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Description

La commémoration du centenaire de la naissance de Jean Moulin :
entre mémoire et histoire, le héros humanisé

Aujourd’hui beaucoup d’historiens travaillent sur un nouveau champ d’étude, celui de la mémoire. « La mémoire n’est pas seulement une source, elle est aussi, précisément avec ses défaillances, ses troubles, et ses mensonges, forcément significatifs, un fantastique objet d’histoire ».

Étudier la mémoire, c’est tenter de comprendre sa construction, son organisation, ses oublis, les processus de sélection du passé. L’historien ne se contente pas de travailler sur l’événement lui-même, mais s’intéresse aussi à l’histoire de la mémoire de cet événement, jusqu’à nos jours. « Il vaut la peine, écrit Robert Frank, de faire l’histoire de la mémoire, c’est-à-dire l’histoire la plus objective possible, de la subjectivité collective et de son rapport au passé. Ce type d’histoire, qui joue au moins sur deux temporalités, l’époque de la remémoration et la période remémorée, permet de mieux comprendre les enjeux de la « présence du passé » (c’est la définition de la mémoire) à un moment donné ».

L’historien de la mémoire s’intéresse aux sources contemporaines de l’événement (archives) mais aussi à ce qui est postérieure à celui ci : aux journaux, livres, témoignages, discours, cérémonies, médias, lieux.. ce que l’on nomme les vecteurs de mémoire, en les mettant en relation pour en comprendre le sens.

C’est dans ce cadre que se situent mes recherches de doctorat non pas sur un événement mais sur un personnage : Jean Moulin.

À partir d’un large éventail de vecteurs, et en analysant l’ensemble des types de mémoire, qu’elles soient « officielle », « savante », de « groupes », « publique ou diffuse », il s’agit de montrer, quand, comment, pourquoi, Jean Moulin est devenu un héros national, jusqu’à incarner désormais le héros éponyme de la Résistance française ? Quels enjeux de mémoire cela sous-tend ?

Cette approche du personnage est relativement nouvelle. C’est surtout à la biographie elle-même du fondateur du CNR que les historiens se sont attachés, en travaillant plus en profondeur certaines parties de sa vie. Il faut lire avec beaucoup d’attention les travaux de Daniel Cordier pour saisir à quel point la recherche a totalement renouvelé la vision du résistant donnée par Henri Michel dans son livre « Jean Moulin, l’unificateur ».

Pourtant, Henry Rousso, dans son remarquable ouvrage sur « le syndrome de Vichy » consacrait quelques pages à la panthéonisation de Jean Moulin. Avec lui Jean-Marie Guillon ou Robert Frank avancent une chronologie sur la construction du mythe. Dernièrement Pierre Péan, Daniel Cordier, Jean-Pierre Azéma, ont écrit, dans leur publication respective, des chapitres exhaustifs sur la construction de la mémoire sur Jean Moulin. Il existe donc désormais, parallèlement à une étude toujours en cours sur l’action de Jean Moulin durant sa vie, une recherche qui s’intéresse à la postérité du personnage en particulier à son émergence dans la mémoire collective.

Mes travaux devraient permettre de nuancer, d’affiner, parfois de contredire (mais n’est-ce pas là le but de toute recherche ?), ce qui est aujourd’hui avancé, notamment sur la chronologie du souvenir. Mon propos ici n’est pas en quelques pages d’aborder cet aspect chronologique. Il s’agit plus simplement d’analyser les commémorations organisées pour le centenaire de la naissance de Jean Moulin (20 juin 1899-1999) pour en comprendre le sens.

Quelle place prend cette commémoration dans la construction de la mémoire sur Jean Moulin ? […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

18

Auteur(s)

Michel FRATISSIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf