Autour du maquis Bir Hakeim 1944

* Directeur de recherche (er) CNRS, 34jcr@orange.fr

« Le passé n’est jamais mort. Il n’est même pas passé. »
William Faulkner

Monument de Mourèze
Fig. 1 - Monument de Mourèze
Marcel Compan
Fig. 2 - Marcel Compan

Depuis 1947 date de la monographie de René Maruejol et Aimé Vielzeuf (Le maquis Bir Hakeim, Nîmes, 1947) l’histoire de cette formation résistante depuis 1943, dirigée successivement par Jean Capel dit « Barot », par le Capitaine Demarne et par François Rouan dit « Montaigne », plusieurs études partielles ont vu le jour centrées sur une personne ou sur un épisode (cf. Études Héraultaises, 9, 1993, p. 59-72 ; 40, 2010, p. 329-333 ; 41, 2011, p. 236-237 ; 43, 2013, p. 185-248 ainsi que les ouvrages classiques sur la période de Gérard Bouladou, Gilbert de Chambrun… jusqu’aux témoignages recueillis par François Berriot et alii, La France Libre, la Résistance et la Déportation (Hérault, Zone Sud), Paris, 2010…).

Par ailleurs l’Association des Anciens et des Amis de ce maquis célèbre chaque année, en mai et en août, les anniversaires liés aux moments cruciaux de l’histoire.

Le temps passant certains témoignages d’acteurs peuvent être recueillis et publiés par eux, leur famille ou des historiens (Études Héraultaises, 41, 2011, p. 236-237 : Camille Verdeil) et certains mémoires universitaires prennent en compte cette formation.

Récemment la vie du jeune Marcel Compan (Fig. 2), abattu aux portes de Montpeyroux le 23 août 1944, a fait l’objet d’un témoignage familial (Renée Compan Julié, « Le Sac », Langres, 2008) et celle d’Henri Prades, dit « Pascal » a été racontée par son épouse dans un ouvrage resté confidentiel (Octon, 1996).

À Caux on célèbre chaque année l’épisode du 12 mai 1944 et l’affrontement sanglant avec les Allemands lors d’une récupération de matériel parachuté : le lieutenant Jean Lucas fut abattu. (Fig. 3)

Le 11 octobre 2014 une cérémonie a eu lieu à Lieuran-Cabrières, à l’initiative de P.-J. Bernard, avec le concours du Foyer Rural et de la Mairie, sur le lieu même où était établi le Corps Franc Léon, en hommage à Mme C. Beauclair-Ronzier-Joly, agent de liaison, et en souvenir du Capitaine Léon Glazer, alias « Bolivar » commandant ce Corps Franc, proche mais distinct du maquis Bir Hakeim. (Fig. 4 et 5)

Jean Lucas
Fig. 3 - Jean Lucas
Roube ; un inspecteur de police ; son amie ; le commandant Léon Glazer (1906-1966), et A. Anglada, lieutenant F.F.I.
Fig. 4 - En partant de la droite : Roube ; un inspecteur de police ; son amie ; le commandant Léon Glazer (1906-1966), exécuteur de hautes œuvres à la Libération sur les condamnés miliciens ou délateurs, ancien combattant en Espagne, devient chef de groupe « franc » à son arrivée (clandestine) en France, après la Libération gagne l’Amérique centrale et du sud, participe à des opérations révolutionnaires ; et A. Anglada, lieutenant F.F.I.
Sur le siège arrière, à gauche le Cdt Léon, au volant Jean Soto, à sa droite l’inspecteur Roube, et derrière lui un capitaine FFI
Fig. 5 - Sur le siège arrière, à gauche le Cdt Léon, au volant Jean Soto, à sa droite l’inspecteur Roube, et derrière lui un capitaine FFI

Aujourd’hui les survivants du maquis Bir Hakeim se comptent sur les doigts d’une main. C’est donc ici l’occasion de parler d’Etienne Guy dit « Robinson », né en 1925, habitant Palavas puis Montpeyroux en 1943, et qui rejoint le groupe dit du Rocher des Vierges, de ce maquis, à Saint-Saturnin-de-Lucian, dirigé par Henri Prades, après avoir séjourné à Mourèze, Lacoste (Cornils). De ce belvédère on pouvait surveiller tous les mouvements de la plaine et garder les contacts avec ceux des autres groupes en maquis ou résidant dans les villages. Ce groupe devait être attaqué par la Milice, sur dénonciation, mais grâce à une information venue de la Gendarmerie les maquisards purent quitter le Rocher des Vierges. Ce groupe procède à une récupération d’essence à Paulhan, à un sabotage de la voie ferrée à Rabieux, à la mise en place d’une équipe à la Taillade pour couper la route à une colonne en août 2014. La Libération arrivée, comme tant d’autres, Etienne Guy va s’engager dans l’armée, d’abord la Marine à Toulon puis l’Indochine, avant de revenir vers Palavas couler des jours heureux avec sa famille… (Fig. 6).

Fig. 6 - Etienne Guy

Nous n’avons eu connaissance que récemment de la publication par Marc Bourdallé : « Camille Sallan, un résistant palavasien, [1919-1944] » (Palavas-les-Flots, mai 2004, 32 pages). Né à Cournonterral, Camille Sallan vit à Palavas puis à Montpeyroux (Fig. 7) et gagne le maquis en 1943 auprès du Capitaine Paul Demarne à Clermont-l’Hérault dont le petit groupe rejoint le maquis Bir-Hakeim en décembre. C. Sallan va participer à la plupart des actions de ce maquis et sera présent à La Picharlarié où se trouve un maquis école dirigé par Toussaint, bientôt rejoint par la Brigade Montaigne, dirigée par François Rouan. C. Sallan, le dimanche de Pentecôte 28 mai 1944 lors du terrible combat de La Parade, meurt les armes à la main. Inhumé dans une fosse commune son corps sera transféré, en octobre 1944, dans le caveau familial à Montpeyroux (Hérault). (Fig. 8)

Camille Sallan en 1943 à Montpeyroux
Fig. 7 - Camille Sallan en 1943 à Montpeyroux. (Photo : M et Mme Balseinte, nièce de Camille)
Caveau familial à Montpeyroux. (Photo : Marc Bourdallé)
Fig. 8 - Caveau familial à Montpeyroux. (Photo : Marc Bourdallé)

C’est pour rendre hommage à la Légion étrangère – qui s’illustra au cours des combats de Bir Hakeim (Lybie) du 26 mai au 11 juin 1942 -que Jean Capel (Commandant Barot) baptise du nom de Bir Hakeim (Fig. 9/10), le maquis qu’il fonde en 1943 et qui mènera des opérations jusqu’à la Libération de Montpellier.

Insigne tiré à 225 exemplaires en février 1945 portant la devise de la Légion étrangère «Marche ou crève», en forme de losange orné d’une croix de Lorraine

Fig. 9/10 - Insigne tiré à 225 exemplaires en février 1945
portant la devise de la Légion étrangère «Marche ou crève», en forme de losange orné d’une croix de Lorraine
cet insigne n°257C fut attribué à Etienne Guy alias "Robinson".

Le maquis Bir Hakeim a largement donné sa part aux luttes d’avant la Libération : au-delà un bon nombre des ses membres a voulu continuer le combat et s’est engagé, avec la 1ère armée, vers l’Alsace et l’Allemagne jusqu’en 1945. Certains d’entre eux ayant signé un engagement « jusqu’à la fin de la guerre » furent obligés de continuer dans l’Armée et combattirent en Indochine sinon même en Algérie. La boucle était bouclée et aujourd’hui seul le souvenir chez les survivants et leurs familles et le travail des historiens permettent de donner sa place, éminente, au plus célèbre des maquis du département de l’Hérault (1).

– Annexe –

LE RAPPORT ALLEMAND sur le COMBAT de LA PARADE

[Le combat de la Parade le 28 mai 1944 (Fig. 11) qui a entraîné la mort d’une centaine de membres du Maquis Bir Hakeim, a donné lieu à une relation dans les ouvrages concernant ce maquis. Le rapport qui suit est de source allemande. Il complète les ouvrages précédents et montre d’une part que l’intervention militaire n’était pas un hasard et, d’autre part, qu’il y a eu une véritable stratégie avec l’utilisation de moyens en face desquels les « Birakins » avaient peu de chance de s’opposer victorieusement.]

Cérémonie du 60e anniversaire du 28 mai à La Parade
Fig. 11 - Cérémonie du 60e anniversaire
du 28 mai à La Parade

Dédié à tous ceux qui insinuèrent que Dutruch, Bruguière, Sorrant et Bretou, responsables de l’assassinat de 60 patriotes, avaient peut-être été condamnés à tort.

Des pièces de la première importance ont été saisies à Lyon dans les archives de la Gestapo.

La population de Lozère n’est pas près d’oublier le sanglant combat qui se déroula le 28 mai à la Parade, et au cours duquel 59 F.F.I. trouvèrent la mort : 32 moururent en combat, et 27 prisonniers, après avoir subi pendant une nuit entière les plus atroces tortures dans les caves de la Gestapo à Mende, furent fusillés le 29 mai au col de la Tourette, à Badaroux. On compta à peine une dizaine de survivants…

Comment un groupe homogène, bien entraîné, commandé par des officiers « expérimentés », et qui avaient fait ses preuves non seulement dans la guérilla, mais même dans les combats importants (attaqué par près de 2 000 SS Allemands à Saint-Étienne-Vallée-Française, s’en tirait en perdant un seul homme et sans abandonner une arme), comment un tel groupe avait-il pu être ainsi anéanti, sinon par la trahison ?

Les quatre coupables de cette trahison furent arrêtés, jugés, condamnés. Trois furent exécutés. Le quatrième bénéficia d’une clémence dont nous laisserons à chacun le soin d’apprécier l’opportunité en lisant le rapport que nous publions aujourd’hui.

L’original de ce rapport secret de l’État-Major allemand saisi dans les archives de la Gestapo à Lyon est actuellement entre les mains du Mouvement « Allemagne Libre » à Lyon (Le Mouvement « Allemagne Libre », groupe tous les antiracistes allemands qui ont travaillé à nos côtés pour abattre le nazisme, fléau de leur pays).

Nous livrons ce rapport, sans commentaires, aux méditations du public.

Freiw. Stam Reg 2.
Abt. I Atgb, n° 25144
Secret G.U.
le 29 mai 1944.

ENTREPRISE CONTRE LES TERRORISTES Sur le Causse Méjean 50 km Sud-Ouest de Mende Ref Téléphoniques du 28-5 et du 29-5-44
Ci-joint : 1 rapport sur l’opération. Freiw. Stamm Division,
Abt. I a
(Division de volontaires Section I a)
LYON.

Pour l’utilisation du rapport ci-joint, sur l’opération contre le groupe de terroristes sur le Causse Méjean, le régiment remarque ce qui suit :

1° Cette entreprise peut être considérée comme un succès rare, complet, et absolu. Un groupe fort, homogène, parfaitement entraîné, équipé et armé sous la conduite d’officiers de carrière expérimentés, comprenant 67 hommes, n’a pas été seulement battu mais (sauf la partie se trouvant ailleurs) presque entièrement détruit. La perte d’un sergent-chef Allemand et de 8 légionnaires est dure, mais le sacrifice est infime par rapport au résultat obtenu. L’engagement d’une unité allemande aurait certainement coûté les mêmes sacrifices que celui de l’unité arménienne.

2° Le succès de l’entreprise peut être probablement attribué en grande partie au fait que l’opération a pu être effectuée le matin de Pentecôte. Les terroristes se sentaient apparemment en sécurité relative pendant la fête, vu que selon leur expérience les autorités françaises et allemandes entreprenaient rarement quelque chose pendant les jours fériés.

Malgré le succès remarquable, il est nécessaire, dans le but d’éviter des revers qui pourraient se produire dans des opérations futures de ce genre, de noter certains manquements pendant cette entreprise.

3° Le principal inconvénient, vu l’équipement actuel de la troupe et la dotation modeste des États-Majors de liaison, a été et est encore la question des transports. Des entreprises de ce genre ne peuvent être exécutées par des marches à pied.

Le Groupe Nord avait à parcourir pour cette entreprise, qui ne le conduisait pas même jusqu’à la limite du département, une distance préliminaire de 60 km. Le Groupe Sud avait une distance de 90 km, vu qu’il était obligé de contourner à cause du manque de routes. L’utilisation de véhicules automobiles est donc indispensable surtout puisque les groupes de terroristes sont toujours motorisés et peuvent ainsi facilement échapper à une troupe à pied.

La légion ne dispose pas même des véhicules nécessaires au transport d’une Compagnie. Ses possibilités maximum sont le transport d’une section. Les États-Majors de liaisons doivent pour chaque « opération d’envergure nécessitant des véhicules à essence » demander selon les règlements en vigueur, l’autorisation préalable de l’État-Major principal de liaison, par cela ces entreprises deviennent souvent illusoires. Si l’on adresse les demandes par écrit, l’engagement des troupes est retardé et arrive toujours trop tard. Si l’on adresse les demandes par téléphone, les communications sont captées par les Français, et les groupes de terroristes peuvent être avertis à temps. Pour éviter ces inconvénients, l’État-Major de liaison a eu recours cette fois-ci à des véhicules à gazogène. Mais ceci n’est généralement possible qu’après avoir informé 24 heures à l’avance l’administration française des Ponts et Chaussées. Cette fois-ci le samedi de Pentecôte nous a servi, vu que les camions étaient tous libres. Mais en outre, il y a un grand danger de trahison et de sabotage caché. Dans le rapport ci-joint nous remarquons comment de nombreux chauffeurs et propriétaires de camions ont fait leur possible pour retarder le départ. Le danger était en l’espèce d’autant plus grand qu’on a trouvé que plusieurs hommes de la bande étaient originaires de Mende et qu’ils avaient gagné le camp des terroristes que quelques jours avant. Ils avaient certainement encore quelques amis en ville et IL EST PRESQUE MIRACULEUX QU’ILS N’EN AIENT PAS ÉTÉ AVERTIS. Par précaution, la destination indiquée à l’administration des Ponts et Chaussées était Millau aller-retour. Mais ceci n’était qu’une sécurité infime.

Le régiment propose donc avec insistance de mettre à la disposition du régiment ou de l’État-Major de liaison une certaine quantité de camions à essence ou de gazogènes de bonne qualité qui seront spécialement destinés à des entreprises de ce genre (éventuellement par réquisition de camions à essence français n’étant pas utilisés etc.). La troupe de son côté mettra tout en œuvre pour instruire des chauffeurs pour conduite à gazogène.

4° Le combat contre les terroristes serait considérablement facilité si on pouvait mettre à la disposition d’un ou deux départements un tank ou une voiture blindée de reconnaissance ou au moins un camion blindé. Il n’est pas nécessaire que ce soient les modèles les plus récents. Avec cela les bandes pourront généralement être surprises et vaincues avec succès, leur résistance pourrait être rapidement brisée. Si la mise à la disposition de véhicules blindés est impossible, nous prions de mettre à la disposition des Légions 1 à 2 camions d’infanterie, un camion léger de campagne à traction automobile, ou un camion anti-char lourd par Légion, pour vaincre rapidement les bandits qui se fortifient dans les maisons et fermes. Comme l’indique le rapport annexe les fermes de cette région sont de construction particulièrement solide et ne peuvent être détruites par des lance-grenades et très difficilement par des canons anti-char.

5° En outre les moyens de transmission du régiment ont besoin d’être complétés. Plusieurs fois il a été démontré qu’il était particulièrement difficile d’établir la liaison entre 2 groupes de combat venant de deux directions opposées vers un groupe de terroristes, par des estafettes devant faire de longs détours. Le câble ne peut pas remédier à cette situation vu qu’il ne peut être posé qu’après l’encerclement complet dans une petite étendue des terroristes. C’est pour cela que nous demandons de toute urgence 2 appareils T.S.F. émetteurs transportables à dos d’homme. Le personnel nécessaire au fonctionnement de ces appareils est sous la main et peut être instruit à bref délai.

6° L’influence de l’entreprise sur le moral de la population française est particulièrement à remarquer. Depuis ce matin on peut observer dans la ville des petits groupes d’hommes et de femmes discutant de cet événement avec des mines abattues. Plusieurs officiers ont été félicités de ce succès par leurs logeurs civils, DANS UN CAS MÊME PAR LA REMISE D’UN BOUQUET DE FLEURS. Ces gens-là (PROBABLEMENT DE MILIEUX RICHES AYANT QUELQUE CHOSE A PERDRE) ont donné libre cours à leur joie sur la destruction des gaullistes. Les jeunes gens au contraire sympathisent avec les gaullistes. (Par exemple plusieurs membres de l’union sportive de Mende avaient adhéré chez les Gaullistes) et prennent maintenant une attitude hostile. Du point de vue de notre défense, il est très favorable que la population soit ainsi divisée et que les parties se discernent clairement.

7° Un autre résultat très favorable est que les milieux français seront maintenant beaucoup plus disposés qu’avant à fournir aux autorités allemandes à Mende les renseignements sur les troupes des terroristes. Par exemple, le 29-5-44 le BRIGADIER DE LA GENDARMERIE DE MEYRUEIS, qui menait le détachement d’enterrement à la Borie, s’avança discrètement vers le commandant du régiment et l’informa d’un autre camp de terroristes dans son secteur AVEC LA PROMESSE DE COMMUNIQUER quand les terroristes seront avec certitude absents de ce camp. Avec eux le chef du Chantier de Jeunesse de Meyrueis dévalisé par les terroristes le 19­5-44 était venu à la Borie. Après proposition d’employer ce monsieur parlant allemand comme interprète entre le chef de gendarmerie et le commandant du régiment, le chef de gendarmerie fit un geste négatif, étant donné que le monsieur en question « porterait sur les deux épaules ». (= ne serait pas s r).

8° Par les succès de l’entreprise de Pentecôte, d’autres groupes de terroristes ont été portés à la connaissance des Légions et des États-Majors de liaison. Dans tout le secteur du stationnement du régiment les groupes de terroristes augmentent de semaine en semaine. Probablement ces forces se concentrent dans ce département du Massif central conformément à un ordre précis. Vu que nous avons l’intention d’entreprendre dans un bref délai d’autres opérations de ce genre, pour être tranquilles pour l’instruction des troupes, le régiment prie de renforcer le plus possible les effectifs et de compléter les stocks de munitions.

9° Le régiment espère que le commandement de la zone Sud ne refusera pas aux désirs d’amélioration de l’équipement, formulé dans les paragraphes 3 à 5, M. le Général Niehoff dans sa visite à Mende le 16-5-44 stimula le commandant du régiment à une activité courageuse et une activité de propre initiative contre cette bande et promit tout l’appui qu’il lui sera possible de donner.

Signé : BOEHME
Des États-Majors de Liaison 989 Mende
S.D. (Service de Sécurité) Mende.
Légion arménienne tartare du Wolga Azerbaïdjan.
Archives.

Freiw Stamm Rgt 2
O.U. le 29 mai 1944
Abt. I a Az 8.
Tgb Nr 251/44 geh.
Pièce jointe 1.

ENTREPRISE CONTRE LES TERRORISTES Sur le Causse Méjean 50 km Sud-Ouest de Mende
Relatif : conversation téléphonique du 28-5 et du 29-5-44.

– I –

Le 27-5 vers 18 h., L’État-Major de liaison 989 Mende informa verbalement (par le capitaine Mulzer et le lieutenant Buchheim) des faits suivants :

UN MESSAGE CHIFFRÉ ÉMANANT DE LA GENDARMERIE DE FLORAC A ÉTÉ TRANSMIS PAR LE PRÉFET DE MENDE A 15 h 30 :

« Important groupe terroriste Causse Méjean-Poste Commandant, Château Lapeyre à la Borie, commune de la Parade, réquisition bétail et fours. Routes barrées par armes automatiques ».

D’après l’opinion de l’État-Major de liaison les rapports suivants sont en relations directes avec ce message.

— Le 26-5-44, la police française a entrepris une action à la forêt de l’Aigoual, au Sud-Est de Meyrueis. Pendant ces opérations elle a incendié un hôtel où se trouvait le poste de commandement des terroristes.

— Le 26-4-44 à 18 h, un camion des P.T.T. a été arrêté sur la route de la Borie à la Parade, il a été dérobé 80 kg de fil de cuivre et des outils.

— Le 19-5-44, 70 terroristes ont attaqué Meyrueis, dévalisé un chantier de jeunesse, persuadé 4 jeunes des chantiers et un jeune homme de 17 ans de la ville de les suivre. En outre, une voiture de tourisme et un camion ont été dérobés.

— Le 26-5-44 à 5 h, un camion manifestement avec des terroristes est dirigé de Meyrueis à Ste-Énimie, à 7 h, 8 terroristes armés ont marché dans la direction.

L’État-Major de liaison demandait immédiatement une action pour l’anéantissement du groupe des terroristes. EN FAISANT RESSORTIR QUE POUR LA PREMIÈRE FOIS IL AVAIT REÇU DES NOUVELLES FRAICHES. Le régiment était immédiatement d’accord sous condition que l’État-Major de liaison règle la question des transports. D’après l’opinion de l’État-major de liaison ceci était immédiatement possible exceptionnellement vu que la circulation des véhicules français avait été interdite à partir du samedi de Pentecôte midi, et que les camions devaient déjà être dans les garages. Sur la demande du régiment, l’État-major de liaison avait commandé pour 14 heures 13 camions gazogènes français, et avait autorisé l’utilisation de deux camions à essence réservés pour le Kommando de chasse arménien.

La Légion arménienne mettait à la disposition du régiment deux compagnies de fusiliers à trois sections chacune, renforcées chacune par un groupe de mitrailleuses, un groupe de mortiers, 1 groupe de canon antitank, un groupe de pionniers.

Commandant de la formation de combat :
Capitaine Lange, de l’État-major du régiment : volontaire.
Deux commandants de compagnie :
Lieutenant Velcher, sous-lieutenant Klein, Légion arménienne.

– I I –

Les groupes de combat étaient prêts au départ entre 19 et 20 h. À 20 h. il n’y avait qu’un seul camion français, qui voulait se retourner et repartir immédiatement parce qu’il n’en trouvait pas d’autre. Après des efforts constants de l’État-major de liaison, 8 camions étaient arrivés à 1 h, dont plusieurs très petits et sans ridelles. Vers 22 h, un autre camion avait été trouvé puis à peu près vers 23 h 30 un petit autobus et enfin entre 24 h et 1 h, deux autres camions arrivaient.

L’impression qu’il y avait du côté des français du sabotage caché, était fortifiée par les faits suivants :

— 2 chauffeurs étaient dans un état complet d’ivresse vers 22 h, des chauffeurs de réserve n’étaient soi-disant pas disponibles. (En prévision de ce fait des légionnaires avaient été désignés pour conduire des camions, le cas échéant).

— 2 camions n’avaient soi-disant pas d’huile, l’État-Major de liaison devait suppléer à ce défaut.

Un camion n’avait emporté le charbon de bois nécessaire que pour un trajet de 10 km, malgré que les camions avaient été commandés pour le trajet Millau aller et retour (200 km) pour les derniers camions commandés il y avait soit disant pas de chauffeur.

Dans ces conditions le départ du groupe de combat embarqué sur les camions, ne pouvait se faire qu’à 1 h 30.

– I I I –

Le plan de combat du capitaine Lange était le suivant :

— 1 compagnie renforcée approche via Florac, jusque près d’Ispagnac, Ste-Énimie, Carnac, une section contourne à gauche, avance via Drigas. Compagnie sud approche via Florac, Fraissinet, Meyrueis P T 966 (à 1 kilomètre à l’est de Nabrigas), la moitié des forces contourne à gauche via St-Gervais, la Volpilière. Point 966. Drigas et Carnac devaient être atteints encore pendant l’obscurité selon les plans prévus à 5 heures, il devait être passé à l’attaque en se concentrant de toutes parts.

Vu le retard de la fourniture des véhicules ce plan avait dû être modifié et le début de l’attaque retardé à 8 heures.

Le sous-groupe nord, pouvait arriver à Carnac selon les plans prévus. Le groupe sud était arrivé 3 heures en retard (faute des gazogènes dans le terrain particulièrement accidenté).

Le sous-groupe nord avait réussi, sous la conduite personnelle du capitaine Lange, à 8 h 40, de surprendre les bandits qui se croyaient apparemment en sécurité, à cause de la fête de Pentecôte. Les terroristes se ressaisirent rapidement, occupaient immédiatement leurs positions d’alarme et de défense manifestement préparées à l’avance, et ouvrirent un feu nourri et bien dirigé, avec des fusils, des mitraillettes et des mitrailleuses.

Vue la surprise et le fait que le capitaine Lange avait engagé ses forces en débordant par les deux ailes, les bandits n’avaient aucune possibilité d’échapper, et étaient obligés de se défendre dans la Borie même.

CECI ÉTAIT FAIT ADROITEMENT ET AVEC UNE ÉNERGIE MORDANTE DE LA PART DES TERRORISTES QUI SE SONT MONTRÉS PARFAITEMENT ENTRAÎNÉS.

On s’est aperçu plus tard qu’ils avaient été dirigés par des officiers de carrière expérimentés, un commandant et un capitaine français.

Nous avons réussi à approcher autour de la Borie. Un assaut sur tous les édifices, de la minuscule localité (un château délabré et quatre à cinq petites maisons) auraient coûté des sacrifices disproportionnés. C’est pour cela que les terroristes avaient été encerclés, et des canons anti-tank et lance-grenades utilisés.

Il a été démontré que contre les maisons solidement construites l’effet des lance-grenades ainsi que des canons anti-char était infime. C’est pour cela que le capitaine Lange envoya dans l’après-midi un camion et une voiture avec quelques blessés et les troupes de couverture nécessaires à l’arrière et demanda des renforts, surtout en ravitaillement et en munitions pour les armes lourdes.

Avant l’arrivée des forces mises en route par la Légion le combat avait déjà décidé en notre faveur. On s’est aperçu plus tard que le commandant ainsi que le capitaine avaient été tués pendant le combat, par cela la résolution de combattre des terroristes a été brisé, à 17 h, après invitation faite en utilisant l’intermédiaire d’un prisonnier (dix bandits avaient été faits prisonniers pendant l’attaque), ils arborèrent le drapeau blanc.

Des rapports exacts de combat du capitaine Lange et des commandants de compagnie seront envoyés ultérieurement.

– I V –

Les résultats du combat connus jusqu’à ce jour sont les suivants :

— 25 morts ennemis ; 27 prisonniers dont la moitié blessés.

D’après les dires des prisonniers, 60 hommes environ se trouvaient présents le matin. A peu près 20 hommes se seraient trouvés en dehors pour une opération. Par conséquent il faudra compter qu’à peu près 10 hommes se seraient échappés au début du combat.

Les résultats devenaient encore plus appréciables. Après le combat arrivaient de Millau environ 120 hommes de troupes allemands dont à peu près 50 hommes des troupes de renseignements de l’air (9L. H. 13). Sur leur demande de participer encore aux opérations, le capitaine Lange leur confia la garde de nuit et les recherches dans le terrain, vu l’état d’épuisement physique de la troupe arménienne. Pendant ces opérations 11 terroristes ont été retrouvés dans les alentours dont 3 sont morts après le combat, le reste a été fusillé à l’aube pour avoir été pris les armes à la main.

En outre des hommes du H.V.L. de Millau ont trouvé dans la forêt, près du cimetière de la Parade, 4 terroristes morts, dans des positions qui ne laissaient aucun doute que ces terroristes avaient été blessés et avaient réussi à s’échapper, mais vaincus par la fatigue ils étaient tombés là, et avaient trouvé la mort. Dans cette zone il n y a pas eu de combats. Les 27 prisonniers avaient été remis le 29-5-44 au S.D. de Mende et après interrogatoire d’une partie, ont été fusillés.

Par cela cette bande avec ses effectifs du 28-5-44 au matin, a été presque complètement détruite. Il s agit de 67 hommes presque tous bien entraînés conduits comme il a été déjà dit par 2 officiers français expérimentés. La bande était en uniformes et bien armée de fusils, de mitraillettes, de mitrailleuses et de pistolets. Elle disposait de munitions suffisantes de vivres, véhicules automobiles, carburant et de bon habillement. Les terroristes portaient l’uniforme français et la croix de Lorraine sur la coiffure de campagne. Ils avaient des « papiers militaires » comme membres de l’armée secrète de Gaulle et possédaient des bons de réquisition pour des saisies. Ils étaient pour la plus grande partie des Espagnols rouges des jeunes classes, quelques évadés des chantiers de jeunesse (dont ceux de Meyrueis) plus d’autres jeunes français, entre autres plusieurs membres de l’équipe de football de l’Association sportive de Mende.

Butin pris à l’ennemi : 5 camions, 1 voiture automobile, 2 motocyclettes, 1 cuisine roulante française, des armes, des munitions, une quantité importante de carburant, de l’habillement divers, des vivres et plusieurs autres choses. Un constat exact ne peut être fait, vu la participation d’autres formations. Ainsi la Compagnie de renseignements de l’air a pris comme butin : 1 camion, plusieurs centaines de litres de carburant (huile lourde), des couvertures, des vivres (surtout pomme de terre et farine) peut-être aussi quelques armes. Le groupe de combat fourni par la H.V.L. Millau (trésorier d’État-Major Voegels) n’a pris certainement que des munitions. Des enquêtes sont en cours, un état exact du butin sera fourni ultérieurement.

– V –

Nos propres pertes se montent à :

— 1 sergent-chef allemand ; 8 légionnaires morts, 5 blessés.

Pour la Compagnie de renseignements de l’air : 1 blessé léger (à la main), probablement par nos propres forces dans la mêlée.

L’état des blessés est très satisfaisant, une blessure au ventre, s’est révélée après opération comme probablement sans danger de mort.

Signé : BOEHME

Dest Div. Volontaires I A., État-Major de liaison 989 Mende, S. D. Service de sécurité, Mende,
Légion arménienne, Légion tartare du Volga, Légion Azerbaïdjan, Archives.

NOTES

(1) Nous adressons nos remerciements à l’Association des Anciens et Amis et à son président R. Granier, à Mme Renée Compan Julié et sa famille, à Éric Gallaud de Caux, à P.-J. Bernard et sa famille, à Mme Beauclair-Ronzier Joly et sa famille, à Etienne Guy et sa famille et aux historiens de l’AERI-Lozère.