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Description

Villeneuvette, une Manufacture en Bas-Languedoc

1 – La Porte monumentale

A trois kilomètres au sud-ouest de Clermont-l’Hérault, sur la route de Bédarieux, dans le frais vallon de la Dourbie, une allée de platanes plus que centenaires conduit à la porte monumentale de Villeneuvette. Sur le fronton on peut lire : « Honneur au Travail », sur le linteau : « Manufacture ».

C’est en 1677, deux ans après sa création par Pierre Bayle, fabricant de Clermont qu’elle obtient les faveurs du roi, sans devenir pour l’instant « royale », (ce titre n’apparaît qu’au début du XVIIIe siècle). Par lettres patentes Louis XIV autorise à prélever sur les paroisses voisines de Clermont et de Nébian une superficie de 315 hectares. Ainsi naît tardivement d’une manufacture, la dernière communauté du diocèse de Lodève sans consulat ni paroisse. Ces mêmes lettres exemptent les habitants des droits d’équivalent sur le vin, le poisson, la viande et autres denrées, ainsi que des « tutelles, curatelles, séquestres, logement des gens de guerre et autres charges personnelles ». Les textes l’appellent indifféremment Villeneuve-lès-Clermont, Villenouvette ou encore Villeneuvette. Cette dernière dénomination lui restera lorsqu’en 1821 elle deviendra la plus petite commune du canton de Clermont-l’Hérault. Mais dans cette seconde moitié du XVIIe siècle où elle fut fondée il est encore plus fréquemment question de la « Manufacture de Clermont ».

Sa création vient s’ajouter aux entreprises textiles déjà existantes qui, du Lodévois à la « Montagne de Carcassonne », placent le Languedoc au troisième rang des provinces textiles françaises après la Champagne et la Picardie. Elle répond, cependant, avec Saptes près de Conques, au diocèse, de Carcassonne, aux ambitions manufacturières que Colbert exprime dans sa lettre du 30 juillet 1676 à l’intendant du Languedoc d’Aguesseau. Ces manufactures ne sont pas les créations officielles elles résultent toutes deux, d’initiatives privées. Ici, le Clermontais Pierre Baille est le premier rassembleur de sétérées et le véritable fondateur. Mais, les promoteurs écartés, Colbert s’emploie à conforter les gens de finance qui, groupés en sociétés, prennent le relais. De cette aide aux entrepreneurs, qu’il veut puissants, comme en témoignent des interventions répétées auprès de l’intendant et des porteurs de capitaux, il attend en échange, le respect d’une réglementation vigoureuse et d’un bon voisinage. « Je vous prie de prendre un soin tout particulier — écrit-il à d’Aguesseau —, de vous faire informer de temps en temps et en toutes occasions de l’estat auquel elles sont, de tenir sévèrement la main que tous les réglements qui ont été faits soient exécutés ». La réglementation est la clé de voûte de sa politique. Rien ne lui est plus étranger que l’idée d’une libre concurrence entre les entreprises du royaume : « il faut prendre garde que… ces deux manufactures qui sont toutes deux très importantes se contiennent dans leur étendue et n’entreprennent rien l’une sur l’autre ». Seule une qualité, bien réglementée, peut permettre de ruiner une prépondérance anglo-hollandaise jusque-là incontestée au Levant et dans tout le bassin de la Méditerranée. Ainsi sera atteint le but que le contrôleur des finances de Sa Majesté s’est fixé : « tous les peuples qui y travaillent y gagneront leur vie » et « l’argent qui estait transporté du Royaume du Levant pour le commerce qui s’y fait diminuera continuellement ». La manufacture languedocienne que Colbert veut ouvrir au commerce extérieur — la création contemporaine du port de Cette répond au même souci —, doit déloger Anglais et Hollandais du Levant et mettre fin à la fuite ruineuse du numéraire vers l’Est.

Villeneuvette est en Bas-Languedoc
l’un des arsenaux de cette guerre d’argent que Colbert vient de déclarer.

Dans le cadre géographique plus réduit du Clermontais et du Lodévois, elle occupe une place originale. Là où des métiers dispersés travaillent des laines du pays pour la consommation intérieure, elle propose une concentration des opérations techniques qui garantit la qualité. Quant à la puissance financière des entrepreneurs, aux relations qu’ils entretiennent avec Paris et Marseille, principal port d’exportation vers le Levant, elles forceront le marché méditerranéen. Colbert y compte.

Plus tardivement, un « Estat des manufactures de draps et autres étoffes du Languedoc au département de Montpellier » de 1725 dégage la physionomie originale d’une manufacture devenue « royale ». Lodève au premier rang avec ses cent quarante fabricants comme Bédarieux travaillent les laines régionales du Biterrois au Roussillon pour équiper les domestiques en « pinchinas » et les troupes en « gris-blanc ». A Clermont, qui compte à cette époque seize fabricants mais dont l’influence s’étend sur vingt et un villages des alentours et qui de ce fait commande à cent soixante métiers, soit plus que Lodève et Bédarieux réunis, sont fabriqués « depuis avant 1697 » les « londrins seconds » destinés à l’exportation (Figure 2). Villeneuvette a fait école et continue à faire l’admiration des étrangers qui y passent. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1984

Nombre de pages

14

Auteur(s)

Claude ALBERGE

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf