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Description

Histoire moderne 1988

LA SELVE, Sieur de, Les Amours infortunées de Léandre et d’Héron. Tragi-comédie dédiée à Monseigneur le Duc d’Alluin. Rééd. par J.-Cl. Brunon. Montpellier, Entente bibliophile, 1986. In-80, 137 p. Après le portrait des plus belles dames de la ville de Montpellier, l’Entente bibliophile vient de publier cette pièce. Écrite par un avocat appartenant vraisemblablement à une famille montpelliéraine de robins, les Portal, cette tragi-comédie dont il ne reste plus, semble-t-il, qu’un exemplaire, celui de la Bibliothèque municipale de Montpellier, est sortie des presses locales de Jean Pech en 1633. Une fois encore, l’Entente bibliophile sauve un texte ancien et elle le sauve doublement : en le rééditant scrupuleusement et en le faisant précéder d’une introduction riche dans laquelle le prof. J.-Cl. Brunon en dégage avec élégance la signification historique et littéraire.

Quand paraît cette œuvre, la pratique locale du théâtre se trouve dans une situation toute nouvelle. Alors qu’il avait été pendant longtemps une activité d’amateurs, recrutés d’abord parmi les étudiants et les collégiens, et ensuite, après le Siège de 1622, parmi les officiers de la garnison, celui-ci est en train de devenir aussi une activité de professionnels, « entretenus par le gouverneur et par la ville », prêts à jouer en privé ou en public des ballets et des pastorales. Cette évolution répond au besoin de satisfaire un public de plus en plus nombreux qui aime trouver dans la représentation théâtrale un divertissement, mais aussi y découvrir « un avertissement moral, social et même politique ». Telle que la présente La Selve, l’histoire malheureuse des Amants de l’Hellespont répond bien à cette double fonction. En choisissant, après Marot, Marlowe et Gongora, de traiter ce thème fourni par Musée, un poète grec du IVe-Ve s., La Selve n’entend pas seulement distraire ces Messieurs des États devant lesquels sa pièce a dû vraisemblablement être jouée, mais aussi leur rappeler la tragédie que vient de connaître le Languedoc la révolte de Montmorency et son écrasement, « comme le beau Léandre par la passion amoureuse, le prestigieux Montmorency vient d’être conduit par la passion de la gloire à une mort qui tient du suicide ». Le dramaturge montpelliérain prend ses distances avec le thème antique. Imméritée chez Musée, la mort de Léandre devient ici juste et nécessaire parce qu’elle est le châtiment de l’infidélité, sollicité des Dieux, Neptune, ou Louis XIII, au nom de la légitimité : « Jamais punition ne fut plus légitime ». Elle est à la mesure de l’horreur de son crime. Comme le montre d’une manière convaincante J.-Cl. Brunon, le mythe antique a été remodelé pour le rendre plus apte à être interprété comme une allégorie de l’histoire contemporaine (cf. p. 31). On le voit, l’intérêt de cette excellente réédition ne tient pas seulement dans ce qu’elle facilite la redécouverte de « ce savoureux mélange de gasconismes et d’élégance à la parisienne », mais encore dans ce qu’elle rappelle qu’au-delà du simple divertissement cette tragédie est une véritable leçon de morale politique aux Grands de la province, encore tout fraîchement traumatisés par la révolte de Montmorency et sa tragique issue. C’est cette volonté pédagogique qui explique que cette tragi-comédie soit la seule de son temps qui s’achève par la mort des héros.

Ch.-Fr.-S. de SAINT-SIMON SANDRICOURT, Lettres à Jean-François Séguier de Nîmes et au Docteur Esprit Calvet d’Avignon, publ. par X. Azéma et E. de Saint-Simon. Montpellier, Entente bibliophile, 1987. In-8°, 242 p. (1).

Avec ce volume, l’Entente bibliophile retrouve sa tradition de publier des manuscrits trop longtemps restés inédits. C’est le cas de ces lettres de Mgr de Saint-Simon, évêque d’Agde à deux de ses amis, Jean-François Séguier, le célèbre érudit éclairé de Nîmes et le Docteur Esprit Calvet d’Avignon : cinquante-deux de celles adressées au premier entre la fin d’octobre 1768 et la fin de juillet 1784 et quatorze de celles écrites au second entre la fin d’octobre 1784 et la fin de janvier 1791. Malgré leur déséquilibre numérique et leur décalage chronologique, ces deux correspondances présentent une réelle unité. Bien qu’il y ait ici et là des allusions pastorales et séculières, ces soixante-six lettres ne permettent pas de brosser le portrait de l’évêque réformateur ni celui de l’évêque administrateur. En revanche, elles dévoilent toute la gamme des curiosités intellectuelles qui excitaient l’esprit encyclopédique du dernier évêque d’Agde.

Tout au long de cette correspondance, il se montre en effet beaucoup plus bavard sur l’état de sa santé que sur ses inquiétudes spirituelles. Il le reconnaît lui-même : « Je ne suis pas dévot, j’aime ma religion par principe autant que par état ». Mais il apparaît surtout comme un prélat érudit. Il ne cache pas sa passion pour l’archéologie et l’épigraphie latine. Il s’interroge tout aussi fréquemment sur la nature qui l’entoure. Dès sa première lettre à Séguier, ce double tropisme intellectuel apparaît dans toute sa lumière. Il s’interroge, en effet, tout d’abord, sur la signification des deux sigles V C qui ont pu dans le temps de Julius Celsus… exprimer viri clarissimi et dans les siècles suivants varia commentaria », avant de faire quelques remarques sur les sites volcaniques de la région d’Agde auxquels il fut un des premiers à s’intéresser. Comme la plupart de ses contemporains, il ne cache pas son mépris pour les hommes du Moyen Age dont les manuscrits offrent « de furieuses négligences tant par la faute des copistes que des lettrés par faute de lumières et de soins ». Comme la plupart de ses contemporains, ses connaissances scientifiques se fondent sur des lectures considérables mais aussi sur des observations comparatives directes. Notre évêque valétudinaire est ainsi d’abord un homme de cabinet, à l’affût des éditions les plus sûres pour enrichir sa bibliothèque grâce à un réseau européen de fournisseurs : « … j’ai des correspondants à Paris, c’est de Bure, en Angleterre, à Amsterdam, et à Lucques pour me trouver les autres articles dont je leur ai fait passer l’état ». Mais il ne craint pas de se lancer dans de véritables expériences en pleine nature. Il fait ainsi creuser un puits sur le volcan d’Agde afin d’en étudier l’exacte nature. On comprend qu’il ait été « fâché » de ne pouvoir acquérir, faute de fonds suffisants, l’Encyclopédie.

Cet ensemble de lettres est précédé d’une introduction très dense qui, à elle seule, vaut un livre. Non seulement elle présente cette correspondance, mais encore elle donne une véritable biographie de Mgr de Saint-Simon qui permet de bien connaître les principaux axes de son action épiscopale et qui apporte des informations précieuses sur sa vie à Paris au début de la Révolution après avoir occupé pendant trente ans le Siège d’Agde. Arrêté le 8 octobre 1793, il y est jugé par le Tribunal révolutionnaire le 26 juillet 1794 qui le condamne à être immédiatement exécuté ainsi que cinquante-deux autres personnes.

Cette excellente édition s’achève par plusieurs annexes dont l’une donne une présentation sommaire de la bibliothèque de l’évêque d’Agde annonçant une publication exhaustive ultérieure qui me paraît plus que justifiée. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1988

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Henri MICHEL

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf