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Description

Le problème de la mortalité dans les communes des étangs
à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle

Le problème de la mortalité dans les communes des étangs apparaît comme préoccupant au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Cette préoccupation s’inscrit dans le cadre de la politique d’aménagement de la basse plaine languedocienne depuis la construction du canal du Midi en 1666 et du port de Cette, créant ainsi la liaison Océan-Méditerranée, avec le creusement du canal des étangs et du canal d’Aigues-Mortes à Beaucaire vers 1830. En même temps s’esquisse une politique d’assèchement qui se poursuit jusque sous le Second Empire. Sur le littoral, les étangs forment une vaste zone un peu à part, où vit une population de pêcheurs que l’on considère un peu comme marginale. Mais en cette fin du XVIIIe siècle et en ce début du XIXe siècle, toute une génération d’hommes « éclairés », imprégnée de la philanthropie du siècle des lumières, se penche sur le problème de la mortalité dans les étangs et cherche à en découvrir les causes et à y remédier : « les médecins éclairés de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, intrigués par la fréquence des maladies épidémiques en Languedoc, ont dénoncé le coupable les étangs. Sans tarder, ils ont fait leur la formule du Britannique Thomson, « le marais blanchâtre exhale, en courants putrides, un nuage vivant de pestilence ». Pour eux, les vastes zones submergées de la basse plaine sont de « véritables arsenaux de la mort ».

Ces hommes éclairés sont souvent des Montpelliérains, docteurs ou hommes de science : d’ailleurs, bon nombre de leurs mémoires ont été rédigés dans le cadre des séances de la Société Royale des Sciences de Montpellier. Leurs écrits devaient intéresser au plus haut point la société montpelliéraine dont certains membres avaient des propriétés fort étendues dans les villages du bord des étangs : les Soubeyran à Vic, les Boussairolle à Villeneuve-les-Maguelonne, les De Grave ou le marquis de Montcalm à Lattes, auxquels s’ajoutent lors de la vente des biens nationaux notaires et commerçants de Montpellier, comme le teinturier Oeuf à Lattes, Carelier à Vic, Canton ou Paul à Villeneuve, ou encore Ribau à Pérols. Dans son mémoire de 1813, le docteur Pouzin signale que « les propriétaires aisés des villes voisines ne se rendent dans ces campagnes que pour donner des ordres, compter avec leurs fermiers et s’en retourner aussitôt ». C’est d’ailleurs cet ouvrage de cent soixante-six pages du Docteur Pouzin sur « l’insalubrité des étangs et les moyens d’y remédier » qui clôt en quelque sorte la série de mémoires sur les problèmes posés par les étangs. Il remporte le prix sur le sujet proposé en 1811 par la Société des Lettres et Arts de Montpellier : « indiquer quels sont les meilleurs moyens de rendre moins insalubres les étangs du département de l’Hérault ? ». En fait ce mémoire, comme presque tous les précédents, tel celui pour lequel avait concouru Mercadier en 1784 sur la question des ensablements, s’intéresse avec précision aux étangs de Pérols, de Maguelonne et de Vic, dont les villages voisins se dépeuplaient et qui étaient de plus en plus coupés de la mer si le grau de Palavas à l’embouchure du Lez subsiste toujours, celui de Maguelonne se ferme définitivement en 1799.

Ainsi se crée un véritable marais, source de fièvres et de maladies, ce qui a frappé les contemporains qui pensent résoudre le problème, comme le dit Chaptal dans son mémoire, « par le mutuel secours de la Physique, de la Médecine et de la Chimie ». Préoccupation que l’on retrouve à un niveau national puisque de nombreux articles de la Société royale de Médecine des dernières années de l’Ancien Régime étudient les rapports entre météorologie et maladie. D’où l’élaboration de plans d’action très précis, pour lesquels on espère l’aide du gouvernement les résultats paraissent assurés car découlant de l’analyse scientifique.

« Des habitants dispersés çà et là, des enfants languissants, des figures livides et des personnes agonisantes, à chaque instant tout retrace au malheureux le tableau de la plus triste désolation ; on n’y voit point de ces fêtes publiques qui cachent au misérable pour quelques moments son état on n’y connaît point ces douces jouissances qu’éprouvent ailleurs deux ou trois saines générations réunies sous le même toit » : voilà la triste description que nous fait Chaptal en 1783 de l’état de la population des villages du bord des étangs. Et quelques années plus tôt, en 1770, Lafosse évoque les maladies dont sont atteintes ces populations : « Il n’est point de village situé sur les bords de nos marais dans lequel on ne trouve durant le printemps et l’automne plusieurs personnes attaquées de fièvres intermittentes qui dégénèrent en obstructions de plusieurs viscères. Le teint blême de la plupart des habitants, principalement des enfants, le gonflement des hippocondres, la dureté de l’abdomen, la couleur de la peau plombée ou même livide et plusieurs autres signes caractérisent assez bien l’état de ceux qu’on appelle quelquefois, d’après Hippocrate, magni splenes ». Et le docteur Pouzin décrit lui aussi cet état de faiblesse de la population : « Si l’on parcourt ces campagnes pendant les mois d’été et jusques aux froids, on ne voit pour l’ordinaire que des malheureux accablés par les maladies endémiques qui y règnent, les dévastent et les rendent déserts : il n’est pas rare que les domestiques commis à la culture d’un domaine, que le fermier, sa femme, ses enfants ne soient tous affectés de fièvres intermittentes, de voir la plupart de ces infortunés dans l’accès, d’autres qui en sortent, d’autres enfin qui se consolent au jour libre, mais qui ne se livrent qu’avec peine à leurs travaux ». […]

Informations complémentaires

Année de publication

1984

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Yvette MAURIN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf