Description
1789 Le Cahier de doléances de la noblesse de la Sénéchaussée de Béziers
Ancien Régime et noblesse ont parti lié. On a, depuis les premiers historiens de la Révolution jusqu’à nos jours, admis ce postulat comme une évidence. Le tiers état, porteur des aspirations nouvelles, s’opposait à la noblesse attachée par tradition, par intérêt et par choix au statu quo, à l’État et à la société qu’elle désirait perpétuer sans changement. Dans un essai où je me suis attaché à détruire quelques uns des mythes qui faussaient notre jugement sur le second ordre, j’ai analysé le contenu de l’opinion nobiliaire à la veille de la Révolution (La noblesse au XVIIIe siècle, de la féodalité aux lumières, Hachette, 1976). Sur les grands problèmes qui passionnent alors les Français – la forme de l’État, la réorganisation de l’administration, les garanties à accorder aux citoyens pour le respect de leur liberté – la noblesse et le tiers état se sont révélés solidaires, ont proposé partout les mêmes solutions et, s’il fallait établir un palmarès, on serait bien en peine d’accorder la première place à l’un ou à l’autre dans la course de vitesse qu’ils ont engagée pour le changement.
L’état différentiel de l’opinion, on le connaît à la fois par catégories, noblesse, clergé et tiers ayant rédigé des cahiers séparés, et par unités géographico-administratives, chaque bailliage s’étant exprimé dans ses cahiers particuliers. Certes, cette distinction entre les ordres ne correspondait plus qu’imparfaitement à la réalité, elle collait mal à la société de la fin du XVIIIe siècle et à l’aspiration générale à une plus grande cohésion des citoyens, et dans une société déjà largement individualiste cette forme désuète élevait bien des obstacles à la définition d’une volonté générale. Ressentie parfois comme un archaïsme, – dans certains bailliages noblesse et tiers ont rédigé leurs cahiers en commun -, cette forme traditionnelle s’imposa à peu près partout, et c’est pour nous une chance. Nous connaissons ainsi l’opinion nobiliaire, nous pouvons prendre la mesure exacte de ses aspirations, nous pouvons décider sur preuve de son attachement au régime ou de sa volonté de fonder un autre type d’État. En regroupant les doléances de tous les cahiers nobles, en établissant des pourcentages, on a pu dégager l’opinion générale. S’il y a unanimité sur quelques grands principes : un État constitutionnel et décentralisé, la garantie des libertés, la rationalisation de l’administration, il se dessine au contraire des clivages très forts sur des questions importantes, comme celle des privilèges, sur lesquelles la noblesse s’est divisée, certains bailliages se ralliant aux solutions les plus radicales, d’autres adoptant au contraire une attitude intransigeante, d’autres encore plus hésitants ne se prononçant qu’imparfaitement ou pas du tout.
Il pouvait donc paraître intéressant d’analyser à part le cahier d’une sénéchaussée comme celle de Béziers qui ne s’est manifestée ni par ses ardeurs « réactionnaires » ni par une attitude ouvertement libérale. On pouvait ainsi mesurer l’ampleur d’une évolution qui s’était produite, au plan des mentalités et de la conversion aux idées nouvelles, dans un groupe nobiliaire local qui restait par ailleurs profondément attaché à ses privilèges bien qu’il consentît aussi à renoncer à quelques-uns des plus importants. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1978 |
---|---|
Nombre de pages | 14 |
Auteur(s) | Guy CHAUSSINAND-NOGARET |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |