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Description

Aspects de la vie religieuse dans la vallée de l’Hérault vers 1840

En 1835, le diocèse de Montpellier a un nouvel évêque Charles-Thomas Thibault, prêtre du clergé de Paris, au grand zèle missionnaire. Il prend pour devise « Messis multa », « la moisson est abondante » et, avant d’organiser et de conduire lui-même des missions dans les villes, avant d’envoyer dans les campagnes les membres de la société des missionnaires diocésains, qu’il réorganise, il entreprend une minutieuse tournée pastorale dans son diocèse de la vallée de l’Hérault, durant les années 1836 et 1837. La visite a été précédée d’un rapport écrit demandé aux curés de toutes les paroisses.

Malheureusement il ne subsiste plus, aux archives de l’Évêché de Montpellier, qu’une trentaine de mémoires, dont quelques uns concernant les doyennés de Clermont et de Gignac. Par contre a été conservé le Journal de l’Évêque, qui notait au jour le jour et en quelques lignes ses impressions. Si modestes que soient ces témoignages, ils constituent cependant une source précieuse, parce qu’unique, pour l’étude de la vie religieuse des populations du diocèse de Montpellier. Retenons-en ici ce qui concerne la Vallée de l’Hérault, c’est-à-dire les doyennés – circonscription religieuse correspondant au canton civil – de Clermont, Gignac, Montagnac, Pézenas, Florensac et Agde.

Plus proche de la plaine, le doyenné de Clermont-l’Hérault est, dans l’ensemble, plus affranchi des pratiques religieuses que celui de Lodève. Une exception, la paroisse de Salasc, « une des meilleures du diocèse » selon Mgr Thibault, grâce à la présence d’un prêtre « parfait » et fort estimé par les « très braves gens » du lieu. La ville de Clermont est moins religieuse que celle de Lodève. En 1836, 22 % seulement des assujettis remplissent le devoir pascal. Les manufacturiers, moins riches qu’à Lodève, y sont plus proches du peuple. Or ils sont libéraux et républicains, peu soucieux d’accepter la moindre dépendance vis à vis du clergé. Les traditions religieuses y sont d’ailleurs vivaces, les vers du poète potier Peyrottes, empreints de mysticisme, les parents prennent plus d’intérêt à l’instruction religieuse de leurs enfants qu’à l’instruction primaire. Le sanctuaire de N. Dame du Peyrou est fréquenté. Il existe plusieurs confréries, dont celle des Pénitents Bleus. Les abus sont « ceux qui désolent les lieux de fabrique : la corruption des mœurs, la profanation du dimanche, la fréquentation des maisons de jeu ». À la moindre maladie on recourt avec empressement, à une « prétendue devineresse qui a soi-disant un commerce avec les morts ». La seule paroisse du doyenné – Salasc mis à part – à compter plus d’un tiers de pascalisants est Brignac, qui n’a pas 300 habitants. Les parents y sont cependant fort négligeant à procurer l’instruction tant profane que religieuse à leurs enfants. Les hommes viennent à la messe certes, mais la tribune d’où ils l’entendent « n’est pas la partie de l’église la plus recueillie pendant les offices ». Le maire y est « d’opinions assez révolutionnaires.., et ne manque pas d’esprit ». La vie religieuse est traditionnelle : le 22 avril, de temps immémorial toute la paroisse assiste exactement à une procession à N. Dame du Peyrou mais personne n’a pu dire au curé – depuis 7 ans dans la paroisse – le motif de cette dévotion. Plus indifférents sont les autres paroisses. À Ceyras la jeunesse a peu de religion, elle affectionne les bains à la rivière, grands et petits y allant « sans aucune précaution et avec la dernière indécence » aux dires du curé. Légèreté, dissipation dont les hommes, jouant aux cartes avec frénésie, ne sont pas exempts. Le respect humain empêche de participer aux sacrements. C’est la plaine, donc une toute autre mentalité que dans la montagne, constate Mgr Thibault, qui ajoute : « ce sont des gens taquins ». À Nébian on est cependant dévots de St Fulcran dont les reliques sont exposées deux fois par an. Les têtes sont plus vives « difficiles à manier » à St. Félix de Lodez, à Canet où les principaux habitants, très divisés, ne sont d’accord que pour « cabaler contre les curés dont ils se dégoûtent presque aussitôt qu’ils les possèdent » alors que le peuple est adonné au jeu. Les deux grosses paroisses d’Aspiran et de Paulhan ont un peuple « républicain et très turbulent », mais « on peut en tirer parti » note Mgr Thibault qui voudrait là des prêtres « énergiques et sages à la fois ». Le taux de pratique pascale des hommes et jeunes gens est de 14 % à Aspiran, proportion d’ailleurs vraisemblablement un peu supérieure à la moyenne du canton. À l’écart de la plaine, Villeneuvette, Mourèze, Liausson et Celles ont un peu plus de pascalisants et le clergé y a davantage d’influence : à Liausson, pauvre paroisse de bergers, les paroissiens « laissent toujours à M. le curé le choix du maître d’école », mais cela paraît dû à l’indifférence plus qu’à une mentalité cléricale, Villeneuvette est alors une annexe de Mourèze, pourtant beaucoup moins peuplée. Les « MMrs Mestre – les manufacturiers – ne donnent que 200 F pour le service de Villeneuvette ce qui n’est guère » reconnaît l’évêque. Dans l’une et l’autre paroisse, le travail du dimanche est coutumier. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1971

Nombre de pages

5

Auteur(s)

Gérard CHOLVY

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf