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Description

La société vue de Gafsa

La détention à Gafsa a-t-elle été l’occasion d’une prise de conscience politique ?

Elle ne pouvait certainement pas être subie dans l’indifférence, mais les réactions qu’elle ne manquait pas de susciter ne sauraient être de même nature chez un soldat du 17ème et chez un détenu ordinaire. Les soldats du 17ème à en juger par LE 17ème A GAFSA et LETTRE DE BIRIBI se sont d’abord sentis « victimes du ministère », qui ayant le pouvoir a pu décider de leur sort de manière irrévocable. Dans les deux textes apparaissent des expressions voisines : « Le ministère a prononcé la sentence » (LE 17ème A GAFSA) : « Le ministre a répondu. Non » (LETTRE A BIRIBI). Aussi se dressent-ils contre le gouvernement et ses soutiens les députés qui se sont joué d’eux (ces ultimes farceurs). Mais il faut dire que ceux-ci en soutenant le ministère Clémenceau ont contribué à la répression de la révolte. Dans LE 17ème A GAFSA l’opposition entre députés et soldats déportés est fortement marquée par « tandis que ». Mais les députés sont simplement définis comme ayant tout ce dont les soldats sont privés à Gafsa. A la vie de plaisir des uns où la nourriture a une part essentielle (« festins », « ripailles », « repus ») et d’où la chaleur est absente (« verdure ») s’oppose la vie dure des autres symbolisée par la « botte de paille » et rendue encore plus dure par la chaleur (« nous mettent sous l’équateur »). L’analyse est légère !

Cette hostilité aux députés prend une autre portée plus générale dans UN DINER CHEZ UN RÉPUBLICAIN. Dès le début du texte le domicile même du député, rue Blanche, à Pigalle, rue de maisons closes, suffit à faire naître le doute sur le républicain convaincu. Mais ce n’est que dans le deuxième couplet que se traduit toute la désillusion du simple citoyen plein d’une haute idée du républicain, qu’il imaginait continuateur des révolutionnaires, préoccupé de l’intégrité du territoire national. Ce rapprochement entre idéologie révolutionnaire et idéologie nationaliste, théoriquement sans relation, témoigne du poids de l’école grâce à laquelle la troisième République a pu répandre à travers toute la France des idées revanchardes. Le cadre de vie où tout rappelle la royauté (« le royal ambre », « les étoffes pompadour ») suffit à discréditer le républicain et au delà la république (« Pas un brin de République »).

La lutte dont prennent conscience les disciplinaires est de manière immédiate celle qui les oppose aux officiers, sous-officiers, aux chaouchs. Ces mainteneurs de l’ordre sont présentés comme des « bourreaux » (LA MORT D’UN CAMISARD), de véritables vampires « altérés de sang » (AUX CHAOUCHS), « buveurs de sang » (ADIEU PEUPLE BICOT), appartenant à des « compagnies sanglantes » (J’EN AI MAR). Aussi peut-on leur dire : « Vous qui vivez du peuple dont vous tuez les enfants ». Face à eux le disciplinaire est victime, ce que traduit le grand nombre de vocables indiquant l’humiliation sous toutes ses formes, les vocables qui évoquent une attitude physique traduisant l’humiliation morale : « Je me suis trop courbé », « Je dois m’incliner ». Il doit tout réprimer en lui, « imposant silence » à ce qui l’agite, « étouffant sa colère » (J’EN AI MAR). Il arrive que le locuteur se sente victime non plus de […]

Informations complémentaires

Année de publication

1982

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Catherine VIGNEAU-ROUAYRENC

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf