Présentation de la publication
Etudes Héraultaises 1985-1
Montpellier 2000
À mille ans, la ville est belle
Il faut du temps pour faire une ville, faudrait-il un millénaire pour asseoir une capitale ? Car si la ville est belle, comme le dit, et c’est bien trouvé, le publicitaire, la question est bien là : Montpellier est-elle capitale régionale ? Sans prétention aucune les articles qui suivent tentent d’apporter leur part de réponse à cette question. Un fil les relie, celui, précisément, des rapports entre Montpellier, le département de l’Hérault, l’espace régional, et même au-delà, partie d’un « Sud » entre Toulouse et Marseille. La nouveauté du quart de siècle écoulé c’est bien l’émergence de Montpellier. On pourra en disserter longuement, mieux vaut apprécier le phénomène à sa juste valeur. Quelque recul replace la ville parmi ses voisines et/ou rivales. Chacune d’entre elles, et à quelque carrefour de son histoire, s’extirpe de la gangue « provinciale » et s’individualise : par l’industrie à Nîmes, la viticulture à Béziers, le poids du chef-lieu à Perpignan, et celui du chef-lieu de région pour Montpellier.
Une fois le décalage engagé, chacune des activités, des fonctions, des images même de la ville, sembleront aller dans le même sens : la prééminence de la capitale et l’on imagine aisément les effets de retour dans une région en mal d’identité. Le poids de Montpellier, celui aussi qu’on lui attribue, est dès lors jugé abusif dans cet assemblage de cinq départements constitué en Languedoc-Roussillon. À l’inverse, d’autres voix s’élèvent pour parler d’effet d’entraînement, rappeler que le dynamisme montpelliérain a aussi ses « retombées » sur l’espace régional dans sa totalité. Le débat est loin d’être clos, il découle de la césure fondamentale que constitue le passage d’un polycentrisme urbain dans une région écartelée à une relecture d’un réseau urbain fait de hiérarchies, de relais, de nœuds, mais aussi d’individualités, de convergences, de points de rencontre.
Le dénominateur commun à toutes les manifestations anti ou pro-montpelliéraines, explicites ou implicites, plaidoyer pro domo authentique ou visée politique, tient en huit chiffres ; en 1936 – et en milliers d’habitants – le classement des villes est le suivant : Nîmes 93, Montpellier 90, Béziers 73, Perpignan 72 ; un demi-siècle plus tard il donne : Montpellier 197, Nîmes 124, Perpignan 111, Béziers 76… En 1982 Montpellier domine démographiquement alors que Béziers, par exemple, a perdu 10 000 habitants dans la dernière période intercensitaire. Plus significatif encore est le fait que Montpellier et son arrondissement, qu’elle entraîne, sont « jeunes » alors que l’ouest du département, y compris Béziers, vieillit ; la population féminine est, professionnellement, plus active à Montpellier qu’à Béziers, le secteur tertiaire y est plus représenté. Bref Montpellier donne une image de modernité, l’Ouest du département, et tant d’autres zones de la région, des images d’archaïsme.
Le problème ainsi posé est si aigu, si fondamental qu’il est difficile d’en faire, au-delà du constat, une analyse froide et lucide. Pour notre part nous n’avons pu trouver que des amorces de cette réflexion nécessaire, certaines trop peu élaborées encore pour figurer ici, mais « ÉTUDES sur l’HÉRAULT » est prête à accueillir les textes de ceux qui veulent, sérieusement et avec le calme nécessaire, nous aider à comprendre et faire comprendre.
Jean-Claude BARTHEZ et Robert FERRAS
Jean-Paul VOLLE,
Montpellier en Languedoc-Roussillon : la logique de la Capitale
Symbole d’une région et d’une ville décidées à « gagner ensemble », le Prao « Montpellier-Languedoc-Roussillon » est baptisé aux vins du terroir le Jeudi 13 Septembre dans le port de La Grande Motte. Quel paradoxe et quel raccourci étonnant que cette aventure dont, au dire de Georges Frêche, maire de Montpellier, « l’enjeu n’est pas que sportif » : regard novateur vers la mer pour une région qui lui tourna longtemps le dos, association inattendue de la ville et de sa région, enfin baptême à La Grande Motte à la fois image implicite d’une richesse « parachutée » et modèle reconnu d’une « colonisation étrangère ». Le Languedoc des années 80 est-il donc si différent de celui jusqu’ici décrit ? [...]
Jacques ROUZIER,
Économie de l’essor montpelliérain
D’autres l’ont déjà écrit, beaucoup l’ont dit, Montpellier à la fin du siècle dernier c’est moins que Nîmes et guère plus que Béziers ; aujourd’hui Montpellier vaut deux Nîmes et trois Béziers. Dans ce raccourci s’inscrit tout un siècle d’évolution. C’est long, et déjà les effets des premières années de ce siècle de vie s’estompent. Cette fin du XIXe siècle, âge d’or pour toute la région, constitue toujours une espèce de paradis perdu auquel se réfèrent très souvent nos mentalités de vieux Languedociens. En fait, la véritable révolution montpelliéraine date à peine de la fin de la guerre, des années cinquante. À cette époque- là, Nîmes et Montpellier avoisinent toutes deux les 100 000 habitants. Or nous retrouvons aujourd’hui Nîmes à 120 000 et Montpellier au-delà de 200 000. Quelle accélération ! Quelle croissance ? Quelle heureuse conjonction a fait ce Montpellier ? [...]
Jean-Claude BARTHEZ,
Montpellier l’entreprenante ? Montpellier capitale régionale ? Certains le constatent en le regrettant car, pour eux, c’est au détriment de son département et de sa région que Montpellier en prend la tête et c’est bien en les vidant de leur substance qu’elle entreprend. Dans les articles de cette livraison d’Études sur l’Hérault quelques-uns de ces rapports heurtés que Montpellier entretient avec son environnement social et économique sont analysés. Dans celui-ci nous voudrions traiter d’un aspect particulier des relations de Montpellier avec le territoire de son département, les relations de loisir. Certes le point de vue des loisirs peut paraître étriqué et, même si, comme on le verra, Montpellier apporte plus qu’il n’y paraît à ce milieu, on aurait pu préférer un apport plus lourd et plus riche, des industries par exemple. Sans doute, mais il ne faut pas s’y méprendre : [...]
Philippe DELPECH,
Montpellier en sa région : images et représentations d’une capitale régionale
On ne peut plus faire l’économie de la prise en compte du discours sur la ville chacun y va d’une image de marque soigneusement peaufinée. Une lecture rapide y verrait argumentation électoraliste, mais il y a une réalité bien plus profonde. C’est là une proposition d’un produit en vue de sa promotion, selon les simples lois du marketing. Il n’y a guère de nouveauté ; de tout temps chaque ville s’est offerte comme « reine des villes d’eau », « reine des plages de la Méditerranée »… et combien de perles, de joyaux, de littérature touristico-lyrique, à travers quelque spécialité (la Cité de Carcassonne, Lou Camel de Béziers, la Rome française : soit un monument, un animal fabuleux, une référence antique et prestigieuse) ; ce qui est nouveau c’est que le discours publicitaire que l’on tient sur la ville ne passe plus par quelque monument chargé d’histoire ou quelque unicité archéologique, mais par quelques caractères géographiques qui renvoient à une « Géographie du bien-être » pour reprendre le titre de l’ouvrage récent d’Antoine Bailly (P.U.F., 1981). [...]
Robert FERRAS,
Géographie de la Région. Chroniques des publications récentes (1983)