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Description

Le Jumart : Mythe biologique ou mystification populaire ?

En 1815, Monsieur de Villeneuve-Bargemont, préfet du département du Lot-et-Garonne, membre de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Agen, dédie à son Altesse Royale, Monseigneur le Duc d’Angoulême, son ouvrage consacré au « Voyage dans la Vallée de Barcelonnette, département des Basses-Alpes ».

Région qu’il parcourt à pied, avec son frère tout le mois d’octobre 1802, jusqu’aux premières chutes de neige du 11 novembre suivant.

Dans les vingt lettres qui constituent ce livre, l’auteur entreprend « une description exacte et détaillée qui embrasserait tout ce qui veut faire connaître ce petit pays, sous le rapport de sa topographie, de son histoire naturelle et politique, des mœurs et de l’industrie de ses habitants, de son agriculture et de ses productions ».

Naturaliste, historien, ethnographe de son temps, Villeneuve-Bargemont s’emploie donc à décrire, commenter tout ce qu’il voit, et entend.

Dans sa lettre XII, consacrée à la zoologie de la Vallée, un simple paragraphe de six lignes nous apprend sans autre commentaire que « le jumart est commun dans ce pays ; et qu’on l’apprécie beaucoup, parce qu’il réunit la force du bœuf à la patience et la sobriété de l’âne : il naît de l’accouplement du taureau et de l’ânesse qu’on enferme la nuit dans la même étable ; c’est ce que l’expérience atteste tous les jours ».

L’auteur n’en dit pas plus. Cela va de soi, le Jumart est bien une réalité en ce début du XIXe siècle.

Mais quel est donc cet animal domestique issu du croisement de deux mammifères appartenant à des ordres et familles différents ?

La polémique entre les anciens et les modernes

Jumart, animal domestique issu du croisement de deux mammifères appartenant à des ordres et familles différents
Jumart, animal domestique issu du croisement de deux mammifères appartenant à des ordres et familles différents

C’est dans le bulletin de la jeune « Société d’Agriculture du Département de l’Hérault », qu’on retrouve « Le Jumart » cité par le médecin vétérinaire Pierre Noyés dans un rapport fait à la société en 1808.

A l’origine de ce rapport, le différent qui oppose M. Tupputi « Praticien Napolitain, membre de plusieurs sociétés savantes tant nationales qu’étrangères », à MM. Huzard médecin vétérinaire, membre de l’Institut, Commissaire du Gouvernement chargé de l’inspection générale des écoles impériales vétérinaires, etc. et Desplas médecin vétérinaire, tous deux membres de la Société d’Agriculture du département de la Seine.

Ces derniers, aux dires de Noyés réfutaient « trop légèrement sans doute et sans réflexion » de nombreuses assertions de Tupputi et notamment l’existence des Jumarts.

De l’existence des Jumarts selon Tupputi

Dans sa « lettre », Tupputi commence sa communication sur les Jumarts par une précaution d’usage : « Voyons, maintenant si j’ai pu dire qu’il avoit des jumarts, quoique je n’en eusse jamais vu »… « si je suis tombé dans l’erreur, c’est avec des hommes d’un mérite si éminent, qu’il est presqu’aussi honorable de s’égarer avec eux, que de suivre la vraie route avec d’autres ».

Ces hommes d’un mérite si éminent, vont apporter les « preuves » de l’existence du Jumart.

« Columelle est le premier qui ait parlé des jumarts ». Gesner qui le cite, avait entendu dire qu’on trouvait de ces espèces de mulets à Grenoble. Malgré son septicisme, Buffon qui ne reconnaît pas l’existence des Jumarts et ne voit en eux que de vulgaires bardeaux, « provenant d’un cheval et de l’ânesse », devient enfin un témoin précieux quand il relate dans l’additif à son discours les faits suivants : « Dans sa terre de Buffon en 1767 et années suivantes, le meunier avait une jument et un taureau qui habitaient la même étable et qui avaient l’un envers l’autre une certaine passion. Tout le temps où la jument se trouvait en chaleur, le taureau ne manquait pas de la couvrir trois ou quatre fois par jour… ».

Bien que « ces accouplements, souvent réitérés furent toujours sans fruits », Tupputi « ose même croire que, dès que deux espèces peuvent s’unir, elles peuvent, à quelques circonstances près, engendrer et que cela doit arriver tôt ou tard ».

D’autres témoignages sont apportés par des auteurs anciens tels que Schaw, Mérolle et Léger, sur l’existence des Jumarts.

Des trois, c’est celui de Jean Léger qui est le plus intéressant, car il « en a eu un en propriété sur lequel il faisait par jour, dans des pays montueux, dix-huit lieues, selon les uns, dix-huit mille, selon les autres ».

Léger fit graver sa jumarre dans son histoire générale des Églises évangéliques.., des vallées vaudoises avec la description suivante : « J’observe que le Jumart est le plus méconnu de tous les animaux domestiques qui habitent les provinces méridionales ».

Les preuves irréfutables

« … il suffit pour prouver l’existence des jumarts, de démontrer que les animaux auxquels on a donné ce nom, n’étoient ni des mulets, ni des bardeaux, ni des variétés individuelles dans le genre des bœufs. Ce ne sera pas difficile. » Tupputi invoque alors le témoignage du célèbre Claude Bourgelat, directeur de l’École vétérinaire d’Alfort, relaté par L.-F. Grognier, professeur à l’École vétérinaire de Lyon. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1990

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Alain RIOLS

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf