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Description

Les adaptations post-phylloxériques d’une grande propriété :
le château de Nézignan-l’Évêque

Le château de Nézignan-l’Évêque, acheté par Xavier Durand le 8 janvier 1891, couvre 76 ha et comporte « château (nouvellement restauré), parc, jardins, corps de bâtiments (grand ramonétage, écurie, magasins à vin…), puits, accessoires et pièces de terres de nature diverse, matériel et bêtes, mais aussi tous immeubles par destination ».

Le château a une longue histoire : propriété à l’origine des Maurin de Brignac, il est construit au XVIIe s. à partir d’une habitation préexistante dans le parc, déjà occupée par cette famille, établie depuis longtemps à Nézignan-l’Évêque. Les évêques d’Agde participent sans doute aux travaux terminés vers 1681 et délaissent le vieux château féodal trop vétuste pour loger chez les Maurin de Brignac, lors de leurs visites au village dépendant de l’évêché d’Agde. Leur nouvelle maison, en fait une belle ferme, prend rapidement le nom de « château », le vieux ayant été démantelé au XVIIe s. Les Maurin de Brignac, notables très influents du village, ne vendent la propriété – terres et château – qu’en 1887 à M. Passebois, négociant en vin, qui lui-même la cède quatre ans plus tard à M. Durand.

Or, cette acquisition a lieu à un moment clé de l’histoire de la viticulture languedocienne qui, à la fin du XIXe s., subit des mutations profondes issues de la reconstitution du vignoble imposée par la crise phylloxérique. Ces mutations s’observent aussi au sein même de la propriété.

Un vignoble remodelé

Dès avant 1891 et à l’instar d’autres grandes propriétés, le domaine a expérimenté la technique de la submersion, coûteuse et nécessitant de grandes parcelles de terres homogènes au fond plat et proche d’un point d’eau, pour pouvoir noyer les vignes phylloxérées : en 1891, elle concerne environ 20 hectares de vignes françaises au bord de l’Hérault, qui seront remplacées progressivement. Car c’est grâce au procédé de la greffe d’un cépage français sur un plan américain que la propriété participe au large mouvement de reconstitution du vignoble régional, reconstitution qui dépasse d’ailleurs le simple renouvellement des vignes ravagées par le phylloxéra pour englober la création de nouvelles zones viticoles à partir de terrains incultes ou consacrés à d’autres cultures.

Ce phénomène de spécialisation agricole bas-languedocien, déjà amorcé avant la crise phylloxérique, se vérifie au domaine : sa surface globale s’est bien accrue de 1891 à 1935, mais somme toute assez modérément (8,5 % environ d’augmentation). De plus, l’accroissement n’est que de 6% de 1891 à 1914, période où justement l’extension du vignoble au château est très marquée. En fait, dès 1891, le domaine foncier est déjà pratiquement formé : c’est au sein de ses terres de natures diverses que peut alors s’effectuer la reconstitution et disparaître le caractère « polycultural ». Au moment de l’achat, le vignoble couvre environ 48 % de la surface globale et à partir de 1894 plus de 90 %, ce qui est tout à fait voisin du « taux de viticolité » de 91 % de la commune, au début du XXe s. Dès lors, les autres cultures (céréalières, fourragères et oléicoles) deviennent résiduelles, la plupart étant pratiquées entre un arrachage et une replantation de vigne. La propriété devient presque entièrement dépendante de l’extérieur pour l’alimentation des bêtes de travail. La vocation autarcique primitive du domaine, déjà largement entamée avant la crise phylloxérique, et a fortiori en 1891 où beaucoup de terres sont déjà consacrées à la vigne, a totalement disparu.

Cette pratique « monoculturale » est un premier élément d’identification du domaine à l’économie viticole bas-languedocienne, qui se caractérise également par la grande productivité de ses vignes : le porte-greffe américain s’adapte très bien aux sols profonds des plaines dont le terroir de la commune nézignanaise constitue un échantillon représentatif. Il convient aussi parfaitement aux cépages productifs : le Carignan et surtout l’Aramon, cépages les plus utilisés dans la basse région, prédominent au château où ils occupent […]

Informations complémentaires

Année de publication

1996

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Véronique LUSINCHI

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf