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Description

Siran en Minervois

Il faut aborder le Minervois par un de ces itinéraires qui, de la Montagne Noire ou des Monts de Saint-Pons, mènent à l’océan des vignes dans la vaste dépression que parcourt la vallée de l’Aude ; au-delà il arrive qu’on voit, par chance, la barrière des Pyrénées ; plus proches, à travers quelques brumes parfois, les Corbières et la Montagne d’Alaric. La mer n’est pas loin dont nous séparent les anciens étangs de Capestang et de Narbonne ; au bout de l’Aude c’est encore l’étang de Vendres, ses plates eaux, ses roseaux. L’essence même du Bas-Languedoc est là et une part essentielle de son histoire.

Le plus remarquable dans cette succession de reliefs dont certains versants doivent encore beaucoup à l’Atlantique, de plateaux calcaires, de vallées, de plaines et d’étangs, ce sont toujours les ruptures, les passages d’un terrain à l’autre. Le long de la frontière entre les petits Causses et la plaine minervoise tout un chapelet de village s’est déroulé dans l’Hérault, de Félines à Agel en passant par la Livinière – la Cella vinaria des Romains – des groupes d’hommes ont vécu là, au long des siècles, des produits de la plaine et des Causses, de la culture et de l’élevage. Ces villages sont toujours là, bien vivants, maïs peu à peu causses et plaine se séparent.

Les zones de transition, comme celle du Minervois, ont ceci de fascinant qu’on y découvre l’articulation – l’interface dirait-on pour être au goût du jour – entre deux mondes. La symbiose qu’ont longtemps connue le bas pays, son blé, plus tard ses vignes et ses troupeaux de garrigue avec la montagne, réserve de fourrage, d’eau et de verdure, réserve d’hommes aussi, apparaît ici moins comme une transhumance et un échange saisonnier que comme une alternance quasi quotidienne, tant la plaine est proche des causses et, déjà, de la montagne. Il vaut la peine d’observer ce Minervois où se rencontrent deux pays, longtemps associés sans doute et qui, se distinguant de plus en plus l’un de l’autre, révèlent mieux dans cette séparation leurs traits distinctifs.

Nous avons été amenés à cette observation par une étude de la situation foncière dans le Minervois héraultais et les zones montagneuses qui le prolongent au nord. Dans ce cadre nous avons établi une monographie de Siran, une des communes à cheval sur la plaine viticole et les causses dans lesquels la Cesse a taillé ses gorges. Au-delà des objectifs spécifiques de ce travail nous avons essayé de saisir quel pouvait être le devenir de cette commune et, à travers elle, de ses voisines. Au terme de cette observation – qui fut rapide cependant – il nous semble qu’on peut rendre compte de l’originalité essentielle de Siran dans trois rubriques l’espace communal, l’agriculture, la population et sa vie sociale. A cela nous ajouterons quelques remarques plus générales, issues elles aussi, de l’étude foncière du Minervois.

L’Espace Communal

Siran a une surface cadastrée de 2048 ha ; 760, en 1980, en sont utilisés par l’agriculture dont 698 en vignes. Les landes et garrigues couvrent 260 ha et les terres labourables 47. En 1978, les étrangers possèdent 10 % de cette superficie, les locaux – de Siran et des communes voisines – 72 % ; les 18 % qui restent appartiennent à des résidents français, régionaux ou non. La part des étrangers n’est pas très importante mais elle est significative de l’attrait qu’exerce sur les Européens du Nord (Allemands, Belges, Néerlandais…) une terre ensoleillée et qui paraît sous-occupée.

A Siran ces 10 % correspondent à 96 ha dont la plus grande partie a été achetée entre 1976 et 1982 (62 ha). Il s’agit d’une opération montée par un promoteur néerlandais qui a revendu lots et villas à quelques compatriotes ; les terrains ainsi aliénés sont des landes et des garrigues. En effet, les agriculteurs locaux restent parfaitement maîtres du marché : « 32 % des vignes mises sur le marché le sont par des agriculteurs à temps plein alors qu’ils achètent 63 % d’entre elles. Les vignes représentent… 31 % de leurs ventes mais 90 % de leurs achats ». En revanche « les landes… sont vendues à 51 % par les agriculteurs qui n’en achètent que 4 % ; elles représentent 47 % de leurs ventes et 6 % de leurs achats ». L’inventaire de ces transactions montre que le volume du marché foncier de Siran est identique – 7,6 % de la surface totale cadastrée en 5 ans – à celui du département de l’Hérault – 7,6 % également – mais un peu plus important que celui du Minervois – 5,3 %. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Jean-Claude BARTHEZ

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf