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Description

1766, la fin d’une lignée de seigneurs languedociens, les Roquefeuil

Lorsque François Henry Jean Antoine de Roquefeuil, ci-devant marquis de Londres, meurt à Montpellier le 3 octobre 1766, à l’âge de 32 ans, il est célibataire et ne laisse aucune descendance. C’est donc sa sœur mariée, Jeanne Henriette Marie Magdeleine, marquise de Murs depuis 1751, qui hérite de ses nombreuses possessions au nord de Montpellier. Mais qui était ce jeune marquis de Londres ?

Présentons d’abord ce jeune aristocrate languedocien dans son environnement familial. Il est le dernier représentant d’une lignée noble qui s’est répandue sur le sol languedocien au fil des siècles: les Roquefeuil. Cette famille a essaimé jusqu’en Aquitaine, voire en Bretagne et en Espagne. Son nom provient d’un château situé dans la paroisse de Dourbie, dans les Cévennes. Toutefois, le château est tombé en ruines et abandonné depuis longtemps. Seuls quelques modestes vestiges rappellent un passé fort oublié d’une famille qui, depuis le Moyen Age, a pris racine dans de nombreuses contrées languedociennes, possédant jusqu’à dix-huit châteaux : Roquefeuil dans le diocèse d’Alais, Paules et Valleraugues dans celui de Nîmes, Brissac et Ganges dans celui de Maguelone, Dolan et Blanquefort dans le Gévaudan, Algues, Nant, Saint-Jean-du-Bruel, Sauclières, Saint-Michel-de-Liac, Versols et Caylus dans le Rouergue, Castelnau-de-Montratier et Flaugniac dans le Quercy, Blanquefort et Bonaguil en Agenais. Les Roquefeuil furent alliés à la maison de Bourbon, à celles d’Aragon, d’Autriche, de Bragance, de Toulouse, de Rodez, d’Armagnac, d’Albret, de Turenne, de Gourdon, de Clermont, de Durfort et de Montpezat, pour n’évoquer que les maisons les plus prestigieuses. Certaines branches étaient très puissantes ; par exemple Bérenger de Roquefeuil (1448-1530), habitant son château de Bonaguil, possédait trente-sept baronnies, selon le dénombrement de 1514.

Certes, nombreux sont ceux qui connaissent le nom de Roquefeuil – et certains disent en riant, d’autres presque sérieusement, que les Rockefeller d’Amérique descendent des Roquefeuil. Mais il est étonnant de constater qu’aucune étude systématique n’a été entreprise jusqu’à présent au sujet de cette famille aristocratique, ni de la noblesse languedocienne tout court. Celle-ci fait l’objet d’une thèse préparée par Didier Porcher. Entamons donc une généalogie, quoique grandement fragmentaire, afin de situer le dernier marquis de Londres dans son environnement familial, lointain et récent.

Une des questions centrales pour une famille noble est celle de son origine, de son ancienneté d’où elle pense fonder sa légitimité d’ordre privilégié. Le plus souvent, l’origine est incertaine, sinon discutable, problème que les anoblis récents ignorent, munis de leur lettre d’anoblissement. Pour ce qui est des Roquefeuil, leur origine semble relativement sûre, d’autant qu’ils ont fait établir eux-mêmes une généalogie au début du XVIIIe siècle et qui dévoile comme ancêtre commun Guillaume de Roquefeuil. Celui-ci reçut, le 17 septembre 1254, la seigneurie de Grémian des mains du roi d’Aragon, Jacques, fils de Marie de Montpellier ; il possédait déjà la seigneurie de la Tour sise dans le diocèse de Vabre (disparu en 1789) appartenant à la sénéchaussée de Rodez. En 1263, il acheta même les revenus de la ville de Montpellier dont le propriétaire était le roi Jacques d’Aragon. Leurs liaisons semblent avoir été étroites, car Guillaume de Roquefeuil avait suivi son roi en Espagne afin de l’aider dans la reconquête de ce pays contre les infidèles, les Maures.

Manifestement, ses services ont été bénéfiques pour lui, mais surtout pour son second fils, Raimond de Roquefeuil. En effet, ce dernier est à l’origine de la branche espagnole en tant que comte de Peralda et seigneur de Raya et d’Ayacor. Ce sont ces titres que détenait un de ces descendants à la fin du XVIIe siècle, Joseph de Roquefeuil. De plus, Jacques d’Aragon, dans une lettre envoyée de Lérida en mai 1273, promut Guillaume de Roquefeuil au grade de lieutenant royal et grand-amiral du royaume de Murcie, tout en lui offrant en même temps les seigneuries de Cournonsec, de Mireval et de Grémian dans le Bas-Languedoc. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

10

Auteur(s)

Josef SMETS

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf