Description
La Pergola : Un grand ensemble résidentiel à Montpellier (1960-2010)
* Historien de l’économie, Département de la science économique, Université de Tohoku, (Sendai, Japon)
Cet article suit cinquante ans de vie de la cité HLM La Pergola à Montpellier avec pour objectif de prendre la mesure des politiques publiques initiées sous le titre de « politiques de la ville » ayant pour but d’améliorer les conditions de vie des résidents de ce grand ensemble urbain. Nous analysons en particulier deux politiques de la ville appliquées à cette cité : le projet de réhabilitation « Opération Qualité Pergola » conduit de 1991 à 1993, et, de 2001 à 2009, le projet de « rénovation urbaine » intégré au « Grand Projet de Ville de Montpellier ».
Nous en tirons deux conclusions. Premièrement, la réhabilitation s’est avérée positive en ce sens que l’intégration des habitants à la ville est allée de pair avec « l’ouverture spatiale » de la cité par démolition partielle de certains bâtiments, ce qui a conforté la satisfaction des locataires. Deuxièmement, nous avançons l’idée que l’efficacité de la politique de la ville relève de l’harmonisation de ses deux dimensions, individuelle (notamment le rapport aux habitants, aux familles, catégories d’âges et de revenus…) et spatiale (intégration de la cité à la ville, équipements, mobilités…).
« Personal relationship and spatial design: « urban policy » in a large Montpellier housing estate, Pergola (1960-2010) »
This article follows fifty years of life in the council housing estate La Pergola in Montpellier, to measure the public policies initiated under the title of « urban policies » aimed at improving the living conditions of the residents of this large housing complex. In particular, we analyse two municipal policies applied to this housing project: the rehabilitation project « Operation Pergola Quality » led from 1991 to 1993, and, from 2001 to 2009, the « urban renewal » project integrated into the « Grand Project of the City of Montpellier ».
We draw two conclusions. First, the rehabilitation was positive in that the integration of the inhabitants into the estate went hand in hand with the « opening of space » of the area by partial demolition of some buildings, which reinforced the satisfaction of the tenants. Secondly, we put forward the idea that the effectiveness of the city’s urban policy is a matter of harmonizing its two dimensions : individual/personal (including the relationship to inhabitants, families, age and income categories…) and spatial (integration of the housing estate to the town, equipment, mobility…).
« Ligam personal e estructura espaciala : « politica de la vila » dins un grand ensem montpelhierenc, la Pergola (1960-2010) »
Aqueste article seguís cinquanta an de vida de la ciutat HLM [Abitacion de Loguièr Moderat] la Pergola a Montpelhièr, amb per amira de prene la mesura de las politicas publicas iniciadas jol títol de « politicas de la vila » e qu’an per tòca de melhorar las condicions de vida dels residents d’aquel grand ensem urban. Analisam en particular doas politicas de la vila aplicadas a aquela ciutat : lo projècte de reabilitacion « Operacion Qualitat Pergola » conducha de 1991 a 1993 e lo projècte de « renovacion urbana », de 2001 a 2009, integrat al « Grand Projècte de Vila de Montpelhièr ».
Ne tiram doas conclusions. Primièrament, la reabilitacion se mostrèt positiva dins lo sens que l’integracion dels estatjants a la vila anèt cotria amb « la dobertura espaciala de la ciutat » per demoliment parcial d’unes bastiments, çò qu’enfortiguèt la satisfaccion dels logataris. Segondament, riscam l’idèa que l’eficacitat de la politica de la vila resulta de l’armonizacion de sas doas dimensions : individuala (en particular lo rapòrt als estatjants, a las familhas, a las categorias d’edats e de revenguts) e espaciala (integracion de la ciutat a la vila, equipaments, mobilitats…).
Introduction
Cet article a pour but de suivre cinquante ans de la Pergola, un grand ensemble résidentiel situé au nord-ouest de la ville de Montpellier (Hérault), avec l’intention de dévoiler le contenu des politiques publiques et leur efficacité pour résoudre la « question de la ville », c’est-à-dire problèmes de petites délinquances, trafic de drogue, vandalismes, paupérisation des habitants, ghettoïsation… Le moyen d’éviter, de maîtriser, ou de résoudre la question de la ville est généralement appelé la « politique de la ville ». Selon cette terminologie, notre tâche est de répondre aux trois questions suivantes : Quelles ont été les caractéristiques des politiques de la ville appliquées à la Pergola ? Quelle efficacité ont-elles eue ? Et quelle est la condition nécessaire pour que la « politique de la ville » soit efficace et ses résultats positifs ?
La Pergola, une cité construite et gérée par l’Office public HLM du département de l’Hérault (renommé Hérault Habitat en 2002, ci après l’Office HLM), est divisée en deux groupes : la Pergola 1, construite en 1964, composée de trois barres (divisées en cinq sections) compte 438 logements, et la Pergola 2 construite en 1967, composée des cinq bâtiments de taille moyenne avec 95 logements au total.
Nous avons choisi la Pergola comme objet de recherche, car dans cette cité, la « question de la ville » semble avoir été bien maîtrisée. Cette caractéristique est claire quand nous la comparons au Petit Bard, copropriété de plus de 800 logements, construite en 1964, et située juste à côté de la Pergola. Au début, les deux cités ont partagé beaucoup de caractéristiques. Toutes deux construites au milieu des années 1960 avec pour but principal d’accueillir des rapatriés d’Algérie. Comme il fallait les loger le plus rapidement possible, les constructeurs (l’Office HLM pour la Pergola, une société civile immobilière pour le Petit Bard) et leurs architectes en chef ont choisi des barres comme style de bâtiments bien dans le ton de l’époque. Un demi-siècle après, néanmoins, la situation est complètement différente pour l’une et pour l’autre.
Regardons l’application des deux politiques de la ville pluriannuelles et consécutives, le Grand Projet de Ville (GPV, 2001-2006) et le Projet de Rénovation Urbaine (PRU, 2005-2009), dont les deux cités ont été l’objet. Les modes d’intervention concrets choisis pour chacune d’entre elles ont été différents. Pour le Petit Bard, la politique choisie de « démolition-reconstruction » a porté sur presque la moitié des bâtiments. Ce choix démontre que la question de la ville au Petit Bard était regardée comme très grave. Quant à la Pergola, les deux projets ont consisté en l’amélioration des espaces extérieurs. Les opérateurs principaux des projets, la municipalité et l’Office HLM départemental, ont jugé que les bâtiments étaient en bon état général. La Pergola avait en effet évité efficacement l’aggravation de la question de la ville.
L’histoire de la Pergola est marquée par deux politiques de la ville distinctes, la rénovation au début des années 1990, puis les GPV-PRU durant les années 2000. Nous esquisserons tout d’abord l’histoire de la cité avant les années 1990 pour prendre la mesure de son évolution. Ensuite, nous analyserons l’objectif, le contenu, et le résultat de chacune des deux politiques de la ville mises en œuvre. Enfin, nous présenterons le mécanisme dont la politique de la ville doit se munir pour une gestion plus efficace des problèmes urbains.
La Pergola avant les années 1990
L’histoire de la Pergola commence le 24 mars 1961. Lors du Conseil d’administration de l’Office HLM, le président Gilbert Sénès annonce qu’il a trouvé un terrain d’à peu près 7 hectares où l’Office pourrait construire un grand ensemble de 600 logements sociaux (HLM), et propose de l’acheter pour 1.1 million de nouveaux francs. Le Conseil donne son consentement pour construire une cité HLM en réponse aux demandes nombreuses de logements de la population locale et pour accueillir les Français rentrant d’Afrique du Nord. La construction de cette cité, nommée la Pergola, commence en 1962. La date de livraison des logements est initialement fixée au 31 mai 1963.
En octobre 1962, la situation change : suite à l’indépendance de l’Algérie et à l’afflux massif des rapatriés, le gouvernement demande à l’Office HLM de faire de la Pergola une cité exclusivement pour eux. Le Conseil d’administration, après une âpre discussion, décide d’accepter la demande gouvernementale : 400 des 438 logements seront attribués aux rapatriés 8. Exceptionnellement, les 38 logements restants sont réservés aux travailleurs des Postes et Télécommunications. La Pergola apparait donc, dès sa construction, comme une cité pour les rapatriés.
Comme méthode de construction, l’Office HLM choisit le « coffrage tunnel avec remplissage de façade pour éléments préfabriqués lourds », une méthode peu coûteuse mais de moyenne qualité. La Pergola, définie comme cité spéciale pour rapatriés, n’a pu bénéficier ni de l’aide des collectivités locales ni du « 1 % logement » (la cotisation des employeurs à la construction de logements sociaux). La construction des bâtiments se termine au début de l’été 1964. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2020 |
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Nombre de pages | 13 |
Auteur(s) | Naoki ODANAKA |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |