Description
1789-1799 : vivre la Révolution dans la vallée de l’Hérault
Une vallée riche en villages, bourgs et villes de toutes tailles et de toutes convictions, aux intérêts contradictoires, un axe de communication par lequel circulent les hommes et les idées, les nouvelles et les rumeurs, bref, un « pays » où s’affrontent de 1789 à 1799 les forces de la Révolution et de la Contre-Révolution. Forces que traduisent, avec plus ou moins de violence selon les lieux, les clivages politiques qui s’instaurent à l’intérieur des municipalités, les révoltes armées qui se déchaînent contre les châteaux, les conflits religieux qui s’exacerbent jusqu’au schisme au sein de l’Église catholique. C’est dire combien les événements de la Révolution française martèlent l’histoire héraultaise et résonnent sur les lieux à l’heure du bicentenaire.
La vallée de l’Hérault a vécu au rythme de l’expansion économique des années 1760-70. Le travail des petites étoffes de laine, serges et cadis, était actif à Aniane ; les draps du Levant, londres et londrins, sortaient de Villeneuvette et de Clermont. La situation s’est dégradée dans la décennie suivante et en 1789 l’avenir du textile héraultais paraît bien compromis, la concurrence est sévère, les faillites se multiplient. Le déclin industriel affecte l’ensemble de l’économie régionale. De proche en proche, il atteint les métiers annexes, artisans, commerçants, travailleurs en tout genre. Il retentit jusqu’au fond des campagnes où les paysans voient se tarir leur ressource d’appoint. Il se traduit par la faiblesse des affaires aux foires de Montagnac, Pézenas.
Les effets de la récession économique sont accentués par les hivers très froids qui se succèdent et compromettent les récoltes céréalières à une époque où le pain constitue la base de la nourriture et son prix le baromètre de l’ordre social. Or, même en année de récolte moyenne, les pays de l’Hérault n’assurent pas leur consommation de blé. Ils reçoivent les compléments du Toulousain par le canal du Midi, du nord par la vallée du Rhône, voire de Crimée par la façade méditerranéenne. Les dirigeants et responsables divers, de la province aux municipalités, sont particulièrement attentifs à l’état des subsistances.
Avec le printemps 1789, souffle en Languedoc un vent de liberté. Le roi a décidé de réunir les États généraux à Versailles, accepté le doublement du Tiers et le vote par tête, la province députera comme les pays d’élection. Les élections se déroulent dans le cadre des sénéchaussées, les sujets rédigent les cahiers de doléances afin que leur souverain juge de l’état de son royaume. Quelques « émotions populaires » éclatent à Sète (Cette), Agde, et dans le Biterrois mais sans lendemain. Montpellier se dote d’une légion dès le 18 avril, dans le souci du maintien de l’ordre. Du mois de mai au mois d’août, la « révolution municipale » ainsi amorcée prend corps dans d’autres lieux.
Elle se manifeste par la création de conseils permanents et de milices bourgeoises, double manifestation d’un besoin prioritaire de sécurité et d’un désir hâté d’émancipation de la tutelle seigneuriale. Ambition qui s’appuie et se généralise après le décret du 11 août consignant les renoncements de la nuit du 4, dont l’abolition de l’organisation municipale héritée du passé. Chaque municipalité réagit à sa manière. Autant de cas, autant de modalités de transfert des pouvoirs municipaux, tant en raison de la diversité des situations existantes que de l’absence de législation. Deux principes animent cependant les patriotes : la recherche d’une nouvelle légitimité par l’élection au suffrage universel d’un comité, le maintien de la continuité par l’intégration des anciens consuls au nouveau corps municipal. La coexistence des nouvelles et des anciennes autorités n’est pas toujours facile. A Aniane, Saint-Pargoire, un comité est formé « dans les premiers élans de la liberté » en novembre; il gère les affaires de la commune « concurremment avec la municipalité existante ». Les consuls ne reconnaissent pas « le nouvel établissement » et ne s’inclinent que « par crainte de se compromettre en persistant dans leur résistance ».
L’année 1790 est celle d’élections tous azimuts, municipales, départementales, judiciaires. Le renouvellement des conseils municipaux à l’automne s’effectue dans un climat tendu. A Clermont-l’Hérault, l’élection est cassée par le directoire du district parce qu’elle « a eu lieu sous la pression de la populace, sous l’effet de la force, de la violence et de l’insurrection ». Le directoire du département requiert l’envoi d’une compagnie du régiment du Médoc pour assurer le maintien de l’ordre lors de la reprise des opérations électorales. A Saint-Pargoire, des bagarres font un mort. Le maire et le procureur sont suspendus de leurs fonctions.
C’est à Aniane que « blancs » (patriotes) et « noirs » (aristocrates) se dressent face à face avec le plus de détermination. Villeveyrac s’enfonce dans le cocasse avec les hostilités déclarées au maire jets de pierres, chansons infâmes… Les autorités du district prononcent des inculpations contre les officiers municipaux, le procureur de la commune, le commandant de la Garde nationale qui « ont négligé les moyens que la loi leur a confiés pour maintenir l’ordre et la tranquillité ». 1790 se termine sur ce fond de querelles villageoises.
Le 26 juin 1791 le bruit se répand de la fuite du roi. Il suscite un prompt courant de violence dans le polygone Montpeyroux, Arboras, Saint-Saturnin, Saint-Félix. Des élections primaires se déroulent alors et l’assemblée du canton se tient à Montpeyroux lorsqu’un gendarme national annonce « Aux armes citoyens, le roi a été enlevé ». Le thème du complot ainsi réactualisé, il devient urgent de s’armer. Sur-le-champ, habitants de Montpeyroux et d’alentour se dirigent vers le château de la Dame d’Axat afin de s’emparer des armes qu’il pourrait contenir. Tandis que les officiers municipaux proclament la loi martiale, l’émeute se prolonge jusqu’au 27. Avec la bibliothèque, sont brûlés les titres féodaux ayant survécu à la nuit du 4 août. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1990 |
---|---|
Nombre de pages | 2 |
Auteur(s) | Geneviève GAVIGNAUD |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |