Mémoire d'Oc n° 130
(mars 2008)
Le Domaine de Montlobre à Vailhauquès
"du Mazet de Murles au bagne pour enfants"
60 pages – (2008)
Introduction
Nous ne connaissions la colonie pénitentiaire de Vailhauquès que par de simples évocations dans les enquêtes parlementaires de 1872 et 1875 sur les établissements pénitentiaires pour mineurs et par les belles pages du livre de Marie Rouanet « les enfants du bagne » publié en 1991.
Le beau travail d’archives de Marie José Guigou nous apporte plein d’éléments nouveaux sur cette institution méconnue et sur l’histoire des maisons de correction, en particulier celles qui furent ouvertes par le secteur privé après la loi du 5 août 1850 pour l’éducation et le patronage des jeunes détenus.
Rappelons toutefois l’origine de ces établissements sous la Monarchie de Juillet. Un magistrat, Frédéric Auguste Demetz et un inspecteur général des prisons Charles Lucas ouvrent sur leurs fonds propres, pour le premier, la colonie agricole de Mettray en Indre-et-Loire en 1839 et le second, la colonie agricole de Val d’Yèvre dans le Cher en 1847. Tous deux sont très préoccupés du sort des jeunes détenus dans les quartiers de mineurs des prisons et à la maison d’éducation correctionnelle de la Petite Roquette ouverte à Paris en 1836.
Charles Lucas use d’une belle formule pour évoquer ce projet des colonies agricoles : « sauver le colon par la terre et la terre par le colon ». En ces temps d’industrialisation et d’exode rural, il s’agit de rédempter l’enfant par le retour vers la nature et l’arracher à la perversion des villes. Ce projet aura un écho dans toute l’Europe.
C’est dans la continuité de la loi de 1850 et l’œuvre entamée par l’abbé Soulas à Montpellier que M. de Robernier, maire et conseiller général, ouvre en 1856, sur ses terres la colonie pénitentiaire et agricole de Vailhauquès avec l’autorisation de l’administration. Nombreux furent à l’époque, des notables, propriétaires terriens, plus ou moins préoccupés de philanthropie sociale qui sollicitèrent l’administration pour ouvrir sur des terres souvent hostiles une colonie agricole. Ainsi Charles Lucas en ouvrant le Val d’Yèvre prévoit pour les colons l’assèchement de 120 hectares de marais. A Mettray, pendant les premières années, les colons travaillent à la carrière pour empierrer les chemins et les routes, en accord avec la préfecture.
Marie José Guigou nous apporte d’autres informations sur le fondateur de Vaihauquès. Avant d’ouvrir la colonie, il se rend à Mettray et rencontre, selon toute vraisemblance F. A Demetz. Cela laisse entendre l’intérêt qu’il porte à l’œuvre qu’il veut créer.
Dans quelle mesure s’est-il inspiré de Mettray ?
Le projet d’origine de Mettray reposait sur la notion de famille de colons encadrés par des chefs de famille et des frères aînés. Lorsque M. de Robenier visite Mettray en 1855 ou 1856 ce projet n’est déjà qu’un souvenir. Les familles de 40 colons sont vite devenues des sortes d’escouades militaires et les chefs de familles, qui gardent leur nom, sont le plus souvent d’anciens sous-officiers. C’est ce modèle para militaire auquel se réfère M. de Robernier en choisissant d’anciens sous-officiers pour encadrer les colons.
En 1864 la colonie compte 177 colons. Les terres à exploiter ont augmenté, M. de Robernier sollicite l’administration pour avoir 300 colons. Ils seront 309 en 1868 et plus de 400 moins de dix plus tard.
Comme l’écrit Marie José Guigou, « c’est la fin des années heureuses de M. de Robernier ». Une période plus sombre commence dès 1868, elle se poursuivra jusqu`à la fermeture en 1884.
Cette période sur laquelle Marie José Guigou nous apporte de très nombreux éléments d’archives, est traversée de multiples incidents : une tentative de révolte en 1869, plusieurs épidémies, des évasions, une situation financière de plus en plus précaire qui amènera M. de Robernier à être exproprié en 1877.
Un nouveau propriétaire M. de Forton va devenir directeur de la colonie sans que semble-t-il l’administration s’interroge sur sa capacité à la diriger. On a cette impression que l’on vend la terre avec les colons. M. de Forton désignera toutefois en 1881 un instituteur en tant que directeur.
C’est, selon Marie José Guigou, la mort de M. de Forton qui amènera à la fermeture de la colonie en juillet 1884. Il reste alors 245 colons. La grande majorité sera transférée dans des colonies publiques ou privées sur toute la France. Sept seront envoyés à l’hôpital de Montpellier. Un s’engagera dans l’armée. Un autre placé chez un berger. Aucun n’a été libéré. Quant à la proche colonie d’Aniane, elle n’ouvrit qu’en 1886.
208 colons sont décédés entre 1856 et 1884, le nombre est important, ils ont entre 10et 20 ans, un âge où l’on n’est pas destiné à mourir ; on retrouve toutefois les mêmes proportions de décès à la colonie de Mettray et à La Petite Roquette.
Après nous avoir renseignés sur l’origine géographique, l’âge, le délit, le quotidien de vie des colons à la colonie, Marie-José Guigou conclue ce travail, richement illustré, par le beau poème de Jacques Prévert, « La chasse à l’enfant », écrit à l’occasion de la révolte des colons de Belle-Île en Mer, en août 1934. C’est cette révolte, qui fut à l’origine, dans le cadre des campagnes de presse contre les bagnes d’enfants, entre 1934 et 1937, de la fermeture définitive de ces institutions.
Quelques années plus tard, l’ordonnance du 2 février 1945 consacrait la notion d’éducabilité du mineur délinquant.
[Jacques Bourquin.]
Contenu du numéro :
Introduction
Le Monte Molobrio ou le Mazet de Murles
Maison des Montlaur Murles
Marie Henri Du Lac de la Gauphine
Hyppolite Charles Félix Creusé de Lesser
La colonie agricole pénitentiaire des Matelles, puis de Vailhauquès.
Les premières années de la Colonie » L’image de la paix, du travail et du bonheur »
La vie des colons à travers les Etats statistiques et rapports d’inspections
Etats des lieux, Extraits de rapport d’Inspection
Patronage des jeunes libérés
Les années galères de Monsieur de Robernier
Monsieur de Forton devient le concessionnaire de la colonie
Les derniers propriétaires deu Domaine de Montlobre :
les Massoubre,
Bernard,
Walraven
Annexes ;
« Jambe de bois » conte populaire languedocien de Paul Chassary
Poème de Jacques Prévert : « chasse à l’enfant«
Conclusion
Mémoire d’Oc
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