Juin 40, ils refusent de cesser le combat

Armée tchécoslovaque, aviateurs polonais, officiers belges

Opération d'évacuation et départs clandestins pour l'Angleterre,
Sète - Palavas - Montpellier - Port-Vendres

* Retraité de la Fonction publique

[Texte intégral]

« Résister, c’est partir. »
Léon Blum, Œuvre, t.V.

« Ce sont les gouvernements qui ont choisi de continuer la lutte hors du sol national,
et non ceux qui y sont restés « à demi-libres », que les peuples ont acclamés en 1944-1945.
 »
Henri Michel 1

Les aléas de la recherche

« C’est pas parce qu’on cherche qu’on trouve ! » C’est ce que m’a dit un jour un archiviste. Nulle intention de sa part de me décourager mais juste m’avertir aimablement, fort de son expérience. Il n’avait pas tort mais cela ne m’a pas abattu pour autant puisque pour espérer trouver, il faut bien commencer par… chercher. Aussi, poussé par le désir de trouver une trace de l’arrestation d’officiers belges et polonais qui avaient tenté de rejoindre un bateau au large de Palavas en octobre 1940, j’ai poursuivi mes investigations, pensant : on verra bien, j’ai le temps et aucune obligation de réussite. Au bout du compte et contrairement à son avertissement j’ai beaucoup trouvé. Mais il est vrai pas exactement ce que je cherchais… Voici le fruit de mes investigations et d’abord quelques interrogations.

Palavas-les-Flots, début octobre 1940. Que s'est-il réellement passé ?

Quinze officiers : douze polonais et trois belges ont pris place en ce début octobre 1940, vers une heure du matin dans une embarcation. Ils sont aidés par Francesc Viadiu un réfugié catalan à Montpellier et l’un de ses amis à Palavas. Après s’être éloignés du rivage palavasien, ils sont interceptés par une vedette de surveillance : « al cap de poc temps de navegar, havia estat descoberta per la patrulla de vigilància. » Ils sont arrêtés, cinq ont réussi à fuir et une enquête a été menée à Palavas. « L’amic de Lattes també em va explicar que tenia noves que, arran del fracàs de l’expedició, la policia ja practicava escorcolls a Palavas » 2. Aucune trace de cet événement n’a été relevée dans les archives de l’Hérault ou ailleurs dans d’autres archives. Pourquoi celles-ci sont-elles muettes ? Voilà les paradoxes d’une recherche : Pas de documents là où l’on pensait en trouver. Des documents là où l’on ne pensait pas en trouver.

Les sources

D’autres sources que celles des Archives de l’Hérault ont servi de base documentaire à cet article et à ceux qui suivront : les Archives de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Haute-Garonne, des Bouches-du-Rhône ; les Archives nationales, celles du Service historique de la Défense, et de la Marine ; les archives judiciaires et policières désormais accessibles depuis fin 2015. Des sources d’une nature différente : des récits écrits par des témoins de l’époque dont l’un rencontré soixante-quinze ans après ; un autre écrit par un agent d’un réseau belge à Montpellier en 1941, jeune médecin alors et affecté à l’hôpital Saint-Éloi pour couverture ; celui de Francesc Viadiu ; les précieux carnets d’un général tchécoslovaque. Des mémoires universitaires dont l’un de l’Université Paul-Valéry portant sur la reconstitution de l’armée tchécoslovaque au camp d’Agde. De nombreux ouvrages historiques, des sites internet notamment celui du Centre d’Études Guerre et Société (CegeSoma) à Bruxelles ; également deux sites exceptionnels, dont l’un est une compilation de documents des archives nationales anglaises et retraçant pour la période de juin notamment le parcours des convois en méditerranée et leur passage par Gibraltar pour rejoindre l’atlantique ; et l’autre, indiquant la récapitulation des navires sous pavillon anglais et des bâtiments de guerre à Sète et Port-Vendres ainsi que le récit d’une étudiante tchèque réfugiée à Béziers. Des journaux d’époque, un article de Midi Libre dix sept-ans après les faits. En général la recherche de sources et de documents est tout à la fois fastidieuse et exaltante ; concernant les tentatives d’embarquements clandestins, elle peut-être déroutante.

Les archives sont parfois muettes là où l'on aurait pu penser trouver des documents

En principe, c’est l’échec d’un embarquement qui par suite de l’intervention de la police produit le document (un PV de police par exemple) puis ultérieurement son versement aux archives et donc la connaissance que l’on peut en avoir. En principe, puisque au contraire dans l’exemple de l’échec à Palavas en octobre 1940 rien ne transpire. L’échec est double. Des lacunes qui laissent dans l’insatisfaction. On aurait bien évidemment aimé connaître les noms de ces officiers et leurs motivations ; comment après avoir franchi la zone interdite sont-ils arrivés là, perdus au bord du Lez à la Céreirède à Lattes ? Sur ce constat, le chercheur se pose des questions : peut-être le récit est-il erroné, voire imaginaire, une pure fiction ? Ou la machine à écrire du commissariat était en panne de ruban encreur ou il n’y avait plus de papier ? Ou l’auteur de ces lignes n’a pas regardé où il fallait. Peut-être. Échec et mat ? Pas sûr. À l’inverse, les embarquements réussis se déroulaient dans l’ombre, à la barbe de la police, il n’y a donc pas d’archives… En principe encore. En effet, il y a au moins une exception, et c’est encore à Palavas et encore en octobre 1940.

Les archives révèlent un embarquement réussi à Palavas-les-Flots

Dans cette nuit orageuse du 11 au 12 octobre 1940, une embarcation tous feux éteints, sans moteur, voile affalée, se laisse glisser dans le courant du Lez vers son embouchure et prend le large silencieusement. Une heure s’écoule, puis « dans la direction suivie par le bateau, la lumière d’un fanal [ils] avaient rejoint un cargo qui devait les attendre. » Un air marin de liberté se fait sentir pour les quatre individus, probablement des israélites. Tentative réussie, donc aucune raison de trouver des documents d’archives. Pourtant ces lignes sont la preuve que non. Il y avait des témoins et la police a mené sa propre enquête… Les Archives de l’Hérault révèlent tout de ce que deux pêcheurs palavasiens ont vu en bout de la jetée et déclaré au commissariat 3. C’est assez rare. Et ceci rend d’autant plus mystérieuse l’absence d’archives concernant la tentative de Palavas à la même époque rapportée par Francesc Viadiu. (Fig. 1)

Une opération de transbordement vers un cargo. (Source : Brooks Richards, Flottilles secrètes, p. 613)
Fig. 1 -Une opération de transbordement vers un cargo. (Source : Brooks Richards, Flottilles secrètes, p. 613)

Le commissariat de Sète aurait oublié de verser
un document aux archives !?

Il y a une autre tentative d’embarquement à Sète, en novembre 1940, qui a donné lieu à l’arrestation de trois personnes et donc d’un procès-verbal, document qu’on ne retrouve pourtant pas dans les archives de l’Hérault. L’une des personnes arrêtées à l’époque, le jeune René Poujade, a fait le récit par le menu – au nom du devoir de mémoire et surtout pour celui de son camarade Raymond Canvel – de cette tentative qui devait les mener à Gibraltar. René Poujade est un malin et quand il veut quelque chose il arrive à ses fins. Il explique comment il s’y est pris après la guerre pour obtenir du commissariat copie du PV qui était bien gardé au fond d’un tiroir. En 1947, il a réussi après deux demandes restées sans suite, à obtenir du commissariat de Sète le PV de son arrestation le 18 novembre 1940 – avec son camarade et un certain Roger Marechal – qui avait été adressé au préfet le 19. Il a suffi d’un subterfuge pour que le commissariat de Sète finisse par s’exécuter et fournisse la copie du PV en question – certifiée conforme – au colonel Chef du Service de la Section d’Études et d’Information des Troupes Coloniales. René Poujade alors en fonction au sein de cet organisme était un proche du colonel et il lui avait préparé le courrier à sa signature !… Voilà qui pose une autre question au sujet d’un document qu’on ne trouve pas dans les archives mais qui cette fois existait bien et qui n’avait pas été versé comme cela aurait dû l’être – une rétention ? On se demande pourquoi ? Un double constat s’impose donc : des documents sont introuvables là où l’on aurait pu penser les trouver – Palavas, octobre 1940 ; un document n’aurait pas été versé aux archives de l’Hérault – ce que révèle René Poujade -, précisons : absent des fonds de la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, le commissariat de Sète producteur de ce document en 1940, a fini par le lui remettre quelque peu contraint. D’où surgit une question : y a-t-il d’autres documents qui auraient été « oubliés » ?… On en revient à la question précédente : des documents non versés ? Qui peut répondre ? (Fig. 2)

Le registre d’écrou de Poujade et ses amis en date du 19 novembre 1940 à Sète (AD 34, 1 J 1132).
Fig. 2 - Le registre d’écrou de Poujade et ses amis en date du 19 novembre 1940 à Sète (AD 34, 1 J 1132). Document jamais versé aux archives dans les fonds de la Deuxième Guerre mondiale, et remis à l'intéressé à sa demande. Authentifié conforme, Sète, le 3 février 1947.

Le commissariat de Sète aurait oublié de verser un document aux archives !?

De l’ensemble des sources consultées et en procédant à des recoupements, sont apparus plusieurs aspects de l’histoire héraultaise et du Languedoc pendant la Deuxième Guerre mondiale relatifs aux départs pour rejoindre l’Angleterre et peu mis en évidence par les historiens 4.

D’une part, Sète a été le lieu d’une importante opération d’évacuation, qui s’est déroulée en deux temps et qui a eu pour but d’acheminer en Angleterre via Gibraltar des soldats tchécoslovaques restés à Agde et des rescapés de la bataille de France volontaires pour partir. Des éléments de l’armée de l’air polonaise, des officiers belges – dont un dénommé Albert Guérisse 5, médecin militaire – ont également bénéficié opportunément de ces départs ; il y avait aussi des civils et des enfants. Grâce à l’intervention de la marine anglaise un premier embarquement des troupes tchécoslovaques a eu lieu le 24, puis un deuxième le 27 soit après la signature des accords d’armistice.

D’autre part, à partir du 25, date d’application des accords d’armistice, Sète, Palavas-les-Flots et les petits ports de la côte héraultaise deviennent des points d’embarquements clandestins aux risques et périls de ceux qui ont décidé de rejoindre de Gaulle et la France Libre ou les armées alliées, comme de ceux qui les organisaient. Ce fut le cas d’une Sétoise, Germaine Poulitou puis Thibout qui s’est impliquée, très tôt, dans l’organisation d’embarquements, de sa propre initiative, par sentiments gaullistes et avec quelques complicités locales et montpelliéraines. En novembre 1940, une opération d’embarquement mise en place à Sète, organisée depuis Marseille par un officier polonais en faveur de compatriotes démobilisés, a échoué au dernier moment. Fin décembre 2015, la libre consultation au public avant les délais prescrits des archives de la police judiciaire et des services de police (1939-1945), a permis de prendre connaissance du procès de cet officier auprès du tribunal militaire de Montpellier en février 1942 et du contexte dans lequel cet embarquement a été préparé.

Enfin, à Montpellier, des officiers belges appartenant aux Troupes de Renforts et d’Instruction belges (les TRI) – la Classe 40 – ont œuvré en sous-main pour aider à l’acheminement, sur une longue route qui passait par Lyon, de militaires belges, principalement des évadés de camps de prisonniers en Belgique ou en Allemagne, et d’aviateurs. Les clauses de la capitulation du roi Léopold III avaient entraîné la déportation en Allemagne de près de 215 000 prisonniers de guerre. Un agent de la Sûreté de l’État belge s’impliquera également dans ces transferts. Jean Baumel, le secrétaire général de la ville de Montpellier à l’époque, s’est souvenu de leur présence : « Montpellier reçut, à ce moment-là, de très nombreux réfugiés et la division belge du lieutenant-général Wibier avec son armement intact » 6. L’aide fournie par ces officiers fut comme l’explique l’historien belge Étienne Verhoeyen le pendant en quelque sorte de la célèbre ligne d’évacuation belge Comète7 sur la côte atlantique.

Ainsi, que ce soit par voie maritime ou par voie terrestre, au terme de parcours souvent difficiles, semés d’embûches, jamais assurés, où les séjours dans les sinistres geôles espagnoles furent le prix à payer, d’ex militaires qui avaient combattu les armées allemandes et voulaient reprendre le combat, des jeunes hommes qui refusaient l’armistice, purent venir grossir les rangs des armées alliées en Grande-Bretagne ; s’intégrer aux escadrilles de la Royal Air Force et participer ainsi à la bataille d’Angleterre – premier échec militaire d’Hitler. Faut-il rappeler que face à cet esprit de résistance, la France s’était enfoncée dans la résignation et le défaitisme. Que parmi les « complotistes » de Bordeaux, au sein du gouvernement, comme chez les chefs militaires, on ne donnait pas cher de la peau de l’Angleterre – Darlan le dit à Jules Moch 8. Dans deux ou trois semaines voire deux mois elle serait à son tour envahie et ferait une paix séparée à son avantage. Raison de plus pour signer un armistice. Le 20 juin, à Bordeaux, lors d’une réunion d’une cinquantaine de députés on pouvait entendre une discussion passionnée : « Marquet, maire de Bordeaux : – Il faut arrêter la boucherie. Cette nuit, la ville a été bombardée. Assez ! Assez ! Il faut traiter. Toute résistance est impossible ; j’ai vu Weygand, il n’y a plus rien à faire. Le Troquer appuyé par quelques uns d’entre nous : – Mais, l’Angleterre est notre alliée ! Elle continue la guerre et nous nous sommes engagés à ne pas faire de paix séparée. – L’Angleterre ? Intervient Mistler. Mais elle est à genoux dans deux mois… Montigny approuve cette affirmation péremptoire. – Comment pouvez-vous affirmer cela ? lance Le Troquer. N’avons-nous pas un grand Empire ? N’avons nous pas une flotte ? […] » 9.

C’était il y a quatre-vingt-ans. « La bête est morte ? Et le venin ? » C’était l’encadré à droite du bandeau du journal L’Époque du 3 mai 1945, premier jour de sa reparution après qu’il se soit « sabordé le 10 juin 1940 » comme surligné en noir au blanc sous le titre. On peut y voir les gros titres de la Une : Nouvelle « Époque » ; La mort d’Hitler ; Sur un avion allemand Laval et Déat s’enfuient à Barcelone ; La Wehrmacht et les SS ont capitulé sans condition ; Berlin est tombé. Le 10 juin, avant de se saborder les derniers mots de la rédaction de L’Époque, dont les directeurs étaient Henri de Kérillis, et André Pironneau, furent : « Il faut avant tout ne pas se laisser aller au découragement. Se décourager n’est pas chose française. Certes, c’est nous, Français, qui portons presque seuls le redoutable choc de l’armée allemande, mais le destin, qui accable ceux qui s’abandonnent, récompense, tôt ou tard, ceux qui ne se résignent jamais. » Ce 10 juin 1940, comme le précise la rédaction du 3 mai 1945, « la Gestapo enfonçait nos bureaux de la rue de la Paix. Saccage, arrestations, perquisitions, dispersion, pauvreté, exil – parfois même misère – devinrent dès lors, pendant cinq ans, le lot de nos collaborateurs. » Comment ne pas voir que quatre vingt-ans plus tard dans un tout autre contexte, que le venin est toujours-là, et que la bête a mué, que les décors ne sont plus les mêmes. Pourtant, l’Histoire ne se répète pas deux fois, dit-on.

Très tôt, en cette période douloureuse de l’histoire du pays, Sète fut une porte vers la liberté. Juste avant l’armistice, Herbert Ford décrivait l’atmosphère qui régnait à Sète lorsque John Weidner et Gilbert Beaujolain y parvenaient en vue de passer en Angleterre : « An air of tension gripped the little port city as they droveth rough the streets. It was as though everyone knew Sète had suddenly become one of the last doors of escape to freedom » 10.

Voici un aperçu de ces départs pour l’Angleterre sur lesquels je reviendrai en détail dans de prochains articles.

Sète, 24 et 27 juin : Évacuation de l'armée tchécoslovaque

Après sa reconstruction à Agde : l'engagement dans la débâcle...

Avec Marseille et Port-Vendres, Sète fut « une porte » pour rejoindre l’Angleterre que les soldats tchécoslovaques – rescapés des combats et ceux restés à Agde, volontaires pour partir – empruntèrent le 24 juin et, in extremis, le 27. Sète, ils connaissaient puisque c’est au camp d’Agde, à quelques encablures, que l’armée nationale tchécoslovaque – dissoute depuis la proclamation du Protectorat de Bohême-Moravie, le 15 mars 1939 – put être reconstruite en France, après l’entrée en guerre, avec des volontaires et des mobilisés dès septembre 1939 11. En juin 1940, elle était constituée d’une part par une Division d’Infanterie d’environ 11 400 hommes 12. commandée par le général Rudolf Viest, un slovaque anti-fasciste 13. Il avait pris ses fonctions le 15 janvier et avait installé son état-major à Béziers courant mars 14 ; des unités étaient disséminées dans la région. D’autre part, elle comptait une escadrille d’aviation d’environ 800 pilotes hautement qualifiés et autres spécialistes 15. Le général Ingr 16, membre du Comité national tchécoslovaque 17 – tout comme Viest – en est le commandant en chef et finira aussi par devoir s’installer à Béziers « pour prendre toutes les mesures nécessaires » afin de sauver l’armée tchécoslovaque 18. (Fig. 3)

Velitel’ I. čs. divizie vo Francúzsku generál Rudolf Viest (vpravo) so štábnym kapitánom

Pospíšilom (vlavo) na velitel’stve divízie v juhofrancúzskom meste Béziers v januári 1940

Le général Rudolf Viest à son bureau de l’état-major de la Division tchécoslovaque, en janvier 1940 à Béziers (Coll. particulière)
Fig. 3 - Le général Rudolf Viest à son bureau de l’état-major de la Division tchécoslovaque, en janvier 1940 à Béziers (Coll. particulière)

Les 5 et 8 juin, depuis les gares d’Agde et de Pézenas 19, deux régiments – sur les trois que comptait la Division – soit 5 000 hommes parmi les mieux formés sont partis dans des wagons de marchandises. Ils sont d’abord envoyés en Côte-d’Or près de Montrigny-sur-Aube et d’Autricourt pour y parfaire leur entraînement 20. Mais devant l’avancée des troupes allemandes, ils sont envoyés sur le front sous le commandement du général Jaroslav Znamenaček-Čihac 21 bien qu’étant en manque d’effectifs, de matériel et surtout de munitions !… 22 Dès lors, les deux régiments sont chacun affectés à des Corps de l’armée française. D’emblée ils se retrouvent emportés par la débâcle de juin 40 et ils durent bien vite, devant la force mécanique écrasante et malgré des combats courageux en retardement aux côtés des unités françaises, se replier sur la Loire. Le 16, ils sont à Gien en flammes, submergé par le flot de réfugiés ; la ville est prise à 22 heures sauf le pont. Le 17, ils doivent défendre une position sur le fleuve alors que le maréchal Pétain, à la suite de la démission de Paul Reynaud à la présidence du Conseil, vient d’annoncer à la radio « il faut cesser le combat » et qu’une demande d’armistice a été faite auprès du Reich. « Ils étaient les derniers à se battre, les unités françaises s’étant rendues l’une après l’autre » 23.

…et le 17 juin : le difficile retour à Agde et Sète pour rejoindre l'Angleterre

Les intentions de sortir de l’ornière et de gagner l’Angleterre sont alors très vite formulées dès ce 17 juin par le commandement tchécoslovaque. Surtout qu’en cas de capture c’est le peloton d’exécution pour haute trahison qui se profile car pour les Allemands, ils étaient devenus des citoyens du Reich ! Le général Viest informé par les généraux Antonín Hasal (alias Nizborsky) et Alois Vicherek (alias Slezak) de la situation écrit dans ses carnets à la date du 17 : « En fonction de l’évolution de la situation (que nous ne connaissons pas suffisamment bien ici), nous devrions immédiatement entamer des négociations avec l’Angleterre pour déclarer nos unités militaires comme faisant partie de l’armée anglaise et les faire transporter en Grande-Bretagne. J’ai donné mon accord » 24. Il souligne que la demande d’arrêter les combats annoncée par le maréchal Pétain à la radio, sans qu’un armistice ne soit encore signé, avait « provoqué un grand malaise » 25. Il fallait faire vite pour soustraire les soldats tchécoslovaques d’un accord en vue. Et pour que cela soit faisable il fallait défaire le lien qui unissait les soldats de leur engagement militaire. C’est ce que vont s’employer à faire les généraux Ingr et Faucher 26. Ils « négocient avec le gouvernement français pour délier à temps les soldats de leurs obligations militaires, et permettre ainsi leur évacuation » 27. À la date du 18, Viest notait que le commandant Jan Vastl (commandant le bataillon de radio et télégraphie qui était basé à Montpellier) avait pu rejoindre Angoulême et lui signale que les Polonais sont dirigés vers les ports de l’Ouest. Cette unité sera prochainement embarquée depuis Bordeaux. Au terme de marches forcées, harassantes, jours et nuits, les soldats tchécoslovaques parviendront tant bien que mal depuis la Dordogne à Agde et Sète où des navires dépêchés par les Britanniques les embarqueront. Edvard Beneš, Anthony Eden, Sir Archibald Sainclair, la Royal Navy, s’y sont employés… 28 (Fig. 4)

Le 1er Régiment d’Infanterie tchécoslovaque s’embarque pour le front - probablement le 8 juin 1940 en gare de Pézenas dans des wagons de marchandises. (Coll. particulière)
Fig. 4 - Le 1er Régiment d’Infanterie tchécoslovaque s’embarque pour le front - probablement le 8 juin 1940 en gare de Pézenas dans des wagons de marchandises. (Coll. particulière)

Une évacuation dans les incertitudes de l'armistice

Les archives du Service historique de la Défense lèvent un début de voile sur l’opération d’évacuation des troupes tchécoslovaques qui s’est déroulée dans la fébrilité et les incertitudes de la demande d’armistice.

Le commandant du Front de Mer à Sète a dû procéder à des annulations de départs, à des transbordements de dernière minute et à des changements de destination. Plusieurs récits dignes de foi, des témoignages, des ouvrages, les archives de la Marine, deux sites internet exceptionnels se recoupent pour finalement laisser entrevoir l’intensité de ces trois jours d’évacuation à Sète. Durant ces journées de sauve-qui-peut – auxquelles s’est entremêlée l’opération d’évacuation sur l’Afrique du Nord de l’Amirauté française et du gouvernement au cas ou les conditions d’armistice auraient été inacceptables 29 – des navires ont été dépêchés à Sète et à Port-Vendres : destroyers, contre-torpilleurs, paquebots, cargos, vapeurs, britanniques, égyptiens, l’un plein de poussière de charbon déchargé à Marseille ; des petits cargos mixtes avaient été positionnés par l’amiral sud 30 ; l’un des destroyers britannique avait reçu l’ordre de se rendre à Sète pour organiser l’évacuation des troupes tchécoslovaques. Les navires se sont amarrés sur les quais – l’un d’eux a dû rester au large, son tirant d’eau étant trop grand – le temps que les soldats déposent leurs armes, que tout le monde prenne place à bord et que d’autres soient transbordés en pleine mer. Le temps pour d’autres de discuter âprement l’accord d’être aussi du voyage. Si « le quartier général ne fit aucune difficulté, par contre comme l’a souligné Edvard Beneš, les autorités locales ne firent preuve d’aucune compréhension, en partie parce que les communications et la machine administrative étaient déjà en plein chaos » 31. Ce ne fut pas simple ni sans heurts entre personnes.

Des aviateurs polonais, des officiers belges en ont bénéficié

La présence d’aviateurs polonais à bord des navires partis de Sète est attestée. D’une manière générale, l’armée de l’air polonaise et pour ce qui concerne le personnel non navigant et les pilotes non confirmés furent dirigés sur Port-Vendres les 20, 21 et 22 juin et à Marseille à bord de véhicules pour le personnel roulant en vue d’embarquer pour Oran. Cependant sur le Vieux Port il y avait embouteillage, peu de navires au départ et un bombardement italien avait fait des dégâts 32. Aussi ils auront profité des navires britanniques affrétés pour l’évacuation de l’armée tchécoslovaque ou même ils se seront déplacés sur Sète 33. Sur les quais de Sète, des officiers belges interpellaient des patrons pêcheurs et des commandants de bord « en quête d’un navire qui consentît à les mener hors de France. Tous les commandants refusaient. Finalement, le patron d’un charbonnier les admit à son bord, mêlés à un fort contingent de troupes tchèques. Encaqués dans l’entrepont, rationnés en eau potable […] jusqu’à Gibraltar. […] » 34. Parmi eux : Albert Guérisse, avec douze officiers belges. Des civils, ont également été du voyage : personnel et famille avec leurs enfants des consulats, de la légation et du Comité tchécoslovaque à Paris, des réfugiés. Des républicains espagnols ont pu aussi s’embarquer.

Le 24 juin, le général Viest montait à bord du paquebot Mohamed Ali el Kebir et arriva à Liverpool le 8 juillet 35. Jan Kubiš et Jozef Gabčík, deux soldats tchécoslovaques parmi beaucoup d’autres sont de ceux qui depuis la Dordogne ont pu prendre un autocar affrété par le général Faucher, le grand ami de la Tchécoslovaquie. Ils sont parvenus à Sète le 26, au lendemain de l’entrée en vigueur de l’armistice ! Dans son journal Jan Kubiš a noté : « J’espère qu’il n’est pas trop tard pour nous évacuer ; les Français nous demandent nos armes pour les donner aux Allemands. On a déjà vécu cela une fois chez-nous, il n’est pas question qu’on rende nos armes » 36. Finalement le 27, Jan et Jozef filent sur Gibraltar à bord du Rod el Farag un cargo égyptien dépêché in extremis par les Anglais et parviennent à Liverpool. Le 27 mai 1942, Jan Kubiš et Jozef Gabčík élimineront à Prague Reinhard Heydrich, le « Protecteur du Reich » en Bohême-Moravie, le « boucher de Prague » ; l’un des principaux artisans de « la solution finale » et organisateur des exterminations par balle. Il aimait le violon et les opéras ; une histoire de famille. Les représailles furent atroces… Il ne reste rien du village de Lidice… (Fig. 5)

Le Rod el Farag à quai à Port-Vendres, pour l’embarquement de troupes. (Coll. particulière)
Fig. 5 - Le Rod el Farag à quai à Port-Vendres, pour l’embarquement de troupes.
(Coll. particulière)

Cette opération d’évacuation des troupes tchécoslovaques aura mobilisé 39 navires et permis d’évacuer plus de 4 400 militaires et 480 civils tchécoslovaques ainsi que des aviateurs qui allaient intégrer les escadrilles de la Royal Air Force 37, tout comme les Polonais et les Belges comme on le verra. Les détails de cette opération d’évacuation à Sète seront décrits dans le prochain article.

Sète, 18 novembre 1940 : des militaires polonais démobilisés tentent d'embarquer

Ce dix-huit novembre en début d’après-midi, deux inspecteurs de la Sûreté de l’État font irruption sur le pont de la Marie-Thérèse amarrée sur le quai Aspirant Hébert à Sète : «  Police ! Papiers !  » Trois personnes s’affairaient dans l’attente d’une autorisation d’appareiller d’un jour à l’autre pour Port-Vendres pour aller pêcher. Puis après quelques questions et une fouille à bord : «  Suivez-nous !  » Les deux camarades de lycée à Quimper et démobilisés : René Poujade, vingt-ans, Raymond Canvel, dix-neuf ans, et un certain Roger Marechal, vingt-neuf ans, réfugié de Nancy, propriétaire de l’embarcation sont emmenés au commissariat. Interrogés ils reconnurent avoir voulu en fait se rendre à Gibraltar pour s’engager dans l’armée de De Gaulle et continuer la lutte contre l’Allemagne. Inculpés de « complot contre la sécurité de l’État », ils passent la nuit au poste et le lendemain ils sont emmenés à la prison centrale de Montpellier avant d’avoir à passer devant le général Altmayer, commandant la 16e division militaire. Ce que la police ne saura pas, c’est que les deux jeunes bretons et Marechal en reconnaissant leurs propres intentions, couvraient la réalité de l’opération : embarquer d’ex-militaires polonais depuis la plage des Onglous à Frontignan. Le secret aura été bien gardé. Cependant, René Poujade apprit au commissariat par un jeune agent de police qu’ils avaient été « donnés » ! Les documents du procès de l’officier polonais, instigateur de cet embarquement, auprès du tribunal militaire de Montpellier en février 1942 représentent près de cent pages de dépositions de témoins, d’interrogatoires, de confrontations qui font toute la lumière sur cette opération et viennent compléter, infirmer certains aspects du récit de René Poujade.

À 95 ans, René Poujade 38 n’a rien oublié de ce qu’il a vécu pendant plus d’un mois à Sète. Il en a fait un récit. Il a témoigné par « devoir de mémoire » pour son camarade Raymond Canvel incarcéré le 13 février 1941, mort d’épuisement et de faim dans une geôle nazie le 16 août 1944, abandonné, sans le moindre soin, atteint de tuberculose. Sur la porte de sa cellule d’isolement à Remscheid, il avait écrit : « Ici commence la France Libre ». Une rue de Quimper porte son nom. Un prochain article sera consacré à cette tentative d’embarquement clandestin à Sète.

Les Polonais avaient aussi refusé toute idée d'armistice comme les Tchécoslovaques

Dès le 15 juin, les Polonais avaient clairement fait savoir à Paul Reynaud, lors d’un échange avec Auguste Zaleski, ministre des Affaires étrangères, qu’ils n’accepteraient pas d’armistice. « Quelle que soit la décision du gouvernement français, je puis dès maintenant vous dire que le gouvernement polonais et son armée ne capituleront pas. Si vous décidez de demander un armistice, combien de temps auront-nous pour quitter la France ? – Trois à quatre jours au maximum, répondit Reynaud. » 39. De plus, l’armistice contrevenait aux accords passés en septembre concernant la constitution de l’armée polonaise en France et qui précisaient « de ne conclure d’armistice ou de traité de paix que d’un commun accord avec le gouvernement polonais » 40.

Entre le 19 et le 25 juin, une vaste opération d’évacuation des combattants polonais qui avaient reçu la directive de gagner par tous les moyens – après destruction du matériel – la côte atlantique fut mise en place conjointement entre Churchill et Sikorski qui lui avait signifié sa détermination à poursuivre le combat. Les navires de la Royal Navy, ceux de la marine polonaise purent ainsi embarquer 20 000 soldats 41. Le gouvernement français « n’accorda pas l’aide demandée pour l’évacuation des troupes » 42. Seul le général Faury 43, grand ami de la Pologne – à l’égal du général Faucher pour la Tchécoslovaquie -, reprit du service pour apporter son concours à ces embarquements.

À Montpellier, des officiers belges servaient de relais à des compatriotes

Osséja – Castella-de-Nuc (Espagne), 18 juillet 1941.

Ce 18 juillet 1941, Perez, 41 ans, terrassier à Prades (Pyrénées-Orientales) avec un autre ouvrier employé dans une soierie a pris dans sa voiture quatre hommes ; il les conduit à Osséja. Là, guidés par un bûcheron qui connaît bien le coin, ils ont parcouru la montagne et après plus de six heures de marche sont arrivés à Castella-de-Nuc en Espagne. Les quatre officiers belges ont payé chacun 2 000 fr., tout compris : frais d’essence, repas, hébergement, prime de risque, etc., même le service et les taxes, mais sans justificatifs !… On ne sait pas trop comment mais tout ce petit monde a été arrêté par la gendarmerie d’Osséja 44. Parmi les quatre belges, un dénommé Neve Joseph, capitaine, commandant dans l’armée belge 45. En examinant leurs papiers – des ordres de missions – la police a pu identifier d’où ils étaient partis : Montpellier !… Et c’était un certain colonel Sevrin 46 qui les avait signés : « Ils sont tous quatre munis d’ordres de mission de l’Office des dépôts de matériel belges en France (Compagnie Administrative de la Direction de Montpellier) signés par le colonel Sevrin » 47. Quelle idée de garder dans ses poches des papiers compromettants ! Cette tentative de quatre militaires belges, qui espéraient sans doute rejoindre le Portugal est facilitée par des officiers belges à Montpellier qui servaient de relais pour leurs compatriotes évadés de camps de prisonniers – surtout des aviateurs – cherchant à gagner la Grande-Bretagne. En effet, dès la fin mai 1940, les Troupes de Renfort et d’Instruction belges (les TRI) qui s’étaient réparties dans le sud de la France entre Toulouse et Nîmes installèrent leur état-major à Montpellier avec l’autorisation de la 16e région militaire. Le matériel de l’armée belge qui avait suivi fut entreposé au mas de Bosc à Baillargues sous le commandement du colonel Sevrin. Plus tard, la Sûreté de l’État belge en exil à Londres sera aussi présente à Montpellier au travers de l’agent Pierre Bouriez et de son réseau Sabot48. Un prochain article sera consacré au rôle joué par des officiers belges à Montpellier en faveur de leurs compatriotes, aviateurs belges ou évadés des camps de prisonniers. (Fig. 6)

Le château de Bosc, au sud de Baillargues, abritait le dépôt de matériel belge. (Coll. particulière)
Fig. 6 - Le château de Bosc, au sud de Baillargues, abritait le dépôt de matériel belge. (Coll. particulière)

Une Sétoise organisait des embarquements en lien avec un commandant belge

Tôt ce matin de juin 1941, ils avaient pris le train depuis Sète pour Montpellier et s’étaient occupés de différentes choses au centre ville. Germaine Poulitou 49 et son ami Roca un ancien capitaine de la marine marchande espagnole sont allés déjeuner vers les halles. En milieu d’après-midi en descendant la rue de la Loge des policiers les interceptent. Vérification d’identité, les policiers de l’État français leur demandent de les accompagner au commissariat ; à la suite de leur interrogatoire, ils sont déférés au parquet de Montpellier.

Après une nuit au poste, Germaine Poulitou est inculpée de « Propagande Gaulliste » et prendra six mois d’emprisonnement, 10 000 frs d’amende ; aucune charge contre Roca. Lors de son interrogatoire, elle n’a rien révélé des raisons de sa présence à Montpellier : « Bien entendu, j’ai été interrogée et harcelée de questions au sujet de mes relations avec le Commandant Frère, mais ils se sont trouvés en présence d’un mutisme complet » et pour cause : « J’avais expliqué au Commandant Frère mon prochain « embarquement », je devais prendre 120 Belges et il devait le lendemain me donner l’argent pour terminer l’opération » 50. Le commandant Frère appartenait au bureau de liquidation militaire belge à Montpellier. Visiblement, la police n’avait pas les preuves formelles de sa participation comme organisatrice – avec Roger Marechal qui réapparaît -, à la tentative d’embarquement de 21 jeunes gens début février 1941 au Môle Saint-Louis – L’opération avait été éventée par un patron-pêcheur – ni même probablement les preuves de la tentative de vol du puissant remorqueur Le Strasbourg dans la nuit du 27 au 28 mars 1941.

Germaine Poulitou n’est pas la seule à avoir connu le commandant Frère. Il y a aussi un certain « Doc Adam » 51, un Belge, ainsi qu’il se faisait appeler. En août 1941, Albert Adam vient de terminer ses études de médecine. Il se retrouve à Montpellier après un parcours invraisemblable pour essayer de rejoindre l’Angleterre en vain. Mais il n’y renonce pas. Il vit comme un vagabond tenaillé par la faim. « Ni viande, ni céréales, ni agrumes n’approvisionnent la ville ». Boire est essentiel ; c’est encore faisable et ça mène au… commandant Frère : « Buvant à un jet d’eau public, à deux pas, je vois un drapeau belge flottant sur une villa. J’y sonne. Je demande où l’on peut trouver des officiers liquidant les dépôts. – J’en suis un me répond l’homme. Le commandant Frère, brave type sous des dehors vieux pirate, d’autant qu’il est borgne et porte un bandeau noir sur l’œil » ! Il lui offrira une assiette de macaronis…

Un prochain article sera consacré à l’action de la sétoise Germaine Poulitou. (Fig. 7)

Germaine Poulitou-Thibout. (Source : dossier individuel, Service historique de la Défense)
Fig. 7 - Germaine Poulitou-Thibout. (Source : dossier individuel, Service historique de la Défense)

Sète, 22-23 juin : John Weidner et Gilbert Beaujolin. Un jour trop tard !

Le 22 juin, un Parisien et un Lyonnais étaient arrivés à Sète espérant trouver eux aussi un navire pour l’Angleterre.

John Weidner, un Hollandais d’origine juive, membre de l’Église adventiste à Paris fuit, ce 10 juin, l’avance allemande en empruntant des routes secondaires pour éviter les encombrements de l’exode. Il est hanté par les atrocités commises par les Allemands en Belgique pendant la Première Guerre. À Lyon, il a retrouvé son vieil ami Gilbert Beaujolin. Animés par le même rejet de la domination nazie, ils se dirigent résolument vers le sud, à Anduze. Le 14 juin, les Allemands sont entrés dans Paris. Leur décision est vite prise : ils décident de filer à Sète pour prendre un bateau et se rendre en Angleterre où ils trouveront à se rendre utiles. Ils y sont arrivés dans la journée du 22 juin – en pleine opération d’évacuation. Après plusieurs interpellations sur les quais ils finissent par trouver un accord avec le capitaine d’un navire anglais qui leur donne rendez-vous pour le lendemain matin. Les deux amis sont allés dîner, pessimistes sur la situation présente mais satisfaits de la perspective qui s’offre à eux. C’est alors que pendant le repas ils apprennent par la radio la signature de l’armistice !… Le lendemain matin le navire avait filé… à l’anglaise dès la nouvelle tombée sur les ondes ! Les portes vers la liberté étaient en train de se fermer 52. Gilbert Beaujolin deviendra cofondateur du réseau Amitié Chrétienne, puis membre du réseau Alliance53 et son chef en 1944 ; son ami John Weidner, deviendra à partir de novembre 1940, le chef du réseau d’évasion Dutch-Paris54 dont il a été l’un des cofondateurs, et sauvera de nombreux Juifs et aviateurs alliés en les acheminent de la Hollande vers l’Espagne, en passant les Pyrénées via Toulouse.

25 juin 1940 : plus « aucune action hostile contre le Reich »

À partir du 25 juin tout change radicalement après la signature d’un armistice avec l’Italie – condition imposée par Hitler qui avait calmé les ambitions de Mussolini afin de ne pas compromettre un armistice honorable par la France. C’est la date d’application de la convention d’armistice autrement dit le début d’une collaboration. Dès lors, fini de rigoler, il est interdit de quitter le territoire : « Le gouvernement français s’engage à n’entreprendre à l’avenir aucune action hostile contre le Reich allemand […]. Le gouvernement français empêchera également les membres des forces armées françaises de quitter le territoire français […]. Le gouvernement français interdira aux ressortissants français de combattre contre l’Allemagne au service d’États avec lesquels l’Allemagne se trouve encore en guerre. Les ressortissants français qui ne se conformeraient pas à cette prescription seront traités par les troupes allemandes comme francs-tireurs » 55. Cela s’appliqua également aux étrangers ayant servi dans les armées alliées (Tchécoslovaques, Polonais) et également aux Belges 56. Et si on quitte le territoire ce sera en clandestin avec les risques inhérents… De Gaulle passa pour un traître et fut condamné à mort par contumace… Les soldats tchécoslovaques « passés à la solde de l’Angleterre » qui avaient en octobre 1940, osé maintenir une correspondance avec des habitants d’Agde furent comparés au général – ce qui fut tout à leur honneur – par le commandant du camp qui avait eu connaissance de leur courrier outré par leur contenu dans lequel écrira-t-il, ils reprenaient « tous les arguments de la propagande de Gaulle ». Il demanda de faire saisir et censurer à l’avenir toute la correspondance venant d’Angleterre !… 57.

Pour terminer cette large introduction ajoutons que, comme le fait remarquer le Commissaire de police en octobre 1940, si « depuis l’armistice, Sète est un lieu de passage fréquent d’individus de toutes nationalités, désireux de quitter la France par tous les moyens […] ». Sète n’est pas isolé – ce serait contradictoire avec sa vocation portuaire -, et son activité clandestine est souvent en inter-réaction avec l’ensemble de l’arc méditerranéen, Port-Vendres et surtout Marseille. On vient par exemple à Sète parce qu’on a échoué sur le Vieux-Port. On vient de partout et de loin. Quand on a quinze, vingt-ans tout est possible. Trois sous en poche, un au revoir à la famille, une bicyclette et on part vers le sud depuis la Belgique ! Là-bas c’est en zone-libre et on ne doute pas de pouvoir trouver une embarcation pour voguer vers l’Angleterre. Tout le golfe du Lyon, du Cap d’Ail à Port-Vendres a été le lieu d’embarquements mais aussi de débarquements d’agents, de radiotélégraphistes ou de résistants de retour de Londres. On peut se faire une idée précise de ces missions organisées par le SOE, le BCRA, l’IS, les Polonais en exil, en consultant l’ouvrage de Sir Francis Brooks Richards, Flottilles secrètes. Les liaisons clandestines en France et en Afrique du Nord, 1940-1944 paru en 2001 58.

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1. MICHEL 1956.

2. VIADIU 2000, p. 45.

3. AD Hérault, 1000 W 281, Surveillance de la navigation. Le Commissaire spécial de Montpellier au préfet, le 18 octobre 1940 : « […] vers deux heures du matin, quatre individus non identifiés, avaient enlevé à Palavas, le bateau de 3 tonneaux « Aléa » […] et s’étaient ensuite dirigés vers le large où ils auraient été recueillis par un cargo. […] le 11 octobre 1940, vers 21 heures, 4 hommes et une femme, paraissant être des Israélites, se sont présentés au café Borie […] l’un des individus […] a écrit trois lettres […] qu’il a confiées à la tenancière […] ».

4. BOULADOU 1992 évoque sommairement la présence d’officiers belges à Montpellier et quelques embarquements clandestins dans le Chapitre II.

5. Guérisse, Albert, (Bruxelles 1911-Waterloo 1989), médecin militaire. Le 30 mai, il parvint à embarquer à Dunkerque avec des Anglais. Le 4 juin, il revient en France aux Sables d’Olonne pour une mission impossible de regroupement des forces belges ; pour éviter d’être fait prisonnier il doit se diriger dans le sud vers Sète avec des officiers et aviateurs belges où il embarquera avec les soldats tchécoslovaques sur un charbonnier anglais, le Northmoor. Il reviendra en avril 1941 au large de Collioure à bord du HMS Fidelity (ancien paquebot français Le Rhin) comme agent du SOE, capitaine de Corvette et sous l’identité d’un canadien français Patrick O’Leary. Le 26 avril en pleine nuit, après avoir débarqué des agents il devait embarquer depuis le port de Collioure quinze Polonais ; Les douaniers firent irruption et l’arrêtèrent en pleine mer. Il sera conduit à la prison de Saint-Hippolyte-du-Fort dans le Gard. Évadé, il dirigera depuis Marseille avec Ian Garrow la ligne Pat O’Leary jusqu’en mars 1943 lors de son arrestation à Toulouse. Voir https://conscript-heroes.com/index.html ; également Brooks Richards, Flotilles secrètes (Voir bibliographie). Réseau Pat O’Leary, Arch. Nationales, https://francearchives.gouv.fr/fr/facomponent/f1ee299b8e100fa1df81ceb38f1ebde69352ce48.

6. BAUMEL, p. 25. Juriste et historien, docteur en droit et docteur ès lettres ; Secrétaire général de la mairie de Montpellier, Inspecteur général de l’Économie nationale ; Résistant, déporté à Auschwitz (mars 1944-mai 1945).

7. Réseau créé en juin 1941, par les Belges Andrée De Jongh, Arnold Deppé et aidé par Frédéric De Jongh. http://www.evasioncomete.org/ Façade atlantique, de la Belgique à Bilbao.

8. COSTAGLIOLA, pp. 50-51.

9. La séance, qui se tenait Cours Anatole-France, était présidée par le questeur de l’assemblée, Édouard Barthe, député de l’Hérault. Voir L’Aurore du 4 octobre 1944, « Le journal de bord du « Massilia », I. Bordeaux en désarroi » présenté et commenté par Gabriel Delattre, passager du Massilia. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4125352w/f1.item.zoom.

10. FORD, p. 44. Dans cet ouvrage l’auteur décrit notamment la « descente » à Sète depuis Paris, quelques jours avant l’armistice, de John Weidner et de son ami Gilbert Beaujolin. Texte de la version française : « Dans la petite ville, on sentait une tension comme si elle s’était brusquement rendu compte de son rôle de dernière porte ouverte sur la liberté. » Gilbert Beaujolin deviendra co-fondateur du réseau Amitié Chrétienne, puis membre du réseau Alliance et son chef en 1944 ; son ami John Weidner, deviendra à partir de novembre 1940, le chef du réseau d’évasion Dutch-Paris dont il est l’un des co-fondateurs, et sauvera de nombreux juifs et aviateurs alliés en les acheminant de la Hollande vers l’Espagne, en passant les Pyrénées via Toulouse.

11. CHASTAGNOL.

12. MARES. 8 169 mobilisés et 3 326 volontaires.

13. Viest, Rudolf (24 septembre 1890 à Revúca – octobre 1945, déclaré mort – probablement décédé en février 1945 à Flössenburg). Arrivé en Angleterre il occupera diverses fonctions au sein des différents gouvernements en exil d’Edvard Beneš, reconnu par les britanniques le 21 juillet 1940 : 23 juillet, secrétaire d’État au ministère de la Défense nationale (le général Ingr est ministre de la Défense nationale) ; 12 octobre 1940, membre du Conseil d’État à Londres ; 27 octobre 1941, il est ministre d’État ; à partir de mai 1942, il est sous-ministre de la Défense nationale ; il participe à l’organisation des forces militaires tchécoslovaques à l’étranger et à leur déploiement sur les fronts de la Seconde Guerre mondiale. En 1944, il est commandant de la 1ère armée tchécoslovaque lors du soulèvement national. Capturé en novembre 1944 par l’armée allemande avec le lieutenant-colonel Ján Golian ils sont transportés à Berlin, sur ordre de Himmler. Après interrogatoire, il est condamné à mort. Date et lieu incertains. Il avait été le seul général slovaque pendant l’entre-deux-guerres dans la première République tchécoslovaque.

14. CHASTAGNOL, « transfert à Béziers décidé et signalé au sous-préfet de Béziers le 5 mars 1940 », Arch. dép. Hérault, 12 W 754, dossier « Cérémonies », p. 50.

15. BENEŠ, p 91 : lettre à Sir Archibald Sinclair, 18 juin 1940, « On découvrit plus tard qu’ils étaient plus de 1 000. »

16. « Le général Ingr [Sergej Jan – ndlr] était né en 1894 en Moravie, non loin du village natal de Masaryk. Parti en 1914 comme simple soldat, il termine la guerre à la tête d’un bataillon de légionnaires en Italie après avoir servi dans la division des volontaires serbes, puis dans les légions de Russie et de France. En 1938, il est sous-chef d’état-major de l’armée. En 1939 il rejoint le président Beneš à l’étranger. Il fera partie du Comité national tchécoslovaque chargé de présider à l’organisation des troupes tchécoslovaques en France, puis, comme ministre de la défense nationale, du gouvernement provisoire de Londres ; il s’y trouve avec un autre officier légionnaire, le général Viest, un Slovaque, disparu en 1944 en Slovaquie où il avait été envoyé pour commander l’armée insurrectionnelle. Avec Ingr disparaît l’une des plus belles figures du corps d’officiers des légions tchécoslovaques de la première guerre mondiale », « Le général Ingr » [décédé le 17 juin 1956 à Paris – ndlr] par le général Faucher, du cadre de réserve, dans Le Monde du 23 juin 1956. https://www.lemonde.fr/archives/article/1956/06/23/le-general-ingr_2259200_1819218.html.

17. Le Comité national tchécoslovaque (CNT), est reconnu le 17 novembre 1939 à Paris. Il comprenait : Edvard Beneš (ancien président de la République tchécoslovaque, en exil à Londres), le Général Sergej Jan Ingr (commandant en chef de l’armée nationale tchécoslovaque en France), Štefan Osuský (ambassadeur), Eduard Outrata, Hubert Ripka, Juraj Slávik, Msgr Jan Šrámek, le général Rudolf Viest, (5 tchèques, 3 slovaques). Il sera l’embryon du gouvernement tchécoslovaque en exil (9 juillet 1940, reconnu par les Britanniques le 21).

18. BENEŠ, p. 91, lettre à Anthony Eden, 18 juin 1940 : « Les chefs militaires de notre armée feront, bien sûr, tout le nécessaire pour sauver l’armée en vue du combat ultérieur. […] ».

19. CHASTAGNOL, p. 78 : « le premier régiment était stationné à Pézenas depuis le 15 mars et a pris le train dans cette ville le 8 juin », Arch. dép. Hérault, 12 W 754, Dossier « Cérémonies ».

20. Idem.

21. Jaroslav Čihák (1891-1944), nom de couverture Znamenáček.. A combattu dans la légion tchèque en Russie pendant la première guerre mondiale. Il a organisé la résistance anti-nazie avant de partir pour l’Ouest en 1940. Il devient président de la Croix-Rouge tchécoslovaque en Grande-Bretagne. Čihák a été membre du Conseil d’État pendant les années 1941-1944 : VIEST, p. 111, note 72.

22. CHASTAGNOL, p. 78.

23. BENEŠ, p. 93.

24. VIEST, p. 36.

25. Idem.

26. Général Faucher, Louis, Eugène, (Saivres, octobre 1874 – Saint-Maixent-L’École, mars 1964). Chef de la mission militaire française en Tchécoslovaquie en 1926. Le 23 septembre 1938, il démissionne de ses fonctions pour protester contre les accords de Munich et se met à la disposition du gouvernement tchécoslovaque. En septembre 1939, il est commandant de la mission d’organisation des troupes tchécoslovaques en France et aide à organiser les unités au camp d’Agde et dans la région. Chef de l’Armée secrète pour le Sud-Ouest, membre de « Libération Nord », il est arrêté à son domicile fin janvier 1944 par la Gestapo. Il est déporté comme « Personnalité Otage » à Bad-Godesberg puis à Plansee.

27. CHASTAGNOL, p. 84.

28. Edvard Beneš, l’un des fondateurs de la Tchécoslovaquie avec Tomáš Masaryk (1850-1937) ; président de la République tchécoslovaque de 1935 à 1938, puis de 1939 à 1948 ; démissionna après les accords de Munich et partit en exil à Londres. Anthony Eden (juin 1897-janvier 1977), ministre de la guerre en 1940 puis secrétaire aux Affaires étrangères de la fin 1940 à 1945 dans le cabinet de Churchill. Sir Archibald Sainclair (1890-1970), secrétaire d’État de l’Air quand Churchill devint premier ministre le 10 mai 1940 et jusqu’en mai 1945. Voir : « Edvard Beneš, Conscience tchécoslovaque », Le Monde, 2 février 2015. https://www.lemonde.fr/livres/article/2015/02/05/edvard-benes-conscience-tchecoslovaque_4570192_3260.html.

29. CAROFF, pp. 266-268, messages de l’Amirauté françaises des 19 et 20 juin 1940. Le départ du gouvernement sur Port-Vendres via Perpignan fut « contremandé » le jour même, soit le 20. Cet épisode sera abordé lors du prochain article.

30. Jean-Pierre Esteva (1880-1951).

31. BENEŠ, p. 94.

32. FRANCIA.

33. Le 21 juin, un avion d’Air-Afrique avait transporté depuis Montpellier-Fréjorgues pilotes et mécaniciens polonais à Perpignan.

34. JULLIAN, p. 7-8, Souvenirs recueillis auprès du Lt Cmdr Pat O’Leary (de son vrai nom : Albert Guérisse).

35. BYSTRICKÝ, p. 42. En 1940, le ministère des transports britanniques avait réquisitionné plusieurs navires dont le Mohamed Ali el Kébir. L’Amirauté après l’avoir utilisé comme navire ravitailleur l’avait converti en transport de troupes. Le Mohamed Ali el Kébir a rejoint à Gibraltar un convoi de douze navires partis le 28 et arrivés le 8 juillet.

36. Opération Anthropoïde – Éliminer le SS Heydrich, un film de Jarmila Buzkova avec la participation de France Télévisions, 2013, https://www.dailymotion.com/video/x2hkv0j. Voir aussi : Atentát na Heydricha – Príbeh Jozefa Gabčíka a Jana Kubiša (Attentat contre Heydrich), Décembre 2015 : https://youtu.be/OfHuU9_nifw.

37. MARES, p. 26.

38. J’ai rencontré René Poujade en mai 2015 chez lui à Quimper.

39. CIECHANOWSKI, pp 16-17. L’auteur était ambassadeur de Pologne aux États-Unis (1941-1945).

40. BEAUVOIS 1989, p 155.

41. 24 000 Polonais, 5 000 Tchèques… et 163 Belges in RENS, p 53.

42. MEDRALA, p. 17.

43. Général Faury (1874-1947). Officier d’état-major. Nommé en 1919 à la mission militaire française en Pologne, il transformera en profondeur le processus de formation des officiers d’état-major et de l’École de guerre polonaise. Le 18 juin 1940, il reprend du service et contribuera de sa propre initiative à sauver la plupart des troupes polonaises de seconde ligne en les dirigeants vers la Loire et les ports de l’Atlantique où elles pourront évacuer. Voir MALISZEWSKI.

44. Arch. dép. Hérault, 1000 W 225, Propagande gaulliste dans l’armée belge. Le Commissaire principal de Bourg-Madame, 19 juillet 1941.

45. Idem, Les trois autres : Dubois Pol, Capitaine commandant dans l’Armée belge, Debefve Émile, Sous-Lieutenant de l’Armée belge, Pelsmarkers Albert, Adjudant de l’Armée belge.

46. Idem, Fernand Sevrin (1885-1961), colonel des TRI, chef du dépôt du Mas de Bosc à Baillargues.

47. Idem.

48. Voir GENET-ROUFFIAC, « Réseau Sabot », pp. 685-686. Outre le renseignement le réseau organisa des filières d’évasion : « Service colis », passage en Espagne et au Portugal, afin de rejoindre les forces combattantes alliées en Grande-Bretagne (Plus de 2 500 personnes en dix-huit mois) ; « Service Nanson », exclusivement réservé à l’évacuation des aviateurs belges (plus de 350 pilotes et mécaniciens qui continueront la lutte dans la RAF), « Service passeports » fournit faux papiers et visas (plus de 700 voyageurs irréguliers), situé à Lyon (Georges Oreel, consulat de Belgique – Arrêté le 17 juillet 1943 par quatre miliciens il parvient à leur fausser compagnie. Puis arrêter à nouveau, le 30 mai 1944, à Chambéry par la Gestapo avec des camarades. Plutôt que d’être torturé il se jette sur son gardien qui l’abat avec sa mitraillette. Trois mois avant la Libération et après avoir lutté pendant 4 ans. Serv. hist de la Défense, 16 P 295594, Lettre de son épouse, 31 janvier 1945 -, et Jacques Lagrange, Consulat des États-Unis). Pierre Bouriez aurait logé au 23 rue de la Garenne à Montpellier puis à Carnon-Plage. Il y avait plusieurs agents « Sabot » à Montpellier et un chef de service au sein de la préfecture. Pierre Bouriez (1906-1964) évadé d’un camp de prisonnier en juin 40, parvint à Marseille puis à Montpellier le 23 avril 1941 avec deux autres officiers ; le 6 mai 1941 il traverse les Pyrénées, atteint Gibraltar puis Glasgow le 12 juillet 1941 et signe un engagement dans les services spéciaux de la Sûreté de l’État belge. Pierre Bourriez est arrêté à Toulouse par la Gestapo, le 28 janvier 1943. Il est transféré à Compiègne puis Buchenwald puis Neuengamme. Libéré le 2 mai 1945. Il dira : « j’ai tenté de faire mon devoir comme j’ai pu parce que je n’ai jamais voulu capituler et que je ne pouvais accepter l’esclavage allemand. Mes deux patries, la France et la Belgique m’ont maintenant libéré. C’est tout ce que je demandais. Bruxelles, 8 décembre 1945 » (Serv. hist. de la Défense, dossier Pierre Bouriez, 16 P 82823. Dossier réseau, 17 P 209). Le réseau Sabot utilisa pour assurer la traversée des Pyrénéens des passeurs républicains espagnols – mouvance anarchiste – du groupe Ponzan Vidal. Ponzan fut exécuté par les Allemands le 17 août 1944 à Buzet-sur-Tarn ; son corps a été brûlé avec d’autres. Voir bibliographie : TELLEZ et TERRES.

49. Arch. dép. Hérault, 1000 W 225, Activités gaulliste, surveillance. Germaine Poulitou puis Thibout (née Bonhomme, Cette 1898 – Sète 1981), ex institutrice suppléante. A commencé ses activités dès juillet 1940.

50. Serv. hist. Défense, 16 P 70214, dossier individuel, Lieutenant Thibout (ex-Poulitou) Germaine : échange de courriers avec Charles Woeste, chef de la mission Belge de liaison à Paris après la guerre. Également, Arch. Nat, 72 AJ 2178, papiers Gemälhing.

51. Voir DOC ADAM.

52. FORD. Ce passage est la synthèse de la fuite à Sète racontée dans le livre.

53. GENET-ROUFFIAC, « Alliance », p. 122-123 ; Serv. hist. Défense, dossier chef de réseau Gilbert Beaujolin, 16 P 41525 et dossier individuel, 17 P 72, des illustrations.

54. GENET-ROUFFIAC, « Dutch Paris », p. 268-269 ; Serv. hist. Défense, dossier chef de réseaux John Weidner, 16 P 295755 ; dossier individuel, 17 P 115. À Toulouse, Marie Combes, membre du réseau à partir de 1942, a effectué environ trente convois d’évadés, soit trois cents Français, Hollandais ou aviateurs alliés.

55. Article 10 de la Convention d’armistice.

56. Arch. dép. Hérault, circulaire EMA du 29 juillet 1940 en application de l’article 10 de la convention franco-allemande d’armistice.

57. Arch. dép. Hérault, le chef de bataillon, commandant du camp d’Agde au chef de cabinet du préfet, Agde, le 24 octobre 1940.

58. Brooks Richards a fait partie de la section navale du SOE durant deux ans. Il fut donc un observateur privilégié de ces allers-retours maritimes.