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Description

Au jeu des comparaisons Plantes, hommes et animaux

A l’occasion d’un travail de recensement des noms de plantes en langue d’Oc ayant rassemblé environ 5 000 vocables, nous avons constaté qu’un certain nombre d’appellations faisaient référence à diverses parties des corps animal ou humain, ainsi qu’à des objets usuels.

La tentation était grande de les regrouper pour analyser de plus près ce genre d’inspiration populaire. En fait, apparemment partout présents dans les listes, ces termes, une fois isolés, se réduisaient à quelque 350… Nous avions été le jouet de la prégnance de connotations appartenant au domaine le plus familier qui soit, celui du corps ! Encore faut-il remarquer sur ce point une disproportion flagrante : même pas 25 termes se référant au corps humain et près de deux cents pour les animaux. Comme si la création – car, il y eut bien création du mot ou de l’expression, même si nous ignorons quand et comment elle s’est produite -, comme si, donc, cette création n’avait utilisé comme référence à l’homme que quelques termes, alors que les mêmes et d’autres propres aux animaux étaient largement employés. Des deux côtés, la tête, les yeux, les oreilles, la barbe sont amplement évoqués, à l’exclusion de tout ce qui appartient à l’intime du corps. Sauf une exception de taille – si l’on peut ainsi dire – : le nombril de Vénus ! On pourrait croire à une sorte de retenue pour mettre en scène le corps humain, alors qu’avec les animaux, il n’y a pas à se gêner ; ne trouve-t-on pas là une indication sur l’attitude de l’Église au Moyen-âge relativement à tout ce qui touchait le domaine corporel ? Tandis qu’avec les bêtes, le verbe est libre, et vaste le champ : la variété des espèces d’une part, celle des aspects des diverses parties du corps d’autre part, autorisent une multitude de comparaisons.

On perçoit dans cet ensemble une sorte de poésie populaire originale, dans la mesure où la poésie est l’art de transformer en mots évocateurs la vision des banales images quotidiennes. Façon de voir ce que tout le monde ne remarque peut-être pas… Façon de dire avec des mots banaux, mais pas à la manière de tout le monde ! Ce n’est pas l’Œillet des poètes qui nous contredira, lui qui, en Oc, est « l’uèlh de poèta » : l’œil du poète grand ouvert sur le monde, au contraire de « l’œillet » français, pauvre diminutif qui a fait carrière dans la chaussure !

Pour présenter la liste qui suit, nous sommes allés fort prosaïquement de la tête aux pieds et l’on notera immédiatement que ce sont ces deux extrémités du corps qui fournissent la moisson de termes la plus abondante. Cela porte à s’interroger, mais la réponse parait aisée : ni les bras de l’homme, ni les ailes des oiseaux, ni les pattes des quadrupèdes n’offrent, le plus souvent, matière à de pittoresques comparaisons. Tandis que la tête, avec ses oreilles, ses yeux, sa barbe, sa bouche (pour le nez, il faudra attendre Cyrano !), tandis que les pieds, avec leurs doigts, griffes ou sabots !…

Reste à savoir, bien sûr, dans quelle mesure la fantaisie ou l’à-peu-près sont présents dans ces diverses dénominations. C’est ce qu’une rapide revue va nous permettre de préciser. Chemin faisant d’ailleurs, le lecteur fera peut-être après nous une expérience singulière: lorsqu’on cherche dans sa mémoire le trait commun qui unit la plante et l’objet de référence, on a parfois du mal à se remémorer exactement celui-ci : ainsi, comment sont faits précisément un œil de vache ?, un œil de perdrix ?, une patte d’alouette ? … Preuve simplement que nous avons perdu, à notre grand dam, cette familiarité avec la nature que possédaient nos ancêtres. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1996

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Pierre TRINQUIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf