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Description

La littérature locale au service de l’histoire des mentalités

La culture populaire de base, un monde à explorer ! Un pan de notre livre, Dix Villages, dix Visages, traduit ce souci. L’on y découvre une étonnante soif d’écrire dans le cadre de terroirs privilégiés – certains villages paraissent stériles en ce domaine – et en des genres aussi différents que les récits, les contes, les sornettes, les chansons, les proverbes, les promptes et vives réparties, les bons mots (Chassary), qui émaillent des revues comme la « Campana de Magalouna ». Considéré comme plus noble, l’art dramatique est pratiqué surtout par les Cournonterralais. Mais dans le milieu des villageois instruits, où l’on se pique de culture, les gens d’esprit tiennent la poésie pour supérieure à tout le reste, et nombreux sont ceux qui s’y sont essayé en lui donnant des formes extrêmement variées.

L’article suivant voudrait en apporter le témoignage par l’analyse de quelques-uns de ces nombreux écrits qui ont été publiés ou restent dans les tiroirs de leurs auteurs ou de leurs descendants. Bien sûr, ces « écrivains de campagne » y trouvent une gratification et en retirent une plus-value lorsqu’ils obtiennent quelques succès locaux ou régionaux. Mais là ne s’arrête pas leur projet : pour beaucoup, il y a dans ce geste, un engagement social au service d’une cause, un acte de militance même quelquefois, ou un acte de foi en Dieu ou en l’Homme qui rejoint alors la démarche politique et la vie religieuse.

La Louange du pays, de son passé et de sa langue

Chanter le village où l’on est né et où l’on vit, proclamer sa fidélité et son attachement à son petit pays, dire qu’il est le plus beau, le plus agréable, est-ce être chauvin ou fier de son berceau ? En tout cas, les chansonniers s’ingénient à le faire dans des hymnes à leur village – La Cournonterralaise par exemple – en marquant la supériorité réelle ou prétendue du lieu décrit par un trait particulier, comme le fait Léon Grollier dans la « Campana de Pignon ». La voix de la cloche qui l’emporte sur celle des autres villages montre la primauté de ce lieu :

La terra tressana
Quand nostra campana
sona a grand balan.
S’ausis de Fabrèga
Tout en faguent léga
A la de Saussan.

Sa voués per oundadas
Monta sans escalas
De la terra au ciel
E soun tin brounzina
Jusqu’à la coulina
Que toca Murviel

La terre tressaille
Lorsque notre cloche
Sonne à grande volée.
Elle s’entend de Fabrègues
En rendant jalouse
Celle de Saussan.

Et sa voix, par vagues
Monte sans échelles
De la terre au ciel
Et son bronze vibre
Jusqu’à la colline
Proche de Murviel.

C’est encore M. Mayneau, curé de Murviel qui compose en 1824 un long éloge de paroisse, avec son origine immémoriale, ses vignes et ses fruits, « la sagesse de ses vierges », « la religion de ses jeunes et de ses vieux, du berceau à la tombe ». Et en guise de conclusion, d’écrire : « Nul bourg à ses côtés n’élève un front rival ».

Et chacun doit s’y trouver à son aise :

« Enfin, tout homme né dans ce sol délectable,
Doit y bénir le ciel de ce don ineffable.
L’étranger qui l’habite y voit tout son bonheur,
Contemplant ses bontés, ses charmes, son bon cœur. »

Cournonterral mérite les louanges de Claire Bonnier qui écrit dans son poème, dédié à son voisin le félibre Bastide de l’Oulié, des vers occitans que défigure la traduction :

« Chante ta joie, ô mon village
Cournon, monte dans la clarté
De l’enthousiasme de ton passé
Tu as conservé l’héritage. »

Mais c’est surtout Danton Cazelles qui a bien mérité de sa patrie à travers ce manuscrit « enluminé » où, dans une cinquantaine de textes, il exprime son amour pour sa « Ville Affranchie » :

« Moun Cournou, ma citat poulida,
Moun nis caud, ma maïre carida,
Maï qu’un autre pais siès beu ! »

Comme tous les félibres de Cournon, il vante son glorieux passé. Tel est en effet le lot de cette « vilote », si l’on en croit la tradition qui évoque l’impérissable souvenir du passage d’Annibal dans cette cité, ce qui lui aurait valu son nom : Cur non ? Pourquoi pas ? Ne montre-t-on pas la fontaine où le héros carthaginois s’est désaltéré 218 ans avant Jésus-Christ et la pierre « annibenca », « bu butarou » où il a attaché son cheval ?

Plus fondée est cette réputation d’ancienneté pour Murviel, grâce à son oppidum préromain, qui inspire au poète local un grand hymne à la cité enfouie qui revit dans son imaginaire splendeur :

« Viens suis-moi, parcourons cette ville si belle…
Le chef-d’œuvre de l’art partout s’y déployait
C’était le vrai foyer de la magnificence. ».

Informations complémentaires

Année de publication

1990

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Louis SECONDY

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf