février 1879.

39. ADH, 7 M 1092. « Avis sur la nature particulière des propriétés des mazades, 30 avril 1880. Avis du sous-préfet au préfet sur « la suite à donner aux réclamations présentées et le rapport joint. »

40. ADH, 7 M 1320. Établissement et modification des périmètres de reboisement de Saint-Julien-d’Olargues. Copie du Procès-verbal de la tournée du Conservateur à Nîmes, 27 avril au 10 septembre 1880.

41. Un commentaire s’impose ici : les nombreuses références que Jean Prax fait par ailleurs à Georges Fabre manifestent l’ampleur de la personnalité de ce dernier et de son action. Elles posent la question du « comment » de cette réussite dans l’Aigoual. Tient-elle aux qualités qu’il montre dans l’action ? A la rigueur scientifique dans la recherche de solutions aux problèmes posés ? A la ténacité dans les difficultés rencontrées ? A la persévérance dans des convictions marquées du désir pédagogique de les faire comprendre et partager ? A la volonté d’inscrire ses efforts dans une durée remarquable ? Sa réussite peut nous servir de point de comparaison car, elle aussi, n’a pas été aisée…

42. ADH, C 2432. « Mémoire anonyme sur la compascuïté relativement à la délibération des États », 1765.

43. ADH, 7 M 1092. 1877-1878. Pétitions des communes contre le reboisement. Lettre du maire de Riols au préfet 11 août 1878.

44. ADH, 7 M 1073. Nominations, remplacement, démissions (1865-1874). Lettre du préfet au Conservateur à Nîmes, 1909.

45. ADH, 7 M 1154.Autorisations de pacage dans les bois communaux. Arrondissement de Saint Pons, 18 avril 1844.

46. ADH, 7 M 1092. Pétitions contre le reboisement des deux versants du Marcory (commune de Riols, propriétaires de Roulio, Condades et Aupigno) (12 mars 1886).

47. ADH, 7 M 1092. Lettre du 21-VII-1885 de M. le Préfet à M. le Ministre de l’Agriculture.

48. ADH, 7 M 1320. Établissement et modification des périmètres de reboisement. Copie du procès-verbal de la tournée du Conservateur à Nîmes dans le rapport (sans date mais la mention la plus récente est de 1895) « Périmètre de reboisement du Jaur » par le Garde général des Forêts.

49. ADH, 7 M 1320. Établissement et modification des périmètres de reboisement de Mons-Cambon. Rapport (sans date mais la mention la plus récente est de 1895) par le Garde général des Forêts.

50. ADH, 7 M 1092. Pétitions des communes contre le reboisement ; lettre du Maire de Saint-Vincen-d’Olargues au préfet le 23 mars 1879.

51. ADH, 7 M 1090, « Résultat de l’expropriation : séance du 27 au 30-VII-1887 ». Lettre de l’avocat de l’État du 12 août 1887.

52. ADH, 7 M 1090. Arrondissement de Saint-Pons. Résultats de l’expropriation, séances des 27-28-29-30 juillet 1887. Saint-Pons le 1er août 1887.

53. ADH, 7 M 1090. Extraits de la « Loi relative à la restauration et à la conservation des terrains en montagne » de 1882. : « La loi qui fixe le périmètre des travaux de restauration doit être précédée : 1° D’une enquête dans chacune des communes intéressées ; 2° D’une délibération des conseils municipaux de ces communes ; 3° De l’avis du conseil d’arrondissement et de celui du conseil général ; 4° De l’avis d’une commission spéciale composée : du préfet ou de son délégué, président avec voix prépondérante ; d’un membre du conseil général et d’un membre du conseil d’arrondissement, autres que ceux du canton où se trouve le périmètre, délégués par leurs conseils respectifs et toujours rééligibles, et dans l’intervalle des sessions par la commission départementale ; de deux délégués de la commune intéressée, désignés dans les mêmes conditions par le conseil municipal ; d’un ingénieur des ponts et chaussées ou des mines, d’un agent forestier, ces deux derniers membres nommés par le préfet. Le procès-verbal de reconnaissance des terrains, le plan des lieux et l’avant-projet des travaux proposés par l’administration des forêts est déposé à la mairie de chacune d’elles ».

54. Ce différend est aussi politique comme le Garde général des Forêts le dénonce (Voir note n° 48).

55. ADH, 7 M 1320. Établissement et modification des périmètres de reboisement de Mons-Cambon. Rapport (sans date mais la mention la plus récente est de 1895) par le Garde général des Forêts.

56. Les hasards des fonds d’archives n’ont fourni sur ce point que des données lacunaires. L’essentiel l’a été par les Archives départementales de l’Hérault. Notre attente a été déçue par celles du Gard. A Nîmes, ce siège de la Conservation des forêts régionales, notre visite a été sans doute trop rapide ; l’essentiel est peut-être au sein des multiples archives municipales…

57. ADH, 7 M 1320. Dans la « Copie du procès-verbal de la tournée du Conservateur à Nîmes commencée le 27 avril 1880 et finie le 10 septembre 1880. Renseignements et observations sur les différentes parties du service ».

58. ADH, 6 M 1097. Ministère du Commerce et de l’Industrie. Bureau de la Statistique Générale de France, État des sinistres survenus, 1891.

59. ADH, 6 M 1556. Ministère du Commerce et de l’Industrie, Bureau de la Statistique Générale de la France, commune de Saint-Julien, 1889.

60. ADH, 7 M 1320. Reboisement des montagnes. Périmètre obligatoire de Saint-Pons. Procès-verbal de reconnaissance, Direction Générale des Forêts : Signé le Garde général Lencoine / Vu avec avis conforme, l’inspecteur des forêts Antelme. Montpellier, 17 mars 1881. Le Conservateur des forêts, Nîmes. 19 Mars 1881. Signé Grosjean.

61. [Appel manquant]ADH, 7 M 1320. Copie du procès-verbal de la tournée du Conservateur à Nîmes, 27 avril au 10 septembre 1880

62. ADH, 7 M 1072. Correspondance du 13 octobre 1860 sur l’arrêté de nomination d’un Garde forestier.

63. ADH, 7 M 1073 (1865-1874). Lettre du sous-préfet au préfet. Enquête du 26-V-1899 et procès-verbal d’enquête par Bourguet Jacques en date du 24 novembre 1898.

64. [Appel manquant]ADH, 7 M 1097. Citation par M. Dupré la Tour dans sa conférence imprimée au Congrès du reboisement, (Montpellier, 22-23 mai 1927). – Notice sur le développement et la gestion, de 1800 à 1905, des forêts communales du Gard. Avignon, 1906.

65. ADH, 7 M 825. Rapport de M. Rouis, inspecteur. Montpellier, 19 Août 1912.

66. ADH, 7 M 1154. « Par suite leurs propriétés sont de si mauvaise qualité que ce n’est qu’à force de travail et d’engrais qu’ils peuvent en retirer quelques modiques récoltes. Leur situation est des plus critiques ; en effet, pour se procurer des engrais, il faut du bétail, il faut encore pouvoir le nourrir, et c’est ce qui nous est impossible dans la position où nous nous trouvons ». Pétition des habitants de Saint-Chinian (Donnadieu, Bouldoux, Cauduro, Salabert) à M. le Ministre des Finances en date du 12-VII-1845.

67. Dans le canton de La Salvetat, la population passe de quelques 6000 habitants en 1876 à près de 4500 en 1901 d’après Jean PRAX, Statistiques démographiques…, page 75. Contribution au boisement et à la mise en valeur des montagnes de l’Hérault (1935-1965), 1982.

68. André BAUMES, La transhumance du bétail ovin dans l’Hérault. Thèse pour le doctorat vétérinaire soutenue en avril 1936 à Toulouse.

69. ADH, 7 M 825. Rapports du Garde général à Saint-Pons du 7 juillet 1912.