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Description

Un épisode oublié de l’histoire de Saint-Martin-de Londres,
la démolition de la tour construite contre l’église (1247)

L’abbé Émile Bougette a ignoré cet événement. Il a été révélé par l’abbé Julien Rouquette dans un article de la Revue Historique du Diocèse de Montpellier.

CADRE :

Trois actes du Cartulaire de Maguelone ont trait à cette affaire. Certes, l’abbé Bougette a connu ce recueil de documents, puisqu’il le cite à plusieurs reprises, mais il ne l’a connu que dans le texte original manuscrit, conservé aux archives départementales de l’Hérault : ces textes lui ont échappé. Par contre, l’abbé Rouquette, qui s’était donné pour tâche de publier le Cartulaire, les a remarqués, et il s’en est servi pour son article dans la Revue Historique intitulé: L’église de Saint-Martin-de-Londres.

L’abbé Rouquette était ce que l’on peut appeler un historien, mais dans cet article, il a voulu se faire passer pour un archéologue et un historien de l’histoire de l’art, c’est pourquoi il s’est fourvoyé sur toute la ligne. La lecture du paragraphe initial de son article, qu’il faudrait citer tout au long, suffira à s’en faire une idée : « Nous avons une tendance à vieillir nos églises. Celles qui, dans l’ancien diocèse de Maguelone, datent du XIe ou du XIIe sont, croyons-nous, très rares. De plus, il nous paraît certain qu’il y eut dans ce diocèse, à la fin du XIIe siècle et surtout au XIIIe, une floraison magnifique, disons le mot, une école architecturale, qui couvrit le sol d’églises romanes à abside, et dont le chef-d’œuvre est celle de Saint-Martin-de-Londres. » De plus, ce qui est plus grave pour un latiniste, il a mal lu le premier acte daté de 1247, c’est pourquoi il a daté l’édifice actuel de cette année-là : « Elle fut construite en 1247 » dit-il, et il commence le dernier paragraphe de son article par cette phrase : « Il est curieux de constater que c’est au milieu du XIIIe siècle que l’école architecturale du diocèse de Maguelone produisit son chef-d’œuvre. » Notre abbé a encore renchéri sur ses positions dans la note II du chapitre VII de son Histoire du Diocèse de Maguelone (1925). En ce qui me concerne, ce n’est pas l’archéologie qui m’intéresse ici, mais l’histoire. Pour ce qui est du monument, qui a été très sérieusement étudié par des maîtres en la matière, nous savons qu’il a été élevé fin XIe-début XIIe siècle. L’épisode que je veux évoquer se situe au milieu du XIIIe siècle et il est très évocateur de la mentalité féodale qui imprégnait les relations des hommes de ce temps, clercs et laïques confondus.

Les textes

Le premier acte du Cartulaire de Maguelone est daté du 4 mai 1247. Jean de Montlaur II, évêque de Maguelone, déclare vouloir réparer le dommage dont il s’est rendu coupable envers l’église de Saint-Martin-de-Londres. En effet, pour sauvegarder sa juridiction, il avait ordonné de détruire la tour-clocher construite contre la nef de l’église. Cette démolition avait causé de gros dégâts à cette partie de l’édifice. Pour financer sa reconstruction, l’évêque accorde dix livres melgoriennes par an sur les revenus du péage des Matelles et vingt sous melgoriens par semaine sur le péage de Sainte-Croix-de-Quintillargues, et cela jusqu’à la remise complète en état de l’église.

Le second texte est du 27 janvier 1267. Le sénéchal de Beaucaire ordonne aux habitants de Saint-Martin-de-Londres, qui se prévalaient d’un privilège d’exemption, de payer la taxe perçue au nom de l’évêque sur les marchandises qui transitaient par le péage des Matelles.

Enfin, le 25 octobre 1267, un accord est conclu entre l’évêque de Maguelone, Bérenger Frédol, d’une part, et Bernard de Bruguières, prieur et seigneur de Saint-Martin-de-Londres et la communauté des habitants, d’autre part les habitants de Saint-Martin-de-Londres et de tout son territoire sont exemptés de la taxe perçue au péage des Matelles à la condition que les marchandises qu’ils y feront transiter servent uniquement à leur usage personnel; chaque année, à la Toussaint, le châtelain de Montferrand ou son délégué recevra sous serment l’assurance que les habitants de Saint-Martin-de-Londres se comportent conformément à l’accord conclu. En retour, la communauté de Saint-Martin-de-Londres donne à l’évêque de Maguelone soixante livres melgoriennes à titre de dédommagement pour sa renonciation à percevoir le péage à l’avenir.

Les faits : essai d’explication

Les évêques de Maguelone avaient été mis en possession du comté de Melgueil et Montferrand (ex-comté de Maguelone) à la suite de la décision du concile de Latran (14 avril 1215) qui déposséda Raymond VI, comte de Toulouse et de Melgueil, de ses états en raison du soutien qu’il avait apporté à la cause cathare. Ce n’est pas sans difficulté que les prélats firent reconnaître leur autorité par leurs vassaux : l’affaire de la tour-clocher de Saint-Martin-de-Londres en est une illustration. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1998

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Gérard ALZIEU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf