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Description

Avignon, le Comtat Venaissin et la contrebande du sel au XVIIIe siècle

Au yeux de nos ancêtres du 18e siècle, les possessions françaises du Saint-Siège passaient communément pour un repaire de fraudeurs et de contrebandiers. Cette mauvaise réputation largement méritée était évidemment une conséquence directe de la situation géographique et surtout politique de la ville d’Avignon et du Comtat Venaissin. Totalement enclavé entre la Provence, le Dauphiné et le Languedoc, ce pays occupait une position clé dans le réseau des voies de communication du royaume. Même si le fameux pont, rendu célèbre par la chanson, n’était plus utilisé depuis l’époque de Louis XIV, c’est à Avignon que se croisaient deux routes importantes ; l’une, après avoir suivi la vallée de la Durance, franchissait le Rhône près du confluent et continuait son chemin vers l’ouest par Nîmes et Montpellier ; l’autre, bien plus fréquentée encore, suivait la vallée du Rhône qui, depuis l’époque préhistorique, constituait un des axes majeurs du commerce européen. A partir d’Avignon, elle s’en éloignait pour passer la Durance à Bonpas et se diriger vers Aix et Marseille. Beaucoup de marchandises étaient débarquées à Avignon pour continuer leur chemin par voie de terre mais les bateaux pouvaient aussi descendre le fleuve jusqu’à Arles et éventuellement jusqu’à la mer. Pour une grande partie du trafic entre les provinces méridionales et le reste du royaume, Avignon représentait ainsi un point de passage presque obligé, aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises, tant par eau que par la route.

Politiquement, Avignon et le Comtat constituaient en droit deux états distincts, mais ils étaient réunis sous l’autorité du même souverain et tellement confondus en réalité que les Français avaient pris l’habitude de désigner ce pays sous le nom inexact de Comtat d’Avignon, à la grande fureur des habitants de Carpentras, ainsi dépouillée de son rang de capitale. Dans l’un comme dans l’autre, en vertu d’antiques privilèges soigneusement préservés, aucun impôt direct ou indirect n’était perçu au profit du souverain. On n’y connaissait donc pas ces tailles, ces vingtièmes, cette capitation, ces gabelles, ces aides ou ces traites qui, en France, pesaient si lourdement sur les sujets du roi. Aucun monopole ni prohibition au profit de l’État n’y avait cours : au début du siècle, on y trouvait en vente libre les indiennes dont la fabrication et l’usage étaient interdits en France depuis 1686 le commerce de la poudre à tirer et du tabac n’y faisait l’objet d’aucune restriction, et le sel y était débité à un prix bien inférieur à celui que les fermiers du roi pratiquaient en France grâce à leur monopole. Cette situation ne pouvait manquer d’engendrer une fraude intense et il n’y avait aucun des nombreux Français de passage à Avignon ou à Carpentras qui n’en profitât pour repartir avec quelques livres, de tabac ou de sel achetées à bien meilleur marché que dans sa patrie.

Dans les premières décennies du 18e siècle, la contrebande du tabac avait atteint de telles proportions qu’il fallut prendre contre elle des mesures radicales, au sens propre du terme, puisque, en 1734, par accord avec le Pape, la culture du tabac fut totalement interdite dans les terres du Saint-Siège. Mais pour le sel, le problème resta irritant pendant tout le siècle.

Ce produit indispensable n’était pourtant pas, par exception, en vente libre. Depuis le 17e siècle, on ne pouvait se le procurer que dans un établissement spécialisé appelé le grenier à sel. Les consommateurs venaient s’y fournir directement, à moins qu’ils ne préférassent s’adresser, moyennant quelques sols de plus, à des […]

Informations complémentaires

Année de publication

1983

Nombre de pages

8

Auteur(s)

René MOULINAS

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf