Mémoire d'Oc 123
Mémoire d'Oc 123

Mémoire d'Oc n° 123
(février 2007)
Lorsque l'enfant paraît...

36 pages – (2007)

Introduction

Il y a quelques années, je vous ai parlé, ici même, de ce qu’il est convenu d’appeler par décence « le plus vieux métier du monde ». Je vous en ai conté les origines, j’ai tenté d’en étudier et causes et les conséquences en évoquant plus particulièrement la situation de Montpellier face au problème de ces femmes, dites « perdues ».

Et je me suis dit par la suite que ces femmes – que je m’interdis de juger – avaient sans nul doute laissé quelques traces de leur « activité », quelque « fruit de leurs entrailles ».

Que faisait-on de ces enfants à une époque où il n’existait ni droit des enfants, ni protection de l’enfance ? Comment pouvaient-ils survivre dans un monde hostile sans doute tenté de se débarrasser d’eux ?

Dans cette petite causerie, j’ai clôture mes recherches par la période post révolutionnaire, au moment où les enfants trouvés ne sont plus à charge de la charité publique par le biais des hospices mais incombe à des services officiels qui deviendront l’Assistance Publique.

Je vais donc vous parler de ces enfants « sans famille », qui ont été soit « exposés », soit « abandonnés ».

Il faut d’abord préciser la différence qui se fait entre les enfants « exposés » et les enfants « abandonnés », bien que ces deux termes aient souvent été employés l’un pour l’autre.

Les « exposés » sont des nouveaux-nés généralement laissés dans un espace public, sans signe distinctif d’origine ou de situation sociale. Seule, la qualité de leurs vêtements ou même quelque bijou peuvent les laisser deviner. Ce fut un filon très exploité dans les feuilletons et mélos du XIXe siècle. destinés à « faire pleurer Margot » et « la croix de ma mère » y a souvent joué son rôle !

Les « abandonnés », eux, peuvent l’être à n’importe quel âge. Parfois ils sont conduits par les parents eux-mêmes dans quelque institution charitable ou confiés à des particuliers qui les mettent au travail (voyez Cosette) et qui restent là, oubliés par leurs géniteurs. Naturellement, ils sont traités sans tendresse, mais quel enfant, même légitime, était alors choyé, sauf dans des milieux privilégiés ?

Notons d’abord que l’abandon remonte à la nuit des temps.

Dans les récits mythologiques ou religieux, nombreux et connus sont les enfants « exposés ».

Les raisons de cet abandon sont toujours à peu près les mêmes : soit, ils sont le fruit d’amours coupables, comme Remus et Romulus, fils d’une vestale, soit ils représentent un danger, comme Œdipe, soit ils sont eux-mêmes en danger, comme Moïse.

Il est à remarquer qu’ils sont tous abandonnés en pleine nature, en forêt ou sur les flots ; c’est en fait l’ image du paysage de l’époque, mais grottes, fleuves et rochers recèlent en eux une valeur hautement symbolique.

Moise a été abandonné dans une nacelle au bord du Nil ; Paris exposé sur le Mont Ida ; Œdipe pendu à un arbre par les pieds ; Remus et Romulus cachés dans une grotte ; Persée placé dans un coffre et confié à la mer.

Nous savons aussi que les grandes civilisations polythéistes proches de nous – la Grèce et Rome – avaient édicté des lois très dures au sujet des enfants.

A Sparte par exemple, courants sont l’abandon et l’infanticide pour les enfants contrefaits, surtout si ce sont des filles.

Pratique barbare, pensons-nous. Mais les éminents philosophes que sont Aristote et Platon le justifient par le fait qu’il faut limiter l’accroissement d’une population qui sera à la charge de l’État.

A Rome, où le paterfamilias avait le même droit de vie et de mort sur ses enfants, l’abandon d’enfants n’avait rien qui pût choquer.

Sous l’Empire, les « abandonnés » sont donnés comme esclaves à ceux qui les recueillent ou adoptés par l’État sous le nom d’« enfants de la Patrie ».

La littérature nous apporte aussi son lot d’abandonnés : nous connaissons tous le Petit Poucet et Siegfried, perdus l’un et l’autre en forêt , et l’astucieux Lazarillo de larmes, « mozo de muchas amos » (valet de plusieurs maîtres) et l’inoubliable Rémi, héros de « sans famille » qui a arraché des larmes à notre génération.

D’autres cultures et mythologies, qu’il serai trop long d’évoquer ici, nous offrent de semblables exemples.

Contenu du numéro :

Lorsque l’enfant paraît… Les abandonnés de la mythologie et de la littérature.

1) Historique :
au début du Christianisme : le rôle des initiatives religieuses
au début du Moyen-Âge : le rôle de l’Église ou des féodaux
au début du XVIIe siècle : le rôle du pouvoir communal
à la Révolution : le rôle de l’État.

2) Abandon et Société :
Les causes d’abandon
L’Hôpital des enfants trouvés
difficultés et abus.

3) Les problèmes de l’abandon à Montpellier :
Les premiers lieux d’accueil :
    l’Hôpital du Saint Esprit,
    l’Hôpital de la Miséricorde ou des Enfants Orfes,
    l’Hôpital Saint Eloi,
    l’Hôpital Général.

La Maison de la Charité :
historique et organisation, sages-femmes, nourrices.

Installation des tours :
le tour d’abandon à Montpellier,
le bureau de bienfaisance.

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