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Description

La question arménienne dans « l’Éclair » de Montpellier

Le 6 décembre 1915, l’Éclair de Montpellier publiait un article de Jacques de Morgan intitulé « Les Balkans et la Macédoine », précédé d’une note de la rédaction annonçant que « l’éminent orientaliste » s’était engagé à donner « de temps à autre, quelques articles » dans lesquels les lecteurs du journal trouveraient « un guide précieux pour suivre la marche des événements déclenchés par la guerre ou leur répercussion dans ces pays à la fois si fameux et généralement si peu connus, de l’Égypte, de l’Asie Mineure, de la Perse, voire des Indes, berceau de l’humanité, qui [allaient] être appelés à une vie nouvelle ». En fait, la collaboration de Jacques de Morgan au journal montpelliérain allait devenir régulière et durable. Le directeur de L’Éclair de Montpellier, A. de Vichet, venait de trouver pour son quotidien un publiciste talentueux et prolixe qui allait publier jusqu’en 1920, une série d’environ deux cents articles du plus grand intérêt à propos de la Question d’Orient. Un bon nombre d’entre eux sont consacrés à la Question arménienne nous nous proposons de les examiner après avoir brièvement présenté leur auteur.

Jacques de Morgan est né à Huisseau-sur-Cosson, près de Blois, le 3 juin 1857, et il mourra à Marseille le 12 juin 1924. Ingénieur diplômé de l’École des Mines, il a, pendant près de trente ans, fait des recherches qui lui ont conféré une solide réputation scientifique. La liste de ses publications et des découvertes qu’elles décrivent est impressionnante : elle montre l’étendue et la variété des questions qui ont préoccupé ce chercheur infatigable et insatiable. Archéologue, il fut également historien, linguiste, numismate, naturaliste et géographe, consacrant sa vie à tenter d’élucider les mystères de l’origine de l’humanité.

Après avoir visité la majeure partie de l’Europe, il parcourt les Indes en 1884. En 1885, il explore l’intérieur, encore inconnu de la presqu’île de Malacca, dresse des cartes et, à son retour en France, il publie des études sur la géologie, l’histoire naturelle, l’ethnographie, la linguistique de ces pays.

En 1886, il se rend au Caucase et en Transcaucasie et opère pendant trois ans des fouilles archéologiques dans l’Arménie russe ; il publie alors deux volumes :

Recherches sur les origines des peuples du Caucase :

De 1889 à 1891, il est chargé par le ministère de l’Instruction publique d’une mission en Perse : il dresse les cartes de toute la partie septentrionale et occidentale de ce pays et publie des ouvrages sur la géographie, la géologie, l’archéologie et la linguistique de l’Iran.

En 1892, il est nommé Directeur général des Antiquités de l’Égypte il exercera cette fonction pendant cinq ans, dirigeant dans la nécropole memphite de Dahchour des fouilles qui le rendront célèbre, déblayant les monuments antiques et découvrant la période préhistorique égyptienne. Les ouvrages relatant ces travaux sont extrêmement nombreux.

En 1897, il quitte l’Égypte et se rend en Perse où il est nommé Délégué général du ministère de l’Instruction publique et il commence ses grands travaux de fouilles à Suse. Quatorze volumes in 4° exposent les résultats de ses recherches et de ses découvertes, dont la plus importante fut celle du Code des lois du roi Hammourabi (2 000 avant J.-C.). Les collections rapportées en France par Jacques de Morgan occupent deux salles du Musée du Louvre, dont l’une porte son nom. Ces collections très nombreuses et d’une importance hors de pair renferment des trésors artistiques et scientifiques inestimables. Parallèlement à ces travaux à Suse, J. de Morgan continue ses recherches sur la Perse, il opère des fouilles dans le Nord et le centre du pays, parcourt à maintes reprises le Kurdistan et l’Arménie, visite la Chaldée et la Turquie d’Asie, donnant toute son attention aux diverses branches de la science. Ce polyglotte qui maîtrise la plupart des langues européennes, parle également le malais, le persan et le turc.

Il est donc un des Européens connaissant le mieux les régions qui sont alors devenues le front oriental et que les communiqués de presse mentionnent quotidiennement. En collaborant au journal montpelliérain, J. de Morgan cherche à mettre son expérience au service des lecteurs. Miné par les maladies qu’il a contractées au cours de sa rude existence d’explorateur, cet homme d’action s’efforce de se rendre utile.

Notons que c’est dans L’Éclair de Montpellier que J. de Morgan a publié le plus grand nombre des articles qu’il a consacrés à la question d’Orient. Il s’agit bien du journal privilégié – à défaut, peut-être, d’un grand journal parisien. En fait, il semble bien que dans « les milieux bien informés » on savait très bien, déjà, que les promesses faites aux Arméniens ne seraient pas tenues et les thèses généreuses soutenues par J. de Morgan n’étaient plus à l’ordre du jour. C’est l’honneur de la presse montpelliéraine d’avoir largement ouvert ses colonnes au grand orientaliste et à l’ardent arménophile. Comment J. de Morgan a-t-il été conduit à publier dans L’Éclair de Montpellier ? Il est difficile de le discerner. A l’époque où il a commencé à publier dans ce journal (son 1er article :Les Balkans et la Macédoine » paraît le lundi 6 décembre 1915) il se trouvait dans le Midi de la France, à la recherche d’un climat clément et d’un bon médecin – mais il ne vivait pas à Montpellier. Y serait-il venu pour consulter des spécialistes de la Faculté de Médecine ? Aurait-il à cette occasion rencontré le directeur du journal ? Sa correspondance avec ce dernier montre qu’il partageait les idées politiques de la direction du journal. En revanche, dans La Dépêche de Toulouse, il n’a publié qu’un seul article : « La Turquie capitule », qui parut le 9 octobre 1918. En fait, c’est le grand écrivain (en langue française aussi bien qu’arménienne) et patriote arménien Archag Tchobanian qui a « placé » cet article dans ce journal. J. de Morgan mit tout de suite un terme à sa collaboration involontaire à la Dépêche de Toulouse, pour des raisons qu’il explique à Tchobanian dans une lettre du 8 octobre 1918. « La Dépêche de Toulouse est la grande ennemie et la grande concurrente de L’Éclair de Montpellier et la couleur de la « Dépêche  ne permet pas que mon nom figure dans ses colonnes ». […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Edmond KHAYADJIAN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf