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Description

Topographie de Montpellier aux XIe et XIIe siècles :
essai de lecture d’une ville neuve

Le plan de Montpellier révèle une juxtaposition de formes anciennes d’organisation spatiale : un cheminement nord-sud avec, en son milieu, un dégagement vers l’est ; un quartier de forme circulaire dont on connaît de nombreux exemples dans les villages médiévaux de la région. Pour interpréter ces structures primitives encore lisibles dans le centre ville tel que l’a figé l’enceinte du XIIIe siècle, les ressources documentaires disponibles sont tardives et fragmentaires. Le premier acte apportant de maigres indications sur la topographie date de 1090. Des auteurs en ont déduit l’existence d’une première enceinte dont le tracé a fait l’objet de restitutions diverses ; la ville aurait conservé ce périmètre enclos jusqu’à l’ensemble fortifié consulaire dit de la Commune Clôture, dont la construction daterait de la deuxième moitié du XIIe siècle. A la lumière des études récentes sur les agglomérations médiévales et la castellologie, le cas montpelliérain, ville neuve qui s’insère dans le réseau urbain régional hérité de l’Antiquité, mérite d’être reconsidéré.

La décennie 1130-1140 correspond à l’aboutissement d’une première phase de l’histoire urbaine que les documents et la lecture topographique permettent d’analyser depuis le tournant des XIe et XIIe siècles. En 1141, une sédition chasse le pouvoir féodal en place. Lorsqu’il reprendra possession de sa ville, le seigneur en modifiera profondément la configuration avec l’édification d’un nouveau château au nord-ouest du site.

Du Manse à la Viguerie

Les historiens s’accordent à dater de la fin du Xe siècle l’apparition du toponyme de Montpellier, grâce à un acte de 985, et sans doute également celle du lignage des Guillaume dans l’ordo militum soumis à la juridiction du comté de Mauguio. Mais le contexte de mutations politiques et économiques des territoires civil de Substantio-Melgueil et ecclésiastique du diocèse de Maguelone, dans lequel ce lignage fort mal connu s’est affirmé avant 1090, reste dans l’ombre où le tient le silence documentaire du XIe siècle.

L’existence attestée d’une viguerie de Montpellier en 1104, ainsi que la mention dans ce même texte des fours faits in vita avi mei, soit vers le milieu du XIe siècle, montrent la vitalité du site depuis la donation d’un manse en 985. « L’extension des terroirs agricoles et l’évolution de l’administration de la justice au cours du Xe et du XIe siècle ont pu conduire les comtes à créer (ou à reconnaître ?), quelques vigueries nouvelles, soit que le peuplement rural devienne plus important, soit que l’intérêt stratégique d’un terroir le commande ». A Montpellier, les deux motifs ont dû jouer nous savons par un acte de 1090 que le site voisin de Montpelliéret concentrait alors un habitat en pleine croissance, avec église, capmanse et apendaries, remontant à l’épiscopat d’Arnaud, donc à la deuxième moitié du XIe siècle ; par ailleurs le comte de Mauguio a pu confier au Guillaume qui participe en 1059 à un plaid à Barcelone et s’intitule Guillelmus de Montpesler le contrôle des communications, à proximité des passages du Lez, entre Nîmes et Béziers.

L’hypothèse la plus vraisemblable incite dès lors à expliquer le rôle acquis par Guillaume durant les bouleversements de ce siècle selon le schéma connu ailleurs de l’évolution des vigueries « le viguier, modeste agent comtal au IXe siècle, s’enrichit au cours du Xe tandis que se desserrent les liens qui l’unissaient au pouvoir comtal ». L’histoire du comté de Mauguio appuie cette interprétation liant l’origine de Montpellier à un rôle de château vicarial ; la fragilité de ce pouvoir comtal récent et un temps nomade, mis à mal par la politique grégorienne, a pu laisser le champ libre à l’émancipation d’une aristocratie militaire dans le courant du XIe siècle.

Entre 1090 et 1140, la seigneurie de Montpellier se transmet héréditairement de Guillaume, fils d’Ermengarde (le premier du lignage à porter le titre de dominus Montispessulani) à Guillaume, fils d’Ermessende. Tous deux ont pris part aux conflits internationaux contemporains en Orient et en Espagne. Il ne semble pas trop téméraire d’avancer l’hypothèse qu’ils ont pu en retirer, outre un enrichissement et une notoriété certaine, des enseignements d’ordre diplomatique, stratégique et économique. Ils mènent une politique expansionniste en dehors même des limites du comté de Mauguio, et notamment vers Aniane où des liens étroits les unissent à des châtelains de la viguerie de Popian. E. Magnou-Nortier a remarqué l’originalité, parmi ses contemporains méridionaux, de Guillaume de Montpellier qui a « utilisé pour asseoir sa jeune puissance et le serment de fidélité et l’hommage et la concession en fief ; exemple unique d’opportunité et de réalisme ». […]

Informations complémentaires

Année de publication

1988

Nombre de pages

10

Auteur(s)

Ghislaine FABRE, Thierry LOCHARD

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf