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Description

Structures féodales dans le Languedoc des Trencavel (XIe-XIIe siècles)

* Maître de conférences en histoire médiévale, Université de Toulouse II-Le Mirail.

Bien qu’inscrite dans un cadre régional, la thèse du doctorat d’histoire que nous venons de soutenir a pour objet non pas une histoire du Midi médiéval, mais une recherche sur les structures féodales, sur les relations de pouvoir internes à la classe nobiliaire languedocienne. Pour mener cette étude à bien, nous avons redécouvert et exploité une source inédite, le cartulaire des Trencavel.

Ces derniers étaient, aux XIe et XIIe siècles, vicomtes d’Albi, Nîmes, puis Béziers, Agde, Carcassonne et Razès. Vers 1186-1188, le vicomte Roger II avait fait rédiger un cartulaire qui est conservé et qui contient 584 actes échelonnés de l’an mil à la croisade albigeoise. Cette source principale a été complétée par d’autres archives laïques, en particulier par une centaine d’originaux issus du Trésor des Chartes : le corpus final s’élève donc à plus de sept cents textes.

Ces textes se sont révélé correspondre parfaitement au but que nous nous étions fixés : étudier la société féodale. Il s’agit en effet tout d’abord de sources laïques, exemptes donc d’un certain nombre de biais que les sources exclusivement ecclésiastiques étudiées auparavant avaient pu introduire dans l’analyse de la féodalité. De plus, le vicomte Roger II n’a fait recopier dans son grand livre que des textes de nature féodale. La typologie de ces actes en fait donc une source de premier ordre sur la société laïque et ses rouages (282 serments féodaux, 40 sécurités, 82 inféodations, 55 accords, essentiellement des règlements de conflits entre puissances féodales). En retour, le cartulaire nous a imposé un certain nombre de choix : tout d’abord celui d’une zone d’étude assez vaste, les six vicomtés. Mais surtout, il est apparu que les problèmes qui touchent à la seigneurie foncière ne pouvaient être abordés le cartulaire est muet sur tout ce qui concerne les rapports entre seigneurs et paysans.

D’une façon qui peut paraître quelque peu paradoxale, car le Midi a longtemps été décrit comme rebelle à la féodalité, ces textes languedociens ont beaucoup à livrer, sur la féodalité méridionale bien entendu, mais également pour une définition globale de la société féodale. A l’encontre d’un certain nombre d’études récentes, ils permettent de réinsérer l’institution du fief au cœur de cette société. Notre recherche a donc porté sur les liens tissés entre les vicomtes et la haute aristocratie languedocienne des XIe et XIIe siècles. Comment ces vicomtes ont-ils contrôlé leurs immenses territoires ? Comment s’étaient-ils attaché les « barons de la terre » ? Ceux-ci étaient- ils leurs vassaux ? Quels sont la place et le rôle du fief ?

La thèse se présente sous la forme de trois volumes. Le premier est consacré à une présentation de l’histoire politique du Languedoc du milieu du Xe au début du XIIIe siècle. En l’absence d’une histoire régionale récente et à cause de rectifications imposées par des éléments nouveaux issus du cartulaire, beaucoup était à réécrire. Cette première partie est divisée en trois chapitres ordonnés chronologiquement, s’intéressant d’abord à une période allant du Xe au milieu du XIe siècle, puis aux années 1060-1070 et à la vente des comtés, et enfin à un grand XIIe siècle qui va des années 1080 à 1209. Le second tome comprend cinq chapitres qui constituent le cœur de notre propos : les trois premiers s’articulent autour de l’analyse des serments (des serments de fidélité, des serments féodaux, des serments féodovassaliques), le suivant traite de la violence et du règlement des conflits, le dernier analyse la principauté et le pouvoir des Trencavel. Enfin, le fascicule qui constitue le troisième tome rassemble diverses annexes ;et un index.

Les Trencavel sont d’anciens lieutenants des comtes de Toulouse, installés au Xe siècle en Albigeois avec le titre de vicomtes. Ils sont aussi dès les origines possessionnés en Nîmois. Dans l’évolution profonde que connut la société à la fin du Xe et au début du XIe siècle, ils parvinrent à gagner une indépendance de plus en plus affirmée. La nature des textes qui nous sont conservés ne permet cependant pas de saisir la transition : dès les premiers serments, prêtés à un vicomte Aton qui mourut vers 1030, on se situe dans l’âge féodal. A la fin du XIe siècle, les Trencavel peuvent être comptés parmi la plus haute aristocratie du Midi : ils ont acquis par mariage Béziers, Agde, Carcassonne et Razès. Les textes qui constituent le dossier de la « vente » des comtés de Carcassonne et Razès au comte de Barcelone, vers 1060-1070, montrent, à une relecture attentive, qu’il s’agit en fait d’une reprise en fief monnayée. Cette cession semble avoir fait la fortune des Trencavel au XIIe siècle : elle leur a permis de se poser comme les principaux héritiers des comtes de Carcassonne dont la lignée directe s’éteint vers 1060, et de s’imposer aux autres branches annexes qui revendiquaient aussi l’héritage, en particulier aux comtes de Faix. Toute l’histoire du XIIe siècle est ensuite marquée par la grande guerre méridionale entre Toulouse et Barcelone. Les Trencavel y ont joué un étonnant jeu de balance entre les deux camps, manoeuvre qui leur a permis de préserver une certaine autonomie. Malgré les impressions de reniements et ralliements que donne cette histoire quelque peu chaotique, une constante peut être décelée : les Trencavel, jusqu’à l’union Aragon-Barcelone, ont tenté de trouver en Aragon un contrepoids, une sorte de troisième voie à côté du choix impossible entre leurs deux seigneurs potentiels, Toulouse pour Albi, Nîmes, Béziers et Agde, et Barcelone pour Carcassonne et Razès. […]>

Informations complémentaires

Année de publication

1998

Nombre de pages

2

Auteur(s)

Hélène DÉBAX

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf