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Description

Vers un regain des recherches sur le maquis et la libération
dans le midi de la France ?

Au moment où il nous était demandé de faire le point sur les recherches passées ou possibles dans l’avenir sur les maquis de notre région, quarante deux ans après sa libération, nous tombions sur un article fort « grinçant » qui reprochait un « esprit restrictif », qui « faussait tout », au ministre organisateur d’un colloque sur les maquis, tenu à l’École militaire en novembre 1984. En effet, pour traiter un sujet bien spécifique on avait préféré inviter les Associations de maquisards (cinquante-sept sur soixante-dix répondirent à l’appel) plutôt que des formations contenant des types très variés d’anciens combattants de la Résistance, en souhaitant bien favoriser les « maquisards du rang » et faire rencontrer chercheurs et acteurs ou témoins du passé.

Notre région (R3) a eu, par ailleurs, la chance de voir son chef F.F.I. Gilbert de Chambrun (« Carrel ») évoquer récemment son aventure (au sein de souvenirs qui s’égrènent de 1933 à 1945). Disons que, pour nous qui avions basé notre enquête sur les plus humbles combattants, il n’a pas été désagréable de constater que les points de vue exprimés dans ce livre coïncidaient avec ceux que nous avions dégagés il y a dix ans et après vingt ans de recherches.

Enfin l’annonce dans la presse locale de tenues de réunions de ceux qui avaient gardé la nostalgie des « Chantiers de Jeunesse » (C.J.F.) du temps de Vichy qui pouvaient certes mener à tout (à tous les combats) mais à condition d’en sortir, nous a poussé à relire l’opuscule que nous avait envoyé un jeune chercheur d’Outre-manche venu nous consulter, il y a quelques années lorsqu’il préparait sa thèse sur la jeunesse française de 1940 à 1944.

Ceux qui veulent retrouver dans des réunions d’anciens le souvenir des « Chantiers », leur camaraderie et leur « brassage social » les considèrent comme les « oubliés de l’histoire » (mais ne leur rendrait-elle pas ainsi le meilleur des services ?) Imbus, grâce aux C.J.F. de « l’esprit de sacrifice et de responsabilité, du sens de l’honneur et du besoin de servir », ces « soldats citoyens » (ces termes paraissent bizarres pour évoquer une période où le mot de République et la formule Liberté-Égalité-Fraternité étaient rayés du vocabulaire officiel et un milieu où tout échange de points de vue était banni) prêts pour le « renouveau national » fournirent beaucoup de « héros de la Libération ». Mais comment auraient-ils pu, ces jeunes gens, échapper à ces huit mois de service obligatoire (les autres mouvements de jeunesse de Vichy ne contenant que des volontaires n’absorbaient que 15 % des « jeunes » à moins de partir outre-mer ou s’engager dans l’Armée d’armistice et, obligatoire aussi ; était au printemps ,de 1943 le départ bien organisé pour aller travailler « à défendre la civilisation » (disait-on alors) au profit d’Hitler dont on dénonce aujourd’hui « fanatisme et idéologie ».

L’intérêt de la thèse de R. Austin tient surtout dans le fait que, sans négliger des interviews d’anciens des Chantiers (dont l’immense majorité n’a aucune envie de rejoindre une association) l’auteur a pu consulter les archives du Service de la jeunesse, des préfets pour Connaître les rapports entre les camps et le milieu humain, utiliser les rapports bimensuels des chefs (en général militaires de carrière, croyant en Vichy et utilisant ses vocabulaire et symboles) mais surtout connaître les documents de la commission de Contrôle postal analysant de nombreuses lettres de « jeunes » (ou venant de leurs familles), riche veine inexploitée qui éclaire sur la vie dans les huit « Groupements » de la région (dont trois étaient placés en haut lieu, parmi les huit pires au sein des cinquante deux créés en zone dite « libre ».

Point de départ : l’idéal scout du général fondateur [sens de la communauté, loyauté, initiative, hygiène physique et morale, harmonieux mélange de travail manuel au grand air, d’éducation physique (sport, hébertisme, « grands jeux ») intellectuelle, morale et même artistique (veillées)] utilisé dans une situation et une atmosphère très particulières remplacement d’un service militaire aboli pour maintenir une discipline collective contre un désordre possible après une débâcle, rééducation de la jeunesse par le travail et le sens du devoir pour régénérer la nation toute entière (après « mea culpa »).

Endoctrinement ou neutralité ? Quelques exemples pris au cours du premier semestre de 1941 à Meyrueis on « serine » l’hymne au maréchal en attendant la visite d’un chef important ; au Vigan on critique les « anglo-gaullistes » ; à Saint-Pons la publication mensuelle « Malgré » répète que nul ne peut influer sur les événements et qu’il faut, à l’intérieur, laisser à d’autres « plus qualifiés le soin de punir et de purifier ». Toute idée de discussion sur un sujet politique ou social (ou sur le conflit mondial en cours) aurait semblé un retour aux jours (sombres pour certains) de 1936 !

En fait, un dur travail manuel (coupe forestière, extraction de tourbe, ouverture de routes, etc.) dans des conditions parfois très pénibles (le froid par exemple au nord de l’Aigoual ou l’eau sur l’Aubrac) proposé à des jeunes gens généralement peu habitués à lui, le besoin de nourriture (peut-être inégalement répartie pensait-on aussi !) et de sommeil suffisaient largement à réduire les activités « spirituelles ». Si, pour certains chefs la discipline était d’autant meilleure que le travail était plus accablant, les lettres des « jeunes » revenaient surtout sur le triptyque maudit : travail excessif, nourriture maigre, discipline sévère (avec menace de tonte, prison ou d’une sorte de bagne nommé « Camp 40 » dans le Cantal).

En novembre 1942, avec le débarquement allié en Afrique du Nord (et la brève équipée de De Lattre) il semble qu’il y ait eu un « frémissement » : certains chefs auraient extériorisé leur désir de revanche et d’expulsion de l’occupant… Mais, revenu d’Alger, le général donne des ordres fermes qui font cesser le doute (estime-t-on officiellement) en invoquant le spectre de la guerre civile.

Au printemps suivant, on demande aux membres de l’A.D.A.C. (les anciens), autorisés à pénétrer dans les camps, d’expliquer aux « jeunes qu’il faut se préparer à partir « pour défendre la France contre le bolchevisme international », le travail en Allemagne étant la ligne de défense contre les risques d’explosion interne, la protection de la maison et de la famille du « joug bolchevik » (le communisme étant plus dangereux que l’Allemand, ne pas écouter la propagande alliée !).

A Marvejols les ordres ont été exécutés « avec une précision militaire » : une liste de cent quarante hommes à fournir est allongée par avance et par précaution effectivement il y aura trente tentatives d’évasion dont neuf réussies. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Gérard BOULADOU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf