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Description

Scission religieuse et vie quotidienne à Pignan sous l’ancien Régime

S’il est des époques où les événements religieux ont particulièrement marqué la vie des hommes, il n’en est guère de plus importante que la période moderne. En effet, la division de 1′Église chrétienne, qui se consomme dans une phase conflictuelle, produit des effets et des conséquences qui s’exercent directement et d’une manière intense jusqu’à la Révolution Française, à Pignan comme dans bien d’autres communes. Mais ici, ils se prolongent plus fortement et plus longtemps qu’ailleurs peut-être, jusqu’a une date récente, que nous hésitons à peine à placer après Vatican II. C’est là un des traits originaux de ce village.

De ce fait, si l’on se doit habituellement de situer l’histoire religieuse dans l’histoire totale, il faut lui faire ici une place à part pour insister sur son caractère particulier, dans la mesure même où elle devient alors un de ces rares facteurs primordiaux, seuls capables de bouleverser les mentalités, les comportements et l’agir quotidien des hommes d’une communauté jusque-là stable et paisible. C’est en effet en essayant de reconstituer la vie des hommes de ce temps, au jour le jour, que nous avons été amenés à découvrir l’étroitesse des relations entre le domaine religieux et le vécu, ce que nous nous efforcerons de montrer, après avoir décrit en quelques mots la radicale nouveauté qu’a constituée la Réforme au village.

I. – Une rupture profonde et décisive

Les événements de l’année 1560 qui conduisent à la fondation d’une Église Réformée à Pignan, comme dans sa région, marquent la naissance d’une opposition brutale qui va mettre aux prises les mainteneurs de la tradition, fidèles au catholicisme romain, et les novateurs, ceux qui le quittent pour la nouvelle confession. Certes, à prendre le sujet de cette façon, sous son aspect conflictuel, on risque de tout réduire aux éléments de lutte, en oubliant deux choses importantes. Tout d’abord, chaque communauté a sa vie propre, sa liturgie, ses œuvres, ses écoles, et bien d’autres traits originaux qu’il convient d’étudier pour eux-mêmes. Ensuite le danger de fausser l’optique de la question si l’on omet de rappeler un fait capital, à savoir que ces chrétiens divisés, malgré leurs divergences, ont le même Seigneur, et que, parmi eux, la plupart sont des gens sincères, qui vivent intensément leur foi, phénomène qui n’est pas quantifiable. Insister sur ce fond commun, c’est d’ailleurs faire ressortir le caractère tragique de ces affrontements fratricides de l’Église incarnée, souvent ballottée par la politique, ce qui conduit les chrétiens de l’Amour proclamé à l’intolérance vécue.

Ces précisions apportées, reste que l’aspect le plus voyant de l’histoire religieuse de cette époque de crise est incontestablement la rupture qui transforme une communauté, jusqu’ici soudée par les mêmes pratiques, en deux groupes sensiblement égaux à Pignan, dès l’origine de la Réforme semble-t-il. Ils se dressent l’un contre l’autre, ces coreligionnaires d’hier, avec la fougue de ceux qui prétendent détenir seuls la vérité toute entière. Et l’affaire n’est pas de courte durée. Les phases de guerre ouverte ou intestine, les moments de lutte déclarée où chaque parti cherche à contrôler la situation, les périodes de persécutions sournoises ou franches, le temps de la contrainte font de cette division un facteur permanent de troubles, durant plus de deux siècles, car il ne cesse de jouer et de rejouer sur un groupe d’hommes qui, il faut bien y insister, n’en est pas toujours directement responsable. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1980

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Louis SECONDY

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf