Présentation de la publication
Le passage des troupes allemandes à Jacou
24 et 25 août 1944
Olivier de Labrusse
Résumé : L’article relate les événements qui ont marqué les derniers mois d’occupation et les journées de libération de Jacou, à la périphérie de Montpellier : l’occupation militaire du village, et le passage des troupes allemandes en retraite vers la vallée du Rhône. L’auteur utilise des ressources documentaires locales.
La déroute des troupes allemandes en Languedoc et dans l’Hérault en août 1944 suite au débarquement de Provence a été largement étudiée depuis plusieurs années. Parmi les différents ouvrages fondateurs citons, entre autres, ceux de Roger Bourderon : Libération du Languedoc méditerranéen paru en 1974, et celui de Gérard Bouladou : L’Hérault dans la Résistance : 1940-1944 réédité en 2006. Des études locales, plus récentes, complètent cette vision globale, comme celle, en 2013, de Jean-Claude Richard sur « les passages des colonnes allemandes dans le cœur d’Hérault… ». Ce dernier signale que les mouvements [complexes] de troupes pourront être précisés à partir « d’ajouts d’acteurs et témoins qui n’ont pas encore livré leurs souvenirs ».
Certes plusieurs publications et archives (conservées aux Archives Départementales de l’Hérault) citent le passage par Jacou des troupes allemandes en déroute, mais sans autre commentaire. En effet, il n’y a pas eu de combats à Jacou (malgré ce qu’en dit l’une des archives du château de Jacou) et donc on ne peut parler stricto sensu de « résistance » ni de « libération ». D’où le quasi-silence des sources sur le village. Jacou n’a pas fait parler de lui. On ignorait donc, jusqu’à présent comment s’est produit le passage des colonnes allemandes dans le village, qui elles étaient, comment cela a été vécu par les habitants, quel était le contexte, quelles furent les conséquences, etc. Or depuis un an, de volumineuses archives et objets historiques ont été rassemblés et pré-classés, par l’association « Jacou, Histoire et Patrimoine » dans le château de Bocaud, propriété de la commune. Une exposition, début 2016, et des premières publications ont donné un aperçu de la richesse potentielle de ces nouvelles sources, en particulier en ce qui concerne la seconde guerre mondiale au village. Dès lors la parole des anciens du village s’est « libérée ». Les témoignages de huit d’entre eux, parfois étonnamment précis et se recoupant, ont été ici confrontés aux archives issues du château, à celles conservées au Archives Départementales et aux ouvrages des historiens. Mémoire et Histoire sont ici confrontés. Au travers de ces témoignages, archives, objets historiques, il est apparu que ce passage des troupes allemandes certes relevait d’un événement militaire ponctuel, et comme la suite immédiate des combats de Montferrier, mais s’insérait aussi dans des contextes plus larges.
En effet Jacou a été situé successivement dans trois contextes militaires stratégiques à partir de décembre 1942 au voisinage du Crès et de Montpellier, puis, et surtout, en 1944 sur la première ligne de défense allemande en arrière du littoral et, enfin, sur un des corridors majeurs de la débâcle des colonnes allemandes en fuite vers la vallée du Rhône.
Dès lors, ce qui s’est joué, dans ces 3 journées des 24, 25, 26 août 1944, c’est un vécu, le ressenti d’un village, avec sa composition sociologique particulière, exposé à l’ennemi, face à la présence allemande dans le village et ses alentours depuis plusieurs mois. Ainsi cet article ne se situe pas seulement dans le contexte de l’histoire des faits militaires, mais aussi dans celui de l’histoire de « l’Hérault (et des Héraultais) pendant la guerre » telle qu’elle a pu être analysée, en particulier, par Jean Sagnes en 1986 et, plus récemment, en 2015, par Hélène Chaubin. [...]