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Description

Dom Juan et la notion d’honnêteté chez Molière

Que Molière ait été conscient des contradictions apparentes et des ambiguïtés que recouvrait, même en son temps, la notion d’« honnête homme », rien ne nous en instruit mieux que le début de Dom JUAN, ce drame lui-même si contradictoire, et, par endroits, si ambigu. Sganarelle, rôle tenu, rappelons-le, par l’auteur, prélude cette vraie composition musicale qu’est le Festin de Pierre par une espèce de hors-d’œuvre, la tirade du tabac. Hors-d’œuvre, certes, si l’on songe qu’il ne sera plus question de tabac dans toute la pièce ; les plaisanteries amères sur la médecine qui apparaîtront ultérieurement n’en constituent en rien le prolongement, encore moins le développement comme d’un thème. L’allusion au tabac et à ses vertus curatives ou soi-disant telles, n’est pas aussi originale que le rapprochement entre l’habitude de priser et d’offrir une prise, et l’honnêteté ?

« non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l’on apprend avec lui à devenir honnête homme »,

… et plus loin :

« On n’attend même pas qu’on en demande, et l’on court au devant du souhait des gens : tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d’honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent ».

Cette addition des traits de l’honnêteté aux caractères médicaux ou prétendus tels (ceux-ci empruntés, on le sait, aux divers traités sur le tabac) est le fait de Molière qui, tout en reconnaissant ironiquement le fond d’honneur et de vertu inséparable de l’honnêteté, y joint ici la propension à l’engouement, à la mode. Il y a donc deux types d’honnêteté que Molière distingue d’entrée de jeu : l’une foncière (honneur et vertu, à l’obtention de quoi la consommation ou l’offre de tabac ne sauraient mener que par transfert burlesque), l’autre, superficielle, faite d’usages momentanés, de soumission à la mode, laquelle – c’est précisément le cas ici – peut conduire à des pratiques contraires à la nature, et chasser le naturel, cher à Molière et aux honnêtes gens. Là est la contradiction que Sganarelle, loin d’être l’imbécile convaincu que discerne J. Schérer, dénonce très finement à l’orée d’une pièce consacrée à la malhonnêteté. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1973

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Jean DUBU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf