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Description

Malades et maladies en Roussillon : Le cas particulier du charbon

Comme c’était bien souvent le cas sur le pourtour méditerranéen, la plaine roussillonnaise était autrefois très insalubre. Basse, bordée d’étangs saumâtres où se rassemblent les eaux des rus et petits cours côtiers et qui communiquent mal avec la mer, ses terres sont souvent gorgées d’eau plus ou moins putride, propice toujours à la prolifération des germes paludéens, que véhiculent des myriades de moustiques. Lorsque les vents soufflent du sud, du sud-est ou de l’est, les miasmes infectieux pénètrent assez loin dans l’intérieur des terres. Or c’est le cas des vents dominants pendant la période estivale, où les fortes chaleurs, associées à l’humidité, sont justement le plus souvent favorables au développement rapide et massif des miasmes. Lorsqu’au contraire souffle la tramontane du nord-ouest, elle apporte la fraîcheur et rejette ces mêmes miasmes vers le large, d’où sa grande réputation de salubrité : ciel bleu, soleil, fraîcheur, voire froid glacial lorsqu’elle descend des pentes enneigées du Canigou pendant l’hiver, sont associés, aujourd’hui encore, dans l’esprit des roussillonnais à l’idée de salubrité. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les médecins, ainsi que les gens de justice, insistent souvent sur les changements de comportement des hommes et même des animaux selon la direction des vents ceux du sud, surtout, sont considérés comme perturbants.

II résulte de ces données géographiques et climatiques que la ville de Perpignan, située au fond d’une cuvette, mal drainée par la Têt, la Basse et le Ganganell, à proximité de l’étang de Canet, largement balayée par les vents d’est et de sud-est, est particulièrement vulnérable. Le manque d’hygiène y est total : étroitement enserrée dans ses remparts, la ville est faite d’un lacis de rues très étroites où la lumière ne pénètre pas, bordées de hautes maisons, bâties autour de cours profondes comme des puits. Ces rues sont d’une rare saleté : tas d’ordures et de fumier, cadavres d’animaux (on insiste particulièrement sur les chats) et déversements des maisons dépourvues de latrines, attirent les mouches et favorisent leur multiplication. Les intendants, comme les consuls, ont essayé, à d’innombrables reprises, et en vain, d’obtenir des riverains qu’ils nettoient au moins devant leurs portes. Les ruisseaux qui se jettent dans le Ganganell ou la Basse servent à la fois de réserve d’eau, d’abreuvoirs, de lavoirs et de collecteurs de déchets de toute sorte. Au nord de la ville, là où les eaux convergent vers la Têt, les immondices s’accumulent. Le quartier le plus exposé aux épidémies est celui de la paroisse St Jacques : c’est là qu’il y a le moins d’eau courante, qu’il fait le plus chaud, c’est enfin la partie de la ville qui est la plus exposée aux vents d’est.

Si la côte et la ville-capitale sont très insalubres, l’arrière-pays n’est pas totalement à l’abri des épidémies. En montagne, où sévit la fièvre de Malte, la pollution des eaux est fréquente du fait des hommes pour ne pas dire générale. Les eaux sont particulièrement dangereuses au pied des Corbières. L’auteur anonyme d’un mémoire sur le charbon, écrit en 1777, insiste beaucoup sur ce point.

Cette pollution anthropique ne se limite pas à l’eau. Une des causes les plus importantes de morbidité signalées pour la province est, au XVIIème siècle surtout, il est vrai, le continuel passage des troupes. Dans les années 1630 à 1715, espagnoles ou françaises, les armées ont été constamment présentes en Roussillon, amenant avec elles la dévastation, la disette et la maladie. Les habitants de Perpignan se plaignent souvent de la présence dans leurs murs du trop grand nombre d’animaux de bât et de chevaux, appartenant aux compagnies de cavalerie de la garnison ou de passage et qui remplissent les rues de fumier, attirent les mouches et autres parasites. Au moment des opérations les plus importantes, les hôpitaux de Perpignan, de Collioure, d’Ille ont reçu des blessés et malades en tel nombre que beaucoup sont morts plus par faute de soins, manque de place et contagion qu’à cause de ce qui avait motivé leur hospitalisation. En outre, au cours de l’été 1675, par exemple, on a été obligé de libérer en hâte une foule de prisonniers enfermés au Castillet à la suite des conspirations des années précédentes, non par mansuétude, mais devant la menace d’une grave épidémie due au surpeuplement. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1984

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Alicia MARCET-JUNCOSA

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf