La grande enquête de 1666.
Les usurpateurs de titres de noblesse
dans les anciens diocèses de Montpellier et Lodève

* Historien des communes et des familles de la région de St-Guilhem, Argelliers et Viols,
11000 Carcassonne

Le généalogiste, comme l’historien, n’est jamais à l’abri de bonnes comme de mauvaises surprises dans ses recherches, pensant parfois s’être trouvé un ascendant noble, ou avoir trouvé un noble détenteur d’un domaine donné, en parcourant de vieux registres paroissiaux ou notariaux des XVIe et XVIIe siècle, généralement avant les années 1670.

Mais, celui-ci n’apparaît curieusement dans aucun armorial ou nobiliaire connu (Anselme, Aubais/Baschi, Courcelles, La Roque, Moreri, Saint-Allais, etc.). Pensant à une omission, chose fréquente pour certaines familles éteintes en quelques générations à peine, ou par inachèvement fréquent de certains nobiliaires envisagés pour l’ensemble du pays, travail de plusieurs décennies, il ne retrouve pas davantage cette famille dans les registres relatifs aux anoblissements anciens (Hallez-Claparède, 1869), même en ayant pensé à rechercher dans les multiples documents du Cabinet des titres, en grande partie disponibles, mais hélas dans la plus médiocre des présentations, sur Gallica1.

A cela, plusieurs raisons :

Le nom, tout en s’étant maintenu, a pu disparaître de la région, et se retrouver ainsi dans les armoriaux de provinces peu ou prou éloignées, à la suite de migrations pour raisons professionnelles ou matrimoniales.

Ainsi, s’agissant par exemple des Saint-Félix, que l’on retrouvera possessionnés en de nombreuses localités héraultaises (Clapiers, Montpellier, Viols-en-Laval, etc.), on ne trouvera rien dans un armorial spécifique à la généralité de Montpellier, et il conviendra de se rapporter à leur sujet à d’autres documents propres au pays toulousain.

De même, c’est dans les volumes parisiens de l’armorial de 1696, dit Hozier, que l’on retrouvera le blason de François de Planque, chevalier de la Religion et des Ordres militaires de St-Maurice et de St-Lazare de Savoie, et agent en France de Son Altesse royale de Savoie, bien qu’originaire du mas de Maure, à Argelliers (Hérault), et celui de Gabrielle de Hallot de Goussonville, son épouse. Par contre, le blason d’un neveu, Jacques de Planque, auditeur en la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier, se retrouvera dans les volumes du même armorial spécifiques au Languedoc 2.

Le nom a pu changer, les noms de terre finissant fréquemment par remplacer les noms patronymiques de baptême, abus coutumier sous l’Ancien Régime, et au-delà.

Ainsi, les Atbrand, ancienne famille juive puis catholique de Montpellier, barons de Pégairolles et Buèges en 1295 par acquisition de la seigneurie qui sera cédée en 1680, et barons de Murviel-lès-Béziers par suite d’un mariage de 1376, finissent par s’appeler Murviel dès la fin du XVIe siècle, et c’est au patronyme apparent Murviel, simple nom de terre, et non à celui d’Atbrand, véritable patronyme d’origine, qu’il conviendra de rechercher les informations basiques, aussi incomplètes et parfois erronées puissent-elles être dans les documents de référence relatifs à la noblesse.

C’est-là un processus fort classique, que l’on retrouve aussi pour le fameux homme de guerre connu sous le nom de Turenne, en fait Henri de La Tour d’Auvergne-Bouillon, sans rapport aucun avec les Turenne du village d’Aynac (Lot) qui viendront s’implanter dans la région de Montpellier fin XVIIIe, alors possessionnés à Pignan puis Montarnaud, Villeveyrac, Viols-en-Laval, etc.

Le nom a pu disparaître, faute d’héritier mâle ou de relevage du nom par la descendance d’une fille. C’est souvent le cas en effet pour des familles anciennes ayant pu disparaître au fil du temps, sans autres traces que de fugaces mentions archivistiques, et donc pour des familles inconnues des répertoires et des généalogies nobles pour la plupart dressés seulement à la fin XVIIIe ou courant XIXe siècles.

Enfin, les erreurs ne manquent pas, et l’on peut relever de nombreux oublis, de nombreuses imprécisions, et surtout pas mal d’enjolivures et autres affabulations concernant les premières générations, à l’exemple de la notice relative aux Baschi de l’Armorial de la noblesse de Languedoc de Louis de La Roque, contenant même de grossières erreurs pour les générations les plus récentes.

Mais, dans l’empressement à remonter, trop fréquemment par copier-coller, vers des ascendances lointaines, antérieures ou non aux croisades ou à la guerre de Cent-Ans, voire bien avant (avant même l’ère chrétienne pour ceux manquant de discernement et d’esprit critique, si nombreux sur internet), péché d’orgueil de généalogiste débutant mais non d’historien confirmé, peut-être faudra-t-il déchanter, réfréner ses ardeurs, et se contenter ainsi de très roturières et donc plus humbles (du moins ordinaires) extractions, au demeurant souvent aussi passionnantes que d’autres.

En effet, les qualifications de noble, de gentilhomme, de chevalier, d’écuyer, employées à tort ou à raison dans les textes anciens, ont pu être usurpées par leurs utilisateurs comme cela était bien souvent le cas aux époques anciennes, surtout si, quelques années ou décennies après leur premier emploi constaté, abusif et répréhensible, ces qualités de pure fantaisie, du moins sans preuve aucune et donc sans nulle reconnaissance officielle (les deux cas existent), ne sont plus utilisées par les mêmes personnes, pourtant bien encore vivantes.

Une première suspicion doit venir à l’esprit du chercheur quand les qualités de la personne diffèrent, pour un mariage par exemple, entre le texte du contrat et celui de la bénédiction nuptiale, puis dans les registres baptistaires qui font suite, ou ne se retrouvent pas dans des actes dressés par-devant les autorités judiciaires. Ce que voudra bien admettre un notaire, peu ou prou conciliant, sous la dictée des comparants, pour séduire une prochaine belle-famille, n’est pas nécessairement ce qu’admettra à un moment ou à un autre un prêtre, ou bien toute autre personne à même d’apprécier les réalités, surtout dans le monde judiciaire, plus enclin à respecter les vraisemblances comme l’authenticité des choses et qui savait se jouer des subtilités entre seigneurie et simple sieurie, et donc entre seigneur, de petite ou grande envergure, et sieur, souvent de peu de chose, parfois une simple masure ou un simple champ.

Une autre suspicion naîtra de ne jamais retrouver notre prétendu noble cité comme tel dans le moindre hommage, aveu ou dénombrement prêté, pour un fief ou arrière-fief donné, à un suzerain quelconque, le roi, un seigneur de rang plus élevé, un évêque ou abbé en sa qualité de seigneur temporel de tel ou tel domaine (l’évêque de Maguelone puis Montpellier, par exemple, pour ses seigneuries ecclésiastiques de Melgueil, Montferrand, Marquerose ou Sauve), etc.

En règle générale, il conviendrait de considérer comme hypothétique, voire suspect, tout noble avant 1673. La vanité et la folie des grandeurs de nombre de nos prédécesseurs se sont trouvées confrontées, en 1669-1673, à la sanction d’une réalité désagréable. Les faux nobles ont dû s’acquitter de coûteuses amendes ayant pu mettre à mal leurs finances, et encourir le discrédit social et la honte, aussi bien devant la roture goguenarde, que vis-à-vis de leurs supposés pairs, les véritables nobles, cette caste à laquelle ils prétendaient s’agréger et avec qui ils prétendaient rivaliser. Ils avaient oublié au passage que pour les véritables nobles, même avec anoblissement officiel, il fallait néanmoins plusieurs générations, pour être véritablement reconnus par leurs pairs, selon le fameux principe du décrassage de la roture. Et ils avaient cru à tort que bien doter leurs filles permettrait de faire fermer les yeux à ceux que l’on ne pouvait indéfiniment duper et qui, devant l’appât du gain, ne sauraient être trop exigeants.

La grande enquête sur la noblesse de 1666

S’agissant de la véritable noblesse languedocienne, celle qui sut faire prévaloir ses titres quand survint l’orage judiciaire de 1666 qui s’abattit sur la noblesse de France, on se reportera plus particulièrement à divers documents disponibles sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, dont les incontournables que chacun se doit de connaître 3.

Si la personne qui utilisait les qualificatifs de noble ou autre titulature de ce type ne figure pas dans ces documents, c’est que les titres de noblesse, dans la quasi-totalité des cas, étaient fallacieux et donc de complaisance, ou du moins non reconnus comme tels, car jugés insuffisants par les autorités.

On verra cependant dans ces nobiliaires peu ou prou officiels (et ceux d’avant la Révolution l’étaient), qu’une infime partie seulement de la noblesse locale est d’extraction chevaleresque ancienne et que nombre de marchands, de magistrats, de financiers ou de propriétaires fonciers ont su, au fil des ans, en payant parfois pour cela, s’agréger à la noblesse avec l’accord officiel du pouvoir royal. Cela leur était d’autant plus facile, que cette noblesse, souvent dite de robe pour la magistrature, fut parfois généreusement accordée à qui savait la monnayer, ou était assez aisément reconnue, en 1669 ou avant, à ceux qui, sur une période donnée, avaient pu faire valoir l’usage sans avoir été préalablement inquiété et sans avoir été réellement nobles. Trois ou quatre générations de faux documents et de titres de pure complaisance, comme quelques témoins peu regardants, une certaine manière d’être et de paraître, et le tour était joué. De ce fait, la noblesse officielle n’est pas exempte d’usurpations qui ont pu déjouer les contrôles en la matière.

S’agissant de la fausse noblesse, ou du moins de celle qui ne sut ou ne put faire valoir ses titres, réels ou non, on se reportera, toujours sur Gallica, à un autre incontournable ayant pour titre : Compte général de la recette des amendes payées par les faux nobles en exécution des jugements de Mr de Bezons, intendant en Languedoc, issu du n° 724 du cabinet des titres et répertorié Fr 32,550.

Ce document, fort précieux pour le généalogiste ou l’historien d’aujourd’hui, fut réalisé à partir de 1669 à une époque où la profession des armes, l’investiture et la propriété de fiefs, comme l’hommage, ne pouvaient plus comme jadis faire à eux seuls présomption ou preuve de noblesse, pas plus que le simple témoignage de notoriété, trop aisé à obtenir. En effet, malgré toutes les vérifications de noblesse des décennies et des siècles antérieurs, les abus étaient devenus tels, sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, que nombre de personnes des classes aisées, de bonne comme de mauvaise foi, en nombre sans cesse croissant, utilisaient chaque jour davantage des armoiries timbrées, ornées de couronnes et de casques, faisant croire à une extraction chevaleresque, trompaient autorités et public sur leurs qualités réelles, et tentaient surtout d’échapper à la taille, l’impôt royal, comme à l’infamante roture, en se parant de titres nobles bien souvent de pure fiction.

Dans son fameux Armorial de la noblesse de Languedoc, le généalogiste Louis de La Roque cita ainsi des propos tirés du nobiliaire d’Auvergne d’un de ses homologues, Bouillet : « La fièvre des prétentions nobiliaires gagna les classes aisées : celui-là, sous prétexte de services rendus ; celui-ci s’autorisant de la possession de quelque bien noble ; cet autre, profitant de l’influence que lui donnait une fortune indépendante, un grade dans l’armée, un emploi dans la magistrature ou les finances, prirent à l’envi la qualité d’écuyer, affectèrent toutes les allures de l’ancienne noblesse, se firent rayer des rôles des tailles, vexèrent le peuple et se déchargèrent sur lui du fardeau de la taille ». Du moins dans les régions où cela était possible puisqu’en Languedoc, pays de taille réelle, le fait d’être noble ne permettait pas pour autant d’échapper à la taille, ce privilège n’étant accordé qu’aux nobles et roturiers titulaires de terres nobles, et pour leurs seules terres bénéficiant de ce statut, relativement rare.

Louis XIV, tout en créant des nobles à tour de bras au fil de son règne, en vendant titres et charges anoblissantes au rythme de ses besoins financiers et du naufrage parallèle des finances publiques, commença tout d’abord à révoquer les anoblissements postérieurs à 1606, ordonna la recherche des faux nobles en 1656 dans le ressort des différentes cours des Aides, dans celle de Paris en 1661, dans tout le royaume en 1664-1665.

Les faux nobles prolifèrent alors dans le sillage de l’essor du commerce, de la finance et des administrations où se presse l’élite du temps. Le menu peuple s’en délecte, les véritables nobles s’offusquent des usurpations, et c’est ainsi qu’en 1665 le sieur Jean Claveret publie une « comédie du temps dédiée aux vrais nobles de France » : L’écuyer, ou les faux nobles mis au billon.

Dès 1662, Molière s’était moqué de la prolifération des sieurs en tous genres, qui, sans pour autant se qualifier généralement de nobles, en affectaient néanmoins les manières ; l’un des héros de L’Écoles des femmes, le si moqueur Chrysalde, s’adressait en ces termes à un certain Monsieur de la Souche : « Qui diable vous a fait ainsi aviser, à quarante et deux ans, de vous débaptiser, et d’un vieux tronc pourri de votre métairie, vous faire dans le monde un nom de seigneurie ? », (acte I, scène 1, 169). Et Chrysalde de railler plus loin cette mode saugrenue qui s’étendait alors à tous : « Quel abus de quitter le vrai nom de ses pères pour en vouloir prendre un bâti sur des chimères ! De la plupart des gens c’est la démangeaison. Et, sans vous embrasser dans la comparaison, je sais un paysan que l’on appelait Gros-Pierre, qui, n’ayant pour tout bien qu’un seul quartier de terre, y fit tout à l’entour faire un fossé bourbeux, et de Monsieur de l’Isle, en prit le nom pompeux » (acte I, scène 1, 175)…

En 1671, ce sera le tour d’Arnaud de Busquet, chanoine à Saint-Girons, avec son Huque des faux nobles. Et l’on n’avait pas encore inventé la ménagerie pontificale qui, par la cour de Rome et bien évidemment de fort coquettes sommes à payer, fera bien des nobles d’opérette aux XIXe et XXe siècles, à une époque où les Républiques n’anobliront plus personne et où était révolu le temps où bien des marchands, magistrats et financiers de la France d’Ancien Régime avaient su par contre faire fonctionner à leur profit la fameuse savonnette à vilain de l’anoblissement vénal si chère aux règnes de Louis XIV et Louis XV 4

Le 22 mars 1666, un arrêt du conseil d’État soumit toute la noblesse, vraie ou fausse, à la production de ses titres filiatifs et honorifiques depuis l’année 1560, époque où étaient survenues les premières véritables remontrances contre les usurpations sans cesse croissantes et où l’on pouvait aussi disposer, relativement aisément, de registres paroissiaux permettant de contrôler les filiations (du moins pour les baptistaires, plus rarement pour les mariages, longtemps non filiatifs).

Pour le Languedoc, la grande enquête sur la noblesse sera menée par Claude Bazin de Bezons (1617-1684), intendant de la province en 1653-1673, président d’une commission nommée par les magistrats de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier, comprenant des membres des familles Anoul, Belleguise, Bernanrd, Bornier, Juin, Héricourt, Mirmand, Solas et Villerase, dont certains remettront en question l’impartialité et l’objectivité, et sans apparemment le concours d’une commission de nobles d’extraction indiscutable.

A défaut de titre constitutif d’anoblissement, récent ou pas, l’édit du 19 mars 1667 exigeait des prétendants à la noblesse de justifier, sur trois générations, comment eux-mêmes, leur père ou leur aïeul avaient pris la qualité de chevalier et d’écuyer depuis 1560, prouvant leur ascendance et filiation « avec possession de fiefs, emplois et services de leurs auteurs par contrats de mariage, partages, actes de tutelle, aveux et dénombrements, et autres actes authentiques, sans avoir fait ni commis aucune dérogeance », c’est-à-dire ne s’être livré à aucune activité professionnelle indigne d’un noble. Si l’on pouvait ainsi être noble en exerçant des magistratures subalternes, les professions de médecin ou d’avocat, se trouvaient incompatibles avec la qualité de noble tout un ensemble de pratiques, telles que marchand, bourgeois ou notaire, l’exercice des arts mécaniques (verrerie exceptée), l’achat des fruits d’une terre pour une période donnée, le fermage des terres d’autrui ou la possession d’un bien ayant été soumis plus de trente années à la taille.

La possession des titres et actes authentiques n’était pas toujours assurée, pour ceux qui étaient fâchés avec leur branche aînée, seule détentrice des archives familiales, ou ceux ne sachant vers quel notaire ou prêtre se tourner, d’autant plus que les destructions d’archives privées ou publiques furent nombreuses entre 1560 et 1630 pour cause de guerres civiles et religieuses, et qui étaient dans l’incapacité, malgré leurs droits légitimes, de faire valoir juridiquement leur qualité de noble, pourtant bien réelle.

A l’occasion de cette enquête, comme le soulignait La Roque, reprenant les propos de Charles d’Aigrefeuille, l’historien de Montpellier, « ce fut alors qu’on vit venir à Montpellier bien de bonnes gens habillées de bure et labourant eux-mêmes leurs terres, qui s’en retournaient en emportant des jugements très avantageux, tandis que d’autre, couverts de plumes et de dorures, étaient obligés de payer l’amende de 113 livres 15 sols et de donner leur déclaration au greffe, comme ils se départaient des qualités qu’ils avaient prises ». Mais Aigrefeuille, pas dupe, et donc fort lucide sur la véracité et l’impartialité des enquêtes menées, ajoutait : « On peut néanmoins dire en général, que malgré cette bonne justice, plusieurs trouvèrent le moyen d’adoucir les recherches du traitant » 5.

Ainsi, fort nombreux furent ceux qui durent renoncer, au moins momentanément, à leurs titres de noblesse et qui furent mis à l’amende.

Le registre manuscrit relatif aux usurpations de noblesse et au compte de recette du Languedoc, est particulièrement édifiant, pour chacune des deux généralités de la province, en distinguant, en premier lieu les amendes payés volontairement, pour éviter des procès perdus d’avance et des frais supplémentaires, et en second lieu les amendes payées sur contentieux.

A la rubrique « du compte général de recette et dépense faite pour le recouvrement des amendes ordonnées contre les usurpateurs du titre de noblesse en la province de Languedoc, recette des amendes qui ont été payées volontairement », on trouvera aisément les amendes payées en 1669 à partir de la vue 106/199, pour le diocèse de Montpellier (f° 100 r° – 104 v°) et pour celui de Lodève (f° 104 r° – 105 v°).

A la rubrique « autre recette à cause des amendes payées en conséquence des jugements de condamnation rendus contradictoirement », on trouvera le diocèse de Montpellier (f° 181 r° – 183 r°) et le diocèse de Lodève (f° 183 r° – v°), pour les amendes payées en 1673.

Nous donnons ci-après la liste des personnes concernées, rétablie dans un ordre alphabétique. Bien évidemment, les personnes sont enregistrées au lieu de leur résidence effective, non à celui de tel ou tel de leur domaine, au demeurant noble ou roturier selon son statut fiscal. Prénoms et patronymes ont été conservés dans leur orthographe d’origine, mais les lieux ont été saisis dans leur orthographe moderne, en s’en tenant à l’essentiel du nom (par exemple, Clermont pour Clermont-Lodève, aujourd’hui Clermont-l’Hérault, ou Pégairolles).

Diocèse de Montpellier

1) Compte des amendes payées volontairement

  • ALEXIS, Jean, seigneur de Maureillan, de Mauguio, mars 1669, f° 102 v°.
  • ALLEZIELS POUZAIRES, Laurens, cons. des tailles au d. de Montpellier, mars 1669, f° 101 v°.
  • AUDIFRECT, André, d’Aniane, mars 1669, f° 102.
  • AUZEMAR, Jean, docteur et avocat, de Montpellier, mars 1669, f° 102 v°.
  • BARBE, Antoine du, de Poussan, mars 1669, f° 101 v°.
  • BARRAI ou BANAI, Fulcrand, avocat, de Montpellier, fév. 1669, f° 100.
  • BEAULAGUET, Estienne, d’Aniane, mars 1669, f° 101 v°.
  • BOISSEAU, Louis, sieur de la Moure, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • BOUQUET, Henry du, sieur des Prats, de Ganges, mars 1669, f° 101.
  • BOUSQUET, Louis de, sieur de Seg…, de Ganges, fév. 1669, f° 100 v°.
  • BRESSOLE, François, dit de Troussan et seigneur de Puget et Berargues, mars 1669, f° 103.
  • BUISSON, François, de Mauguio, mars 1669, f° 102 v°.
  • CASTEVIEIL, Antoine, de la maison de la Salle, de Cazilhac, mars 1669, f° 102 v°.
  • CASTEVIEIL, Jacques, de Ganges, mars 1669, f° 102 v°.
  • CASTILHON, Charles, seigneur de Carignan, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • CAUSSE, Guillaume, de Montpellier, mars 1669, f° 102 v°.
  • CAYLA du BOSC, Jean du, de St-Bauzille-de-Putois, mars 1669, f° 101.
  • CLAUZEL (prénom non indiqué, sans doute Jean), du mas de Marou au Causse-de-la-Selle, mars 1669, f° 102 v°.
  • CORBIERE, Jean, demeurant ci-devant à Pézenas et à présent à Frontignan, mars 1669, f° 101 v°.
  • DACHEZARS, Jean, d’Aniane, mars 1669, f° 103.
  • DALMERAS, Claude, seigneur d’Aldigier, de Nîmes, mars 1669, f° 101.
  • DAYDIER, François, sieur de Puech…, de Lansargues, fév. 1669, f° 100 v°.
  • DESFOURS, Jean, capitaine, seigneur du château de Beaux dit de St-Jean-de-Buèges, mars 1669, f° 103 (voir explications infra).
  • DIMART (prénom non indiqué), charron, d’Aigues-Mortes, mars 1669, f° 103.
  • DONNADIEU, Jean, fils d’autre Jean, de Montpellier, mars 1669, f° 101 v°.
  • DONNADIEU, Pierre, Lt d’une Cie dans le Rgt des Ribes, de Montpellier, mars 1669, f° 101 v°.
  • DUCABE, Jean, de Poussan, mars 1669, f° 101.
  • DUCHER, Fulcrand, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • DUCHER, Henry, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • DUCHER, Henry, sieur de Caunelles, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • DUCHER, Pierre, seigneur de Caunelles, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • DULAS, David François, viguier d’Aniane, mars 1669, f° 103.
  • DUMAS, Pierre, d’Aniane, fév. 1669, f° 100.
  • DUMOIS, Jean, de Vendargues, mars 1669, f° 103 v°.
  • DUMONT, Philippe, de Montpellier, mars 1669, f° 103 v°.
  • DURANDURE Théodore, de Montpellier, fév. 1669, f° 100 v°.
  • GAILLARD, Guillaume, de Frontignan, mars 1669, f° 101.
  • GERVAIS, Barthélémy, docteur et avocat, de Montpellier, mars 1669, f° 103.
  • GERVAIS, Simon, juge du marquisat de Ganges, y demeurant, mars 1669, f° 102.
  • JUOND (?), Jean, de Poussan, fév. 1669, f° 100 v°.
  • JUIN, Henry, de Frontignan, fév. 1669, f° 100.
  • JUIN, Simon, de Frontignan, mars 1669, f° 101.
  • LAUDES, Mathieu, de Montpellier, mars 1669, f° 102.
  • LAYNADIER, Antoine, de Villeneuve-lès-Mag., mars 1669, f° 101 v°.
  • LOMBRIEU, François, fils de feu Izaac, coseigneur de Vic et y demeurant, mars 1669, f° 102.
  • MANIEL, Paul, de Montpellier, fév. 1669, f° 100 v°.
  • MESTRE, Bernard, de Montpellier, fév. 1669, f° 100 v°.
  • MEYNIER, Jean, de Castries, mars 1669, f° 102 v°.
  • MICHEL, David, de Montpellier, mars 1669, f° 101.
  • NATTES de MOLET, Balthazard de, de Montpellier, mars 1669, f° 104.
  • PLAN, Izaac du, d’Anduze, demeurant à Montpellier, mars 1669, f° 102.
  • POITAVIN, Antoine, cons. du roi, receveur des tailles au d. de Montpellier, fév. 1669, f° 100 v°.
  • RAYMOND, Pierre, de Montpellier, fév. 1669, f° 100.
  • REBUFFY, Pierre de, de Montpellier, mars 1669, f° 102.
  • RIGAL, Pierre, fils de feu Balthazard, sieur de las vissau (les Bayssures, à St-Guilhem), de Pégairolles-de-Buèges, mars 1669, f° 103 v° (voir explications infra).
  • ROCHER, Emanuel, viguier de Pignan, mars 1669, f°.
  • ROMIEU, Jean, docteur et avocat, frère du susdit (sieur d’Usclas ci-après), de Montpellier, mars 1669, f° 104.
  • ROMIEU, Jean, sieur d’Usclas, de Montpellier, mars 1669, f° 104.
  • ROQUEFEUIL, Louis Henry de, sieur de St-Martin, d’Aniane, mars 1669, f° 103 (voir explications infra).
  • SARGES, Jacques, docteur et avocat, de Montpellier, mars 1669, f° 103.
  • SERANNE, François, de Poussan, mars 1669, f° 102.
  • TUFFANY, Pierre, fils d’Henry, de Montpellier, mars 1669, f° 102 v° -TUZAN, Pierre, de Lunel, mars 1669, f° 102.
  • VAUQUEL, Jean, docteur et avocat, de Montpellier, mars 1669, f° 102.
  • VENTVOICT, Jacques, de Montpellier, mars 1669, f° 101.
  • VIDAL, Antoine, de Montpellier, mars 1669, f° 104.
  • VIGNES, Jean, cons. du roi, juge et magistrat de la sénéch. et siège présid. de Montpellier, fév. 1669, f° 100 v°.

2) Compte des amendes sur condamnation

  • ANGELIN, Antoine, de Montpellier, avril 1673, f° 182.
  • BANJETTON, Pierre, sieur de Valabrix, avril 1673, f° 182.
  • BERNARD, Charles, de Montpellier, avril 1673, f° 181.
  • BONNEFOUX, Michel, marchand, de Montpellier, avril 1673, f° 182.
  • BOYER, François, sieur de la Bonheur, de Ganges, avril 1673, f° 181 v°.
  • CAPON, Jean, de Montpellier, avril 1673, f° 181.
  • ESTIENNE, Aymerie, sieur de Pradelles, avril 1673, f° 181 v°.
  • FALGUEROLLES, Antoine, de Montpellier, avril 1673, f° 182.
  • FALGUEROLLES, Guillaume, de Montpellier, avril 1673, f° 181 v°.
  • FALSAN, Gilles, de Montpellier, avril 1673, f° 182.
  • FARGES, Jean, sieur de la Bruguière, de Montpellier, avril 1673, f° 182.
  • FARUT, Jean, de Montpellier, avril 1673, f° 182 v°.
  • FOUCARD, Jean, de Montpellier avril 1673, f° 182.
  • GAILLARD, Jean, sieur de Frontignan, avril 1673, f° 183.
  • GINESTE, Pierre, de Montpellier, avril 1673, f° 181.
  • GIRARD, Antoine, de la maison d’Agrès, de La Boissière, avril 1673, f° 183.
  • GRAND CHAMP, Estienne, sieur de la Plante, avril 1673, f° 181 v°.
  • PACHEQ, Jean, de Lunel, avril 1673, f° 182 v°.
  • PACHEQ, Moïse, de Lunel, avril 1673, f° 182 v°.
  • PASCAL, Pierre, de Mauguio, avril 1673, f° 181 v°.
  • PAYEN, Théophile, de Montpellier, avril 1673, f° 182 v°.
  • PERIER, François, de Balaruc, avril 1673, f° 182 v°.
  • PERIER, Jacques, de Balaruc, avril 1673, f° 182 v°.
  • PLANQUE, Henry, de Montpellier, avril 1673, f° 181 v°.
  • PLANQUE, Pierre, sieur de Lavalette, de Montpellier, avril 1673, f° 181 v°.
  • PORTALEZ, Claude, de Montpellier, avril 1673, f° 183.
  • RICHER BELLEVAL, Georges, de Montpellier, avril 1673, f° 182.
  • ROSSET, Thomas, juge de Montpellier, y demeurant, avril 1673, f° 182 v°.
  • SIBERT, Henry, de Montpellier, avril 1673, f° 183.
  • SOLASC, Louis, de Lunel, avril 1673, f° 183.
  • TISERRAN, Estienne, de Lunel, avril 1673, f° 182.
  • TREMOULET, David, de Balaruc, avril 1673, f° 182 v°.
  • VALOBREURE, Pierre, de Montpellier, avril 1673, f° 181 v°.
  • VEDEL, Jean, capitaine, de Lansargues, avril 1673, f° 182 v°.
  • VIGNES, Louis, de Montpellier, avril 1673, f° 183.

Diocèse de Lodève

1) Compte des amendes payées volontairement

  • ARCHAMBAU, Aymé, de Clermont, mars 1669, f° 105.
  • BACOU, Barthélémy, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • BASTARD, Pierre, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • BAUDOIN, Henry, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • BONNEFOUX, Henry, sieur de Fabrègues, de St-André, mars 1669, f° 105 v°.
  • CAYROL, Pierre, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • DOMIERGOUX, Jean François, de Ceyras, mars 1669, f° 105.
  • FABRE, Gabriel, sieur de la Tude, mars 1669, f° 105 v°.
  • FABRE, Henry, seigneur de la Tude – Madières, de Lodève, mars 1669, f° 105 v°.
  • FABRE, Philippe, fils de Henry, de Lodève, mars 1669, f° 105 v°.
  • FARELLES, Pierre, de Caux, mars 1669, f° 105.
  • GERMAIN, Jacques, de Caux, mars 1669, f° 105.
  • LAURENS Jean Antoine, de Clermont, mars 1669, f° 105.
  • LEOTARD, Barthélémy, de St-André, février 1669, f° 104.
  • LEOTARD, Jean, docteur ès droits, de Clermont, mars 1669, f° 104.
  • LEOTARD, Pierre, de St-André, février 1669, f° 104.
  • MAFFRE, Louis, sieur de Grézac, mars 1669, f° 104v°.
  • MALAURE, Antoine, seigneur d’Argerade, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • MALMONT, Dominique, seigneur de Sablières, de Clermont, mars 1669, f° 105 v°.
  • MARCELIN, Louis, de Clermont, mars 1669, f° 105 v°.
  • MARCELIN, Pierre, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • MATHIEU, Jacques, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • MAZERAND, Jean Jacques, seigneur du Ver, viguier du Caylar, mars 1669, f° 105.
  • MICHEL, André, de Clermont, mars 1669, f° 104v°.
  • PEYNE, Jean, de St-Jean-de-Fos, mars 1669, f° 105 (voir explications infra).
  • TIFFY, Estienne, sieur de la Vaissière, de Pégairolles, mars 1669, f° 104v°.
  • TIFFY, François, du Caylar, mars 1669, f° 105 v°.
  • TREL (ou TREIL), André, de Clermont, mars 1669, f° 105.
  • VALIBOUZE, Philippe, de Ceyras, mars 1669, f° 104v°.

2) Compte des amendes sur condamnation

  • BEZOMBES, Daniel, de Lodève, avril 1673, f° 183 v°.
  • BOUDOUIN, Pierre, de Clermont, avril 1673, f° 183 v°.
  • FONTES, Philippe André de, sieur de Trigues, y demeurant, avril 1673, f° 183 v°.
  • FOURGERON, Jean, de Lodève, avril 1673, f° 183.
  • MAZERAN, Antoine, sieur de St-Saturnin, y demeurant, avril 1673, f° 183 v°.
  • MESTRE, Philippe, de Clermont, avril 1673, f° 183 v°.
  • PEYROTTES, Jean, de Lozières, avril 1673, f° 183 v°.
  • RIQUET, Pierre, de Lodève, avril 1673, f° 183 v°.

Des cas exemplaires : les familles Rigal et Desfours

Prenons le cas de Pierre Rigal, ou Pierre de Rigal, à la particule de pure fantaisie, assez humble sieur de Larret, à Pégairolles-de-Buèges, mis à l’amende en 1669, capitaine de bourgeoisie de son village et titulaire d’un domaine roturier, le mas de Larret. Un de ses fils, Jacques Rigal (1678-1765), sieur de Larret, sera l’époux en 1724 d’une fille de la plus authentique noblesse, Françoise de Roquefeuil, de la Maison de Cambous ; un autre fils, Pierre Rigal né en 1680, sera cité en 1711 comme capitaine au régiment de Tournezy.

Dès la fin du XVIe siècle, sur plusieurs générations, la famille (et les familles apparentées) baignait par les femmes dans le monde de la petite noblesse régionale, laïque ou religieuse (moines de l’abbaye de St-Guilhem) ; de là naît l’illusion des fiefs détenus, pourtant souvent de peu de valeur et parfois arrachés à une abbaye aux abois lors des grandes guerres de religion et contrainte de céder nombre de ses possessions ; comme aussi l’illusion, pour avoir porté parfois les armes, de pouvoir s’agglomérer, sans trop de formalités autres que l’usage, au si envié second ordre du royaume.

Vivant des fermages de ses assez modestes terres, Pierre Rigal avait épousé une Henriette Desfours, mariage vraisemblablement célébré en l’église St-Barthélémy, à St-Guilhem (registre perdu avant 1687) et non contractualisé en ce lieu ni à St-Jean-de-Buèges.

Le père de celle-ci, Jean Desfours, capitaine, seigneur du château de Beaux (ou Baux), à St-Jean-de-Buèges, époux en 1638 d’une authentique noble, Jeanne de Saint-Julien (ou Saint-Jullian), et fils d’un autre Jean Desfours, seigneur capitaine et viguier dudit St-Jean, époux quant à lui d’une noble supposée, Madeleine de Guy, se disant alors noble 8, sera lui aussi mis à l’amende en 1669. Sa noblesse prétendue n’est pas reconnue, du moins jugée probante, tout en ayant eu deux frères morts au service du roi, Pierre, capitaine, que l’on disait écuyer, mort sans alliance au siège de Leucate en 1637, et Louis, seigneur du Coulet, 1er mari de Jacquette Dupin, mort dès 1622 au siège de Montauban, la veuve se remariant en 1627 avec le capitaine Jean Peyne, de St-Jean-de-Fos.

Un fils de ce second lit, autre Jean Peyne, juge en la temporalité de St-Guilhem, époux d’une authentique noble, Isabeau de Benoist, sera lui aussi mis à l’amende en 1669 (diocèse de Lodève), le fils pouvant être bourgeois, capitaine et maire de St-Jean-de-Fos, tel Jean Henri Peyne, époux Réginard en 1689, comme le cousin de celui-ci simple boulanger à Sète, tel Jean Peyne, époux Vincent en 1690.

Quant à Madon Desfours, fille de noble Louis Desfours, seigneur du Coulet, et de Jacquette Dupin 9, mariée mineure en 1638 avec Jacques Gailhac, viguier de St-Guilhem, elle verra par contre ses enfants ou petits-enfants accéder à la noblesse de robe au XVIIIe siècle à travers son fils aîné, Jacques Gailhac, sieur de Clamouse, viguier de St-Guilhem puis auditeur en la Cour des Comptes, Aides et Finances, époux Qurelles en 1675, ou à travers les enfants de son fils cadet, Guillaume, viguier de St-Pargoire, époux Girard en 1674 10.

Enfin, un oncle d’Henriette ou Henrie Desfours, Henri, sera religieux à St-Guilhem, refusant de s’agréger à la congrégation de St-Maur, ultime moine de l’antique observance, mort en 1683, à ne pas confondre avec autre Henri Desfours, frère d’Henriette, qui sera quant à lui, avant 1712, prêtre et prieur de Pouzols. (fig. 1)

Articulation entre familles (tableau Christian Pioch)
Fig. 1 Articulation entre familles (tableau Christian Pioch)

Ce Pierre Rigal dont nous sommes partis, simple roturier, d’une famille pourtant en marche vers la noblesse, avait pour père Balthazard Rigal. Celui-ci avait épousé avant 1608 une Thomasse Lavalette (ou La Valette), d’une famille, dite à tort ou à raison noble, qui donna de nombreux religieux au monastère de St-Guilhem.

Feu Balthazard, de son vivant sieur des Bayssures, c’est-à-dire les fermes comprises entre la crête des monts de St-Guilhem et celles de la Séranne, momentanément inféodées à des tiers avant que le monastère ne récupère ses droits, sera qualifié de noble en 1654 quand une de ses filles, Magdeleine, épousera Fulcrand André, de St-Guilhem, en présence de Pierre de Rigal, son frère 11. Mais est-il noble pour autant ? Assurément non…

Certes, Balthazard est cité dans le testament de 1608 de son père 12, Jacques de Rigal, mais celui-ci est alors tout au plus qualifié de sieur des Bayssures et viguier de la baronnie de Pégairolles de Buèges, détenue à cette époque par les Atbrand alias Murviel.

Quant à la mère de Balthazard, la demoiselle Hélix de Roquefeuil, elle appartient certes à cette illustre famille aristocratique de Languedoc et Rouergue que sont les Roquefeuil, puisque issue du mariage en 1535 entre Jean de Roquefeuil, seigneur de la Tour, Cournonsec, Miraumont, et Anne de Vergnolles, laquelle apportait alors à son époux la seigneurie de Londres, nouveau foyer d’essor pour les Roquefeuil d’où sortiront les branches qui tiendront les châteaux du Mas-de-Londres (Roquette ou Castel Londrais), de Notre-Dame-de-Londres et de Brissac.

Mais la noblesse ne se transmet en France que par les hommes, sauf rarissime exception, à l’exemple de la famille d’Arc, les femmes pouvant transmettre des fiefs, mais non la qualité de leur père. Et encore, cette transmission par les hommes nécessite qu’il y ait eu procréation par légitime mariage, et non légitimation d’enfant naturel, voie désormais interdite à la noblesse depuis le règne d’Henri IV, pourtant grand géniteur et connaisseur en la matière.

Le droit d’Ancien Régime n’est pas ainsi celui d’aujourd’hui, si favorable aux enfants naturels. C’est ainsi qu’en 1669, Louis Henry de Roquefeuil, sieur de St-Martin d’Azirou, habitant d’Aniane, sera mis lui aussi à l’amende car issu d’une branche bâtarde de la famille formée avant 1604 par le mariage entre Louis de Roquefeuil, fils naturel d’un autre Louis, de la branche de la Tour de Sorgues, et Louise de Guy, belle-sœur du premier capitaine Jean Desfours dont nous avons parlé plus haut. De plus, si Azirou a été cédé par l’abbaye de St-Guilhem à de tierces personnes aux temps obscurs des guerres civiles, ce n’est en rien un fief, seulement une vaste ferme sur laquelle les Roquefeuil n’ont jamais exercé de droits féodaux.

Pierre Rigal donc, né vers 1632, époux Desfours avant 1666 (acte inconnu), mort à Montpellier en 1702, se qualifie cependant lui-même de noble en 1665-1666, se gardant bien, pour cause d’amende sévère payée volontairement en 1669, de récidiver ensuite.

Ainsi le voit-on en octobre 1665, traiter avec Messire Henri d’Authemar, abbé, seigneur de l’abbaye de St-Guilhem et de ses dépendances, lequel, sachant ses prédécesseurs, par contrat du 10 avril 1597, avoir baillé à feu noble Jacques de Rigal, habitant de St-Maurice, pour et au nom de Balthazar de Rigal, son fils, toute la haute, moyenne et basse justice des lieux des Besses, Soulagets, Mas Andrinenc, confirme au noble Pierre de Rigal, sieur de Larret, fils et héritier de Balthazar, ledit fief noble 13.

Mais, on a beau posséder des biens nobles, en fief ou en arrière-fief, l’on n’en est pas pour autant noble aux yeux de la législation du temps. Quant à cet acte de 1665, fort curieux, il interpelle l’historien puisque depuis le concordat passé entre l’abbé et les moines de St-Guilhem, en 1632, l’abbé n’a plus aucun titre pour traiter de ce type d’affaires qui relèvent uniquement du seul chapitre monastique. Et dès 1614, à l’époque où l’abbaye cherchait à recouvrer son temporel, Balthazar de Rigal, beau-frère de noble Jean de Lavalette, était impliqué avec le camérier de St-Guilhem, noble Antoine de Lavalette, et les sieurs Capmal et Bourboujas dans une transaction visant à faire de ces domaines de simples emphytéoses, non de véritables fiefs 14.

Quant à la terre de Larret, c’est des Desfours qu’elle sera tenue, non des Rigal eux-mêmes, comme il ressort du compoix de 1643 de St-Maurice, où le mas de Larret est porté aux biens roturiers de Jean Dufour (Desfours) de St-Jean-de-Buèges, seigneur des Beaux, simple sieurie constituée, au sein des patus de la communauté de Pégairolles inclus dans le taillable du Coulet dépendant de la communauté de St-Maurice 15. Au cahier des biens prétendus nobles qui fait suite, point de Desfours et point de Rigal…

Et cette seigneurie des Beaux est presque fictive, puisque l’on voit en 1645 Gaspard de Murviel, maître de camp, baron de Murviel et de Pégairolles, tenter de faire valoir son droit de prélation sur le château des Beaux et d’obtenir ainsi l’annulation de la vente de 1633, puis se lancer dans un long procès avec la veuve de Samuel de Trinquaire, Marie de Greffeuille, qui ne se terminera qu’en 1677, conflit dans lequel les Desfours sont bien peu de choses entre les véritables grands de ce monde languedocien qu’étaient alors les Murviel ou les Trinquaire.

Une fois la baronnie de Pégairolles de Buèges cédée en 1677-1680 par les Murviel aux Ratte de Cambous, on se rendra de ce fait compte que les droits des Desfours n’étaient que fiction ou de bien peu de poids. Ainsi, début janvier 1693, à St-Guilhem, à l’époque où la fiscalité des biens nobles fait l’objet de sévères vérifications, Jeanne de Saint-Julien, veuve de Jean Desfours, résidant à présent à St-Guilhem, déclare que noble François de Ratte, baron de Pégairolles de Buèges, seigneur de Cambous et autres places, est le véritable possesseur des quelques biens dont elle dispose. Bref, les Desfours et les Saint-Julien ne possédaient que des droits pour le moins limités, presque symboliques 16. Rien de plus.

Sur un compoix non daté, antérieur à 1637, Larret était porté au nom de noble Pierre De Fours (Desfours), sieur des Beaux de St-Jean-de-Buèges, frère de Jean, resté quant à lui sans alliance connue et mort au siège de Leucate en 1637 17.

Au compoix de 1666, peu avant la mise à l’amende des usurpateurs de titre de noblesse, le mas roturier de Larret est par contre porté au nom de noble Pierre de Rigal, sieur de Larret, tout au plus constitué par une maison et autres couverts de 37 cannes, un cazal de 28 cannes 4 pans, un jardin et chanvrière de 1 quarte 5 dextres, de terres labouratives pour 57 sétérées et d’un devois, bois ou pâtures de 410 sétérées, le tout allivré 11 livres 11 sols et 4 deniers, de quoi faire vivre, du moins les meilleures années, les multiples fermiers qui y passeront, mais non une véritable famille noble. Quant à noble Jean Defours, sieur des Beaux, son beau-père, il ne tient alors en propre au Coulet même, en 1666, que cinq pièces de terre (champs et devois) et une jasse (bergerie) 18. Si c’était cela la seigneurie du Coulet, on a envie de penser au fameux Gros-Pierre des comédies de Molière.

Puis vient le temps, en 1669, de la fameuse amende qui, outre son coût monétaire, brise manifestement l’ascension des Rigal vers la noblesse, à charge pour eux d’y accéder désormais par des voies anoblissantes, la magistrature par exemple, ou toute autre voie officielle, quitte à payer pour cela. Pour être reconnu noble, Pierre Rigal, tout comme les Desfours de sa belle-famille, aurait dû en effet fournir ce qu’il ne pouvait point produire, savoir une suite ininterrompue de fiefs et de titulatures honorifiques remontant au-delà de 1560, année choisie comme date butoir par les autorités royales, époque où l’abbaye de St-Guilhem jouissait encore de la plénitude de ses droits sur le Larzac méridional et les monts de St-Guilhem.

Avec les années 1670, la pseudo-noblesse des Rigal et des Desfours ne s’affiche donc plus dans les actes authentiques, et l’on ne constate plus chez les Gailhac-Desfours de St-Guilhem, si connus à travers les registres paroissiaux et notariaux, une telle frénésie de titres, mais plutôt une grande humilité, consécutive aux difficultés rencontrées avec les véritables seigneurs des monts de St-Guilhem, du val de Buèges et du Larzac méridional : l’abbaye de St-Guilhem, ou les Murviel puis les Ratte pour la baronnie de Pégairolles.

En 1677 lors du mariage d’une nièce, fille André-Rigal, de St-Guilhem, Pierre Rigal sera ainsi dit seulement, amende passée, Mr Pierre de Rigal, sieur de Larret, viguier de la baronnie de Pégairolles, son oncle 19. Et encore ne sera-t-il viguier que peu de temps, remplacé à cette fonction dès 1679 par Louis Clauzel, en 1684-1686 par Jacques Caylar, etc.

Quant aux Clauzel, de la famille dudit Louis, ils ont beau détenir à Marou, au Causse-de-la-Selle, une fort belle ferme, avec terres attenantes, qui passera par mariage à la famille noble des Ginestous, ils sont eux aussi mis à l’amende en 1669.

De même, en 1691, une quittance est donnée pour le sieur Fulcrand André, de St-Guilhem, et le sieur Pierre de Rigal, sieur de Larret, contre Pierre Henry, maître tisserand de St-Guilhem. Celui-ci déclare avoir reçu 300 livres en déduction de la constitution dotale faite à Jeanne André lors de leur contrat de mariage de 1682 20. Fulcrand André précise que cette somme est acquittée des propres deniers du sieur Pierre de Rigal, sieur de Larret, son beau-frère, pour reste et entier paiement de la constitution dotale faite à feue la demoiselle Magdeleine de Rigal, épouse dudit André, par feue Thomasse de La Valette, sa mère, et ledit sieur de Larret, son frère, lors de son contrat de mariage du 19 janvier 1654. Ledit André tient quitte ledit Rigal pour tout ce qui était contenu à ce contrat de mariage : 2 000 livres, habits, dorures, coffres, bahut, etc.

Bref, une quittance en cache parfois une autre, une particule se maintient par coquetterie, mais la noblesse d’antan ne figure plus dans les titulatures depuis l’amende de 1669.

De même, dans les registres paroissiaux, finit le temps où l’on pouvait impunément se prétendre noble. Ainsi, le 6 février 1678, à Pégairolles, lors de la naissance du premier enfant dont nous ayons un baptistaire disponible, Jacques Rigal (futur époux Roquefeuil en 1724), soit environ neuf ans après l’amende de 1669, Pierre Rigal utilise toujours la particule, mais sans titre de noblesse, et se dit simplement sieur Pierre de Rigal, sieur de Larret, époux de la demoiselle Henrie de Desfours. Il en sera de même pour les enfants restant à naître jusqu’en 1687.

De ce mariage, dont le contrat a malheureusement échappé à nos recherches, il eut Henri, fils aîné, né vers 1672, mort à 28 ans en 1700 ; Marie, née avant 1678, marraine d’une sœur en 1687 ; Antoine, né vers 1675, mort à 12 ans en 1687 ; Fulcrand, né vers 1677, mort à 14 ans en 1691 ; Jacques, né en 1678 et héritier en 1701 (époux Roquefeuil en 1724), Pierre, né en 1680, futur sieur de Lacombe, encore cité en 1711, alors capitaine au régiment de Tournezy (nous ignorons ce qu’il devint ensuite) ; Henrie, née en 1682 et morte à 6 ans en 1688 ; Catherine, née en 1685 et morte à 18 mois en 1686 ; Marianne, née en 1687 et qui reçoit la confirmation en 1697.

De premiers enfants avaient été toutefois baptisés dès les années 1660, telle Isabeau, ou Élisabeth, qui décèdera à St-Guilhem en 1741, âgée de 80 ans, et qui sera mariée en 1686 avec le sieur Pierre André, de St-Guilhem. Pas de particule dans l’acte relatif à la bénédiction nuptiale, donnée à Pégairolles le 12 février, pas plus que dans le contrat de mariage dressé le même jour à Pégairolles par le notaire de St-Guilhem où une dot de 1 000 livres est consentie, somme coquette pour l’époque, dont 600 du chef du père et 400 du chef de la mère 21.

Notre Rigal teste le 17 mars 1701, à Pégairolles, par-devant le notaire de St-Jean-de-Buèges, se disant, avec particule, mais toujours sans aucun titre de noblesse, sieur Pierre de Rigal, sieur de Larret, capitaine de la compagnie de bourgeoisie de Pégairolles22. Ce jour-là, parmi les enfants qui sont encore en vie, il cite Pierre, sieur de Lacombe, puis deux filles, Marie et Anne, à qui il accorde 800 livres à 25 ans ; une autre fille, Isabeau, mariée avec Pierre André, de St-Guilhem, à qui il confirme la dot accordée, puis son épouse, la demoiselle Henrie de Desfours, à charge pour elle de rendre l’héritage à Jacques de Rigal, le fils aîné.

Il meurt à Montpellier le 5 février 1702 et est inhumé le lendemain en l’église St-Anne. Il est alors dit M. Pierre Rigal Larret, 70 ans, capitaine de bourgeoisie, habitant du lieu de Pégairolles. Ses obsèques sont rappelées dans le registre de la paroisse St-Barthélémy, à St-Guilhem, sous la mention Sieur Pierre Rigal de Larret de Pégairolles, sa veuve habitant alors ce lieu avec une partie de sa famille. Dans les deux cas, la particule n’est pas utilisée.

Peu de temps auparavant, un frère d’Henrie, Joseph Desfours, sieur du Coulet et capitaine dans le régiment de Ginestous, testait au Coulet, se disant fils de feu sieur Jean Desfours, citant frères ou sœurs (Fulcrand ; Henrie, femme de Pierre de Rigal, sieur de Larret ; Henri, prêtre) et leur mère, la demoiselle de Saint-Julien, à charge pour celle-ci de remettre l’héritage à Henri, le religieux 23.

Mais, que la vigilance royale se relâche, surtout en des fins de règne guerrières où l’on n’a plus le temps de museler la fausse noblesse en se lançant dans de nouvelles vérifications (l’enquête de 1666 est suspendue en 1674, reprise, mais de manière allégée et sommaire en 1696-1727), et les mauvaises habitudes reprennent vite le dessus. Ainsi :

— dès 1688, lors de son décès à St-Guilhem, paroisse St-Barthélémy, survenu le 3 novembre, la noble demoiselle Jeanne Desfours, 25 ans, célibataire, est dite le lendemain fille de feu noble Jean Desfours et de la demoiselle Jeanne de Saint-Jullian, et est inhumée dans l’édifice religieux. Par contre, en 1690, son frère aîné, également célibataire, 50 ans, mort le 14 avril, sera dit simplement le 15 Monsieur Anthoine Desfours, sieur de Montels, ce qualificatif de Monsieur étant repris pour le père ; les obsèques ont lieu en présence du beau-frère, le sieur Jacques de Larret (lire Rigal). Ce n’est qu’en raison des « pluies extraordinaires » que l’on inhumera en l’église St-Barthélémy.

— en 1707, lors de son décès à St-Guilhem, paroisse St-Barthélémy, survenu le 31 janvier, la demoiselle Jeanne de Saint-Jullian, est dite veuve de Messire Jean Desfours, sieur de Beaux (de Mr Desfours, en marge).

— en 1711, son unique fille encore en vie, la demoiselle Henriette de Desfours, se disant veuve de noble Pierre de Rigal, sieur de Larret, agissant en qualité d’héritière fiduciaire de celui-ci, fait rémission et transport de la somme de 400 livres à noble autre Pierre de Rigal, son fils, capitaine au régiment de Tournezy, cette somme étant à se faire payer par sieur Pierre Blaquière et le sieur Barthélémy Brès, dit le garde, son beau-frère, de St-Jean-de-Fos, comme successeurs et biens tenants de noble Henry de Beaulac. Quelques semaines après, quittance est donnée. La demoiselle Henrye Desfours, veuve et héritière de feu sieur Pierre de Rigal, sieur de Larret, et noble Jacques de Rigal, sieur de Larret, son autre fils, habitants du Coulet, déclarent avoir reçu 850 livres du sieur Barthélémy Brès, ancien garde du roi, mari et maître des biens dotaux de la demoiselle Marie Blaquière, succédante aux biens délaissées par feue Marie de Beaulac, de St-Jean-de-Fos 24.

— en 1712, Henrye Desfours, veuve et héritière de Pierre de Rigal de Larret, et noble Jacques de Rigal de Larret, mère et fils, habitants du Coulet, traitent avec Antoine Villaret, au sujet de sommes que celui-ci doit se faire payer sur les héritiers de feue Marie de Beaulac 25.

Les années passent sans que l’on puisse savoir rien d’essentiel pour l’histoire de cette famille et de certains domaines.

Mais en 1722, le 16 avril, une lettre de cachet prise au nom du duc d’Orléans, régent de France 26, se contentera de parler du « nommé Lairet », qui « obsède la demoiselle de Roquefeuil, qui est par ordre du roi dans le couvent de Sommières et prétend l’épouser malgré [l’avis de] toute sa famille ». Il est aussitôt ordonné au nommé Rigals Larret, de se rendre à Toulouse et d’y demeurer jusqu’à nouvel ordre. Le 9 mai, il signe de son nom de terre, Larret, la signification, tout en ayant à subir la quarantaine à Béziers, pour cause de peste littorale.

Épouser une vraie noble, au demeurant cohéritière d’une énorme seigneurie ? Rigal y parviendra, mais non sans difficultés. C’est ainsi, en raison de l’interdiction faite aux prêtres de Viols-le-Fort et de Pégairolles-de-Buèges de procéder au mariage, ou de leur refus, malgré accord et ordre du parlement donnés le 1er avril 1724, qu’une sorte de mariage clandestin est tout de même célébré. La bénédiction nuptiale est donnée à Viols le 24 avril 1724 par le curé de St-Martin de Montpeyroux, Pierre André, natif de St-Guilhem, neveu de noble Jacques de Rigol, comme il ressort d’une feuille volante, non portée dans les registres paroissiaux, mais faisant état de nombreux témoins. Cet acte ne sera validé par l’évêque de Montpellier que le 8 janvier 1746, soit 22 ans après, avec réhabilitation du mariage, la retranscription du document et de l’ordre épiscopal n’étant toutefois portée, le 11 février, que sur l’un des deux registres de la paroisse de Viols 27, et non sur l’autre. A Jacques Rigal la vie de château, mais une fois seulement le beau-père Roquefeuil décédé, le couple restant interdit de séjour à Cambous pour plusieurs années.

En attendant, on le retrouvera traité comme noble et seigneur en 1733. Ainsi, en septembre de cette année, le notariat de St-Guilhem enregistre une obligation pour le sieur Jacques de Rigal contre Jean Durand 28. Ce dernier, habitant du lieu du Coulet, déclare se constituer débiteur et redevable envers noble Jacques de Rigal, seigneur de Larret et du Coulet, de la somme de 600 livres provenant du reste du prix de l’afferme que feu Me Henri Desfours, prêtre, lui avait concédée de la métairie du Coulet. Il promet de s’acquitter de cette somme en s’obligeant à la payer au dit sieur de Rigal dans les six années à compter de ce jour, à raison de 100 livres chaque année, payables le jour et fête de la St-Michel, à commencer par l’année 1734 et ainsi de suite, jusqu’à entier paiement de ladite somme de 600 livres, sans aucun retard de paye.

Conclusion

En conclusion, pour les familles aisées en marche obstinée vers la noblesse, la voie pouvait être longue, comme détournée, surtout à l’époque de la Régence puis du règne personnel de Louis XV, où l’on finissait par ne plus être trop regardant sur certaines preuves de noblesse, à l’exception des accès à certaines écoles ou décorations 29

Certes, riches paysans ou riches bourgeois, bien des prétendus nobles de 1666 avaient parfois épousé une fille noble, ou pouvaient avoir eux-mêmes une mère noble, et donc un grand-père maternel ayant cette qualité, et à travers lui bien d’autres ascendants nobles, issus de familles peu ou prou prestigieuses. Et de tels cas peuvent se trouver dans nos propres ascendances. Mais, sauf rarissime exception, comme nous l’avons dit, la noblesse ne se transmettait alors que par les mâles, et ce uniquement par légitime mariage.

Certes encore, ces paysans ou bourgeois avaient parfois acquis des biens nobles et des seigneuries, nobles ou roturières, de petite comme de grande importance. Mais la terre, quel que soit son statut fiscal, ne conférait en rien la noblesse à son propriétaire, et la prise en ferme de ces domaines, y compris la collecte des droits seigneuriaux qui y étaient éventuellement attachés, ne valait point investiture.

De même, bien que non seigneurs de quoi que ce soit, ils aimaient volontiers se parer du titre si flatteur et si honorifique à leurs yeux de sieur. Mais une sieurie n’était jamais qu’une terre sortant quelque peu de l’ordinaire, en aucun cas une véritable seigneurie, et tout riche villageois du temps, comme tout riche habitant d’une ville, se disait alors sieur de quelque chose ou faisait précéder son nom de cette qualité, à l’exemple de toutes les familles aisées, mais roturières, du village de St-Guilhem.

Certes, encore, leur train de vie les apparentait parfois à la noblesse, sans avoir à travailler de leurs mains, et ils vivaient donc en rentiers, au sens moderne du terme (le rentier était alors le fermier), c’est-à-dire en ménagers jouissant des revenus, parfois conséquents, de leurs biens. Mais la fortune, pour enviée et importante qu’elle fût, n’était pas pour autant titre de noblesse.

De même, ils pouvaient donner le change, par l’habit, parfois l’épée, par leurs manières d’être et de paraître, donner l’apparence des fiefs comme des titres, s’attribuer les armoiries les plus rutilantes, mais la folie des grandeurs emporta aussi nombre de ces faux nobles qui payèrent d’un coût très élevé leurs vanités terrestres à travers les amendes auxquelles ils furent astreints en vertu de la réglementation de 1666.

Parallèlement, de vrais nobles peuvent ici ou là figurer dans les listes d’usurpateurs telles que ci-dessus rapportées, parce qu’ils n’eurent pas la chance ou la possibilité de mettre la main sur les archives nécessaires à leur prétention, notamment pour les branches cadettes, après une longue période, entre 1560 et 1630, de destructions massive d’archives privées ou publiques en tous genres.

Mais, force est de constater que si quelques véritables nobles purent être atteints par la malchance, la quasi-totalité des personnes mises à l’amende en 1669-1673 étaient néanmoins des imposteurs et usurpateurs parfaitement conscients de ce qu’ils faisaient, ayant oublié en chemin que l’habit ne faisait pas le moine, et que les subterfuges ne faisaient pas noble qui voulait.

Quant à cet ordre privilégié et si envié auquel tant de roturiers voulaient s’agréger, confronté à la grande remise en question que fut la Révolution, il verra même l’un des siens, le fameux comte d’Antraigues, énoncer à son encontre une terrible sentence lourde de sens pour un monde qui n’avait pas su évoluer et qui allait alors à sa perte : « la noblesse héréditaire est le présent le plus funeste que le ciel, irrité, ait fait au genre humain ». L’histoire, par bien des aspects, devait lui donner raison.

NOTES

1. Le site Gallica, de la Bibliothèque nationale de France, met à la disposition du public un très grand nombre d’ouvrages anciens relatifs à la noblesse, mais avec des modalités de recherche parfois aléatoires et d’utilisation peu aisée. On veillera, pour y revenir aisément, à dupliquer en PDF sur nos ordinateurs ces documents dans un fichier de téléchargements appelé par exemple Noblesse, surtout pour les documents les plus basiques, dès lors que l’on sera appelé à les consulter fréquemment.

2. Armorial de France de 1696-1700, dit d’Hozier, dessins, vol. XXIII, Paris 1ère partie, p. 140, pour le premier ; dessins, vol. XIV, Languedoc 1ère partie, p. 338, pour le second (Gallica).

3. Sur la noblesse des diocèses de Montpellier et Lodève, voir notamment :

— Louis de La Roque, Armorial de la noblesse de Languedoc, généralité de Montpellier, t. 1 et t. 2, 1860 (Gallica).

— Marquis d’Aubais (Charles de Baschi), Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France, t. 1, 2e partie, 1759, « jugements sur la noblesse de Languedoc par M. de Besons, généralité de Montpellier », à partir de la vue 153/649 (paginée 1 à l’édition, chaque chapitre faisant l’objet d’une pagination spécifique), jusqu’à la vue 489-649 (paginée 338 à l’édition), avec détail, par ordre alphabétique des familles, des généalogies validées en 1668-1670 (le fait qu’elles soient sérieuses pour leurs débuts est une toute autre affaire), plus, vues 491-504 (paginées 339-352 à l’édition),la liste des hommages des seigneurs de Languedoc prêtés à partir de 1705 (Gallica).

— le Catalogue général des gentilshommes de la province de Languedoc, version manuscrite de l’édition de Pézenas de 1676, avec table initiale, constitué « en vertu de la commission de Sa Majesté pour la recherche de la noblesse du mois de mars 1668 » et renvois aux folio des diocèses des deux généralités (Lodève et Montpellier, page 173 ; Montpellier, pages 180-206 ; Lodève, pages 363-367 ; Montpellier, pages 374-376) (Gallica).

4. Jean de Bonnefon, La ménagerie du Vatican, ou le Livre de la noblesse pontificale, 1906 (disponible sur Gallica). Sur l’usage des titres romains et les usurpations d’identité, voir : Christian Pioch, « Un vaudeville chez les Pérou, le faux marquis Reiss de Roquefeuil », revue du Cercle de généalogie de Languedoc, n° 141, oct.-déc. 2013, p. 62-71, article relatif à la belle-famille du fameux Joseph Vallot, de Lodève.

5. Charles d’Aigrefeuille, Histoire de la ville de Montpellier, p. 436 de l’édition de 1737 (disponible sur Gallica).

6. Lamoignon de Basville, Mémoire de la province de Languedoc, 1698 (site de la M.C.A d’agglomération Zola de Montpellier).

7. Sur les contraintes et limites de l’armorial de 1696, et les refus : Christian Pioch, Table inédite des dessins de blasons de l’Armorial de la province de Languedoc de 1696-1700, Cahiers d’Arts et Traditions rurales, n° 19, 2008, 206 p.

8. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Jean-de-Buèges, Vincens, not., 2 E 77-169, acte du 12 octobre 1638.

9. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Jean-de-Buèges, Vincens, not., 2 E 77-169, acte du 28 novembre 1638.

10. Sur les Gailhac et leurs alliances, dont liens avec les Desfours et Rigal : Christian Pioch, Une famille de notables languedociens : les Gailhac de St-Guilhem-le-Désert, seigneurs de Clamouse, et leur essaimage. Les Gailhac 1550-1850, Cahiers d’Arts et Traditions rurales, n° 17, 2006, 302 p.

11. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-349, actes des 17 et 19 janvier 1654.

12. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Jean-de-Fos, Vitalis, not., 2 E 63-160, acte du 18 janvier 1608.

13. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Jean-de-Fos, Hérail, not. 2 E 63-211, acte du 25 octobre 1665.

14. Arch. de l’Hérault, 5 H 1, inventaire des archives monastiques, n° 1066 de la retranscription de 1993 (François Lambert, Cahiers d’Arts et Traditions rurales, n° 5-6, 1992-1993), acte du 5 juin 1614.

15. Arch. de l’Hérault, compoix de St-Maurice, 277 EDT 5 pour 1643, f° 137, vue 154/274.

16. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-358, acte du 1er juillet 1693.

17. Arch. de l’Hérault, compoix de St-Maurice, 277 EDT 4, avant 1637, f° 140 v°, vue 138/196.

18. Arch. de l’Hérault, compoix de St-Maurice, 277 EDT 6 pour 1656, vues 108 et 109/172 Desfours et 110/172 Rigal.

19. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-355, acte du 2 mai 1677.

20. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-357, acte du 27 mai 1691.

21. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-356, acte du 12 février 1686.

22. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Jean-de-Buèges, Vincens, not., 2 E 77-189, acte du 17 mars 1701.

23. Arch. de l’Hérault, notariat St-Jean-de-Buèges, Vincens, not., 2 E 77-188, acte du 22 décembre 1698.

24. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-361, actes des 1er février et 1er mars 1711.

25. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-361, acte du 26 janvier 1712. Hélas, le notariat en question est lacunaire en 1713-1718, faute de titulaire de la charge, le fils Poujol devant attendre 1719 pour reprendre l’office laissé vacant par le dès du père. Quant à la période 1706-1709, les registres sont perdus pour l’essentiel.

26. Arch. de l’Hérault, C 96.

27. Arch. de l’Hérault, état civil de la commune de Viols-le-Fort, 343 EDT 3, 1 MI EC 343/1 période 1677-1750, vues 463 à 465/514.

28. Arch. de l’Hérault, notariat de St-Guilhem, Poujol, not., 2 E 4-365, acte du 14 septembre 1733.

29. Sur la descendance du couple formé en 1724 par Jacques Rigal et Françoise de Roquefeuil, voir : Christian Pioch, « Un destin inachevé et brisé : les Vinezac, seigneurs de Cambous », Études héraultaises, n° 39-2009, p. 93-150.