Éric FABRE :
Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc.
Impôt, territoire et société du XIVe au XVIIIe siècles

Caen / Rennes, Association d’Histoire des Sociétés Rurales / Presses Universitaires de Rennes, coll. « Bibliothèque d’histoire rurale », 2014, 606 p.

Bruno Jaudon nous livre, dans la belle collection de la Bibliothèque d’histoire rurale, la publication de la version remaniée de sa thèse, soutenue en novembre 2011 à l’Université Paul Valéry-Montpellier III. Signalons immédiatement la très grande qualité formelle de l’ouvrage et la remarquable aptitude pédagogique de l’auteur, qui enseigne depuis plusieurs années en collège : des schémas explicatifs soulignent et appuient judicieusement le texte.

Le but de ce travail n’est pas d’utiliser les compoix, pour analyser les structures sociales par la répartition de l’impôt, ou les paysages par la description de l’occupation du sol. Il est de comprendre quand et comment se sont mis en place ces cadastres qui sont, justement, une source privilégiée de nombreux travaux historiques sans que leur nature ne soit toujours bien élucidée.

Dans cette version remaniée, l’auteur adopte un plan chrono thématique en deux grandes parties. La première questionne la chronologie et la matérialité du document, alors que la seconde s’échappe du cadre des compoix languedociens pour interroger l’ensemble de l’évolution du système fiscal du royaume mais aussi la nouvelle maîtrise de l’espace que permettent ces cadastres.

En effet, la fiscalisation des biens possédés passe d’abord et avant tout par la connaissance, qui se veut exacte et exhaustive, des terres qui relèvent de chaque bientenant domicilié dans une communauté, donc par voie de conséquence les terres qui dépendent de cette communauté. Le processus de cadastration précise les biens individuels, mais confronte aussi ces limites à celles des biens communs, l’ensemble formant les limites du finage. La description de ces finages, parcelle par parcelle, se double d’une évaluation de la qualité de chacune d’entre elles. Des grilles établissant une équivalence entre qualité du sol et taux de fiscalisation sont établies, par négociation interne à la communauté, ce qui impose à l’évidence que, en préalable, ait été réfléchie une échelle permettant d’évaluer la qualité de cette terre. Ainsi, la cadastration à finalité fiscale permet-elle à chaque communauté de mieux connaître son propre finage.

En revanche, l’établissement des compoix eux-mêmes fait appel à des compétences extérieures, et de véritables équipes de techniciens, sachant mesurer et compter, parcourent le Languedoc.

Basé sur de tels fondements, le prélèvement fiscal réalisé à l’échelle de la communauté apparaît comme plus rationnel et transparent que celui qui prévalait, appuyé sur de simples estimes déclaratives de la valeur des biens, sans qu’un système élimine d’emblée l’autre. En effet, les estimes, surtout urbaines, ne tendent à disparaître que dans la première moitié du XVIe siècle alors que les premiers compoix apparaissent au milieu du siècle précédent.

Le niveau de la communauté est le seul efficient : il permet de distribuer entre les bientenants la charge financière qui lui est imposée par le royaume, via des niveaux intermédiaires que sont, essentiellement, ceux de la province et des diocèses civils. Ce n’est pas le lieu ici de rappeler ce principe de la répartition de l’impôt : signalons seulement que le compoix, qui est, dans tout ce processus, l’outil le plus élaboré, se situe paradoxalement au niveau le plus élémentaire, celui de la communauté qui reste maître des taux appliqués pour chaque type de sol, types qu’elle définit également elle-même, pouvant même choisir de fiscaliser des emplacements de ruches. Aux niveaux supérieurs, ce sont la négociation et les rapports de force qui prévalent pour définir la quote-part d’impôt de telle province et de tel diocèse civil. Notons quand même que, à l’échelle des communautés, on n’est pas toujours d’une transparence exemplaire. Ainsi du cas du Gévaudan, qui fait l’objet de tout un chapitre du livre : Bruno Jaudon montre comment les grilles d’évaluation de la terre et celles qui établissent un lien entre cette qualité et le montant d’imposition ne sont jamais formalisées. On peut penser que ces liens existent et sont rigoureusement appliqués, mais les consuls restent flous vis-à-vis des autorités de l’Intendance. Puisque le cadastre n’a qu’un domaine d’application local, limité à la communauté, pourquoi donc rendre publique la cuisine interne à la répartition de la charge de l’impôt ?

Ce système, fondé sur la terre, trouve un équivalent plus urbain, dans les petites villes riches de marchands, basé sur l’évaluation du « cabal », c’est-à-dire de l’ensemble des biens meubles : c’est le compoix cabaliste qui, lui aussi, laisse la communauté libre de fiscaliser tel ou tel type de bien.

Le principe étant de répartir l’impôt entre les bientenants selon les biens tenus, on comprend qu’un compoix soit rapidement obsolète dès que cette propriété est modifiée. Ainsi, un compoix s’accompagne-t-il de documents annexes qui permettent, année après année, de tenir compte de ces changements. Entre brevettes, réparats et autres livres de mutations foncières, ces annexes sont nombreuses et l’auteur en dresse une typologie. Mais, vient un temps où le cadastre doit quand même être refait : la géographie et la chronologie de ces réfections est un reflet de l’importance des changements qui affectent les territoires, par la croissance ou la régression. La géographie d’abord : les compoix apparaissent dans les zones littorales du Languedoc avant de s’étendre à l’arrière-pays et de gagner les Cévennes. La chronologie ensuite : l’auteur montre l’existence d’un pic de création vers le milieu du XVIIe siècle qu’il attribue essentiellement à l’augmentation de la pression fiscale royale. Mais ne pourrait-on pas penser que la dépression démographique d’après peste de la fin des années 1620, puis le retour au plein de population a également un effet ? La seconde moitié du XVIIIe siècle montre également un pic, lié au vieillissement et à l’obsolescence du parc cadastral qu’il faut donc renouveler dans un contexte de franche croissance démographique.

Vu depuis Versailles, c’est un système qui fonctionne puisque la taille et ses nombreux avatars se ramènent tous, ou presque, à une imposition sur la propriété foncière. À la fin du XVIIe siècle, pour optimiser le rendement fiscal, l’État royal envisage la possibilité de généraliser le système de prélèvement languedocien à l’ensemble du royaume. Il faudrait toutefois moderniser un peu cette mécanique car les niveaux intermédiaires (de la province en particulier) ajoutent leur part d’impôt à ce qui est demandé par le roi, au point que cela finit par faire vraiment beaucoup. Mais l’extension des autres supports de fortune (cheptel, stocks de marchandises, biens meubles de façon générale) rendent de plus en plus inefficaces les cadastres basés sur la seule propriété foncière, ce qui conduit à un recours croissant aux compoix cabalistes.

Bruno Jaudon nous livre donc un très bel ouvrage sur un type de documentation que les historiens utilisent, depuis longtemps, sans en connaître la nature intime. Ce travail est donc, déjà, une référence pour tous ceux qui recourent à ce type d’archives, et aussi bien sûr pour les historiens du Languedoc et, plus généralement, de la fiscalité. [Éric Fabre]

Jean-Claude RICHARD RALITE :
La commune de Mérifons, une terre en héritage, une culture en partage

2013, ouvrage collectif, Association Le Mas des Terres Rouges

Voici un ouvrage qui n’est pas une monographie communale habituelle. Depuis les époques où, à l’initiative des puissances administratives ou religieuses, il était demandé à une personnalité de faire l’histoire d’un lieu ou d’un personnage illustre en attendant un ouvrage de synthèse comme ces Mémoires des Intendants ou ces Statistiques, ce type de publication a heureusement bien changé.

Plutôt qu’un plan géographique puis chronologique successifs, les auteurs ont choisi des thématiques : paysage, territoire, historiettes, Vivre à Mérifons qui leur permettent de présenter les justifications de ces parties (textes, photographies, cartes…) sans vouloir être encyclopédiques mais le discours est nourri par leurs connaissances précises en tous ces domaines.

Les uns et les autres savent donner un commentaire personnel assorti de considérations générales dans lesquelles il est toujours indispensable de resituer le local.

Mérifons n’est pas un eldorado et on sent derrière les mots que la vie n’y a pas toujours été merveilleuse même si le développement d’une sociabilité affirmée a permis de dépasser les contradictions et les niveaux sociaux.

Le patrimoine bâti est modeste d’autant plus que le château de Malavieille ne s’est pas prolongé sur place mais a donné naissance, comme à Montpeyroux, à un autre château moins escarpé. Quant à l’habitat rural ou l’église Saint-Pierre, ils sont semblables à ceux des communes voisines : le 20ème siècle les a sauvés par le tourisme d’autant plus que le lac du Salagou n’a gardé, contrairement au projet initial, qu’une utilisation touristique et non pas agricole.

Si les établissements Rey-Tramblay étaient bien connus à Montpellier, la découverte d’une photothèque familiale est un succès. Notre région avait de nombreux photographes, professionnels ou non, qui consacraient à cet art une véritable passion. Malheureusement, au fil des ans, les clichés originaux disparaissent et ce ne sont souvent que les cartes postales qui nous permettent de voir des lieux et des hommes d’un milieu rural en devenir.

Mérifons, souhaitons-le, devrait inspirer les auteurs pour les autres communes environnantes. Les pistes ouvertes, ici, en 2013 ne demandent qu’à être prolongées. [Jean-Claude Richard Ralite]

Guy LAURANS :
De quelques histoires du rugby et du football montpelliérains. Munt, Marcel,
Les Annales du Rugby montpelliérain de 1886 à 2014, 2 vol., Montpellier, imprimerie AVL, 2014. Barcelo, Germain, Rugby de ville, Rugby des terroirs, Castries, éditions du Mistral, 2003.
Barcelo, Germain, De la cuvette de Sapiac au quartier d’Ovalie, Castries, éditions du Mistral, 2007.
Coll., L’Histoire du football montpelliérain, http://www.montpellierinteractif.com/forum/index.php

L’actualité me donne l’occasion de faire le point sur les travaux menés par des supporters, anciens joueurs ou dirigeants des clubs locaux, qui s’efforcent, avec un succès très variable, de retracer l’histoire de leur sport favori. La parution, à l’automne 2014, de deux gros tomes intitulés Les Annales du rugby montpelliérain de 1886 à 2014 dus à la plume de Marcel Munt, ancien dirigeant dans les clubs des années 1880-90, et publiés à compte d’auteur, invite à réfléchir sur les problèmes de la pratique historienne des amateurs confrontés à la recherche des sources et à la construction d’un récit cohérent.

Pierre Bourdieu, qui a joué un rôle déterminant dans la reconnaissance du sport comme objet d’étude légitime dans les milieux universitaires, pouvait affirmer en 1980 : « On a d’un côté des gens qui connaissent très bien le sport sur le mode pratique mais qui ne savent pas en parler et, de l’autre, des gens qui connaissent très mal le sport sur le mode pratique et qui pourraient en parler mais dédaignent de le faire, ou le font à tort et à travers. » Depuis lors, bien des blocages ont sauté, et l’histoire (ou la sociologie) des sports a fortement progressé en réduisant le hiatus entre les deux mondes décrits par Bourdieu. Se côtoient aujourd’hui des publications très nombreuses et disparates, certaines issues de recherches académiques menées en particulier, mais pas seulement, dans les départements universitaires d’Éducation physique (STAPS), des ouvrages de journalistes sportifs qui continuent une vieille tradition de portraits de vedettes ou de monographies de clubs, et enfin ces travaux que j’évoquais en ouverture, et qui sont l’objet de cette note. Au sein de cette vaste catégorie d’acteurs du monde sportif (joueurs-dirigeants-supporters) domine probablement la volonté de faire œuvre de mémorisation d’une expérience collective vécue comme exaltante, mais aussi de sertir cette mémoire fragile dans le maillage aussi serré que possible d’une historisation sur la longue période. Le résultat d’une telle ambition, c’est la production d’annales sportives, genre proche (et ce n’est certainement pas un hasard !), de la généalogie, qui élargit la mémoire vécue à un passé antérieur commun, dans le cadre rassurant d’une stricte chronologie.

A l’évidence, l’activité sportive s’inscrit dans la suite de cycles annuels indéfiniment recommencés que dictent les compétitions. Il est donc logique de rassembler la matière première du sport – les résultats obtenus par des individus ou des équipes tout au long de compétitions organisées selon un calendrier préétabli – au sein de tableaux statistiques plus ou moins détaillés. Dans des sports collectifs tels que le football ou le rugby, les données collectées pourront permettre d’identifier l’ensemble des équipes participant à une compétition quelconque, la composition de chacune de ces équipes (soit l’effectif des joueurs licenciés dans le club, soit éventuellement, pour chaque rencontre jouée les noms des joueurs inscrits sur la feuille de match), le résultat des rencontres, avec le détail des noms des joueurs ayant marqué des points, ainsi que le moment précis de l’action (X marque un pénalty à la 58e minute, Y inscrit un essai à la 23e minute, transformé à la 24e par Z). Les annales du sport peuvent ainsi se résumer à une énorme compilation de données nominatives et chiffrées, et porter au plus haut point la logique d’une histoire sérielle purement quantitative. A titre d’illustration particulièrement significative, l’existence de la RSSSF (Rec.Sport.Soccer Statistics Foundation) née voici 20 ans au sein d’un newsgroup d’Internet réunissant des amateurs de football, et dont la vocation « est de collecter toutes sortes de statistiques, en particulier sur les fédérations nationales partout dans le monde, et de les mettre à disposition de toute personne intéressée. De plus, ces statistiques doivent être aussi fiables que possible, ce qui implique la présence de correspondants dans le maximum de pays. » Le site de la RSSSF permet donc d’obtenir très facilement les meilleurs renseignements sur le championnat de football d’Azerbaïdjan en 1992, ou de Malte en 1916, mais aussi les résultats du Championnat d’Honneur du Sud-est réunissant les principaux clubs languedociens et provençaux entre 1920 et l’instauration du professionnalisme en 1933, et de savoir ainsi comment se situaient les clubs de Sète et de Montpellier dans la hiérarchie sportive de l’entre-deux guerres.

Ces compilations infinies jusqu’au détail infime peuvent apparaître, chez des apprentis historiens fascinés par l’impératif d’exhaustivité, comme l’expression d’une histoire ambitionnant de répliquer le passé dans son exacte intégralité, un passé constitué d’une myriade d’événements sportifs qui méritent tous de survivre sous les auspices du nom et du chiffre. Ce fantasme déborde d’ailleurs largement du monde des simples amateurs et supporters. Il me souvient du cri de détresse poussé par Jean-Pierre Bodis, agrégé d’histoire et professeur à l’Université de Pau, ouvrant son Rugby irlandais. Identité. Territorialité par deux pages liminaires qui pointaient l’impossibilité de fixer la composition exacte du XV d’Irlande jouant le 12 avril 1884 à Cardiff ! L’auteur présentait cette incertitude comme exemple typique des difficultés de la recherche historique : il faut souhaiter que les 150 pages d’un livre consacré à l’identité sociale et culturelle du rugby irlandais ne présentent pas de plus grave incertitude…

Ces tentatives d’histoire sérielle quantitative en domaine sportif produisent des résultats très disparates, en fonction des moyens et des méthodes mis en œuvre. Il ne faut jamais oublier combien l’histoire des sports (tout au moins en France) est obérée par le désintérêt à peu près total et constant des organisations sportives (les fédérations et tout leur appareil administratif et bureaucratique) pour leur propre passé. Le souci exclusif de gestion au jour le jour bannit toute velléité de thésaurisation des expériences et de réflexion sur la durée. Il n’y a pas d’archives sportives (sauf exceptions rarissimes), et la tâche d’écrire l’histoire est laissée au bon vouloir des rares volontaires abandonnés devant la masse des sources extérieures, pour l’essentiel la presse, généraliste ou spécialisée. Cette situation conduit à la nécessité d’un long et patient collectage d’informations dispersées dans les collections de journaux et magazines les plus divers, disponibles dans les dépôts d’archives et, heureusement, de plus en plus sur internet. L’ambition d’exhaustivité allonge la durée du travail de dépouillement, pour les chercheurs isolés, plus encore que dans les quelques cas d’entreprise collective. On peut ainsi comprendre comment le temps et l’énergie dépensés dans ce collectage quasi infini, ne laissent plus de place pour la mise en perspective des données factuelles recueillies, au sein d’un récit raisonné et problématisé.

Ce long préambule veut éclairer la diversité des résultats obtenus par les trois « auteurs » qu’évoque cette note, en fonction des méthodes de travail et des choix de chacun.

Les Annales rugbystiques de Marcel Munt sont probablement l’exemple caractéristique d’un résultat très décevant au regard des efforts consentis par l’auteur. Celui-ci assure (dans un Supplément du journal Midi Libre) n’avoir pas lu les ouvrages existants sur le sujet (en l’occurrence ceux de G. Barcelo) « pour ne pas être influencé ». Vraie ou fausse, l’affirmation est révélatrice d’une attitude qui laisse rêveur le lecteur de ces deux gros volumes. M. Munt n’ayant, à aucun moment, pris le parti de commenter, évaluer, interpréter, expliquer les résultats bruts de ses recherches, bref, ne s’abandonnant à aucun récit des événements rugbystiques à Montpellier, le « risque » d’une influence extérieure était des plus minimes. Par contre le lecteur attentif ne manquera pas d’observer que la lecture préalable de la bibliographie existante (qui n’est pas bien considérable, et d’un accès facile) eût permis à M. Munt de corriger nombre d’erreurs factuelles qui entachent tout particulièrement la période initiale du rugby montpelliérain (entre autres : le Stade Montpelliérain, équipe du lycée, existait déjà début 1897 ; l’USEM, meilleur club languedocien dans les toutes premières années du XXe siècle, n’est pas né en 1904 mais en 1899…). De même, il lui eût été assez facile d’allonger considérablement le tableau des joueurs cités (pp. 53-58) en élargissant la liste des journaux dépouillés : La Vie montpelliéraine et régionale lui eût donné des compositions complètes d’équipes de l’USEM. Trois années de recherche s’avèrent en définitive très insuffisantes lorsqu’on vise l’exhaustivité. Et c’est là que les choix éditoriaux de l’auteur peuvent être critiqués.

D’une part, plutôt que de figer sur le papier une compilation très incomplète, et donc frustrante pour les spécialistes, il eût mieux valu choisir la solution qui est celle des supporters du football (SOM et MHSC) : présenter sur internet les annales et un historique des clubs montpelliérains, certes fragmentaires mais susceptibles d’être complétées régulièrement au gré de l’avancement des recherches. C’est ainsi que les pages du site Montpellierinteractif.com regroupées sous la rubrique Histoire, offrent un panorama en cours d’élaboration, mais dont les premiers chapitres sont un modèle de présentation mettant en évidence les aspects caractéristiques de l’apparition et de l’installation du football clapasien. Les rubriques Articles présentent des récits synthétiques des grands événements du club local, et des saisons successives du MHSC actuel ; quant aux Stats, elles regroupent les données complètes de chaque rencontre officielle. Ce travail collectif parfaitement organisé, dont il faut espérer qu’il se continuera, a su trouver avec Internet l’infrastructure souple indispensable à des recherches de très longue durée et nécessairement amendables au gré de la progression des découvertes. Il faut souhaiter que M. Munt (dont la carrière professionnelle s’est déroulée chez IBM et qui est donc informaticien) en vienne également à cette solution, et puisse ainsi corriger et compléter le contenu de ses deux volumes.

Par ailleurs, l’option prise par M. Munt de se cantonner strictement aux données sérielles les plus « neutres » met à nu les insuffisances de sa documentation, et les difficultés de consultation dues à une mise en page brouillonne. Autant le lecteur alléché par la promesse de voir « comblés les manques » ne peut qu’être déçu du résultat, autant il en vient à regretter que les données assemblées, et qui ne sont certes pas négligeables, ne soient pas exploitées à l’intérieur d’un récit chargé de leur donner du sens, de les situer dans une vision d’ensemble mettant en lumière continuités, évolutions et ruptures, bref, de placer ces annales au sein d’une histoire. Il eût fallu à M. Munt s’inspirer de Germain Barcelo et de ses deux ouvrages publiés il y a quelques années déjà, mais qui s’efforcent d’allier récit historique et souvenirs personnels au sein des rugbys montpelliérains. Le pluriel convient bien, puisque contrairement à son récent concurrent, G. Barcelo a choisi d’évoquer longuement le rugby à XIII, qui survit encore péniblement aujourd’hui, dans l’ombre du XV, mais qui tint la vedette durant de longues années d’après-guerre. Le XIII est-il ou non un rugby ? La question est en France parfaitement idéologique, puisqu’elle ne peut trouver de réponse sans explorer les méandres de la politique de Vichy et de la FFR (qui y a répondu par oui ou non selon les époques et ses intérêts). Mais il est difficile de faire une bonne histoire du XV sans analyser les va-et-vient continuels des joueurs et des clubs entre les deux frères ennemis. Germain Barcelo était particulièrement bien placé pour évoquer ces conflits ouverts ou larvés, puisqu’il a fréquenté les deux camps, et c’est toute la valeur de son témoignage. Plus mémorialiste qu’historien au sens strict – par exemple, il délègue le récit des origines à Christian Guiraud, et ne s’étend pas sur l’analyse complexe du passage au professionnalisme à la fin des années 1990 – il se montre historien-ogre amateur de chair humaine, comme disait Marc Bloch, en donnant vie aux personnalités si diverses rencontrées sur son parcours. Ce qui sauve largement quelques trous dans les statistiques.

Une véritable histoire du rugby et du football montpelliérains, construite sur les méthodes et les problématiques qui prévalent ailleurs, n’est certes pas encore disponible. Ce qui manque surtout, c’est la construction de questions pertinentes : celles qui guideraient les amateurs dans le choix et la recherche des données quantitatives (que faire des séries statistiques ?), et dans l’élaboration d’une mémoire collective. Mais une bonne partie des réponses est déjà là, dans ces désirs passionnés et un peu fous de « rendre compte ». [Guy Laurans]

Jean-Marc LAFON :
Violences politiques, politiques de la violence ?
L’exemple des élites politiques méditerranéennes, XIXe–XXe siècles

Ces journées d’études furent organisées par Jean-François Muracciole à Montpellier les 9 et 10 octobre 2014 dans le cadre de l’ANR ICEM 1, sur une proposition initiale de Pierre Triomphe. Le but était de questionner le rapport des édiles méridionaux à la violence, leurs réactions en situation de crise, afin de dégager une éventuelle culture politique spécifique dans ce domaine, en s’inspirant de la dialectique Nord/Sud des modalités de la violence esquissée par les pionniers du sujet, notamment Jean-Claude Chesnais et Frédéric Chauvaud 2. Cette recension a privilégié une approche chronologique des diverses communications.

La contribution de Mustapha Marouche apporte justement un point de comparaison. Elle montre comment, jusqu’en 1792, le patriciat amiénois perpétua les méthodes dissuasives de l’Ancien Régime pour acheter la paix sociale dans une grande ville (près de 40 000 habitants avec les faubourgs). Ainsi, la crise économique et l’inflation du chômage suscitèrent la création d’une « monnaie de confiance » préfigurant les assignats. Mais ce refus de recourir à la violence répond aussi à une nécessité : la garde nationale locale était sous-équipée et indisciplinée, et l’emploi du régiment suisse en garnison posait problème. D’autre part, on ne saurait le généraliser : Étampes réprima très durement ses opposants, et son maire fut lynché en mars 1792. En revanche, Nicolas Soulas, à partir de sources locales, départementales et nationales, insiste sur la mutation de la violence produite par la radicalisation révolutionnaire dans le Midi rhodanien, entre 1789 et 1820. Une bipolarisation des communautés locales s’opère à travers l’insulte, les duels de chansons, puis les rixes entre bandes visant à dominer l’espace urbain. Les destructions de biens évoluent en ciblant les symboles de « l’ennemi intestin », armoiries, cocardes ou arbres de la Liberté. Tenir le pouvoir, c’est monopoliser la violence légale (avec la loi martiale) mais aussi « orienter » les élections, persécuter l’autre dans ses biens, grâce aux contributions forcées, voire dans son existence, à l’instar de la vendetta antijacobine menée par Alexis Coursial à Courtaison.

Henri Courrière analyse l’attitude des élites niçoises au début de la IIIe République, objet de sa thèse récemment publiée 3. Si la tentation séparatiste est entretenue par des notables expatriés en Italie, elles manifestent plutôt un particularisme municipal contre des préfets jugés jacobins et influencés par l’image noire des Italiens. Elles affichent donc leur non-violence et leur credo républicain face aux mesures très fermes de la préfecture (désarmement des volontaires garibaldiens, censure et interdiction de journaux, expulsions…). Philippe Lacombrade développe une analyse similaire, car la motivation identitaire des élites languedociennes est également forte en 1907, en l’occurrence surtout économique. Pour lui, la crise est l’occasion d’une forme originale de désobéissance civile, la démission des conseils municipaux couplée à une proclamation d’attachement à la République. Cette démission se fit parfois sous la contrainte populaire et se calquait sur la géographie du vignoble (Hérault et Aude au premier plan). Même après l’épisode répressif narbonnais, les élus locaux se posent en pacificateurs : la violence resta symbolique et verbale, portée par l’ensemble des parlementaires méridionaux contre le gouvernement Clemenceau, présenté comme autiste. La loi du 26 juin 1907 contre la fraude et l’indulgence des autorités envers les frondeurs suffirent à apaiser la situation.

Le cadre spécifique de l’Algérie coloniale fournit deux communications complémentaires, insistant sur la réalité physique des violences (pogroms récurrents, meurtres, attentats…) et la responsabilité des édiles urbains, n’hésitant pas à instrumentaliser les services municipaux à leur profit. Emmanuel Debono envisage l’antisémitisme au niveau municipal, de la fin du XIXe siècle à 1943. Le phénomène est constant, nourri par la crise économique et plus précoce qu’en métropole (car attisé par le décret Crémieux) ; il se pare volontiers d’une façade républicaine en dénonçant l’électorat juif comme analphabète et soumis aux rabbins… Il connaît un fort regain dans les années vingt et surtout trente, illustré par le soutien à un nationalisme arabe très antisioniste ou la contamination de maires initialement modérés, tels Gabriel Lambert à Oran ou Émile Morinaud à Constantine. D’ailleurs, des ténors de l’extrême droite métropolitaine (Doriot, La Rocque, Coston…) font alors volontiers campagne en Algérie, face à l’indifférence des autorités coloniales. Claire Marynower souligne, à partir de l’exemple d’Oran durant l’Entre-deux-guerres, l’existence d’une véritable guerre civile larvée (et non d’un simulacre, selon l’analyse de Serge Bernstein pour la métropole). Un clientélisme très répandu, l’importation d’une « culture du pronunciamiento » par les nombreux Espagnols naturalisés et l’organisation de bandes de nervis par les maires Molle et Morinaud suscitent la bipolarisation de la communauté entre droite et SFIO. Ils favorisent surtout le recours à la violence (plusieurs morts et une centaine de blessés dans les années Trente…).

Pour ma part, je me suis focalisé sur les édiles du Languedoc-Roussillon victimes de mort violente (délibérée et infligée par autrui) entre 1789 et 1945, en exploitant la base de données élaborée pour l’ANR. L’objectif était de réaliser l’étude prosopographique d’une minorité (18 maires, députés et sénateurs pour la période). Mais loin de relever d’une culture politique autochtone, cette violence est généralement extérieure (la « justice populaire » étant clairement minoritaire). Elle traduit à mon sens l’intégration à la communauté nationale, en particulier à travers la chronologie, avec des pics majeurs sous la Révolution et l’Occupation, et d’autres moindres en 1830 ou 1852. Apparaît aussi une singularité gardoise, déjà soulignée par Ph. Lacombrade.

Utilisant notamment les rapports du préfet Chiappe, Armand Cosson analyse le cas des maires gardois à la Libération. Ces maires, souvent « choisis » et étroitement contrôlés par Vichy, sont à l’intersection d’une violence d’État et d’une pression populaire appuyée par les mouvements de Résistance. Il en dégage une typologie ternaire : une majorité de maires inchangés dans les petites communes, quelques maires à poigne très zélés dans des villes moyennes (Alès, Vauvert) et le bassin houiller, enfin d’autres sur la réserve et « suspects » car s’en tenant à la seule gestion de leur ville, notamment à Beaucaire ou à Nîmes. Seule la seconde catégorie fut victime de violences à la Libération, qui provoqua le retour au pouvoir des anciennes générations républicaines jusqu’en 1953.

Enfin, Laurent Duguet s’intéresse à une mesure d’exception prise par Raymond Aubrac en Provence en novembre 1944, l’arrêté 704. Entre fin août et septembre, les arrestations s’étaient multipliées dans les Alpes-Maritimes, jusqu’à 10 000 internements (soit deux à trois fois la moyenne nationale) dans des prisons clandestines ou des camps improvisés. Pour remédier à cette situation, il mit en place un recensement des prisonniers, établit des listes et demanda des accusations signées à leur encontre, sous quinze jours. Cette mesure « sanitaire » persista jusqu’en février 1945, où elle suscita le rappel de son auteur.

Au total, ces journées furent très stimulantes, en mêlant harmonieusement les interventions de doctorants et celles d’enseignants/chercheurs. [Jean-Marc Lafon (CRISES, Montpellier III/ANR ICEM)]

NOTES

1. ANR ICEM/ Identités et Cultures en Méditerranée. Les élites politiques de la Révolution française à la Ve République, projet de recherche dirigé par Jean-Paul Pellegrinetti (Université de Nice).

2. J.-C. Chesnais, Histoire de la violence, Paris, R. Laffont, 1981 ; F. Chauvaud, De Pierre Rivière à Landru : la violence apprivoisée au XIXe siècle, Bruxelles, Brépols, 1991.

3. H. Courrière, Le comté de Nice et la France : histoire politique d’une intégration (1860-1879) , Rennes, PUR, 2014.

Guy LAURANS :
Alexandre Grothendieck, la science sans concession

Alexandre Grothendieck
Alexandre Grothendieck

Si notre revue se présente comme un projet d’encyclopédie du département, à tout le moins de son patrimoine, il ne devrait pas paraître trop incongru d’y saluer la mémoire d’un homme dont le décès, le 13 novembre 2014, a secoué la communauté scientifique internationale. Ses pairs font volontiers d’Alexandre Grothendieck (AG) le plus grand mathématicien du XXe siècle, un génie qui le situe aux côtés du physicien Albert Einstein – autre Juif allemand. D’avoir vécu près de vingt ans à Montpellier devrait suffire à le classer dans le Panthéon héraultais.

L’avalanche de notices nécrologiques permet de retracer un parcours en tous points exceptionnel, et de dessiner les contours d’une personnalité tout aussi singulière. Né à Berlin en 1928, Alexandre est le fils d’un militant anarchiste, juif hassidique des confins de l’Empire russe, emprisonné par tous les régimes et qui finira en 1942 à Auschwitz, et d’une journaliste allemande de Hambourg dont il porte le nom. Laissant l’enfant sous la protection d’un vieil instituteur, le couple fuit l’Allemagne nazie en 1933, et participe à la guerre d’Espagne. La famille est enfin réunie en 1939 en France, mais c’est pour y connaître les camps d’indésirables, au Vernet d’Ariège, d’abord, puis, le père définitivement disparu, au camp de regroupement pour femmes de Rieucros, à Mende. Première station languedocienne pour Alexandre, qui poursuit sa scolarité au Chambon sur Lignon, parmi les petits réfugiés du Collège Cévenol, où il passe le bac. A la fin de la guerre, sa mère vient s’installer à Vendargues, dans le hameau de Meyrargues, pour permettre à son fils de s’inscrire à la Faculté des Sciences de Montpellier. Premier séjour montpelliérain de trois ans, qui permet à Alexandre de passer sa licence de mathématiques, en s’ennuyant passablement, et en expérimentant la recherche solitaire.

Mais il y apprend la différence entre faire des mathématiques et les enseigner. A 20 ans, il « monte » à Paris et plonge immédiatement dans le creuset de la modernité, le groupe Bourbaki, où il trouve ses premiers guides, Laurent Schwartz, Jean-Pierre Serre, André Weil… En 20 ans, entre 1950 et 1970, après avoir « épuisé » l’analyse fonctionnelle, AG révolutionne la géométrie algébrique, en particulier au sein de l’Institut des Hautes Études Scientifiques, pratiquement créé pour lui et où il anime des séminaires de chercheurs venus du monde entier. Il est au sommet de ses capacités créatrices et à la pointe la plus aiguë de la construction mathématique. C’est alors, en 1970, qu’il rompt brutalement avec le monde de la recherche, et après une période de flottement, dont un passage quelque peu mouvementé au Collège de France, il obtient un poste de simple enseignant à la faculté des Sciences de Montpellier en 1973. Obscure besogne alimentaire, poursuivie jusqu’en 1988 et l’âge de la retraite : au fin fond de la province, AG passe pour perdu corps et biens, et ne fait plus guère parler de lui, sinon à l’occasion d’un procès retentissant à Montpellier, pour avoir hébergé des immigrés en situation irrégulière. Durant ces trente dernières années, il vit de façon de plus en plus retirée du monde, du côté de Lodève, à Mormoiron, dans le Vaucluse, puis, depuis 1995, il s’enferme dans un isolement total et un silence farouche dans un hameau ariégeois où il ne voit personne jusqu’à son décès à l’hôpital de Saint-Girons.

Cette date pivot de 1970 à haute valeur symbolique (c’est l’année où il démissionne de l’IHÉS) peut servir aussi de repère à son entrée dans l’engagement militant pour un écologisme radical. Cette année-là, Grothendieck est à l’origine, avec deux autres mathématiciens de haute stature, – son aîné Claude Chevalley l’un des fondateurs de Bourbaki, et Pierre Samuel qui se fera connaitre du grand public au sein des Amis de la Terre -du mouvement Survivre… et Vivre, groupe phare de la mouvance pacifiste des années 1970-75. Même si les événements de 68 ont agité les milieux scientifiques et suscité des engagements politiques ou militants jusque dans les hautes sphères de la recherche, la radicalisation de Grothendieck est certainement assez unique, et fut vécue par sa communauté professionnelle comme une désertion.

Résumé à ce sec curriculum, le long séjour de Grothendieck à Montpellier pourrait faire figure de traversée du désert, antithèse parfaite à l’activité surabondante de la période parisienne précédente. L’isolement intellectuel dans une université sans grand renom où le mathématicien n’a aucune chance de trouver des interlocuteurs à son niveau, ne serait que le prélude à l’enfermement bien plus radical des dernières années.

Pourtant, AG continue de travailler et de produire, comme en attestent plusieurs publications des années 1980. Surtout, la période montpelliéraine voit naître à partir de 1983 un projet tout à fait extraordinaire d’autobiographie intellectuelle et spirituelle, pavé de plus de 900 pages inédit mais qui a circulé avec des fortunes diverses dans le milieu professionnel, y suscitant les réactions les plus variées et les plus violentes. Récoltes et Semailles. Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien est une œuvre à peu près unique dans son genre. Disons le tout de suite, je n’ai pas lu ce texte que je découvre, et qui exige – et mérite – des semaines, peut-être des mois de lecture attentive. Mais une première approche, la plongée dans quelques chapitres, suffit à en mesurer l’importance. Dans une langue le plus souvent limpide et aérienne, AG se livre à un exercice de vérité qu’en d’autres lieux on nommerait un examen de conscience. La connotation religieuse n’est pas fortuite : certains commentateurs y décèlent la confluence de la tradition hassidique venue de son père et de formes de philosophie orientale rencontrées au cours des années précédentes. Récoltes et Semailles se déploie, me semble-t-il, sur deux plans : un exposé des recherches et des résultats obtenus par le mathématicien, récit aussi clair qu’il doit être possible pour rendre accessible aux ignares que nous sommes l’extraordinaire complexité abstraite de la haute mathématique ; et un autre récit qui est celui d’une désillusion à propos de l’évolution des mœurs du milieu scientifique. Si le premier exposé fascine par son intelligence, le second récit fouille les recoins de la science telle qu’elle se fait, et c’est lui qui a cristallisé l’attention de la communauté mathématicienne. La façon dont Grothendieck empoigne le problème, la façon dont il s’y implique au plus profond, me paraît tout à fait unique. Saisi en surface, le projet pourrait s’aligner sur les multiples récits d’Ego-histoire qui fleurissent depuis quelques décennies chez les historiens, sociologues ou autres mandarins désireux de laisser trace de leur réussite. Récoltes et Semailles est à mille lieues de ces autobiographies satisfaites et confortables qui glissent sur la conviction que le monde tel qu’il va est foncièrement juste et vivable, puisqu’il a permis les carrières que l’on sait. AG met le doigt, sans précaution aucune, sur un monde bien peu satisfaisant tel qu’il est et qu’il devient. Manœuvres et compromis (compromissions ?), petitesses, soif d’honneurs, mépris et manques de générosité d’un monde où il prit sa part. Peut-on lire, ailleurs, les pages incroyables qu’il consacre aux quelques étudiants dont il eut à s’occuper à Montpellier, et dans lesquelles il met à vif au scalpel ses propres déficiences à leur égard ?

Bourdieu savait, et fit l’expérience dans Homo Academicus, de l’extrême difficulté et des risques pris à tenter la sociologie de son propre monde. Encore sa méthode lui faisait-elle effacer sous des regroupements statistiques les personnes des collègues qu’il analysait. Grothendieck ne fait pas la sociologie de la communauté mathématicienne (même s’il amasse des matériaux de première main pour une telle entreprise), sa visée est autre. Mais les sociologues spécialistes d’analyse institutionnelle verraient certainement en lui un analyseur. Fait fonction d’analyseur celui dont les comportements, les agissements ou interventions au sein d’une institution, retournent contre lui des réactions de défense et de rejet qui disent la vérité de cette institution. Groethendieck, radical jusqu’au bout, ne critique pas à la cantonade, il donne des noms, il se livre à « des attaques personnelles », nécessairement contre ces anciens collègues qui furent des amis, des élèves, des disciples. Cela ne se fait pas, c’est intolérable et le discrédite définitivement.

Les commentateurs de cette trajectoire de rupture affolante, ses anciens amis, collègues, ou élèves, parlent donc à demi-mots, ou crûment, de paranoïa galopante, de suicide intellectuel, de crise mystique et de délabrement sectaire, s’efforçant de déceler, tant bien que mal, les étapes de la transsubstantiation du génie en folie. On voit donc bien ce qui se passe dans cette époque charnière de Montpellier des années 80. La vie de Grothendieck, dans la façon dont elle est présentée le plus souvent, figure un diptyque : à 20 ans de clarté éblouissante répondent 30 ans d’obscurité et de ténèbres. A la charnière, la rupture énigmatique avec un monde, le refuge dans un autre. On peut supposer que Grothendieck a trouvé à Montpellier la bonne distance entre ces deux mondes : un pied encore dans une institution, l’autre qui déjà bat la campagne. Montpellier a peut-être été un lieu qui rendait possible le discours de Récoltes et Semailles. A cette charnière et avec ce discours se joue peut-être aussi un chapitre majeur de la société mathématicienne française. A l’accusation de dégradation des mœurs collectives répond un diagnostic de paranoïa individuelle et de délire sectaire. Qui a tort, qui a raison, nul ne le sait. Des réponses se trouveront peut-être dans une sociologie de l’institution mathématique qui n’existe pas encore, et aussi dans ce que livreront les milliers de pages laissées par notre mathématicien, entreposées à la faculté des Sciences de Montpellier, et dans ce que trouveront ses héritiers (ses enfants) dans son repaire ariégeois.

Dans la masse des articles de circonstance et des textes plus anciens qui remontent à la surface du net, je me permettrai de conseiller la lecture de Notes sur l’histoire et la philosophie des mathématiques IV, publiées par l’Institut des Hautes Études Scientifiques en novembre 2000. On y trouvera un remarquable témoignage de Pierre Cartier, ancien collègue et ami d’AG, intitulé Un pays dont on ne connaîtrait que le nom, dans lequel l’auteur tente de saisir avec beaucoup de finesse et une empathie résiduelle « l’interaction entre une œuvre scientifique et une personnalité hors de la norme ». Suit, sous la signature d’un autre mathématicien, Alain Herreman, élève d’AG à l’Institut, un commentaire sur certains aspects de Récoltes et Semailles. Ces notes sont accessibles sur Internet, à l’adresse suivante : http://preprints.ihes.fr/M00/ M00-75.pdf. Ces deux textes me paraissent de parfaites introductions à la lecture de Récoltes et Semailles, téléchargeable à http://webusers.imj-prg.fr/leila.schneps/grothendieckcircle/RetS.pdf. La notice Wikipedia consacrée à Grothendieck n’est peut-être pas parfaitement fiable dans le détail biographique, mais donne accès aux renseignements essentiels. [Guy Laurans]

Danielle BERTRAND-FABRE :
Bibliographie d’histoire régionale, époque moderne. Ouvrages, articles et comptes rendus

Ouvrages

  • Berlan, Hélène, Faire sa médecine au XVIIIe siècle. Recrutement et devenir professionnel des étudiants montpelliérains (1707-1789) , Montpellier, Presses univ. de la Méditerranée, 2013. [Thèse de doctorat].
  • Boissier de Sauvages, François, Écrits divers, Dijon, EUD, 2011. Édition de Gilles Barroux.
  • Boissier, Laurent, Aspord-Mercier, Sophie, Le Pont de Sommières. Redécouverte d’un pont antique habité, Arles, Éditions Errance, 2011, avec un DVD.
  • Bruyère, Jacques, Fromental, Line, Petit dictionnaire insolite de l’occitan et des Occitans, Paris, Larousse, 2012.
  • Caillat, Gérard, Ville modèle, modèles de ville. Nîmes (1476-1789) . Thèse de doctorat d’Histoire, Montpellier, Univ. Montpellier III, 2011, dir. Élie Pélaquier. https://www.theses.fr/2011MON30073
  • Casado, Pierre, Recuèlh lexicografic de mòts occitans e francéses tirats de tèxtes administratius dels sègles XIV, XV, XVI, XVII, XVIII (Airals gardenc e eravenc). Recueil lexicographique de mots occitans et français tirés de textes administratifs du XIVe au XVIIIe siècle (Gard et Hérault), Montpellier, Crises, Univ. Montpellier III, 2012. [Consultation en ligne].
  • Chabrol, Jean-Paul, Mauduy, Jacques, Atlas des Camisards, 1521-1789. Les Huguenots, une résistance obstinée, Nîmes, Alcide, 2013.
  • Coll., Palais et châteaux des archevêques de Narbonne, Xe-XVIIIe siècles. [Roussillon, Bas-Languedoc], Lyon, Lieux Dits éd., 2012.
  • Collomp, Alain, Un médecin des Lumières. Michel Darluc, naturaliste provençal, Rennes, Presses univ. Rennes 2011.
  • Darnas, Isabelle, Habiter en Cévennes au Moyen Âge. Architecture vernaculaire dans les hautes vallées des Gardons, Sète, Nouvelles Presses du Languedoc, 2012.
  • Dolan, Claire, Les Procureurs du Midi sous l’Ancien Régime, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
  • Dumas, Marie-Lucy, Génolhac sur la Régordane, du XIIe siècle à 1815 et De 1815 au XXIe siècle, Ponteils-et-Brésis, M.-L. Dumas éd., 2010 et 2012, tomes 1 et 2.
  • Fabre, Paul, Anthologie des troubadours, XIIe-XIVe siècle, Orléans, Paradigme, 2010, 694 p. (édition bilingue).
  • Fabre, Paul, De Pèir de Garròs à l’abbé Fabre. Trois siècles de poésie occitane, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Montpellier, Presses univ. de la Méditerranée, 2013.
  • Ferté, Patrick, Répertoire géographique des étudiants du midi de la France (1561-1793), Tome V (Aude, Hérault, Pyrénées-Orientales), Toulouse, Presses univ. Toulouse I, 2011. [40 000 étudiants méridionaux catholiques ou protestants des 4 facultés (droit, théologie, arts et médecine)].
  • Gammonet, Étienne, éd., Lettres de Marie Durand (1711-1776). Prisonnière à la Tour de Constance de 1730 à 1768, Sète, Nouvelles Presses du Languedoc, 2011.
  • Krings, Véronique, Pugnière, François, éd., Nîmes et ses Antiquités. Un passé présent, XVIe-XIXe siècle, Bordeaux, Ausonius, 2013.
  • Lamotte, Stéphane, L’Affaire Girard-Cadière : un fait divers à l’épreuve du temps, de 1728 à nos jours, Montpellier, Université Montpellier III, thèse de doctorat, 2011, dir. Henri Michel. Résumé dans Cahiers Voltaire, 11, 2012, 279-280.
  • Larguier, Gilbert, coord., L’Église, le clergé et les fidèles en Languedoc et en pays catalans, XVIe-XIXe siècle, Perpignan, Presses univ. de Perpignan, 2013.
  • Louvier, Patrick, éd., Le Languedoc et la mer (XVIe-XXIe siècle), Montpellier, Presses univ. de la Méditerranée, 2012.
  • Millot, Caroline, Jacques-Philippe Mareschal (1689-1778), ingénieur du roi et architecte au XVIIIe siècle, Paris, Paris I Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat, 2010. Dir. Daniel Rabreau.
  • Minovez, Jean-Michel, La puissance du Midi. Drapiers et draperies de Colbert à la Révolution, Rennes, Presses univ. de Rennes, 2012.
  • Minovez, Jean-Michel, L’industrie invisible. Les draperies du Midi XVIIe-XXe siècles. Essai sur l’originalité d’une trajectoire, Paris, CNRS, 2012.
  • Moreau, Bernard, éd., Guillaume de Nogaret. Un Languedocien au service de la monarchie capétienne, colloque Nîmes 2012, Nîmes, Lucie éd., 2012.
  • Mouysset, Henry, La peste en Gévaudan (1720-1722) , préf. Frédérique Audouin-Rouzeau, Sète, Nouvelles Presses du Languedoc, 2013.
  • Nougaret, Jean, Pézenas, Architectural Héritage, éd. revue et mise à jour en langue anglaise de l’édition de 1998, Montpellier, ACPLR, 2013.
  • Pugnière, François, Torreilles, Claire, Écrire en Cévennes au XVIIIe siècle. Les œuvres de l’abbé Séguier, édition critique, Montpellier, Presses univ. de la Méditerranée, 2013.
  • Redon, Jeannine, Sur les traces des Templiers et des Hospitaliers, Sète, Nouvelles Presses du Languedoc, 2010.
  • Saurel, Émilie, Naissance et abandon d’enfants dans le diocèse de Montpellier. Pratiques et coutumes du XVIIe au XIXe siècle. Préface de Thierry Lavabre-Bertrand, Paris, L’Harmattan, 2012.
  • Vovelle, Michel, La révolution au village. Une communauté gardoise de 1750 à 1815 : Saint-Jean-de-Maruéjols, Paris, Éd. de Paris-Max Chaleil, 2013.
  • Weitzel, Thibault, Le fléau invisible, la dernière épidémie de choléra en France, Paris, Vendémiaire, 2011.

Articles et comptes rendus

  • Armogathe, Jean-Robert, « Histoire des idées religieuses et scientifiques dans l’Europe moderne », Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, 119, 2012 [En ligne], conférence.
  • Aujac, Germaine, « Véronique Krings et Catherine Valenti (dir.), Les Antiquaires du Midi. Savoirs et mémoires, XVIe-XIXe siècles », Compte rendu dans Anabases [En ligne], 15, 2012.
  • Bartolomei, Arnaud, « Les réseaux négociants de trois maisons huguenotes de Cadix, à la fin du XVIIIe siècle : des réseaux languedociens, protestants ou français ? », Liame [En ligne], 25, 2012.
  • Bernat, Crystel, « Une foi au secret ? Captivité, hommage à Dieu et clandestinité protestante (1685-1791) », Revue de l’histoire des religions, 2, 2011. Dossier Religion, secret et autorités. Pratiques textuelles et cultuelles dans la clandestinité.
  • Bourin, Monique, « Les campagnes de la Méditerranée occidentale autour de 1300 : tensions destructrices, tensions novatrices », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 3, 2011, p. 663-704.
  • Carbasse, Jean-Marie, « Justice « populaire », justice savante. Les consulats de la France méridionale (XIIe-XIVe siècles) », dans Chiffoleau, Jacques et coll., Pratiques sociales et pratiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, École française de Rome, 2007, p. 347-364 [en ligne, OpenEditions Books]
  • Castagnetti, Philippe, « Hagiographie liturgique et construction identitaire dans un néo-diocèse (XVIIIe-XIXe siècles). Le Proprium Sanctorum dans les bréviaires des diocèses français créés sous Louis XIV (La Rochelle, Alais, Blois) avant et après l’adoption de la liturgie romaine », Conserveries mémorielles [En ligne], 14, 2013, Dossier Les saints et la sainteté. Histoires, concepts, méthodes. [Revue de jeunes chercheurs en ligne]
  • César, Flore, « La collection de plantes comme forme matérielle d’appréhension de la nature : le cas de Montpellier, XVIe-XVIIIe siècles », Curiositas, Articles scientifiques [consultation en ligne], 27 janvier 2013.
  • Chamboredon, Robert, « Vauvert et l’Atlantique. Les placements de Madame de La Pinquetterie à Cadix (1751-1755) », Mémoires de l’Académie de Nîmes, Année 2010, 2011, p. 107-126.
  • Conesa, Marc, « Jaudon, Bruno, Les Compoix de Languedoc (XIVe-XVIIIe siècles). Pour une autre histoire de l’État, du territoire et de la société », thèse de doctorat d’Histoire, Montpellier, 2011. Compte rendu dans Histoire et Sociétés Rurales, 37, 1, 2012.
  • Daussy, Hugues, « Les élites face à la réforme dans le royaume de France (ca. 1520-ca. 1570) », dans Benedict, Philip et coll., La réforme en France et en Italie. Contacts, comparaisons et contrastes, École française de Rome, 2007. [En ligne]
  • Dumas, Robert, « Les hôpitaux médiévaux de Montpellier. Séance du 12 décembre 2011 », Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, 2011, p. 397-404 [En ligne].
  • Dumond, Lionel, « Les réseaux négociants dans la France méridionale (XVIIIe-XIXe siècles) », n° spécial, Liame [En ligne], 25, 2012.
  • Dumond, Lionel, « Maisons de commerce bas-languedociennes et réseaux négociants méridionaux : l’exemple des Balguerie et des Fraissinet (XVIIIe-XIXe siècles) », Liame [En ligne], 25, 2012.
  • El Hage, Fadi « Vidal, Henri, Les États de Languedoc au XVIIIe siècle » Compte rendu dans Revue historique [En ligne], 2, 2011.
  • Fabre, Éric, Olivier, Sylvain, « Franchir la marge : entre outfield et infield. Le cas du genêt et de la lavande dans le Midi de la France (XVIIIe-XXe siècles) » dans Beck, Corinne, et coll., Lisières, landes, marais et friches : les usages de l’inculte de l’Antiquité au XXIe siècle, Revue du Nord, HS n° 18, 2013, p. 31-38.
  • Foa, Jérémie, « La Saint-Barthélemy aura-t-elle lieu ? Arrêter les massacres de l’été 1572 », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 24, 2012, p. 251-266. Dossier Bon gré mal gré : les échanges interconfessionnels dans l’Occident chrétien (XIIe-XVIIe siècles), dir. Paul-Alexis Mellet et Claire Soussen.
  • Herrmann, Anny, « Calvisson : une communauté languedocienne parmi d’autres, prise dans la tourmente des guerres de M. de Rohan (1624-1629), d’après les délibérations de ses consuls », Mémoires de l’Académie de Nîmes, Année 2010, 2011, p. 231-245.
  • Krumenacker, Yves « Marie Durand, une héroïne protestante ? », Clio, 30, 2, 2009.
  • Krumenacker, Yves, « Les temples protestants français, XVIe-XVIIe siècles », Chrétiens et sociétés [En ligne], n° spécial Le calvinisme et les arts, 1, 2011.
  • Lemerle, Frédérique, « Les Français et les antiquités de la Gaule : l’émergence de la conscience antiquaire à la Renaissance », in Repenser les limites : l’architecture à travers l’espace, le temps et les disciplines [En ligne], Paris, INHA, 2005.
  • Livesey, James, « Les réseaux de crédit en Languedoc au XVIIIe siècle et les origines sociales de la Révolution », Annales historiques de la Révolution française, 359, janv. 2010, p. 29-51.
  • Livesey, James, « London by the Light of Montpellier. Scientific Networks between Britain, Northern Europe and the Languedoc (1706-1789) », Studies on Voltaire and the Eighteeth Century, 4, 2010.
  • Olivier, Sylvain, « Palatan, Mickaël, Dynamiques des territoires et changement agricole autour du Pont-du-Gard (1350-1850). Essai d’analyse systémique (thèse de doctorat d’Histoire moderne, Montpellier, 2009) ». Compte rendu dans Histoire et sociétés rurales [En ligne], 33, 1, 2010.
  • Olivier, Sylvain, « Peasant Property, Common Land and Environment in the garrigues of the Languedoc from the Seventeenth to the Twenty-first Century », dans Thoen, Erik et Van Bavel, Bas, dir., Rural Societies and Environments at risk. Ecology, Property Rights and Social Organization in fragile Areas (Middle Ages-Twentieth Century), Turnhout, Brepols, 2013, p. 89-114.
  • Payn-Echalier, Patricia, « Entre fleuve et mer, le port d’Arles et le delta du Rhône (XVIe-XVIIIe siècles) », Rives méditerranéennes [En ligne], 1, 2010, p. 29-44.
  • Pezenas, Esprit, s.j., (1692-1776), « Nouvelle théorie des taches du Soleil (c. 1766-70), manuscrit D.128 conservé aux Archives départementales de l’Hérault, fol. 261-267 », Nantes, Université de Nantes, Cahiers François Viète, série I, n° 8 (2004), 2011. Édition de Guy Boistel.
  • Pugnière, François, « Récits de voyage et construction des savoirs antiquaires : le cas Jean-François Séguier (1732-1739) », Anabases [En ligne], 14, 2011.
  • Rolland, Pierre, « Les galériens protestants (et condamnés pour aide aux protestants), 1680-1775 », Bull. Société de l’histoire du protestantisme français, 1, 158, 2012, p. 45 [Nouvelles recherches].
  • Rousseau, David, « Emmanuelle Chapron. L’Europe à Nîmes : les carnets de Jean-François Séguier (1732-1783) », Compte rendu dans Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 83, 2011.
  • Sottocasa, Valérie, « Le brigandage à l’époque moderne : approches méthodologiques », Anabases. Traditions et Réceptions de l’Antiquité [En ligne], 13, 2011, p. 247-252.
  • Varry, Dominique, « Commerce et police du livre prohibé aux foires de Beaucaire », Histoire et civilisation du livre, Revue internationale, 7, 2011. N° spécial, À travers l’histoire du livre et des Lumières. Études d’histoire du livre offertes au professeur Daniel Roche.
  • Vidal, Daniel, « André Vauchez (dir.) Prophètes et prophétisme », Compte rendu dans Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 160, oct. 2012.

Danielle BERTRAND-FABRE , Sylvain OLIVIER :
Sommaires des revues échangées

Revue d’Histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard, n° 28, 2013

  • Galant, Jean-Christophe, La Révolution à Uzès, de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle (1789-1792), p. 7-24.
  • Pugnière, François, Imprimeurs et libraires nîmois au siècle des Lumières, p. 25-41.
  • Lassalle, Victor, L’héritage de l’Antiquité dans le décor architectural nîmois de la Renaissance et des temps classiques, p. 42-48.
  • Caillat, Gérard, Des politiques urbaines. Nîmes, 1476-1946, p. 49-57.
  • Ritter, Philippe, Mathon, Georges, Le corps des sapeurs-pompiers de Nîmes : 1646-1946. « Ces hommes qui ont construit leur ville », p. 58-81.
  • Chabrol, Jean-Paul, Vaudois, prédicants et camisards, des « affinités électives », p. 82-91.
  • Travier, Daniel, Maisons des Cévennes, témoignages où se croisent des territoires et des vécus d’hommes, p. 92-107.

Le Lien des Chercheurs Cévenols, années 2012 et 2013

Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 168, janvier 2012
  • Pieters, Jean-Gabriel, Élisabeth Bruguière, une protestante au couvent, p. 5-8.
  • Souche Madeleine, L’accueil des Républicains espagnols à Avèze (30), première partie, p. 14-21.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 169, avril 2012
  • Souche Madeleine, L’accueil des Républicains espagnols à Avèze, deuxième partie, p. 4-9.
  • Teisserenc, Henri, François de La Fuye (Saint-Germain-de-Calberte-Paris 1680), marchand et financier au service du grand Condé, première partie, p. 17-22.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 170, juillet 2012
  • Clément, Pierre-Albert, Mon arrivée à Champ-Domergue [Lozère, 1944], p. 4-9.
  • Teisserenc, Henri, François de La Fuye (Saint-Germain-de-Calberte-Paris 1680), marchand et financier au service du grand Condé, deuxième partie, p. 14-27.
  • Girod, J., photographe, Alès en 1866 [photomontage], p. 16-17.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 171, octobre 2012
  • Casado, Pierre, L’identification de certains noms de lieux de la région du Vigan au Moyen Âge, dans les chartes du cartulaire du chapitre de la cathédrale de Nîmes et du cartulaire de Gellone, p. 7-15.
  • Rampon, Gilbert, La carrière du pasteur Jacques Gabriac [Lozère, XVIIIe siècle], p. 16-19.
  • Mazoyer, Marineta, prés., Le texte en occitan, Aberlenc, Ernest [1847-1930], Cendras, p. 20-21.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 172, janvier 2013
  • Magnin, Henri, Le temple de Vialas à la révocation de l’Édit de Nantes, p. 5-11.
  • Dumas, Marie-Lucy, prés., Le texte en langue d’oc, Proclamation contre Jean de Cubières et Pierre Merle, 1472, 23 septembre, p. 13-15.
  • Corrado, Élie, Dumas, Marie-Lucy, Une chronologie du collège d’Alès, 1730 à 1889, p. 16-19.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 173, avril 2013
  • Bovéro, Julien, Les épisodes de forte pluie dans les Cévennes, p. 4-12.
  • Poujol, Olivier, Élisabeth Sophie Bonicel, mère de François Guizot, et ses portraitistes, p. 13-15.
  • Dumas, Marie-Lucy, prés., Un document en langue d’oc, Les redevances féodales au seigneur Sarrazin du Chambonnet, en 1482, au Thérond, paroisse de Ponteils (Gard), p. 20-21.
  • Pieters, Jean-Gabriel, Barjac, les Vans : les capucins et la reconquête catholique au XVIIe siècle, p. 22-26.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 174, juillet 2013
  • Dumas, Marie-Lucy, À propos de l’appellation « chevaliers pariers » de la Garde Guérin [Lozère, XIIIe-XIVe siècles], p. 4-11.
  • Dumas, Marie-Lucy, Le document historique en langue d’oc, L’enventari de Verfuelli (inventaire de meubles du château de Verfeuil), fin XVe siècle, p. 21-24.
  • Souche, Madeleine, Delabarre, Francis, « Lou castelet », Le château d’un architecte parisien en Cévennes à la fin du XIXe siècle. Les familles Teissier et de Joly à Avèze (Gard), première partie, p. 25-29.
Le Lien des Chercheurs Cévenols, n° 175, octobre 2013
  • Fabre, Roger, Témoignage : mes six mois de chantiers de jeunesse au Vigan et Avèze (mars-octobre 1941), p. 4-7.
  • Souche, Madeleine, Delabarre, Francis, « Lou castelet », Le château d’un architecte parisien en Cévennes à la fin du XIXe siècle. Les familles Teissier et de Joly à Avèze (Gard), deuxième partie, p. 10-18.
  • Mazoyer, Marinette, Léontine Goirand, félibresse d’Arènes, p. 24-27.

Annales du Midi. Revue de la France méridionale, années 2013 et 2014

Annales du Midi, t. 125, n° 281, janvier-mars 2013
  • Gavignaud-Fontaine, Geneviève, Introduction, p. 5-8.
  • Larguier, Gilbert, Les prix du vin, XVIe-XVIIIe siècle. Le Midi et les grandes aires de productions françaises, p. 9-27.
  • Colomé, Josep, Garcia, Richard, Planas, Jordi, Valls-Junyent, Francesc, Les cycles de l’économie viticole en Catalogne. L’évolution du prix du vin entre 1680 et 1935, p. 29-55.
  • Bagnol, Jean-Marc, Édouard Barthe, les parlementaires de l’Hérault et la question du prix du vin durant l’entre-deux-guerres, p. 57-67.
  • Le Bras, Stéphane, Les négociants et les commissions de cotation de l’Hérault dans les années 1920-1930, p. 69-90.
  • Lacombrade, Philippe, Raynaud, Claude, Le prix du vin au XXe siècle dans l’Hérault, du domaine au marché (1886-1970), p. 91-110.
  • Lauze, Jacques, L’évolution des prix des AOP du Languedoc. De l’expansion à la spirale dépressive des prix sur le marché mondial (1985-2010), p. 111-127.
  • Gavignaud-Fontaine, Geneviève, Le prix, vecteur d’injustice ou de justice sociale, p. 129-146.
  • Chronique des thèses, p. 147-151.
  • Comptes rendus et notes brèves, p. 153-164.
  • Chronique des archives, année 2011, p. 165-184.
Annales du Midi, t. 125, n° 282, avril-juin 2013
  • Granier, Thomas, Théry, Julien, Avant-propos, p. 205-208.
  • Biget, Jean-Louis, L’implantation des Antonins à Albi (1250), p. 209-215.
  • Théry, Julien, L’Église, les Capétiens et le Languedoc au temps d’Alphonse de Poitiers : autour des enquêtes pontificales sur les crimes imputés à Vézian (OFM), évêque de Rodez (1261-1267), p. 217-238.
  • Bourin, Monique, Challet, Vincent, Temps, lieux et supplices : les mémoires paysannes à l’épreuve de l’enquête (Vendres, fin du XIIIe siècle), p. 239-262.
  • Payan, Paul, Le pape au bord du Rhône. Enjeux et impacts régionaux de la présence pontificale à Avignon, p. 263-269.
  • Millet, Hélène, Les chartreux et la résolution du Grand Schisme d’Occident (1392-1409), p. 271-290.
  • Fournié, Michelle, Dévotions à Toulouse au XVe siècle autour du saint suaire de Cadouin-Toulouse, p. 291-308.
  • Comptes rendus et notes brèves, p. 309-319.
Annales du Midi, t. 125, n° 283, juillet-septembre 2013
  • Douzou, Alain, Échanges et relations commerciales entre Rouergue et Bas-Languedoc au XIIe siècle, p. 341-369.
  • Bochaca, Michel, Un voyage de mer d’Angleterre à Bordeaux et retour en 1442-1443 d’après A Journal by one of the Suite of Thomas Beckington, p. 371-390.
  • Candelon-Boudet, Frédéric, L’expertise alimentaire sous l’Ancien Régime : la contribution des maîtres pâtissiers toulousains, p. 391-409.
  • Chapron, Emmanuelle, Monde savant et ventes de bibliothèques en France méridionale dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, p. 411-429.
  • Crouzet, Yvan, Des colporteurs en vallée du Vicdessos (Ariège) : les chinaïres du village de Suc, 1850-1940, p. 431-452.
  • Berdoy, Anne, collab. Cazes, Jean-Paul, La construction de la maison d’Arbéroue par les rois de Navarre (1283), p. 453-462.
  • Comptes rendus et notes brèves, p. 463-476.
Annales du Midi, t. 125, n° 284, octobre-décembre 2013
  • Marache, Corinne, Vivier, Nadine, Introduction, p. 493-494.
  • Vivier, Nadine, L’âge d’or des grandes enquêtes agricoles : le XIXe siècle, p. 495-510.
  • Marache, Corinne, Combet, Michel, L’enquête Brard, un état des lieux des campagnes périgourdines dans les années 1830 : réflexion sur l’enquêteur et son enquête, p. 511-524.
  • Tedeschi, Paolo, Les enquêtes agraires en Lombardie au XIXe siècle, p. 525-541.
  • Carmona, Juan, Simpson, James, L’enquête de 1903 sur les conditions agricoles du Sud de l’Espagne, p. 543-556.
  • Rémy, Jacques, Identités professionnelles et recensements agricoles, une construction conjointe ?, p. 557-570.
  • Comptes rendus et notes brèves, p. 571-581.
  • Chronique des thèses, p. 583-587.
Annales du Midi, t. 126, n° 285, janvier-mars 2014
  • Duffy, Paul, Le comte d’Ulster et la croisade contre les albigeois, p. 5-27.
  • Claverie, Pierre-Vincent, La part d’ombre du vicomte d’Évol, Joan de So (1344-1347), p. 29-39.
  • Fabre, Éric, Le notaire, la forêt privée, l’arbre et le bois. Le cas piémont est-pyrénéen au XIXe siècle, p. 41-58.
  • Andréani, Roland, Albert Milhaud : un juif de Nîmes dans la politique héraultaise, p. 59-71.
  • Cholvy, Gérard, L’approche régionale du fait religieux. Retour sur un itinéraire de recherche, p. 73-85.
  • Comptes rendus et notes brèves, chronique des archives, p. 87-114.
Annales du Midi, t. 126, n° 286, avril-juin 2014
  • Lacroix, Camille, La défense des communautés d’habitants à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne : introduction, p. 133-137.
  • Haure, Vincent, Bordeaux à la fin du Moyen Âge, une puissance militaire. Composition et organisation de ses forces armées, p. 139-159.
  • Challet, Vincent, Une Ville face à la guerre : l’entrée de Montpellier dans la guerre de Cent Ans (1352-1364), p. 161-180.
  • Ferrand, Guilhem, Les pulsions de la guerre et la mise en défense (Rouergue, XIVe-XVe siècles), p. 181-193.
  • Souriac, Pierre-Jean, Communautés d’habitants et choix de la guerre civile en région toulousaine au début des guerres de Religion, p. 195-216.
  • Ramondenc, Erwann, Trois documents concernant la réparation des fortifications à Saint-Félix-de-Sorgues (Aveyron, 1398-1410), p. 217-226.
  • Comptes rendus et notes brèves, p. 227-228.
  • Chronique des thèses, p. 229-231.
Annales du Midi, t. 126, n° 287, juillet-septembre 2014
  • Bourjac, Bruno, Le conseil de la ville d’Arles entre 1588 et 1649 : le fait politique comme processus de création continu, p. 253-274.
  • Hagimont, Steve, L’appropriation différenciée d’un mode de développement économique : le cas du tourisme à Bagnères-de-Luchon (1870-1914), p. 275-296.
  • Sanguin, André-Louis, La fuite des Juifs à travers les Pyrénées pendant la Seconde Guerre mondiale, une géographie de la peur et de la survie, p. 297-318.
  • Duverger, Timothée, La praxis écologique de Bernard Charbonneau : une défense de la côte aquitaine dans les années 1970, p. 319-330.
  • Dossetto, Danièle, De l’expression festive à l’autorité culturelle : des fêtes de localité renouvelées en Provence-Alpes-Côte d’Azur, p. 331-349.
  • Brunet, Serge, Une réformation générale des forêts des Pyrénées échouée (1560-1564), p. 351-358.
  • Comptes rendus et notes brèves, p. 359-368.
Annales du Midi, t. 126, n° 288, octobre-décembre 2014
  • Candelon-Boudet, Frédéric, L’avènement d’une « bourgeoisie au long cours » ? Itinéraires de capitaines de navire toulousains au XVIIIe siècle.
  • Adam, Claudine, La production des imprimeurs toulousains au XVIIIe siècle.
  • Marque, Nicolas, Toulouse, ville à vendre ? Saisie et devenir des biens nationaux dans l’ancienne capitale du Languedoc (2 novembre 1789-5 décembre 1814).
  • Lagarde, Damien, « Mon cher frère… » L’affection adelphique dans les familles élitaires du Midi Toulousain (1798-1870).
  • Barrera, Caroline, Les sociétés savantes et les facultés toulousaines (1798-1870).
  • Chronique des thèses.

Bulletin de la Société d’Études Scientifiques de l’Aude, t. CXIII, 2013

  • La vie de la société, p. 3.
  • Fauré, Philippe, Le Toarcien Moyen (zones à bifrons et à variabilis, Jurassique Inférieur) des Corbières (Aude, France) – Biostratigraphie et évolution sédimentaire, p. 11-30.
  • Mantenant, J., Beyrie, A., Fabre, J.-M., Kammenthaler, É., Munteanu, G., Rico, C., Les Barrencs, une vaste mine protohistorique et antique en Montagne Noire, p. 33-50.
  • Langlois, Gauthier, Petits établissements monastiques masculins des Corbières : un encadrement religieux dense (IXe-XIIIe siècles), p. 51-68.
  • Roquefort, Guillaume, L’église de Croux (Antugnac), p. 69-80.
  • Lautier, Jean, Québec, avril 1760 : François-Gaston de Levis remporte la bataille de Sainte-Foy, p. 81-90.
  • Marquié, Claude, L’association amicale des anciens élèves du lycée de Carcassonne (1878-2007), p. 91-102.
  • Blanco, Jacques, Le cyclisme et ses champions à Carcassonne de 1948 à 1960, p. 103-112.
  • Barreau, Dominique, Compte-rendu d’activité [botanique] pour l’année 2013 et liste des plantes observées lors des sorties, p. 113-132.
  • Aymé, Régis, et Rancoule, Guy, Notes d’archéologie (Blomac, Capendu, Castelnau-d’Aude, Douzens, Escales, Fontiès-d’Aude, Paraza, Moux, Serres), p. 133-136.
  • Cau, Michel, Notes de numismatique, p. 137-142.
  • Baudreu, Dominique, Calvayrac, Fabienne, Berman, Jean-Louis, Rancoule, Guy, (Prison de l’Inquisition à Carcassonne, tombeau du cardinal Guillaume Briçonnet à Narbonne, registre cynégétique d’Isidore David de Villalier, Païchères de Palaja), p. 143-154.
  • Balvay, Gérard, Note de biologie, p. 155-156.
  • Notes de lecture, p. 157-167.
  • Bibliographie audoise, p. 169-170.

Annales Historiques Compiégnoises. Études picardes modernes et contemporaines, années 2013 et 2014

Annales Historiques Compiégnoises, n° 129-130, printemps 2013
  • Bernet, Jacques, Éditorial, p. 3.
  • Bernet, Jacques, Berneuil-sur-Aisne de l’Ancien régime à la Belle Époque (1788-1913), p. 5-20.
  • Schnakenbourg, Christian, La sucrerie de Berneuil-sur-Aisne (1852-1996), p. 21-32.
  • Vercollier, Jeannine, L’église Saint Rémi de Berneuil-sur-Aisne, p. 33-40.
  • Bernet, Jacques, de Finance, Éric, Le château de Berneuil-sur-Aisne, p. 41-47.
  • Hébert, Rémi, Pilot, Marc, Les deux guerres mondiales à Berneuil-sur-Aisne, p. 48-56.
  • Gueguen, Daniel, La vie communale à Berneuil-sur-Aisne (1919-1952), p. 57-63.
  • Ouvrages reçus, bibliographie, vie de la société, disparitions, p. 64-80.
Annales Historiques Compiégnoises, n° 131-132, automne 2013
  • Pilot, Marc, Éditorial, p. 3.
  • Carpi-Mailly, Olivia, Amiens et Compiègne pendant les guerres de religion (2e moitié du XVIe siècle), p. 5-14.
  • Raisonnier, Alain, Antoine Vivenel (1799-1862) maître d’œuvre, architecte et mécène, p. 15-29.
  • Laude, Christian, La guerre de 1870 et la timide installation de la République dans l’Oise, p. 30-40.
  • Dancoisne, Éric, S’affronter lors des municipales : une mise en scène politique (Oise 1919-1935), p. 41-51.
  • Leclère-Rosenzweig, Françoise, Les dossiers de la cour de justice de l’Oise (octobre 1944-octobre 1945), p. 52-58.
  • Ouvrages reçus, bibliographie, vie de la société, disparition, p. 58-76.
Annales Historiques Compiégnoises, n° 133-134, printemps 2014
  • Pilot, Marc, Éditorial, p. 3.
  • Reig, Vincent, Les levées d’hommes dans l’Oise à la chute de l’empire (1813-1814), p. 5-16.
  • Pilot, Marc, La colonne volante du colonel von Geismar (février-avril 1814), p. 17-21.
  • Reig, Vincent, L’Oise face à l’invasion en 1814, p. 22-30.
  • Reig, Vincent, Les occupations alliées de 1814 et 1815 dans l’Oise, p. 31-42.
  • Bernet, Jacques, Le monument au major Otenin à Compiègne (1893-1914-1941), p. 43-55.
  • Chabaud, Ludovis, De la Moskowa à Leipzig : un sociétaire aux commémorations des bicentenaires de 1812 et 1813, p. 56-60.
  • Bibliographie, ouvrages reçus, nouvelles de l’association, disparition, programme du colloque de Senlis « Entrer en guerre », p. 61-76.
Annales Historiques Compiégnoises, n° 135-136, automne 2014
  • Clément Bayard espion en 1914 ? – L’Armée en 1914 dans le département de l’Oise – Mais qui a gagné le combat de Néry le 1er septembre 1914 ? – L’occupation de Compiègne en 1914 – Une infirmière compiégnoise dans la Grande Guerre : Jeanne Leconte – Les mutations de l’Oise durant la guerre 1914-1918 – Orientation bibliographiques 1914-1918 dans l’Oise.

Jean-Michel FAIDIT :
Les éclipses à Montpellier et dans la région

La Lune, 400 fois plus proche que le Soleil, est 400 fois plus petite. Les deux astres ont ainsi un diamètre apparent voisin, permettant les éclipses lorsqu’ils sont alignés avec la Terre. Avec le plan de l’orbite lunaire incliné d’environ 5° par rapport au plan Terre-Soleil, l’Écliptique, on a de quatre à sept éclipses lunaires et solaires durant une année civile. Les éclipses de Lune semblent plus fréquentes, visibles par la moitié de la Terre plongée dans la nuit, alors que les éclipses de Soleil ne sont totales que dans l’étroite zone parcourue par l’ombre, paraissant annulaires si la Lune est trop éloignée pour masquer l’astre du jour.

La Lune projette une ombre dans l’espace. Au cours de sa révolution autour de la Terre, il arrive que la Lune s’intercale entre le Soleil et la Terre. Seul l’extrémité du cône d’ombre lunaire atteint la Terre. Cette pointe parcourt, à la surface du globe, une zone de quelques milliers de kilomètres. Ce cône d’ombre est appelé la bande de totalité. Pour les habitants se trouvant dans cette bande, la Lune leur masque entièrement le Soleil. Ils ont le privilège d’assister à une éclipse totale de Soleil. Il fait très sombre, et les étoiles les plus brillantes apparaissent. Autour du disque noir de la Lune, un halo lumineux se déploie. C’est la couronne solaire, l’atmosphère lumineuse du Soleil. On peut voir des protubérances qui jaillissent autour du disque noir de la Lune. (fig. 1)

Schéma d’une éclipse de Soleil (Extrait du cours de Patrick Rocher sur les éclipses
Fig. 1 Schéma d’une éclipse de Soleil
(Extrait du cours de Patrick Rocher sur les éclipses www.imcce.fr)

Quelques éclipses historiques dans la région

La plus ancienne éclipse dont la relation nous soit parvenue semble être celle du 13 septembre 1178, consignée dans le Petit Thalamus de Montpellier et rapportée par l’Évêque de Mende, Aldebert III du Tournel.

L’éclipse du 3 juin 1239 fut la plus longue sur trois millénaires. Par sa durée de la nuit en plein jour, 4 m 54, 8 s, elle a suscité de nombreuses mentions en Languedoc et en Provence.

Dans le Gard, une inscription lapidaire gravée dans la pierre en garde la mémoire à l’Abbaye de Fours :

« L’an de l’incarnation du Seigneur, la veille des nones de juin, mourut dame Mabille, fille de Pierre d’Albaron, prieure, qui fonda ce monastère, à la sixième férie, premier jour de la Lune. Ce jour-là eut lieu une éclipse de Soleil ».

En fait l’éclipse eut lieu la veille de la mort de Mabille. Erreur peut être pas innocente à travers ce rapprochement avec la mort du Christ, un vendredi, jour « où les ténèbres recouvrirent la Terre », ce que réalisa l’éclipse dans les esprits de l’époque par sa durée exceptionnelle.

L’éclipse de 1333 est étudiée par le grand astronome juif Levi Ben Gerson, originaire de Bagnols-sur-Cèze et inventeur du Bâton de Jacob, un instrument de mesures angulaires très utilisé à cette époque.

A Nîmes, l’éclipse du 12 mai 1706, à la demande des Consuls réunis en Assemblée, est consignée dans la partie des registres de la Ville consacrée au cérémonial :

« Le mercredy 12e may 1706, Veille de l’ascension de nostre Seigneur à dix heures du matin, dans le temps que Messieurs les Consuls, estant dans la maison Consulaire, travailloient aux affaires de la Ville, il est arrivé une éclipse totale du Soleil qui a duré trois quarts d’heure ; La plus grande qu’on eust encore veu depuis plusieurs siècles ».

Elle est aussi observée avec des instruments à Montpellier par Plantade et Clapiès. à Avignon par le nîmois Bonfa, à Arles par Davizard, à Béziers par Mairan et à Narbonne par Pailhoux et l’abbé Pech.

Dans tout le sud de la France, l’éclipse totale de 1842 a fait l’objet d’un réseau d’observateurs coordonné par Arago.

Montpellier et les éclipses de Soleil

Au plan historique, Montpellier est la seule ville où toutes les éclipses totales ont été observées durant son histoire millénaire.

C’est ce qui ressort de l’étude « Montpellier et les éclipses de Soleil » de Jean-Michel Faidit et Patrick Rocher, éditée par le Centre Culturel de l’Astronomie avec un dossier de cartes présentant les éclipses visibles depuis la cité, durant le millénaire écoulé… et celui à venir.

On trouve six chroniques entre 1178 et 1415 dans le Petit Thalamus de Montpellier pour les éclipses médiévales. Si les éclipses annulaires de 1044, 1153, 1207 et 1270 semblent passées inaperçues avec une obscurité insuffisante résultant du cercle de lumière restant, il n’en est pas de même des éclipses totales des 13 septembre 1178, 3 juin 1239, 1er janvier 1386 et 7 juin 1415, ainsi que deux éclipses très fortement partielles depuis la cité, les 14 mai 1333 et 26 septembre 1354. (fig. 2)

L’éclipse de 1415 recalculée au XVIIIe siècle par les astronomes
Fig. 2 L’éclipse de 1415 recalculée au XVIIIe siècle par les astronomes de la Société Royale des Sciences de Montpellier.
Observations de l’éclipse totale du 12 mai 1706 à Montpellier
Fig. 3 Observations de l’éclipse totale du 12 mai 1706 à Montpellier. (Registre de la Société Royale des Sciences / Archives Départementales de l’Hérault)

A partir du XVIIIe siècle, vient l’époque des observations scientifiques avec des relevés précis des instants et des différentes phases occultées. L’éclipse de 1706 est la première éclipse totale observée avec des lunettes astronomiques après leur introduction par Galilée. L’observation près de la Tour de la Babote, lors de la séance inaugurale de la Société Royale des Sciences de Montpellier, a permis la première description rigoureuse de la couronne solaire par Plantade, mort en gravissant le Pic-du-Midi en 1741, couronne qui deviendra au vingtième siècle un des fleurons de l’activité de son Observatoire. Un tableau du peintre Caumette, hélas disparu à la Révolution, en donnait une exacte représentation avec les observateurs. A noter qu’à Barcelone, ville de nos jours jumelée avec Montpellier, cette éclipse totale a interrompu une bataille navale, scène gravée sur une médaille commémorative. (fig. 3)

L’éclipse de 1842 est observée depuis la Cathédrale Saint-Pierre par le jeune Édouard Roche, qui mettra le doigt, sept ans plus tard, en 1849, sur une notion aux multiples applications en astronomie, les limites de Roche.

Des missions scientifiques sont aussi organisées pour aller observer les éclipses de 1860 et 1905, totales en Espagne. En 1860, la mission est conduite par Jean-Nicolas-Legrand, professeur d’astronomie à l’origine de l’Observatoire du Jardin des plantes avec un don posthume ayant permis l’acquisition d’un télescope de Foucault installé sous sa coupole, édifiée en 1879 et réhabilitée en Planétarium en 1989.

L’éclipse du 28 mai 1900 fait l’objet d’une mission commune des Universités de Montpellier et de Toulouse à Sfax en Tunisie et à Elche en Espagne, réunissant le Pr Lebeuf et deux amateurs exceptionnels, Marcel Moye, visionnaire de l’astronautique, et Gustave Tramblay, pionnier de la photographie céleste.

En 1905, pour l’éclipse du 30 août, c’est quasiment toute la Société Astronomique Flammarion de Montpellier qui se transporte à Alcalà de Chisbert, éditant ses observations dans une plaquette « A la poursuite d’une ombre ».

Enfin, l’éclipse du 15 février 1961, totale au petit matin au nord de Montpellier, aux alentours de Nîmes et d’Avignon, a mobilisé une mission d’observateurs à l’Abbaye de Saint-Michel de Frégolet, près de Tarascon. Pierre Vauriot, professeur de Mathématiques au Lycée Joffre, en a délivré un émouvant témoignage dans la revue l’Astronomie de la Société Astronomique de France : « L’impression éprouvée lors d’une éclipse totale a été maintes fois exprimée et décrite, mais il faut la ressentir pour apprécier l’intense émotion que provoque l’insolite grandeur du phénomène ».

Si l’éclipse de cette année 2015, partielle dans notre région, a été éclipsée par les conditions météorologiques, elle l’aurait été aussi par les circulaires de l’Éducation nationale, invitant à cloisonner les élèves dans les classes et à supprimer les récréations pour éviter tout risque d’accident oculaires… On peut espérer que les outils préventifs (lunettes spéciales éclipses ou verres de soudeur, grade 14 minimum) seront largement diffusés lors des prochaines éclipses visibles depuis l’Hérault, notamment celle de 2026, totale en Espagne à Saragosse, au sud de Barcelone ou aux Baléares…

Quant à la prochaine éclipse annulaire à Montpellier, elle aura lieu le 5 novembre 2059. Et la prochaine éclipse totale – avec la nuit en plein jour – aura lieu le 4 juin 2160 en soirée, à l’heure du journal télévisé, si la télévision existe encore… [Jean-Michel FAIDIT (contact@faidit.fr)]