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Description

Malades et maladie sur l’ex-voto peint provençal

Dans la société traditionnelle, avant le développement de la médecine moderne, l’homme ne possède que des défenses limitées contre l’agression de la maladie : saignées et lavements ordonnés par les médecins ou remèdes de « bonne-femme » de la médecine populaire s’avèrent d’une efficacité pour le moins aléatoire. Si le mal n’emporte pas le patient en quelques jours et devient chronique, c’est la survie économique qui est en cause, par absence de protection sociale. Dans un tel environnement le Ciel représente un recours ultime et fréquent : ces forces du mal que l’homme ne peut conjurer, seule une intervention surnaturelle peut l’en délivrer. Ce recours céleste n’est pas nouveau : que l’on se rappelle les nuits passées par les malades, fidèles d’Asclépios, dans l’abaton d’Épidaure, en quête d’une guérison. La guérison une fois obtenue, la malade remercie son protecteur par le don d’un ex-voto. En Provence, à partir du XVIIe siècle, celui-ci prend souvent la forme d’un petit tableau peint déposé dans le sanctuaire du saint protecteur. Cette pratique, née en Italie centrale au XVe siècle, apparaît en Provence à la fin du XVIe siècle. Elle se répand d’abord essentiellement dans les couches supérieures de la société, les milieux populaires continuant à remettre des objets votifs (figurines en bois ou en cire, béquilles…). Au milieu du XVIIIe siècle, la démocratisation de l’ex-voto se confirme, le XIXe siècle étant le grand siècle de l’ex-voto peint populaire, avant que la plaque de marbre vienne se substituer au tableau. Fort développé en Provence, le don de l’ex-voto peint ne se rencontre guère au-delà du Rhône (1).

Si bien d’autres circonstances peuvent motiver le don d’un ex-voto peint (chute, catastrophe, accident de circulation, naufrage…), la maladie demeure le type le plus fréquent avec 30 % du total, plus 8 % de scènes de petite enfance allant de l’accouchement aux fièvres puerpérales et aux maladies de nourrisson. La part des maladies cependant recule avec le temps (et l’essor de la médecine !) : de 35 à 40 % des tableaux aux XVIIe-XVIIIe siècles, le pourcentage des ex-voto de maladie tombe à 28 % dans la seconde moitié du XIXe siècle, et ne représente plus que 10 % du petit groupe des ex-voto peints du XXe siècle.

Sur le plan iconique, l’ex-voto peint présente généralement deux espaces, l’espace céleste et l’espace humain dont la co-représentation signifie le lien direct un instant tissé entre l’homme et son protecteur céleste. Sur l’ex-voto de maladie, comme d’ailleurs sur l’ensemble des ex-voto peints, la part occupée par le personnage céleste ne cesse de reculer : alors que l’espace céleste occupe souvent le quart du tableau au XVIIe siècle, il n’est pas rare qu’il se réduise à un douzième de sa surface au XIXe siècle. Si l’absence de scène céleste demeure tout à fait exceptionnelle sur l’ex-voto de maladie, dans quelques cas au XIXe siècle, le peintre ou le donateur ont préféré représenter la Vierge protectrice sous la forme d’un tableau accroché au mur de la chambre ou d’une statuette posée sur un meuble plutôt qu’au milieu d’une nuée connotant le Ciel, figuration habituelle, mais dont l’intrusion dans l’espace clos de la chambre du malade présentait un caractère trop irrationnel.

Corrélativement au déclin de l’espace céleste on observe l’ampleur progressivement prise par l’espace humain. S’il prend plus de place sur le tableau celui-ci devient aussi beaucoup plus précis au fil du temps : de la simple représentation du lit où se trouve le malade, pas même toujours situé dans une pièce au XVIIe siècle, on passe à une description précise du mobilier de la chambre au XIXe siècle : armoires, chaises, rideaux, tapis, vase de nuit etc. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1984

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Bernard COUSIN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf