1766, la fin d’une lignée de seigneurs languedociens, les Roquefeuil

* Professeur d’histoire, université de Salzbourg

Lorsque François Henry Jean Antoine de Roquefeuil, ci-devant marquis de Londres, meurt à Montpellier le 3 octobre 1766, à l’âge de 32 ans, il est célibataire et ne laisse aucune descendance. C’est donc sa sœur mariée, Jeanne Henriette Marie Magdeleine, marquise de Murs depuis 1751, qui hérite de ses nombreuses possessions au nord de Montpellier. Mais qui était ce jeune marquis de Londres ?

Présentons d’abord ce jeune aristocrate languedocien dans son environnement familial. Il est le dernier représentant d’une lignée noble 1 qui s’est répandue sur le sol languedocien au fil des siècles: les Roquefeuil. Cette famille a essaimé jusqu’en Aquitaine, voire en Bretagne et en Espagne 2. Son nom provient d’un château situé dans la paroisse de Dourbie, dans les Cévennes. Toutefois, le château est tombé en ruines et abandonné depuis longtemps. Seuls quelques modestes vestiges rappellent un passé fort oublié d’une famille qui, depuis le Moyen Age, a pris racine dans de nombreuses contrées languedociennes, possédant jusqu’à dix-huit châteaux : Roquefeuil dans le diocèse d’Alais, Paules et Valleraugues dans celui de Nîmes, Brissac et Ganges dans celui de Maguelone, Dolan et Blanquefort dans le Gévaudan, Algues, Nant, Saint-Jean-du-Bruel, Sauclières, Saint-Michel-de-Liac, Versols et Caylus dans le Rouergue, Castelnau-de-Montratier et Flaugniac dans le Quercy, Blanquefort et Bonaguil en Agenais 3. Les Roquefeuil furent alliés à la maison de Bourbon, à celles d’Aragon, d’Autriche, de Bragance, de Toulouse, de Rodez, d’Armagnac, d’Albret, de Turenne, de Gourdon, de Clermont, de Durfort et de Montpezat, pour n’évoquer que les maisons les plus prestigieuses. Certaines branches étaient très puissantes ; par exemple Bérenger de Roquefeuil (1448-1530), habitant son château de Bonaguil, possédait trente-sept baronnies, selon le dénombrement de 1514 4.

Certes, nombreux sont ceux qui connaissent le nom de Roquefeuil – et certains disent en riant, d’autres presque sérieusement, que les Rockefeller d’Amérique descendent des Roquefeuil. Mais il est étonnant de constater qu’aucune étude systématique n’a été entreprise jusqu’à présent au sujet de cette famille aristocratique, ni de la noblesse languedocienne tout court. Celle-ci fait l’objet d’une thèse préparée par Didier Porcher. Entamons donc une généalogie, quoique grandement fragmentaire, afin de situer le dernier marquis de Londres dans son environnement familial, lointain et récent.

Une des questions centrales pour une famille noble est celle de son origine, de son ancienneté d’où elle pense fonder sa légitimité d’ordre privilégié. Le plus souvent, l’origine est incertaine, sinon discutable, problème que les anoblis récents ignorent, munis de leur lettre d’anoblissement. Pour ce qui est des Roquefeuil, leur origine semble relativement sûre, d’autant qu’ils ont fait établir eux-mêmes une généalogie au début du XVIIIe siècle et qui dévoile comme ancêtre commun Guillaume de Roquefeuil 5. Celui-ci reçut, le 17 septembre 1254, la seigneurie de Grémian des mains du roi d’Aragon, Jacques, fils de Marie de Montpellier 6 ; il possédait déjà la seigneurie de la Tour sise dans le diocèse de Vabre (disparu en 1789) appartenant à la sénéchaussée de Rodez 7. En 1263, il acheta même les revenus de la ville de Montpellier dont le propriétaire était le roi Jacques d’Aragon. Leurs liaisons semblent avoir été étroites, car Guillaume de Roquefeuil avait suivi son roi en Espagne afin de l’aider dans la reconquête de ce pays contre les infidèles, les Maures.

Manifestement, ses services ont été bénéfiques pour lui, mais surtout pour son second fils, Raimond de Roquefeuil. En effet, ce dernier est à l’origine de la branche espagnole en tant que comte de Peralda et seigneur de Raya et d’Ayacor. Ce sont ces titres que détenait un de ces descendants à la fin du XVIIe siècle, Joseph de Roquefeuil. De plus, Jacques d’Aragon, dans une lettre envoyée de Lérida en mai 1273, promut Guillaume de Roquefeuil au grade de lieutenant royal et grand-amiral du royaume de Murcie, tout en lui offrant en même temps les seigneuries de Cournonsec, de Mireval et de Grémian dans le Bas-Languedoc.

Bien entendu, l’histoire des Roquefeuil est plus ancienne encore, car chaque enfant a des parents. Il existe en effet un testament d’un certain Henry de Roquefeuil, daté du 21 février 1002 8. Il y est désigné comme vicomte de Creissels (dans les gorges du Tarn) et comme baron de Roquefeuil. Par ce testament, Henry de Roquefeuil fonde l’« hospital du Bonheur » au sommet de 1’Espérou, voisin de l’Aigoual, dans le diocèse de Nîmes. Cette institution aura pour tâche de soigner les pauvres du pays, mais également les pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle. De plus, Henry de Roquefeuil fait don d’une cloche pesant quatorze quintaux que l’on sonnera par mauvais temps afin que les pèlerins ne se perdent pas dans la montagne et trouvent le chemin vers l’hôpital salvateur. Son fils Bernard de Roquefeuil est désigné comme son héritier, alors que l’évêque de Nîmes, cousin d’Henry de Roquefeuil, y figure comme exécuteur testamentaire 9. Est-il éventuellement ce Roquefeuil, contemporain « considérable » d’Hugues Capet auquel le spicilège de Dom Luc d’Achery (t. VIII, p. 165) fait allusion ? Et ses lointains ascendants furent des « custos hispani limitis », des gardiens des Marches d’Espagne, c’est-à-dire des marquis d’Espagne 10.

Ce n’est que bien plus tard que les Roquefeuil s’implantent dans les garrigues montpelliéraines où se trouvent les possessions du marquis de Londres en 1766. Le 16 novembre 1534, Jean de Roquefeuil IV, seigneur de la Tour et de Cournonsec, épouse Anne de Vergnole, fille unique de Jean de Vergnole, baron de la Roquette et de Londres, et de Jeanne de Thurin 11. Ce mariage inaugure la domination des Roquefeuil dans les différents villages des garrigues : Notre-Dame-de-Londres, Rouet (ou Saint-Étienne-de-Gabriac), Ferrières, Mas-de-Londres, Lauret, Agonès, Saint-Bauzille-de-Putois, Brissac, Saint-Étienne-d’Issensac, Causse-de-la-Selle, Viols-le-Fort. Par ailleurs et selon les pratiques courantes, la famille réussit à placer quelques enfants dans les institutions ecclésiastiques du pays. Au moins un fils devint abbé de Saint-Guilhem-le-Désert (Gellone) 12, un autre chanoine dans le chapitre cathédral de Montpellier 13. D’autres durent se contenter d’emplois moins prestigieux, par exemple du prieuré de Saint-Martin-de-Londres qui dépendait de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert, ou encore d’autres prieurés plus modestes dans les villages du coin 14. De nombreux autres rejetons mâles ont embrassé une carrière dans l’armée qu’il m’est pour l’instant impossible de retracer ici. Mais l’importance de la famille se traduit également par leur recrutement dans l’ordre de Malte. En effet, avec 19 chevaliers, les Roquefeuil sont, parmi les familles aristocratiques du Languedoc, les plus nombreux à être recrutés dans l’ordre de Malte du XVIe au XVIIIe siècle, suivis des Verdelin avec 15, des Hautpoul avec 13, des Polastron et des Lordat avec 11 chevaliers chacune 15.

Ce mariage de 1534 a vu naître au moins trois garçons dont le premier, Fulcrand, a perpétué la branche principale à travers les biens de la maison de la Roquette (Saint-Bauzille-de-Putois, Brissac, etc.). Celui-ci abandonna le château de la Roquette en 1557, certainement en raison de sa situation et son habitat incommodes, et fit construire une nouvelle demeure plus confortable et au goût du temps (Renaissance) sur l’emplacement de l’ancienne demeure seigneuriale des Montoulieu et des Bérard, près de l’église romane du Mas-de-Londres, longtemps appelé Château de Londres 16. Quant au deuxième fils, François, il ouvrit une autre branche (C) qui prendra fin avec François Henry Jean Antoine de Roquefeuil en 1766, alors que le troisième, Jean, devint chevalier de Malte vers 1560. Évoquons les maillons de la chaîne généalogique depuis le second fils de Jean de Roquefeuil, François 17. Celui-ci reçut les biens de la maison des Roquefeuil (Notre-Dame-de-Londres, Lauret, Gabriac, Ferrières, Agonès, Viols) selon le testament de sa mère, Anne de Vergnole, le 17 septembre 1557 et grâce â la donation de son cousin germain Louis de Roquefeuil, en date du 8 janvier 1602, les terres de la Tour, Bernas et Bernague dans le diocèse de Vabre, et celle de Cournonsec. François de Roquefeuil se maria, par contrat du 31 mai 1569 chez Granier, notaire aux Matelles, avec Louise d’Hombras 18 originaire de Notre-Dame-de-Londres et fille de Pierre d’Hombras, seigneur de Villaret, Colombier, et de Françoise de Cubières de Ribaute.

Ce couple eut au moins quatre enfants : Fulcrand, l’héritier principal, et ses trois sœurs ; Jeanne épousa Jean Antoine de Ratte, seigneur de Cambous (à Viols-en-Laval), le 20 juin 1596 19, Marie épousa Pierre de Ginestous, seigneur de Saint-Maurice (Navacelles), le 10 septembre 1600 20, et Louise épousa Jean Antoine Durobin le 25 juin 1617. Quant à Fulcrand de Roquefeuil, il signa le contrat de mariage, le 27 janvier 1609, en compagnie de son élue, Marguerite d’Aguilhon. Ils eurent une progéniture dont le mâle aîné et préféré fut Blaise (capitaine d’infanterie dans le régiment de Péraut, puis de cavalerie en 1639) qui perpétua son espèce. Son frère Henri, seigneur de Cournon, sera capitaine de cavalerie au régiment d’Enghien en 1640. L’autre frère, Pierre, devient vicomte de Gabriac et ouvre une nouvelle branche ; « sa postérité subsiste dans François, dit le marquis de Roquefeuil, vicomte de Gabriac, né à Montpellier le 9 avril 1718, marié le 3 mars 1746 à Jeanne Marie Madeleine Suzanne de Baschi, dont une fille morte peu après la naissance » 21. Françoise de Roquefeuil, enfin, se maria avec Jean d’Albenas, seigneur de Gajans.

Quant à Blaise de Roquefeuil, sa première tentative d’union avec Constance de Valat semble avoir été un échec. Sans enfants et devenu veuf, Blaise épousa en secondes noces, le 12 septembre 1656, Jeanne de Soubeyran d’Arifat qui lui donna du coup au moins cinq garçons. Son successeur fut Henri, grand-père de notre marquis de Londres. Les autres fils étaient François, Pierre, François Étienne et Joseph, maintenus dans leur noblesse avec Henri et Pierre de Roquefeuil, leurs oncles, par jugement souverain du 4 novembre 1668. Henri de Roquefeuil eut trois épouses. Il épousa d’abord Claire Théodore de Girard en 1691 (contrat de mariage, le 24 février 1691), fille du trésorier de France à Montpellier 22 ensuite Anne Madeleine de Narbonne-Pelet et, enfin, Anne Françoise de Lescure 23. De ces unions successives sont nés trois enfants au moins deux sœurs appelées toutes les deux Anne Françoise issues de la première et la troisième épouse, alors que la seconde avait donné l’héritier mâle, Jean Philippe de Roquefeuil, père de notre marquis de Londres. Regardons brièvement l’âge de ces personnes lors de leur décès.

Les parents du dernier Roquefeuil (branche C) sont morts précocement : Jean Philippe de Roquefeuil à l’âge de 36 ans ( ?/ ?/1703 – 2/12/1739) et Marie Anne de Journet à 34 ans (28/2/1707 – 28/2/1741). Ils avaient trois enfants ; outre François Henry Jean Antoine de Roquefeuil (13/8/1734 – 3/10/1766) sa sœur aînée Jeanne Henriette Marie Madeleine (7/5/1733 – 16/2/1790) qui atteindra l’âge de 57 ans et mourra à Montpellier en 1790 sans laisser d’enfants légitimes, et sa sœur puînée, Anne Jeanne Marguerite, qui ne vécut que pendant un mois (7/2/1737 – 10/3/1737). Sa tante Anne Françoise de Roquefeuil épousa en 1732 « Henry Joseph Samuel de Brunet, de Pujols, de Panat, Castelpers Lévis, marquis de Panat, fils de messire Joseph de Brunet, Pujols, Panat, Castelpers Lévis, comte de Panat et dame Marie de Toulouse, de Lautrec, de Monfa, habitant depuis quelques années paroisse Saint-Salvi à Alby ». Elle procréa avec lui des enfants qui ont cependant disparu jusqu’en 1741 déjà, comme d’ailleurs son époux 24.

L’état de santé de cette famille de Roquefeuil semble avoir été assez faible, puisque les sœurs de son père Jean Philippe, mort jeune lui aussi, sont décédés avant l’âge. Thérèse à 21 ans ( ?/ ?/1694 – 14/9/1715), Louise Catherine à 21 mois ( ?/9/1713 – 2/6/1715) et Françoise Madeleine à 19 mois (31/10/1716 – 20/5/1718), alors que seul son grand-père, Henry de Roquefeuil, atteignit l’âge, inhabituel pour cette famille, de 65 ans ( ?/ ?/l665 – 14/5/1730). Le bilan statistique de ces trois dernières générations est, toutefois, sombre : la plupart des membres a disparu très tôt. Est-ce un signe d’une faiblesse bio-génétique de cette famille ? Car au cours du XVIIIe siècle, elle n’est plus capable d’assurer le relais des générations. Son dernier représentant mâle meurt en 1766 et sa représentante féminine, la marquise de Murs, enfin, en 1790, qui n’a apparemment pas laissé d’enfants légitimes, mais éventuellement un, sinon deux enfants illégitimes 25.

Après cette généalogie somme toute fragmentaire finissant avec une problématique bio-génétique assez curieuse dans l’entourage immédiat de François Henry Antoine de Roquefeuil, abordons son contexte matériel, autrement dit celui de l’économie.

Une méthode simple d’évaluer rapidement le degré de richesse d’une personne consiste à indiquer le montant de la dot qu’elle attribue à ses filles pour leur mariage. Avant 1650, Henri de Roquefeuil, baron de la Roquette et représentant de la branche principale, épousa Grassinde de Griffi, fille unique de Gilbert de Griffi, président de la cour des aides à Montpellier, et Anne de Rosel ; la dot de l’épouse se monta à 80 000 livres augmentée de toutes les possessions familiales après le décès de ses parents, notamment la seigneurie de Saint-Martin-de-Londres 26. Le grand-père de notre marquis de Londres, Henry de Roquefeuil, prit pour femme Anne Marie de Lescure en troisièmes noces, fille du baron de Lescure du diocèse d’Albi. Selon le contrat de mariage en date du 20 février 1706, elle apporta une dot de 34 000 livres 27. Les filles de cet homme, récidiviste marital, issues de son premier et troisième mariage, c’est-à-dire les tantes de notre marquis de Londres, reçurent respectivement 35 000 livres (Anne Françoise en 1723, épouse de Jean de Bayne, seigneur de Reyssac près d’Albi) et 30 000 livres (autre Anne Françoise en 1732).

Leurs dots furent donc sensiblement inférieures à celle de Grassinde de Griffi apportée chez les Roquefeuil (branche aînée) il y a plus de 80 ans. La mère du marquis de Londres, Marie Anne de Journet, quant à elle, fut dotée, en 1732, de 80 000 livres auxquels furent ajoutés ses meubles et ses bijoux estimés à 2 700 livres 28. Un neveu de l’épouse, Étienne Louis de Journet, devint intendant à Auch et reçut, après la mort du jeune marquis de Londres, 20 000 livres des mains de son héritière, la marquise de Murs 29. Cette unique sœur du jeune marquis devait recevoir une dot de 25 000 livres, selon le testament de leur père Jean Philippe de Roquefeuil, en date du 31 mai 1739 30. Mais douze ans plus tard, le 15 octobre 1751, fut rédigé son contrat de mariage dans lequel sa dot fut quadruplée pour atteindre la somme impressionnante de 100 000 livres. Cette somme appartenait indubitablement au sommet des dots au sein de la noblesse languedocienne qui généralement se contentait de sommes entre 10 000 et 30 000 livres 31. Et la dot de Jeanne de Laussel, fille d’Antoine, secrétaire du roi auprès de la cour des comptes de Montpellier, fut certainement exceptionnelle avec 250 000 livres, lorsqu’elle épousa, en 1724, le richissime François II de Boyer, seigneur de Bandol et président du parlement d’Aix depuis 1699.

La dot importante de Jeanne Henriette Marie Madeleine de Roquefeuil incita son futur (et encore heureux 32) époux, Jean Baptiste Pierre d’Estouaud, « Marquis de Murs, baron de Romany, seigneur de Cedron, Troust, Saint-Didier et autres places, citoyen de la ville de Carpentras, capitale du Comtat Venaissin » de promettre à l’élue des bijoux d’une valeur de 10 000 livres 33. Avec une telle dot, les Roquefeuil se plaçaient en haut de l’échelle que Monique Cubells avait élaborée au sujet de l’aristocratie de la Provence du XVIIIe siècle 34. La dernière fille des Roquefeuil était, par conséquent, un parti intéressant, n’en déplaise à Laussel qui lui avait choisi le marquis de Bandol (son petit-fils ?) en 1749-1750 35.

Son frère, ou plutôt ses procureurs, a su négocier des sommes encore plus importantes lors de ses tentatives de mariage. La première aboutit à un contrat de mariage, le 6 novembre 1754, à peine trois ans après celui de sa sœur. La dot de la future épouse, une demoiselle de Calvière, fille du baron de Boucoiran et de Vézenobres près d’Alès, s’éleva à 130 000 livres. En contrepartie, le marquis de Londres devait offrir à la promise des bijoux d’une valeur de 6 000 livres 36.

Cependant, le projet échoua. Dans une lettre en date du 13 octobre 1755, la tante et tutrice légale du jeune marquis, la marquise de Panat, écrit depuis Albi à Jean Jacques Prunet, notaire à Saint-Martin-de-Londres que le projet de mariage avait échoué et qu’un second était éventuellement en vue. La nouvelle épouse serait très intéressante, puisqu’elle apporterait 50 000 écus (150 000 livres 37) le jour du mariage auxquels il faudrait compter les biens de ses parents (après leur décès). Elle ne mentionne malheureusement pas le nom de cette épousée dotée aussi richement. Mais elle est consciente que son neveu ne souhaite pas conclure ce mariage, car il rêve d’un « grand mariage ». Songe-t-il à un mariage qui lui ouvrirait l’accès dans les hautes sphères de la noblesse française 38 ? Sous cet angle, ce jeune marquis se révèle ambitieux, puisque le côté purement financier d’un mariage aussi intéressant avec une dot de plus de150 000 livres ne le satisfait pas. Pensait-il réellement à l’ascension dans la haute aristocratie française, celle de la cour de Versailles ?

Dans les registres paroissiaux de Notre-Dame-de-Londres, village qui abrite le château familial, est marquée une partie des titres du jeune François Henry Jean Antoine de Roquefeuil ; il était « marquis de Londres, seigneur des baronnies de Brissac et de la Liquisse, d’Agonès, de Ferrières et autres places » 39. Les villages qui dépendaient de ce marquis étaient Notre-Dame-de-Londres, Saint-Étienne-de-Gabriac (Rouet), Lauret, Ferrières, Brissac, Agonès, Saint-Étienne-d’Issensac et Causse-de-la-Selle qui totalisaient quelque 1 500 sujets. Il possédait, par ailleurs, des parts au commerce très lucratif sur le canal de Lunel, par où transitaient les marchandises pour l’arrière-pays des Cévennes en provenance de la Méditerranée ou de l’Atlantique via Sète et le canal du Midi 40. Bien que contesté par le roi selon le registre du conseil d’État en date du 29 août 1785, il existait également un droit de péage, appelé « Sauma », au Logis du Bosc faisant office d’« hôtellerie » gérée par le cabaretier Jean Bessède entre 1763 et 1769. Ce logis se trouvait sur le « chemin des Cévennes » de Montpellier à Ganges dont le droit fut partagé entre le marquis de Londres et le propriétaire de la « seigneurie et château du Poux » à Notre-Dame-de-Londres, en l’occurrence Jean Pierre Dusfour qui l’avait acquise, le 4 juillet 1762, des mains de Jean Marie de Beaucalis de Maurel, seigneur d’Aragon, devant Cases, notaire royal à Carcassonne. Bien que les documents se taisent sur les recettes de ce péage, on peut penser qu’elles étaient assez modestes 41. Si l’on ajoute encore les revenus issus des baux des nombreux grands domaines ruraux, ainsi que les intérêts provenant de différents prêts (province du Languedoc, Hôtel de Paris, Aides et Gabelles 42, etc.), les revenus annuels dans la seule seigneurie de Notre-Dame-de-Londres s’élevaient à plus de 20 000 livres en 1748, mais à un peu moins de 15 000 livres en 1760. Brissac rapportait entre 1754 et 1760 plus de 8 000 livres en moyenne 43. Mais il me manque jusqu’à présent les informations sur les recettes issues des autres seigneuries (Causse-de-la-Selle, Saint-Étienne-d’Issensac, Ferrières, Agonès, Cournonsec, Lauret). Un revenu annuel de plus de 30 000 livres est cependant plausible. Une telle somme, égale à celle du marquis de Bandol en Provence, place les Roquefeuil dans le groupe des familles riches de la noblesse provinciale (3 500 familles, 13 % des 25 000 familles aristocratiques en France) qui gagnaient, au XVIIIe siècle, entre 10 000 et 50 000 livres par an 44.

Et pourtant, ce jeune marquis semble avoir vécu au-dessus de ses moyens; car il habitait rarement dans son château de Notre-Dame-de-Londres et la plupart du temps à Paris. Ce style de vie n’était pas habituel pour un noble languedocien, la plupart de ses congénères avaient coutume de vivre leur existence aristocratique dans les capitales provinciales, ceux du Languedoc à Montpellier ou à Toulouse, ceux de la Provence à Aix, ceux du Béarn à Pau, ceux de l’Aquitaine à Bordeaux 45. Par conséquent, ses dépenses annuelles étaient élevées et semblent avoir dépassé ses revenus annuels. Ses tuteurs ne lésinaient déjà pas sur les moyens financiers pour son éducation. Alors que sa sœur aînée fut éduquée à l’abbaye de Vignogoul située entre Saint-Georges-d’Orques et Pignan, le jeune marquis, âgé d’à peine onze ans, fut envoyé au collège d’Harcourt (devenant le lycée Louis-le-Grand après 1789) à Paris en été 1745, accompagné d’un précepteur, le prêtre Jacques Martin, qui reçut pour ses services 800 livres par an 46. D’abord, tous les deux vivaient au collège même, ce qui coûta 330 livres par « quartier », autrement dit par trimestre. Mais le petit marquis ne s’y sentait pas à l’aise et on loua un appartement, ce qui renchérissait évidemment les coûts de son séjour parisien.

Dans une lettre en date du 7 mars 1746, Jacques Martin écrit à Jean Jacques Prunet, notaire royal à Saint-Martin-de-Londres et « gérant » des possessions seigneuriales depuis le décès des parents de l’enfant (1739 et 1741) : « … par le détail que vous me faites des rentes de M. de Roquefeuil je vois qu’il a excedé cette année de 3 000 livres, j’en suis bien faché. Je souhaiterois pouvoir les luy faire retrouver par notre economie, je feray tout ce que je pourray mais cet enfant a besoin d’etre nourri 47. » Ce n’est qu’un petit indice sur le dépassement chronique du budget seigneurial annuel, qui s’aggravera dans l’avenir. Mais une analyse plus précise de la situation économique du dernier Roquefeuil reste encore à faire. Quel que soit le résultat de ce travail, les documents nous révèlent déjà que, après la mort du marquis de Londres en octobre 1766, l’on constate avec effarement que celui-ci avait laissé des dettes énormes : presque 260 000 livres 48 ! C’est pourquoi sa sœur et héritière, la marquise de Murs, se vit obligée de vendre la baronnie de la Liquisse et Causse-de-la-Selle et plusieurs grands domaines et d’exiger le paiement de nombreuses sommes auprès des débiteurs. C’est ainsi qu’elle parvint à ramasser en quelques mois plus de 270 000 livres 49 !

Mais revenons encore au séjour parisien du très jeune marquis. Nous apprenons que son cousin germain, le fils du vicomte de Narbonne, entra au collège d’Harcourt un an après lui, c’est-à-dire à la rentrée de 1746. Jacques Martin écrit à ce propos ; « … je serais charmé qu’il puisse se trouver une chambre dans le voisinage de la nôtre afin que les deux cousins soient à portée de se voir plus souvent 50. » Mais le petit vicomte de Narbonne disparut très vite en raison d’une « fièvre maligne » qui a failli être fatale pour le jeune marquis de Londres aussi. Jacques Martin reproche à la nourriture du collège d’être la cause de ces maladies, et grâce à lui nous connaissons la thérapeutique « efficace » des médecins : saigner, saigner et saigner : « Je n’av jamais été si effrayé sur le comte de nôtre cher Marquis. Ce pauvre enfant a été attaqué de la meme maladie dont son cousin de Narbonne est mort dans trois jours, c est a dire dune fievre maligne. Mr. Du Moulin (le médecin) la encore tiré d’affaires avec le secours de dieu, car il est aujourd’hui hors de tout danger… il faudra quelque tems pour le remettre… vous croyés bien qu apres ce coup mon parti est pris de le ramener a Mme de Panat, a moins que nous prissions une chambre hors du college ou nous ferions un ordinaire convenable au temperament de cet enfant. Car il est certain que c’est la mauvaise nourriture qu’on donne dans les pensions qui cause presque toutes les maladies… Je n’ay garde de nommer la maladie, ny de luy (Mme de Panat) marquer en detail qu il a été saigné une fois du bras et cinq fois au pied dans l’espace d’un peu plus de vingt quatre heures. Qu’on luy a donné deux fois le tartre ermetique et tout le reste. M. le Marquis dans le cours de sa maladie a fait vœu de donner aux pauvres de sa paroisse 50 livres s’il en revenait. Les deux louis que vous me dites de luy donner serviront a acquitter ce vœu… 51 ».

Dans la société d’Ancien Régime, même la vie d’un seigneur peut être effacée d’un coup, la maladie et la mort n’épargnent personne, et les médecins sont encore loin de lutter efficacement contre cette fatalité. Lors de sa dernière maladie, on l’avait combattue simplement à l’aide d’une meilleure nourriture. M. le Vicomte de Narbonne… a jugé que cet enfant n’avoit besoin que d’une meilleure nourriture et a voulu que nous fissions le pot au feu jusqu’à ce qu’il fut remis. Cela a reussi par merveilles depuis un mois que je le fais vivre de cette maniere. Il a si fort engraissé qu il n’est plus connoissable… 52 ».

Entrons dans le domaine de la sociologie historique. Quel fut donc le train de vie du marquis de Londres ? Combien de domestiques étaient à ses petits soins et où habitait le marquis de Londres ?

Après son enfance qu’il partagea avec sa sœur et ses parents dans le château familial de Notre-Dame-de-Londres, il dut changer le domicile depuis le décès de sa mère en 1741. Dès lors, il vit avec sa sœur chez sa tante, Anne Françoise de Roquefeuil, marquise de Panat, à Albi. Au bout de quatre ans, commença une nouvelle étape pour lui ; il s’agissait de perfectionner son éducation scolaire et aristocratique au collège d’Harcourt à Paris. Un psychologue fera remarquer à juste titre que le jeune marquis vécut une nouvelle séparation importante (et douloureuse ?) de son cercle familial à l’âge de onze ans. Cette séparation s’avéra définitive, par ailleurs, car il ne retrouvera plus ce cercle familial. En effet, avec son précepteur il séjourna depuis l’été 1745 au collège d’Harcourt et, puis, dans un appartement dans le voisinage immédiat. Quelques années plus tard, en avril 1751, il habita dans la « rue de l’université, quartier Saint-Germain des Prés, paroisse Saint-Sulpice ». Comme il était encore mineur (17 ans, quoique émancipé 53), il y vivait avec Jacques Martin 54. Deux ans plus tard, on le retrouve à l’armée du roi, participant à quelques « campagnes militaires ». Il était stationné, âgé de dix-neuf ans, à Compiègne, puis à Arras de juin à septembre 1753, et enfin à Poitiers de novembre 1753 à mai 1754, dépensant en tout 5 664 livres 55.

La facture d’un décorateur parisien, Lacoste, établie le 22 décembre 1758, révèle un nouveau séjour à Paris (après son service militaire ?), car ce dernier avait fourni les meubles et voilages en automne ; le montant de ses services s’éleva à 4 273 livres 17 sols. La maison (pas un appartement !) était située dans la rue d’Anjou, faubourg Saint-honoré » que le marquis de Londres occupa manifestement depuis la fourniture des meubles par Lacoste. Son personnel se composait alors de huit domestiques, à savoir un secrétaire, un valet de chambre, un cuisinier, trois gens de livrée, un portier et un postillon 56. Au début de 1762, le marquis habitait toujours à la même adresse. Six mois plus tard, François Henry Jean Antoine de Roquefeuil rentra, enfin, à Montpellier. Le 11 septembre 1762, il y loua une maison avec jardin « hors la porte du Peirou », appartenant à Pierre Armingand Boyer, « marchand parfumeur et distillateur ». Le montant annuel du bail monta à 300 livres pour les trois premières années et à 350 livres pour les six années suivantes (du 11.9.1765 au 10.9.1771) 57. Mais cette deuxième période de location fut interrompue par la mort précoce du marquis en octobre 1766. Pour son enterrement, le maître des cérémonies des Pénitents blancs, Robert, fournissait, entre autres, six « manteaux de domestique » 58, c’est-à-dire que six domestiques étaient au service du marquis lorsqu’il mourut.

L’économie seigneuriale se révèle être assez complexe. J’avoue que je n’ai pas encore procédé à des analyses systématiques des « affaires courantes » du jeune marquis ; c’est pourquoi je me contente de ne donner que quelques exemples des baux à ferme qui semblent constituer les principales recettes de ce seigneur en raison du grand nombre de domaines qu’il possédait dans les villages des garrigues montpelliéraines. Par ailleurs, ils permettent d’entrevoir le fonctionnement d’une partie de l’économie seigneuriale. De surcroît, il convient de souligner que les fermiers payaient leur dû principalement en argent, mais une partie fut réglée en nature, c’est-à-dire en aliments qui approvisionnaient la table quotidienne du seigneur 59.

Antoine Thérond était fermier du « domaine de la Boissière ou de la Resclauze » dans la paroisse de Notre-Dame-de-Londres, depuis le 1er septembre 1719 jusqu’en 1734. Il paya chaque année 770 livres et dut fournir « douze paires de poulets, six douzaines de fromages et deux cents œufs ». Notons au passage que les Roquefeuil étaient régulièrement confrontés à un refus de paiement de la part de leurs fermiers et furent contraints, comme dans le cas de cet Antoine Thérond, d’exiger leur dû devant le tribunal 60. De 1734 à 1740, le nouveau fermier, Jean Euzet de Saint-Martin-de-Londres, paya 825 livres ainsi que « six paires de poulets, six douzaines de fromages, deux cents œufs et deux chevreaux », mais de 1742 à 1745, outre ces aliments, seulement 760 livres 61. Cette somme monta, ensuite, à 900 livres que le nouveau fermier, Denis Vigié de Saint-Martin-de-Londres, dut payer pour les six années suivantes depuis le 1er septembre. Toutefois, le contrat du 21 avril 1745 ne mentionne plus la fourniture des aliments 62. En 1769, le fermier de la Boissière, Francès, paya 1 500 livres 63.

Le « domaine et métairie de Baume » fut affermé, le 22 février 1735, à Jean Granier, « bourgeois » de Ferrières, pour 900 livres, ainsi que pour « quatre paires de poules, deux paires de gelines et 100 œufs ». Au bout des habituelles six années que durait un bail, le contrat fut reconduit en 1741 et en 1747 au profit dudit Granier. Il est possible que Granier dût céder l’affaire au bout de dix-huit années d’exploitation, comme dût le faire Jean Reboul de Ferrières, qui vécut sur Baume de 1723 à 1729, sinon jusqu’en 1735 64.

Laurent Bouvier était fermier du « domaine de Montels » à Notre-Dame-de-Londres depuis 1716. Son contrat fut prolongé pour quatre années supplémentaires en 1728. Outre la somme de 299 livres 19 sols 9 deniers, il dut livrer au château « quatre paires de poulets et deux cents œufs » 65.

Jean Bessède paya pour l’afferme du « domaine de Mascla » à Rouet, selon le contrat du 30 juillet 1739, 1 000 livres, ainsi que « un porcelet de deux quintaux et demi, six douzaines de petits fromages, trois paires de poulets et trois gelines » 66. Son successeur fut Denis Vigié de Saint-Martin-de-Londres, qui, de septembre 1745 jusqu’à septembre 1751, paya sensiblement plus, à savoir 1 410 livres sans, cependant, devoir fournir des victuailles 67. Il exploita, en outre, le « domaine de la Boissière » durant la même période. En 1751, le bail de Mascla passa à Pierre Thérond. Celui-ci paya 1 280 livres jusqu’en 1757 68.

Pierre Thérond, fermier de la « métairie de Ricome » à Notre-Dame-de-Londres, appartenant à (Denis) Vigié, prit ensuite, du 1er septembre 1771 au 1er septembre 1777, le « domaine de Murles » à Rouet, pour lequel il dut payer 1 700 livres à la marquise de Murs, héritière de son frère. De plus, il dut porter à son « hôtel » à Montpellier « 6 setiers avoine, 10 paires de poules grasses, un agneau bien gras, 6 douzaines de petits fromages 69, 12 douzaines d’œufs et 12 chargements de fumier de mouton », probablement pour son potager de ville situé dans le quartier de Boutonnet. Ce contrat fut reconduit en 1777 pour les six années suivantes, mais pour une somme annuelle de 1 600 livres tout en maintenant les autres fournitures 70.

On organisa des enchères pour l’afferme du domaine de Rouet, le 27 janvier 1743. Jean Querelle soumit la proposition la plus élevée avec 1 435 livres. Il possédait le petit « mazage du Rey » à Valflaunès, mais exploita ce domaine de Rouet depuis 1736. A côté de la somme, il dut fournir « un jeune cochon de deux quintaux, douze poules, douze poulets et trois cents œufs » 71. En 1769, le fermier de ce domaine, Pierre Thérond fils, paya 2 575 livres.

Une autre partie de l’économie seigneuriale se basait sur les « uzages, censives et autres droits seigneuriaux » que les sujets devaient acquitter envers leur seigneur chaque année. Les censives de Cournonsec furent cédées aux enchères au meilleur offrant. Le 2 juin 1742, Charles Crespin du village voisin de Poussan proposa 300 livres, mais le 22 août 1742 Delmas alla jusqu’à 375 livres. Dès lors, il pouvait (littéralement) récolter les censives qui, chaque année, se composaient de « soixante setiers bled touzelle, froment ou bled mitadenq, quarante setiers orge, six piètre huille, deux setiers avoine, dix livres argent, six chapons, six poulets » 72. Le bail de la « seigneurie directe, droit de lods, conseil, prelation, commission et avantage et autres droits quy en dépendent avec la censive d un denier qu il a sur le domaine de la Deveze » à Notre-Dame-de-Londres passa en 1739 à Jacques Bresson, marchand â Saint-Hippolyte-du-Fort, pour 200 livres 73.

Bien entendu, le marquis de Londres ne s’occupait pas personnellement de toutes ces affaires courantes. Ce rôle, ô combien important, fut joué par les notaires royaux de Saint-Martin-de-Londres, d’abord Jean-Jacques Prunet, ensuite Louis Balard, son successeur. Ces hommes de confiance du marquis étaient ses représentants officiels et détenaient, à ce titre, le réel pouvoir sur la société paysanne des garrigues montpelliéraines. Mais ces notaires n’étaient pas les seuls représentants du marquis, quoique les plus influents. En effet, d’autres hommes assuraient le relais entre le seigneur et ses sujets à travers leurs fonctions publiques viguiers et procureurs juridictionnels, alors que les consuls émanaient de l’assemblée des villageois qui se montrait relativement autonome dans la gestion de ses intérêts communs 74. Le seigneur disposait ainsi d’un réseau d’hommes du cru qui agissaient en son nom et sous ses ordres pour protéger ses intérêts locaux. Quant aux relations avec les autres familles aristocratiques, on constate que les Roquefeuil sont liés à des familles influentes dans le Sud de la France. Il en résulte une vaste géographie familiale allant de la Provence (Murs) jusqu’en Albigeois (Lescure, Panat) et à Auch (Journet qui y est intendant). Il convient d’étudier ce réseau complexe plus en détail dans les recherches futures.

Les nombreuses factures de plusieurs médecins et apothicaires montpelliérains 75 et, chose surprenante, même le livre de compte du cuisinier du marquis de Londres annoncèrent sa mort prochaine qui survint effectivement le 3 octobre 1766. Statut nobiliaire oblige, on organisa un enterrement somptueux dont les frais se montèrent à 2 374 livres au moins. Un vrai enterrement de piété baroque méditerranéenne faisant intervenir une multitude de personnes qui devaient assurer un spectacle funéraire sur plusieurs jours dans la bonne ville de Montpellier et dans les villages du seigneur.

Les factures nous dévoilent les différents acteurs et le prix de leur prestation 76. Bien entendu, il y a d’abord les différents membres du clergé qui interviennent avec des tâches bien définies. Le « compte de la grand’messe chantée à St. Denis (Montpellier) pour le marquis de Londres », en date du 11 octobre 1767 (un an après la mort !) nous révèle les tarifs : 10 sols pour « honoraire de Mr le curé ce qu’on voudra », 4 livres 10 sols pour le diacre, sous-diacre et le prêtre-assistant, 9 livres pour 12 ecclésiastiques à 15 sols chacun, 6 livres pour la cloche, 6 livres pour 10 messes basses, soit un total de 26 livres.

Mais une autre facture, en date du 13 mars 1767, est plus précise et son montant nettement plus élevé, 207 livres. Le curé de St. Denis, M. Manen (?), énumère tous les participants religieux (et para-religieux) : « 33 livres pour 33 ecclésiastiques à 1 livre chaque un, 1 livre 10 sols pour acolytes et porte-croix, 18 livres pour cloche pendant trois jours, 12 livres pour la présence du curé (Manen) a l’enterrement, 6 livres pour diacre et sous-diacre, 6 livres pour chapiers, 3 livres pour la croix d’argent, 24 livres pour six ecclésiastiques qui ont gardé et veillé le corps deux jours et deux nuits jusqu’a l’enterrement, 6 livres pour grand’messe à St. Denis, 3 livres 10 sols pour deux autres messes basses… le corps présent et 5 autres messes basses commandées, 48 livres pour offrande de la grande messe, 48 livres pour accompagnement du corps à Londres ». Le 7 février 1768, les « Carmes déchausses (ont) reçu de la marquise de Murs 30 livres pour la sonnerie de trois jours consécutifs de deux cloches en avant et les messes de deux jours de la communauté ». Mais cela ne suffisait pas. Le 14 juillet 1767, les « révérends PP de la Mercy (ont) receu de la marquise de Murs 4 louis (96 livres) pour 150 chaises guardees…, pour l’honoraire de dix oblations de requiem, pour deux religions qui ont resté nuit et jour auprez du cadavre pendant trois jours et trois nuits, pour l’accompagnement (à Notre-Dame-de-Londres) » 77. D’autres religieux s’y joignaient. Par exemple « Chrisostome Abran, gard des recollets,… pour l’accompagnement funèbre de M. le Marquis de Londres », son prix 6 livres. Il fallait encore la présence du peuple; le 6 décembre 1766, la marquise de Murs paya 26 livres 10 sols « pour la rétribution des pauvres de l’hôpital général qui ont assisté à l’Enterrement de Mr le Marquis de Londres ».

Par ailleurs, toute la ville de Montpellier devait être témoin du décès du marquis de Londres, car son catafalque fut porté à travers et autour de la cité, malgré les odeurs de décomposition rapide de son corps. Cela se lit comme suit dans la facture du 10 janvier 1767 : « Jacques Reus (?) enterreur à St. Denis (a reçu) 14 livres pour sept porteurs payé 2 livres chaqu’un a cause que M. le Marquis a resté quatre jours dans son lit de mort, la mauvaise odeur empechoit les hommes de porter, meme on lui a fait faire le tour de la ville, sortir de la porte du peyrou et son entree par la porte de la sonnerie (Saunerie) et a St. Denis… (et) 18 livres pour l’avoir mis plusieurs fois au suaire pour peine et soins ». Les pauvres de l’hôpital général, quant à eux, portaient des flambeaux lors de la messe et du cortège funèbre, sur lesquels le peintre Fontanes, de Montpellier, avait dessiné 51 armoiries des Roquefeuil, selon sa facture en date du 12 février 1767. En outre, il avait peint 28 armoiries « pour le courdon au jardin ou pour les sierges du tour du lit, 4 pour le drap d’honneur, 10 pour le chapitre de St. Anne pour son hotel (autel) ou pour les acolittes, 12 pour les acolittes de St. Paul de la Mercy et des Recolletz, 41 à la paroisse St. Denis pour la ceinture du tour de l’église, pour les sierges du tour du corps pendant la messe pour l’hotel ou pour les acolittes, 65 (pour) en avoir porté à Londres pour le tour du corps au château, pour les deux autels a l’église, pour le tableau de la chapelle, pour le tour de la representation ou pour les acolittes, 2 grandes armoiries en carton pour le devant et derrière du char », soit 213 armoiries fines dorées à 18 sols et 2 grandes armoiries pour un total de 191 livres et 14 sols. C’est encore lui qui avait orné les différentes « églises paroissiales des seigneuries de feu M. Marquis de Londres », selon sa facture en date du 11, août 1767 : il s’agissait des églises de Londres, de Saint-Étienne-de-Gabriac (Rouet), de Lauret, de Ferrières 78, de Brissac, d’Agonès, de Saint-Étienne-d’Issensac et du Causse de la Selle. En tout, 367 armories à 35 sols chacune furent appliquées « en dedans et en dehors » qui, avec 417 « toizes de cire en noir a 5 sols », parvenaient à un total de 746 livres 10 sols.

N’oublions pas d’autres services pour la mise en valeur du corps et du cortège funèbre. Un certain Robert, maître des cérémonies des pénitents blancs, avait noté « 4 livres pour drap de velour sur le corps, 4 livres pour drap d’honneur de velour, 1 livre 1 sol pour 7 manteau au corps, 18 sols pour 6 manteau de domestique, 4 sols pour 2 tambours, 1 livre 10 sols pour me des Seremonies au convoye, 27 livres pour 60 cannes cire a la maison pendant 3 jours a 3 sols la canne, 5 livres 2 sols pour 34 cannes cire autour de l’église a St. Denis garny d ecuson, 6 livres 12 sols pour 44 cannes cire sur le banc de l’église, 3 livres pour 4 manteaux qu’on a emporte a Londres a 15 sols, 4 livres 4 sols pour 168 billets imprimes a 6 deniers, 12 sols pour une paire de gans sur le corps, 12 livres pour avoir porte et remply les billets et avoir averty les differens corps », soit un total de 70 livres 3 sols.

Dès le trépas du marquis de Londres, Jean Jeanjean fut chargé d’annoncer la mort à Notre-Dame-de-Londres ; son voyage coûta 4 livres. De plus, pour un salaire de 2 livres, il porta le corps de Montpellier à Londres. Mais il n’était pas le seul à remplir cette lourde tâche ; Jean Labeilhe reçut également 2 livres pour ce service. Ces deux furent aidés par « Jean Salage, dit Pepin, habitant à St. Gelly, pour avoir porté de St. Gelly a Londres le corps dud. feu Marquis de Londres ou on alloit l’enterrer ». Il reçut 15 livres puisqu’un incident prolongea et compliqua le voyage. « Le brancard qui le portoit ayant casse aud. St. Gelly. » Cela ne surprend guère étant donné que le cercueil était en plomb et pesait très lourd. La facture d’un certain Mouliniers, en date du 12 mars 1767, nous renseigne. Il reçut 415 livres, dont « 302 livres pour cerceuil de plomb pèze par le poids du roy 6 quintaux 4 livres à 50 livres le quintau, 73 livres pour 371 letre a 4 sols pièce pour Fage sculpteur qui a fait les armoiries, 40 livres pour ornements ». Un certain Dupin, enfin, reçut 20 livres « pour lavage de sa charette et le transport du corps du marquis de Londres » 79.

Bien entendu, le cortège funèbre eut d’autres accompagnateurs « la marche fut fait avec M. Balard de St. Martin de Londres et les gens dud. feu Mr Marquis de Roquefeuil », selon la quittance de Jean Salage, en date du 7 octobre 1770. Le curé de St. Denis, Manen, le récollet Chrisostome Abran et deux pères de la Mercy faisaient également partie du voyage funèbre, ainsi que les six domestiques du marquis, soit 15 personnes au total. Arrivé, enfin, à Notre-Dame-de-Londres, le curé du lieu, Darlis, enterra le marquis dans l’église. Les documents ne disent pas si les habitants du village assistaient à l’enterrement. Mais, cela est possible, d’autant que le marquis fut généreux en léguant 899 livres aux pauvres de Londres, comme aux pauvres des autres villages : 899 livres à ceux de Brissac, 312 livres à ceux d’Agonès, 597 livres à ceux du Causse de la Selle, 297 livres à ceux de Lauret, soit un total de 3 004 livres 80.

Une quittance du 16 septembre 1768 indique laconiquement que « Darlis (curé à Notre-Dame-de-Londres) a receu 96 livres pour les fraix de l’enterrement, neuvaine et bout d’an dud. Seigneur Marquis de Roquefeuil… compris 3 livres que j’avois avancé pour réparations faites a la maison que j’occupe, appartenant à la Marquise de Murs ». Ainsi prit fin la vie de ce jeune seigneur languedocien au bout de 32 ans de vie à peine, en 1766.

Notes

1.A savoir la branche B dont l’ancêtre est Pierre de Roquefeuil, deuxième fils de Guillaume. Pierre a épousé Isabelle de Pelet en 1396. Cf. Louis de La Roque, Armorial de la noblesse de Languedoc, Marseille : Laffitte Reprints, 1972, P. 441. Un autre ouvrage capital de généalogie est celui de Jougla de Morenas, Grand Armorial de France, 1938. Une petite note sur les Roquefeuil est écrite par Pierre André de Wisches, « Au temps des Roquefeuil, seigneur de Londres », dans : La Garrigue, n° 11, 1977, p. 10-11.

2.Cf. Louis de La Roque, 1972, p. 441.

3.Cf. Max Pons, Visiter Bonaguil, Bordeaux, 1989, p. 8. « Le castrum de Bonegails » (de bona accus, bonne aiguille), baillage de Tournon, est attesté en 1271. A.N.P., Q.1. n° 254, complément pour l’Agenais du « saisimentum » du Languedoc. On ne sait toujours pas quand et comment les Roquefeuil, de la branche de Blanquefort, ont pris possession de ce château pour y bâtir un deuxième château, probablement à la fin du XIVe siècle. Mais c’est un certain Jean de Roquefeuil qui fut le premier à être qualifié de « seigneur » de Bonaguil. B.N. Mss. N° 15266, papiers de famille, cahiers bleus.

4.Cf. Max Pons, 1989, p. 9.

5.ADH, Hôpital Général, B 484, généalogie des Roquefeuil.

6.Marie de Montpellier fut l’héritière des seigneurs de Montpellier, les Guilhem (Guilhem VIII). Par son mariage avec le roi d’Aragon, Pierre, le 15 juin 1204, la seigneurie de Montpellier échut à Aragon qui parvint à étendre son influence politique dans le Languedoc. Quant à leur fils Jacques, il est né à Montpellier le 1er février 1208. Cf. Henri Vidal, « Aux temps des Guilhems (985-1204) », dans Histoire de Montpellier, Montpellier (ss. dir.) Gérard Cholvy, 1984, S. 34-40.

7.ADH, Hôpital Général, B 484, testament de Jean de Roquefeuil, 14.4.1517.

8.ADH, Hôpital Général, B 484.

9.Des cloches de tempête existent de nos jours encore dans quelques villages du massif de la Lozère.

10.  Cf. M. Pons, 1989, p. 8.

11.  Après le décès de son épouse, Jean de Roquefeuil épousa Isabeau d’Abblin qui lui donna un fils, Fulcrand de Roquefeuil. Ce dernier n’eut qu’un fils, Marc Antoine, qui ne procréa pas d’enfants, à en croire la généalogie des Roquefeuil établie à l’intention de la famille de Pavée de Villevieille près de Sommières, liée aux Roquefeuil depuis le mariage entre Grassinde de Roquefeuil et Joseph de Pavée, baron de Montredon, le 21 janvier 1696. ADH, Hôpital Général, B 480. Grassinde fut la dernière représentante de la branche aînée (ses parents Henri de Roquefeuil et Grassinde de Griffi, dame de Saint-Martin-de-Londres, mariés le 3 juin 1653), car ses frères (Jean Baptiste, Pierre, Joseph François Ignace devenu abbé) « sont presque tous morts au service ». Leur fils, Jean Baptiste Raymond de Pavée, a hérité du marquisat de la Roquette. Cf. La Chesnaye-Desbordes, t. XVII, p. 636-637. Aux XVe et XVIe siècles, la seigneurie de Londres, qui faisait partie de la baronnie de la Roquette, changea de propri-étaire au moins cinq fois. En 1399, Marie de Pian ou Plan donne foi et hommage au chapitre Saint-Pierre de Montpellier pour le château de Londres (l’actuel Mas-de-Londres) et le village de Notre-Dame-de-Londres. ADH, G 1628. Elle descendait de Guillaume de Pian (Plan), sénéchal de Carcassonne qui fit construire le château de la Roquette en 1215. La Roquette fut achetée par Antoine de Lautrec vers 1460. Son fils Jean de Lautrec revendit la baronnie de la Ro-quette (composée du château de la Roquette, le Castel, Notre-Dame-de-Londres et Saint-Étienne-de-Gabriac), le 4 octobre 1508, à Claude de Vabres pour 3 434 livres. Le fils du dernier, Michel de Vabres, revendit cette baronnie en 1520 à Jean de Vergnole, père d’Anne et épouse de Jean de Roquefeuil depuis 1534. Cf. Josef Smets, Histoire d’une famille paysanne é travers les siècles : les Bouvié, Mém. maîtrise, Montpellier, 1980. L’ancien château féodal de la Roquette (ou Castel de la Rocheta) est en très piteux état, ses ruines se situent sur l’extrémité Ouest de la montagne d’Hortus que des cartes récentes appellent souvent Viviourès ou Vivieures d’après une ferme proche (Bevieures), dépendant du château. Cf. Étienne Fassio, « Le château de la Roquette », dans La Garrigue, n° 22, 1980, p. 11-13. Jules Renouvier, Monuments de quelques anciens diocèses du Bas-Languedoc, expliqués dans leur histoire et leur architecture, 1840.

12.  Par exemple Scipion de Roquefeuil, qui décéda le 3 mai 1611. Cf. Jean-Claude Richard, « Notre-Dame-du-Bosc, du Bois, de Bors, de Vors ou du Désert (Saint-Victor-et-Melvieu, Aveyron), prieuré dépendant de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert », dans : Libertés locales et vie municipale en Rouergue, Languedoc et Roussillon, Montpellier, 1988, p. 15-20.

13.  Par exemple François Joseph de Roquefeuil, « prêtre et chanoine en l’église cathédrale Saint-Pierre de Montpellier ». ADH, Hôpital Général, B 480, procès entre messire François Joseph de Roquefeuil et son fermier Guillaume Vidal devant le sénéchal de Montpellier, le 7.1.1722. Le 17 avril 1517, Jean de Roquefeuil, seigneur de la Tour et de Cournonsec, père de Jean de Roquefeuil qui épousa Anne de Vergnole en 1534, signe son testament. Il a encore une sœur, Annette, et six frères (Antoine, Louis, Jacques, Brenguier, Azémar, Pons), dont trois sont prêtres (Antoine, Jacques, Azémar). En outre, il a deux filles (Antoinette, Antoinette) et quatre fils (François, Jean, Claude, Pierre) ; Pierre est moine (abbaye de Valmagne) et prieur de Saint-Raphaël. Comme il ne mentionne pas son épouse (Hélix de Lothière, Thémines ?), il est probable qu’elle est déjà décédée. Son héritier unique est son fils aîné François de Roquefeuil. ADH, Hôpital Général, B 484, testament de Jean de Roquefeuil. Ce dernier acheta vers 1535 le reste de Brissac appartenant à l’évêque de Montpellier, l’autre partie ayant été cédée aux Roquefeuil « depuis longtemps » par les seigneurs de Ganges. François de Roquefeuil légua ces possessions à son cousin, François de Roquefeuil, qui, lui, les transmit aux descendants mâles de ses neveux ». A cette époque, la terre de Brissac se composa de deux baronnies, Brissac et la Liquisse avec les paroisses de Brissac, Saint-Bauzille, le Causse (de la Selle), Agonès und Saint-Étienne-d’Issensac. ADH, Hôpital Général, B 480, mémoire sur la terre de Brissac.

14.  Par exemple François Julien de Roquefeuil, docteur en théologie, prestre et prieur du prieure simple et commandataire de Saint-Saturnin N.al à Pompignan ». Celui-ci paie, selon le traité de 1653, 280 livres par an au vicaire perpétuel (Louis Bro) et 150 livres à son « secondaire » (prêtre). Bro doit lire les messes et payer l’huile pour l’éclairage. Autrement dit : Roquefeuil séjourne rarement (ou pas du tout) à Pompignan et confie aux autres le sacerdoce. Vgl. ADH, Hôpital Général, B 500. Il est le frère de Biaise de Roquefeuil qui fait rédiger un testament, le 19 mars 1666, et le désigne comme tuteur de son fils aîné, François Julien, sorti du ventre de sa première femme, Constance de Valat. Son second mariage avec Jeanne de Soubeyran d’Arifat fut plus fructueux avec au moins quatre fils (Henry, François Jacques, Pierre, François Étienne Joseph). Henry devint l’héritier principal après le décès de sa mère, alors que ses trois frères reçurent 15 000 livres à l’âge de leur majorité de vingt-cinq ans. La même somme fut octroyée à son fils issu des premières noces. Blaise se crut à l’article de sa mort car il est gravement malade (petite vérole) ; c’est pourquoi il signa le testament avec l’aide de son frère « led. Seigneur testateur ayant prins la plume pour signer a trouve que sa main n estoit libre a cause de la grande quantité de petite verolle qu il a prie led. Sieur prieur son frere de la luy apuyer… ». ADH, Hôpital Général, B 478. Cette maladie l’a probablement emporté puisqu’il ne Vit plus le 24 novembre 1668 (« feu Sieur Blaise Pierre de Roquefeuil »). ADH, C 1828, Catalogue général des gentilshommes de la province du Languedoc.

15.  Cf. Gérard Gangneux, Le recrutement nobiliaire dans la « Langue de Provence » de l’ordre de Malte (XVIIe-XVIIIe siècles) ce qu’apportent les dossiers de preuves de noblesse, l’exemple languedocien, dans Bulletin du Cercle Généalogique du Languedoc, n° 11, 1981, p. 6-11.

16.  Cf. E. Fassio, 1980, p. 13. Les Roquefeuil occupèrent ce deuxième château de la Roquette jusqu’au milieu du XVIIIe siècle ou jusqu’à la Révolution. Entre-temps, en août 1658, la baronnie de la Roquette fut érigée en marquisat. Abandonné par Joseph de Julien, comte de Vinezac, vivant au château de Cambous, dernier seigneur de la Roquette, le château fut rasé en 1840. Cependant, une des belles portes Renaissance fut encastrée dans le château de Cambous vers la fin du XVIIIe siècle, une seconde dans l’une des cours intérieures de l’Hôtel de Varennes, place Pétrarque, à Montpellier, en 1972.

17.  Selon la généalogie dans ADH, Hôpital Général, B 484 et Louis de la Roque, 1972. p. 441.

18.  J’ai reçu une lettre, datée le 24 octobre 1982, de la part de M. Hubert de Vergnette (Versailles) m’apprenant qu’il descendait de ce couple Français de Roquefeuil et Louise d’Hombras.

19.  Sur le château de Cambous, v. La Garrigue, n° 10, 1977, p. 10-11. La première mention du Mas de Cambous remonte à 1258. L’évêque de Maguelone, comte de Montferrand, reçoit en usages 20 sous à Noël, 4 setiers de vin aux vendanges et deux setiers de froment tous les deux ans. Lors de la vente aux enchères des biens temporels du clergé, Antoine de Cambous achète, le 20 août 1585, pour la somme de 100 livres, la moitié de la justice de Caserils, de la Salle, des Tailhades et de la Roque ; l’autre moitié lui appartenait déjà. Il meurt sans enfant et laisse ses biens à sa sœur qui épouse Jean de Ratte. Un de leur fils, Guittard, sera évêque de Montpellier en 1597. En 1620, Jean Antoine de Ratte qui avait épousé Jeanne de Roquefeuil en 1596, fait hommage à l’évêque de Montpellier pour la seigneurie de Cambous. Ils eurent au moins un fils Marc Antoine. Est-ce le même Marc Antoine de Ratte qui figure dans le dénombrement de 1673 pour les « terres et seigneurie de Cambous, justice haute, moyenne et basse, château avec officiers pour administrer la justice, droits de carcans, piliers et prisons » ? Son fils aîné, François de Ratte, rend un dénombrement similaire à l’évêque de Montpellier en 1702. Celui-ci avait épousé Marie de Grefeuille en 1690 ; elle était la sœur du président d’Aigrefeuille. Ce couple s’éteint sans avoir des enfants, et la seigneurie passe à leur nièce, Françoise de Roquefeuil, épouse de Rigol de Larret, devenu Rigol de Cambous. Leur fille Marguerite se maria avec Joseph de Julien, comte de Vinezac. Les biens passent â la petite-fille de ces derniers, Sophie de Vinezac qui épousera Charles Florimont de Vogué. Celui-ci, devenu maréchal de camp, pair de France, chevalier de Saint-Louis, meurt à Montpellier en 1839, laissant Cambous à son fils Gabriel Félix de Vogué qui meurt lui-même au château le 29 août 1881. Ses enfants vendent Cambous, le 6 août 1889, pour 600 000 francs à Alexandrine Berthier, princesse de Wagram, devenue par son mariage marquise de Turenne d’Aynac. Celle-ci revend le domaine à Pierre Leroy-Beaulieu pour 480 000 francs, le 13 mars 1914. Le 27 février 1920, M. Meyer en devient le nouveau propriétaire pour 350 000 francs. Le domaine passe ensuite (avant 1930) à Paul Pépin, maire de Viols-en-Laval, et en 1943 à l’Armée, avant d’être acheté, le 23 mars 1972, par M. et Mme Dubois.

20.  Un autre Ginestous achète la seigneurie de la Liquisse après la mort du marquis de Londres.

21.  Cf. La Chesnay-Desbordes, Dictionnaire de la noblesse, t. XVII, p. 636-637. Jeanne Marie Madeleine Suzanne de Baschi, est-elle une parente, voire une sœur de Charles de Baschi (Beauvoisin, 20 mars 1686 – Aubais, 5 mars 1777), marquis d’Aubais, grand collectionneur de livres ? Celui-ci possédait une grande bibliothèque. On a prétendu que le jeune abbé Fabre (1727-1783), écrivain en langue occitane, s’occupa de cette bibliothèque de 1752 à 1754, ce qui est faux selon l’avis de Danielle Bertrand-Fabre qui prépare actuellement une thèse en histoire sur l’abbé Fabre à l’université Montpellier III.

22.  Cf. Jean Patrick André de Wisches, « Le château de Londres » dans La Garrigue, n° 8, 1977, p. 8-9.

23.  ADH, Hôpital Général, B 484.

24.  ADH, II E 81/23, S. 246. N’ayant plus d’enfants en vie, elle désigne, dans son testament en date du 5 avril 1764, comme héritier principal « Jean de Brunet, de Pujols, Castelpers de Panat, évêque d’Évrie et prévôt de l’église collégiale Saint-Salvy à Alby ». ADH, Hôpital Général, B 484. Mais ce dernier mourut peu de temps après (1766) « ab intestat », c’est-à-dire sans avoir fait établir un testament. Nous apprenons cela par une procuration pour Jean Monna, notaire royal à Toulose, en date du 28 novembre 1766, dans laquelle son frère Joseph Frédéric de Brunet de Panat « prêtre prieur et seigneur de Saint-Léons Merican, résidant ordinairement à son prieuré », refuse l’héritage de son frère-évêque. ADH, Hôpital Général, B 478. Il est possible qu’Anne Françoise de Roquefeuil, la marquise de Panat, soit déjà décédée à ce moment-là.

25.  Elle était enceinte en 1751, selon son oncle et tuteur, le chevalier de Narbonne (Pelet) ; celui-ci écrit à Jean Jacques Prunet, notaire royal à Saint-Martin-de-Londres, le 5 mars 1751 « Mme de Murs est fort contente, et je la crois grosse quoique ce ne soit pas bien décidé et qu’elle ne veuille pas tout à fait l’avouer, mais son mari qui le souhaite beaucoup sen flatte. » Le soupçon est confirmé quelques mois plus tard, le 23 juillet 1751 : « Mme de Murs est grosse. » ADH, Hôpital Général, B 504. Elle (ou son frère) avait probablement un enfant illégitime. Dans une lettre énigmatique du notaire Balard de Saint-Martin-de-Londres, s’occupant des affaires des Roquefeuil en tant que successeur de Jean Jacques Prunet, en date du 14 décembre 1766, il est question d’une « petite batarde  pour laquelle un certain Baptiste, « garde de Madame Marquise de Murs », doit chercher une nourrice dans les Cévennes. Cette dernière devait recevoir l’enfant à Lauret et l’emmener dans les Cévennes. La même lettre dévoile l’existence d’un second enfant illégitime. Une femme l’avait accueilli et « on ne l’a plus vue », selon les termes étonnamment laconiques de Balard, ADH, Hôpital Général, B 493.

26.  ADH, Hôpital Général, B 480, document du 21 mai 1652. Cf. également, J.P. A. de Wisches, Le château 1977, p. 8-9.

27.  ADH, Hôpital Général, B 484.

28.  ADH, Hôpital Général, B 484; contrat de mariage du 19-6-1723 entre Jean de Beyne et Anne Françoise de Roquefeuil. Testament de Henry de Roquefeuil du 13 mai 1729, dans lequel il attribue 30 000 livres à Anne Françoise de Roquefeuil, fille d’Anne Marie de Lescure. Contrat de mariage du 20-9-1732 entre Jean Philippe de Roquefeuil et Marie Anne de Journet. Les dots sont sensiblement inférieures dans les familles des aristocrates rhénans et westphalienne au XVIIIe siècle en Rhénanie entre 2 000 et 4 000 florins rhénans, en Westphalie entre 3 000 et 4 000. Cf. Christophe Duhamelle, 1998, p. 119-123. H. Reif, 1979, p. 256.

29.  ADH, Hôpital Général, B 479.

30.  ADH, II E 81/23, S. 64.

31.  Je remercie vivement Didier Porcher (Montpellier) pour cette information. Il prépare une thèse d’habilitation sur la noblesse languedocienne aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il y a étudié, entre autres, les dots au sein des familles.

32.  Car très vite, le couple vivait séparément, lui à Carpentras et elle à Montpellier.

33.  ADH, H E 81/25, S. 121.

34.  Monique Cubeils a étudié la noblesse provençale au XVIIIe siècle et, entre autres, la dot dans 271 cas. 42 (15,5%) d’entre elles restaient en dessous de 30 000 livres, 94 (34,7 %) entre 30 000 et 40 000 livres, 54 (19,9 %) entre 40 000 et 60 000 livres, alors que 83 (30,6 %) dépassaient 60 000 livres et rares furent celles qui approchaient la somme de 100 000 livres. Cf. M. Cubelis, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au XVIIIe siècle, Paris, 1984, S. 74-77.

35.  Pendant l’hiver de 1749-1750, un certain Laussel avait proposé un futur époux, le marquis de Bandol, « agé de 25 ans, grand, bien fait.., fils unique et homme de condition.., d’une famille d’epee.. ». Après le paiement des dettes dans dix à douze ans, il disposerait de revenus annuels de 29 000 livres et après le décès de sa mère de 39 000 livres. De plus, « il peut avoir d’autres successions », fait-il miroiter. Le couple vivait ou à Marseille ou au château de Bandol. Prunet soumit une proposition pour le compte des Roquefeuil. Mais Laussel répond dans une lettre, envoyée depuis Paris, le 26 février 1750, « que Mlle de Londres aura seulement 30 000 ecus jour des noces. 20 ou 30 mille francs ne sont pas une affaire… ». Dans une lettre du 26 juin 1750, le chevalier de Narbonne, tuteur des jeunes Roquefeuil, écrit qu’il s’est renseigné au sujet du marquis de Bandol : il y annonce son verdict : « son caractère ne convient pas pour ma nièce », d’autant que l’intéressée ne souhaite pas se marier dans l’immédiat, ADH, Hôpital Général, B 504. Ainsi prend fin ce projet et Jeanne Henriette Marie Madeleine de Roquefeuil épouse Jean Baptiste Pierre d’Estouaud, marquis de Murs, à peine un an plus tard. Mais ce marquis de Bandol, était-il le fils de François de Boyer (1673-1748), seigneur de Bandol et président du parlement de Provence, et, par conséquent, de Jeanne de Laussel ? Cf. M. Cubells, 1984, p. 32-33.

36.  ADH, Hôpital Général, B 484,

37.  1 louis d’or vaut 24 livres et 1 écu d’argent 6 livres, selon Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières, 1715-1789, Paris, 1995, p. 1205. Mais dans une lettre de Jacques Martin du 10 août 1745 depuis Paris, celui-ci parle de 100 écus qui valaient 300 livres. ADH, Hôpital Général, B 504.

38.  ADH, Hôpital Général, B 476.

39.  ADH, registres paroissiaux de Notre-Dame-de-Londres.

40.  ADH, 4 F 181 (État de vente de la feuille des mûriers pour l’année 1756), 4 F 201 (Estat de Recette et Depence faitte pendant le mois de Janvier 1775). « Son produit, qui est très considérable, vient la plus grande partie, des grains venus du Haut-Languedoc et quelque vins, et Eau de vie, embarqués pour Cette (…) comme aussy quelque chargement de marchandises venant de Marseille pour Nismes et Allant (…) Parfois du sel pour Nismes ou le comptoir du Gévaudan à Alès (…) Feuilles de mûriers aussi. « En 1744, un administrateur de l’intendance du Languedoc écrit à propos du canal : « (il fut) creusé il y a trois cents ans… aux dépens de la communauté (de Lunel)… c’est de la que les diocèses de Nismes, d’Uzes, d’Ales et de Mende recoivent les denrées et marchandises… et qu’ils envoyent a l’étranger celles qu’ils ont de superflu… le commerce qui se fait par ce canal procure beaucoup de commissions lucratives et même à ceux des villes et lieux voisins. » ADH, C 46 pièce 101, Mémoire sur le diocèse de Montpellier en 1774, 3e cahier. Voir aussi, Y. Ricard, 1997-1998.

41.  Selon l’extrait des registres du conseil d’État du Roi, arrêt rendu à Versailles, le 29 août 1785 « le Sr Duffours, seigneur du Poux, se prétendant en droit de percevoir la moittie d’un droit de péage par terre à Notre-Dame-de-Londres… contrat de vente du 17 février 1490 par Louis Pierre de Montolieu et Catherine de Laverune au proffit de Jean Bouquet, seigneur du Poux, de las Cabasses et de Lavabre pour la moitié du péage indivis au lieu de Sainte Marie de Londres près l église ou chapelle de Saint Jacques de Val Boyssière et près le chemin de Montpellier à Ganges… ainsy que toute la moitié par indivis avec led. Sr de la Roquette de la terre et seigneurie de Notre Dame de Londres… Un aveu dénombrement de 1503 des seigneuries et biens nobles appartenant à Jacques Bocques (Bouquet) et Jean Trincaire son neuveu.., sentence arbitrale.., confirmant la sentence du senechal de Beaucaire entre le sindic et Jean Nicolas de Bocques. Lesd. frères Bocques… teneus reconnoitre dud. chapitre de Maguelone led. chateau du Poux, la moittie de Notre Dame de Londres, le mas de las Cabasses et ce selon l albergue de deux chevaliers.., transaction passée le 20 février 1619 entre Guillaume de Bocques, seigneur du Poux et Fulcrand de Roquefeuil… aveu dénombrement, le 28 octobre 1672, de Jeanne Soubiran d’Arifat, veuve de Biaise de Roquefeuil, au Roy… moitié du péage sur le chemin de Cevene qui se prend pendant trois mois l autre moitié au seigneur du Poux… arrêt du parlement de Toulouse du 28 janvier 1754 quy a prononce au profit de Jean Marie de Maurel, seigneur d’Arragon, la vente et adjudication deffinitive par décret de la terre et seigneurie du Poux, suivant saisie reelle du 29 septembre 1750, de Valernaud, mere d’Arragon… droit de péage appelle Sauma… contrat de vente passé devant Cases notaire a Carcassonne, le 4 juillet 1762, entre Jean Marie de Beaucalis de Maurel d’Arragon, seigneur d’Arragon en qualité d’héritier de Jean Marie de Maurel, son oncle, au proffit de Jean Pierre Duffours, notaire royal de Montpellier, de la terre et seigneurie du Poux avec tous les autres droits.,. Leude et péage sont nobles suivant bail sous signature privée led. Duflours et Jean Bessede, cabaretier du Logis du Bosc, le 8 septembre 1763, pour trois ans et 650 livres, et autre bail le 15 septembre 1766 pour trois ans et 700 livres… aveu et dénombrement au chapitre de Montpellier le 30 avril 1773 par Jean Pierre Duffours pour la seigneurie du Poux, il declare… une hotellerie… et moitié…. peage du chemin le tout noble… acte de notoriété receu M. Baude, notaire royal de Montpellier, le 1er février 1777, par Ms Jacques Cabanes, 60 ans, et Étienne Boulet, 25 ans, les deux consuls de Londres, ils ont déclaré qu il étoit de leur connaissance que le droit de péage et de la Saume a toujours été perceu au Logis du Bosc et notamment par les Baillistes judiciaires de lad. Terre avant l’acquisition dud. Sr. Duffours et depuis par les domestiques de ce dernier, lequel droit consiste a prendre pendant l annee 1 sol sur chaque cheval, poulain, mule, âne, bœuf, vache ou veau venant ou allant aux foires et marches, 4 deniers sur chaque cochon, 5 deniers sur chaque chien conduit a l attache, 2 deniers pour les troupeaux allant et descendant de la montagne sur 200 betes, une et deux cents jusqu’a mille deux, 3 deniers pour le droit de saume a compter depuis Sainte Catherine 25 novembre jusqu’au 5 janvier suivant faisant 40 jours, 1 sol pour chacune des betes, sauf un cavalier monté sur un cheval bride et selle qui n’a jamais rien paye non plus que les habitants de Londres… le Sr Duffours demande d’estre maintenu dans son droit de peage enonce dans l’acte du 1er fevrier 1777… le roy ordonne que dans trois mois.., le Sr Duffours sera tenu de rapporter d’autres titres en copie… suivant laquelle se percevoit avant 1569 le droit de peage au lieu de Notre Dame de Londres… La possession dud. droit dont la perception sera suspendue pendant led. tems.., declare sa majesté qu il n a point ete statue sur les droits de paturage et somade qui se percoivent sur les troupeaux et autres betes… lesquels continueraont de se percevoir comme par le passé… fait sa majesté tres expresses inhibitions et deffenses aux heritiers du baron de Londres de percevoir aucun droit de peage… lesquels demeureront eteints… par le present arret. » ADH, Hôpital Général, B 481.

42.  Le 25 septembre 1721, Henry de Roquefeuil avait déposé un prêt de 20 000 livres sur les Aides et Gabelles devant les notaires de Paris ; cette « rente perpétuelle » lui procurait 500 livres par an à raison des intérêts habituels de 5 %. ADH, Hôpital Général, B 484.

43.  ADH, Hôpital Général, B 479. Ce document ne contient que les recettes de 1748 à 1760 pour Londres. Pour Brissac, y. ADH, Hôpital Général, B 480. Voici quelques nobles du Midi en guise de comparaison : le marquis (provençal) de Sade disposait de plus de 20 000 livres par an ; le marquis de Saint-Maurice, habitant à Montpellier, avait 16 098 livres en 1786 (sans les intérêts provenant du capital sur la province du Languedoc). Le comte de Vinezac, la marquise de Londres (notre marquise de Murs) ont des revenus semblables, ainsi que les douze présidents et plusieurs conseillers de la cour des Aides de Montpellier. Cf. Guy Chaussinand-Nogaret, La noblesse au XVIIIe siècle, de la féodalité aux Lumières, Paris : Éditions Complexe, 1984, p, 87-88. Archives Départementales du Gard (ADG) 1E 989, ADH, 1F 459 et L 1513.

44.  La noblesse française comptait environ 25 000 familles au XVIIIe siècle. Le premier groupe avec 250 familles (la noblesse de cour dont les ducs et pairs de France) avait des revenus au-dessus de 50 000 livres. Certains dépassaient 100 000, voire 200 000 livres, comme par exemple celui du comte de Choiseul-Gouffier (247 795 livres 15 sols 4 deniers) ou celui du prince de Robecq (214 233 livres 8 sols 7 deniers). Cf. Guy Chaussinand-Nogaret, La noblesse…, 1984, p. 83. Le troisième groupe avec des revenus entre 4 000 et 10 000 livres se composait de quelque 7 000 familles (25 % de la noblesse). Les 11 000 familles (41 % de la noblesse) du quatrième groupe gagnaient entre 1 000 et 4 000 livres, alors que les 5 000 familles (20 %) du dernier groupe devaient se contenter d’un revenu de moins de 1 000 livre, dont la moitié ne gagnait même pas 500 livres ou la portion congrue d’un curé. Ibid., p. 77-78. Sur la comparaison entre la noblesse française et allemande, y. Elisabeth Fehrenbach, Der Adel in Frankreich und Deutschland im Zeitalter der Franzôsischen Revolution, dans : H. Berding, E. François, H.-P. Ullmann (éd.), Deutschland und Frankreich im Zeitalter der Franzdsischen Revolution, Francfort, 1989, p. 177-215. Josef Smets, Les pays rhénans (1794-1814). Le comportement des Rhénans face à l’occupation française, Bern, 1997. p. 101-103.

45.  Cf. G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse…, 1984, p. 88.

46.  On peut lire dans la lettre de Journet, oncle et tuteur du marquis, à Prunet, en date du 1er juillet 1744, à propos de Jacques Martin : « elle (Mme de Panat, tante du marquis) avoit trouvé un excellent precepteur pour notre pupille. Cet homme a elevé les enfans de Mme de Riquet et ceux de Mr le Marquis de Vaubecour à Paris… desquels il a de bonnes attestations. Mme de Riquet lui donnoit 1 000 livres d’appointemens et on ne peut l’avoir qu’a 800 livres. Mme de Panat souhaitte qu’on ne perde pas cette occasion de donner un tel a son neveu pour l’accompagner a Paris l’année prochaine.., qu’il s’agit d’arreter aujourdhuy quoy quil ne doive entrer en fonctions que lannée prochaine. » ADH, Hôpital Général, B 504.

47.  ADH, Hôpital Général, B 500

48.  ADH, Hôpital Général, B 478 und 492. Les dettes sont détaillées dans le premier document.

49.  Exactement 272 605 livres 11 sols 2 deniers, selon le document du 9 mars 1767. ADH, Hôpital Général, B 479.

50.  ADH, Hôpital Général, B 500, lettre en date du 2 août 1746.

51.  ADH, Hôpital Général, B 500, lettre en date du 14 mai 1747.

52.  ADH, Hôpital Général, B 500, lettre en date du 25 janvier 1756.

53.  L’âge adulte était alors de 25 ans, Tous les testaments des Roquefeuil désignent cet âge avant que les héritiers collatéraux ne puissent recevoir leur « légitime ».

54.  ADH, Hôpital Général, B 479, procuration par Jean-Jacques Prunet.

55.  ADH, Hôpital Général, B 479 et 504, lettre de Narbonne-Pelet à Prunet, 12 août 1753 : « Mr de Roquefeuil a ete un peu malade au camp de Compiègne, mais ca n a pas eu de suites et il est reparti avec le régiment pour Arras d’ou le regiment du Roy doit repartir le 26 de ce mois, pour se rendre a Poitiers pour y rester en quartier. »

56.  ADH, Hôpital Général, B 500. Mais Lacoste dut être très patient. Il porta plainte contre le marquis de Londres, certes noble mais mauvais payeur. C’est pourquoi il dépêcha Jean Fontane, huissier au présidial de Montpellier, et Barthélemy Fontane, huissier au bureau des finances de Montpellier, le 23 août 1760, à deux fermes (métairies de Lamalou et de Rouet) appartenant au marquis et exigea des fermiers de payer la somme de 4 273 livres. Comme ces derniers refusaient, on saisit des céréales dans leurs granges. ADH, Hôpital Général, B 483. Et un mois plus tard (le 21 septembre), il reçut enfin… 1 200 livres, Le 9 avril 1761, Journet se plaint, depuis Paris, dans une lettre adressée au chevalier de Narbonne, de l’obstination de Lacoste. Nous apprenons par ailleurs que lui, Journet, est assailli chaque jour par les créanciers du marquis de Londres, ADH, Hôpital Général, B 504.

57.  ADH, Hôpital Général, B 481.

58.  ADH, Hôpital Général, B 500, facture de Robert, maître des cérémonies des pénitents blancs.

59.  Voir Josef Smets, A la table d’un seigneur languedocien en 1766 (à paraître). Sur l’économie seigneuriale dans le Languedoc, v. J. Llorca, Essai d’étude de la seigneurie en Languedoc au XVIIIe siècle, mém. maîtr. Montpellier, 1974.

60.  ADH, Hôpital Général, B 493, exploit contre Antoine Thérond, 18-3-1743. Le 7 août 1736 déjà, le Petit Scel de Montpellier condamna Antoine Thérond à payer le bail annuel de 770 livres, Barthélemy Cabanes, fermier du mas de Pouget à Rouet, était également un mauvais sujet. En 1711, il refusa de payer les censives et la moitié de son bail à Henry de Roquefeuil. Il s’ensuivit un long procès devant le Petit Scel à Montpellier. ADH, Hôpital Général, B 493.

61.  ADH, Hôpital Général, B 479, afferme de La Boissière, 5.3.1734; und ADH II E 81/23, S. 313.

62.  ADH, II E 81/24, S. 166, afferme de Mascla et de la Boissière.

63.  ADH, Hôpital Général, B 473 ; et P.A. de Wisches, Au temps des Roquefeuil…, 1977, p. 10. En 1769, les montants des autres domaines étaient nettement plus élevés : 2 575 livres pour Le Rouet (fermier : Pierre Thérond, fils), 652 livres pour le moulin de Rouet (Pierre Thérond, père), 2 500 livres pour Lamalou (Thérond, veuve), 1 075 livres pour Murles (Thérond, fils), 1 750 livres pour Lagarde (François Salager), 1 500 livres pour La Boissière (Francès).

64.  ADH, Hôpital Général, B 481, afferme de Baume.

65.  ADH, Hôpital Général, B 478. De 1742 à 1748, Guillaume Bonnieu paya chaque année 400 livres, mais 430 livres de 1748 à 1754. ADH, II E 81/23, S. 312 et II E 81/24, S. 391.

66.  ADH, II E 81/23, S. 78, B 78, ferme pour Jean Bessede, ADH, Hôpital Général, B 478.

67.  ADH, II E 81/24, S. 166, afferme de Mascla et de la Boissière,

68.  ADH, II E 81/25, S. 90, afferme de Mascla.

69.  S’agit-il des pélardons, les fromages de chèvre des Cévennes ?

70.  ADH, Hôpital Général, B 479, afferme du domaine de Murles, 14-7-1771.

71.  ADH, Hôpital Général, B 493. Le 15 juillet 1743, Jean Querelle rédige son testament, suivi d’un second, le 21 juin 1744. ADH, II E 81/24, p. 43 et 113.

72.  ADH, Hôpital Général, B 483, possessions et censives à Cournonsec. Cela avait changé depuis 1677. Le « rolle des uzages de Cournonsec suivant les nouvelles Reconnaissances prises par Me Antoine Causse, notaire de Viols, en 1677 » fixe les quantités suivantes : « Thouzelle 35 cetiers et quelques seizenes, Orge 70 setiers et 2 seizerles, Blé Mitadenq 37 cetiers 1 quarte, Froment 1 cetier 1 quarte 1 seizene et quart, Avoine 1 cetier moins 1,5 seizene, Argent 3 livres 10 sols 6 deniers, huille 7 pouioulals et demv et 1 demv quarte pouioulal 2 folles et demy pichet, Poivre 1 quartairon, 1 geline, 2 poulets, 4 chapons. ADH, Hôpital Général, B 500.

73.  ADH, Il E 81/23, S. 66, afferme des censives de Londres, 31-5-1739.

74.  Cf. Josef Smets, « Les chemins du pouvoir dans le village languedocien (XVIIe-XIXe siècles) », in : Libertés locales et vie municipale en Rouergue, Languedoc et Roussillon, édité par la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, 1988, p. 185-190.

75.  Selon le jugement du présidial (créé en 1552) de Montpellier, le 30 avril 1768, la marquise de Murs doit payer 78 livres 16 sols à Chambon, me apothicaire de Montpellier, pour les fournitures du 13 janvier 1761 au 2 juin 1763, ainsi que 117 livres 13 sols au Sieur Montel, autre me apothicaire de Montpellier, pour les fournitures du 13 septembre 1764 au 23 septembre 1766. ADH, Hôpital Général, B 500. En réalité, elle paya au total 6 125 livres 18 sols en 17 aux différents médecins (Duffours, Poujade, Estève) et 336 livres 3 sols 7 deniers aux apothicaires (Bonnet, Chambon, Montat, Roux). ADH, Hôpital Général, B 479.

76.  Les différentes factures et quittances sont regroupés aux ADH, Hôpital Général, B 500.

77.  Parmi ces deux derniers se trouve le sacristain, Teissier, qui reçut 6 livres. Cf. ADH, Hôpital Général, B 479, sommes payées par la marquise de Murs.

78.  La seigneurie de Saint-Jean-de-Ferrières, viguerie de Sauve, fut achetée par son grand-père, Henry de Roquefeuil, le 3 juin 1693, pour la somme de 2 268 livres. Les vendeurs furent Hercules et Jean Durand, habitants de Vézenobres. ADH, Hôpital Général, B 483.

79.  ADH, Hôpital Général, B 479, sommes payées par la marquise de Murs.

80.  ADH, Hôpital Général, B 479, sommes payées par la marquise de Murs.